B. QU'EST-CE QUE LA "CONVERGENCE JURIDIQUE" ?
L'Institut monétaire européen a établi un
" vademecum " de la convergence juridique, qui peut servir
de grille
d'analyse au présent projet.
Le SEBC aura la compétence et la charge exclusives d'élaborer et
de mettre en oeuvre la politique monétaire. Cette indépendance
vis-à-vis des autorités politiques permettra au SEBC
d'élaborer une politique monétaire axée sur l'objectif de
stabilité des prix inscrit dans les statuts. Cette indépendance
suppose également que le Système dispose des pouvoirs
nécessaires à la mise en oeuvre des décisions de politique
monétaire.
L'indépendance de la banque centrale est essentielle pour la
crédibilité du passage à l'Union monétaire et
constitue ainsi une condition préalable à l'Union
monétaire. Les aspects institutionnels de l'Union monétaire
supposent que les attributions monétaires actuellement détenues
par les Etats membres soient exercées au sein du nouveau système.
L'indépendance d'une banque centrale trouve ses limites dans les statuts
définissant son objectif et l'étendue de ses pouvoirs ainsi que
dans l'examen de son action par le pouvoir judiciaire.
L'IME a dressé une liste des caractéristiques de
l'indépendance des banques centrales, en établissant une
distinction entre l'indépendance institutionnelle, personnelle et
financière. Cette analyse de l'IME repose sur plusieurs
hypothèses fondamentales :
- l'indépendance des banques centrales est nécessaire
à l'exercice des pouvoirs et à l'accomplissement des missions et
tâches que le Traité et les statuts assignent à la BCE et
aux banques centrales nationales (BCN) ; c'est dans cette perspective qu'il
faut considérer les différentes caractéristiques de cette
indépendance ;
- ces dernières ne doivent pas être considérées
comme une sorte de droit communautaire dérivé, débordant
le cadre du Traité et des statuts, mais comme des points de
repère pour guider l'appréciation portée sur
l'indépendance des BCN ;
- l'indépendance des banques centrales n'est pas un sujet qui peut
se réduire à des formules arithmétiques ni faire l'objet
d'une application mécanique et la façon dont elle est
réalisée pour chacune des BCN doit donc être
appréciée au cas par cas.
1. L'indépendance institutionnelle
L'indépendance institutionnelle
constitue une
caractéristique de l'indépendance des banques centrales à
laquelle il est expressément fait référence à
l'article 107 du Traité, repris à l'article 7 des statuts. Ces
articles interdisent à la BCE, aux BCN et aux membres de leurs organes
de décision de solliciter ou d'accepter des instructions des
institutions ou organes communautaires, des gouvernements des Etats membres ou
de tout autre organisme. Ils font également obligation aux institutions
et organes communautaires et aux gouvernements des Etats membres de ne pas
chercher à influencer les membres des organes de décision de la
BCE ni des organes de décision des BCN susceptibles d'être
impliqués dans la conduite des missions relatives au SEBC
2(
*
)
.
La référence aux missions et tâches du SEBC dans l'article
107 du Traité signifie que l'obligation d'indépendance s'applique
à toutes les missions relatives au SEBC. Dans d'autres domaines
d'activité, il n'est pas interdit de donner des instructions. Cela
concerne notamment la réalisation, par les BCN, d'autres missions
autorisées dans les limites de l'article 14.4 des statuts, qui dispose
que les BCN peuvent exercer d'autres fonctions que celles
spécifiées dans les statuts, à moins que le Conseil des
gouverneurs ne décide, à la majorité des deux tiers des
suffrages exprimés, qu'elles interfèrent avec les objectifs et
missions du SEBC.
Cette interdiction de donner des instructions et de tenter d'exercer une
influence s'applique à toutes les sources d'influence extérieure
s'exerçant sur les BCN dans des domaines relatifs au SEBC qui les
empêcheraient de respecter le Traité et les statuts.
Les droits suivants de tiers (exemple : Gouvernement ou Parlement) sont
incompatibles avec le Traité et/ou les statuts et requièrent donc
une adaptation :
·
Le droit de donner des instructions :
Les droits reconnus à des tiers de donner des instructions aux BCN ou
à leurs organes de décision sont incompatibles avec le
Traité et les statuts dans les domaines touchant aux missions du SEBC.
·
Le droit d'approuver, de suspendre, d'annuler
ou de différer des décisions :
Les droits reconnus à des tiers d'approuver, de suspendre, d'annuler ou
de différer des décisions des BCN sont incompatibles avec le
Traité et les statuts pour les domaines intéressant les missions
du SEBC.
·
Le droit de censurer des décisions pour des
raisons juridiques :
L'existence d'un droit de censure, pour des raisons juridiques, de
décisions relatives à l'accomplissement de missions relatives au
SEBC est incompatible avec le Traité et les statuts, car il ne doit pas
pouvoir être fait obstacle au niveau national à l'accomplissement
des missions en question. Cela ne découle pas seulement de
l'indépendance de la banque centrale, mais aussi de l'obligation plus
générale d'intégration des BCN au SEBC. Par ailleurs, le
droit, pour un gouverneur, de censurer des décisions pour des raisons
juridiques et de les déférer ensuite aux autorités
politiques pour qu'elles se prononcent équivaudrait, bien qu'un
gouverneur de banque centrale ne puisse être considéré
comme un " tiers ", à solliciter des instructions auprès
d'instances politiques, ce qui est contraire à l'article 107 du
Traité.
·
Le droit de participer aux organes de décision
d'une BCN assorti d'un droit de vote :
La participation aux organes de décision d'une BCN de
représentants d'autres instances (par exemple le gouvernement ou le
Parlement) disposant d'un droit de vote sur des sujets en rapport avec
l'accomplissements par les BCN, de missions relatives au SEBC est incompatible
avec le Traité et les statuts, même si ce vote n'a pas de
caractère décisif.
·
Le droit d'être consulté
(préalablement) sur les décisions d'une BCN :
Une obligation statutaire explicite de consultation des autorités
politiques par une BCN, qui suppose l'existence d'un mécanisme formel
destiné à faire en sorte que leur point de vue influe sur la
décision finale, est incompatible avec le Traité et les statuts.
Il convient de noter que, dans la phase III, la responsabilité
première de l'accomplissement des missions du SEBC relève du
Conseil des gouverneurs de la BCE. Le dialogue avec des instances politiques
interviendra donc essentiellement au niveau communautaire. Toutefois, le
Traité et les statuts ne s'opposent pas à un dialogue entre les
BCN et leurs instances politiques nationales respectives, même dans
l'hypothèse où il reposerait sur une obligation statutaire de
donner des informations et de confronter des opinions, sous réserve
toutefois que :
- cette situation ne porte pas atteinte à l'indépendance des
membres des organes de décision des BCN ;
- qu'elle n'empiète pas sur les compétences de la BCE et ne
mette pas en cause l'obligation de rendre compte du SEBC au niveau
communautaire, non plus que le statut spécial du gouverneur agissant en
tant que membre des organes de décision de la BCE ;
- et que les obligations de confidentialité prévues par les
statuts du SEBC soient respectées.
L'indépendance des banques centrales est étayée par la
disposition des statuts prévoyant
la stabilité du mandat des
membres des organes de décision du SEBC
. En vertu de l'article 14.2
des statuts, les statuts des BCN doivent en particulier prévoir une
durée d'au moins cinq ans pour le mandat d'un gouverneur. Il garantit
également que les gouverneurs ne puissent pas être
révoqués de façon arbitraire, en stipulant que ceux-ci ne
peuvent être relevés de leurs fonctions que s'ils ne remplissent
plus les conditions nécessaires à l'exercice de leur charge ou
s'ils se sont rendus coupables d'une faute grave; ils bénéficient
également d'une possibilité de recours auprès de la Cour
européenne de justice.