EXPOSÉ GÉNÉRAL

Mesdames, Messieurs,

Le Sénat est appelé à examiner en première lecture le projet de loi relatif à l'application de la convention du 13 janvier 1993 sur l'interdiction de la mise au point, de la fabrication, du stockage et de l'emploi des armes chimiques et sur leur destruction.

Ce texte, déposé par le Gouvernement de M. Alain Juppé, a été renvoyé pour son examen au fond à notre commission des Affaires économiques et du plan, dont le rapporteur est notre collègue M. Francis Grignon. Ce projet de loi contenant de nombreuses dispositions, notamment pénales, relevant directement du domaine de compétence de votre commission des Lois, celle-ci a souhaité se saisir pour avis de ces articles.

L'étude d'ensemble relevant de la commission saisie au fond, votre rapporteur se limitera à analyser les dispositions examinées par la commission des Lois et à présenter ses principales observations ainsi que les amendements qu'elle vous propose d'adopter.

I. LE CONTEXTE JURIDIQUE DU PROJET DE LOI : LES OBLIGATIONS RÉSULTANT DE LA CONVENTION DU 13 JANVIER 1993

Sans revenir dans le détail sur le contenu de la Convention de Paris du 13 juin 1993, que notre collègue M. Guy Penne avait parfaitement présenté lors de l'examen par le Sénat du projet de loi autorisant sa ratification 1( * ) , votre rapporteur pour avis croit utile de rappeler les grandes lignes de ce texte dans la mesure où elles constituent le socle du présent projet de loi.

En effet, en vertu de l'article VII de ladite Convention, chaque État partie s'engage à adopter les mesures nécessaires pour s'acquitter des obligations contractées.

Il lui appartient notamment de promulguer une législation pénale aux fins d'interdire " aux personnes physiques et morales se trouvant en quelque lieu de son territoire (...) d'entreprendre quelque activité que ce soit qui est interdite à un Etat partie " par la Convention. Parmi ces activités interdites, on citera (article premier de la Convention) :

- la mise au point, la fabrication, l'acquisition, la conservation, le transfert ou l'emploi d'armes chimiques ;

- le fait d'aider, encourager ou inciter quiconque, de quelque manière que ce soit, à entreprendre une activité interdite par la Convention.

Il appartient également à chaque Etat de prendre les mesures nécessaires pour respecter les obligations suivantes :

- assurer le bon déroulement des missions d'inspection de l'Organisation pour l'interdiction des armes chimiques (OIAC) ;

- mettre fin à toute activité dans les installations de fabrication d'armes chimiques ;

- garantir que les produits chimiques toxiques et leurs précurseurs ne soient fabriqués, acquis, conservés, transférés ou utilisés " qu'à des fins non interdites par la Convention ". Cette notion de " fins non interdites par la Convention ", précisée par l'article II, § 9, de celle-ci, recouvre notamment les fins industrielles, agricoles, de recherche, médicales ou les fins de protection (celles-ci étant définies comme " ayant un rapport direct avec la protection contre les produits chimiques toxiques et la protection contre les armes chimiques ").

En ce qui concerne les produits chimiques, la Convention opère une distinction complexe entre :

- les produits chimiques dits du tableau 1, qui ont notamment pour caractéristiques d'avoir été fabriqués, stockés ou utilisés en tant qu'armes chimiques, de constituer " un risque important pour l'objet et le but de la (...) Convention en raison de (leurs) possibilités élevées d'utilisation dans le cadre d'activités interdites par la Convention " et de n'avoir " guère ou pas d'utilisation à des fins non interdites " (exemple : les moutardes au soufre ou à l'azote, la saxitoxine, la ricine ...) ;

- les produits chimiques dits du tableau 2, qui ont notamment pour caractéristiques de présenter " un risque sérieux pour l'objet et le but de la (...) Convention du fait qu'(ils possèdent) une toxicité létale ou incapacitante ainsi que d'autres propriétés qui permettraient de (les) employer en tant qu'armes chimiques " et ne sont pas fabriqués en grandes quantités industrielles à des fins non interdites par la Convention (trichlorure d'arsenic ...) ;

- les produits chimiques dits du tableau 3 qui constituent " un risque pour l'objet et le but de la (...) Convention du fait qu'(ils possèdent) une toxicité létale ou incapacitante ainsi que d'autres propriétés qui permettraient de (les) employer en tant qu'armes chimiques " et qui peuvent être fabriqués en grandes quantités industrielles à des fins non interdites par la Convention (cyanure d'hydrogène, trichlorure de phosphore ...).

Cette distinction a des conséquences sur la portée des interdictions et vérifications exigées par la Convention, lesquelles sont plus contraignantes pour les produits du tableau 1.

C'est pour adapter la législation française aux exigences de la Convention que le Gouvernement de M. Alain Juppé a déposé, en mars 1997 le présent projet de loi. Celui-ci comprend quatre-vingt un articles répartis en six titres. Rappelons que, outre le titre VI, qui prévoit l'application de la loi dans les territoires d'outre-mer et dans la collectivité territoriale de Mayotte :

· le titre premier reprend les principes posés par la Convention (interdictions, déclarations et destructions) sans énoncer de sanctions en cas de violation de ceux-ci ;

· le titre II traite du contrôle des produits chimiques autorisés, sous certaines conditions, par la Convention (règles de fabrication des produits chimiques à des fins médicales, règles relatives à leur importation, à l'exportation, au commerce, à la consommation de certains produits chimiques) ;

· le titre III est relatif aux vérifications internationales ; il prévoit notamment des accompagnateurs pour les inspecteurs de l'Organisation pour l'interdiction des armes chimiques (OIAC) ; il définit en outre les prérogatives du juge dans le cadre de ces inspections et intéresse à ce titre votre commission des Lois.

· le titre IV , relatif aux investigations nationales, permet notamment à l'autorité administrative de procéder à des enquêtes portant sur les produits chimiques et d'exiger les renseignements permettant à l'Etat de répondre aux demandes d'éclaircissement de l'OIAC ;

· le Titre V, comprenant les articles 52 à 81, est relatif aux sanctions. Ces dispositions relèvent de la compétence de votre commission des Lois.

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