EXAMEN DES ARTICLES
TITRE PREMIER
DISPOSITIONS MODIFIANT L'ORDONNANCE
N° 45-2658
DU 2 NOVEMBRE 1945 RELATIVE AUX CONDITIONS D'ENTRÉE
ET DE SÉJOUR DES ÉTRANGERS EN FRANCE
Article premier
(article 5 de l'ordonnance n°
45-2658 du 2 novembre 1945)
Motivation de refus de certains
visas
Suppression de l'obligation de visa pour les étrangers
titulaires
d'un titre de séjour ou d'un document de circulation
L'article premier du projet de loi tend à
compléter l'article 5 de l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945
d'une part, pour introduire l'obligation de motiver les refus de visa à
certaines catégories d'étrangers et, d'autre part, pour dispenser
du visa les étrangers souhaitant pénétrer sur le
territoire français lorsqu'ils sont titulaires soit d'un titre de
séjour soit d'un " document de circulation ".
A - LA MOTIVATION DU REFUS DE CERTAINS VISAS
Le I de l'article premier du projet de loi prévoit d'insérer de
nouvelles dispositions dans l'article 5 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 afin
de revenir partiellement sur la règle selon laquelle les refus du visa
d'entrée en France n'ont pas à être motivés,
règle instituée par l'article 16 de la loi n° 86-1025
du 9 septembre 1986.
Le visa d'entrée en France constitue un
instrument essentiel
pour
la maîtrise des flux d'entrée sur le territoire.
Conscient de cet enjeu et prenant en compte les impératifs de
sécurité, le Gouvernement avait, le 16 septembre 1986,
généralisé l'obligation de visa pour les ressortissants de
tous les pays, à l'exception de ceux de la Communauté
européenne et de la Suisse. A partir de cette date, les stipulations des
accords passés par la France avec certains Etats qui prévoyaient
une dispense de l'obligation de visa ont été suspendues. Cette
généralisation du visa de court séjour a été
par la suite assouplie, notamment au profit de la quasi-totalité des
Etats du Conseil de l'Europe.
On rappellera que l'article 5 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 prévoit
que, pour être admis en France, un étranger doit être muni
des documents et
visas
exigés par les conventions internationales
et les règlements en vigueur, ainsi que des documents relatifs à
l'objet et aux conditions de séjour, à ses moyens d'existence et
aux garanties de rapatriement.
Le
visa consulaire
ne crée cependant pas en lui-même un
droit à entrer sur le territoire.
Les visas consulaires sont de deux types : le
visa de court
séjour
(1 567 846 en 1996) pour tous les séjours
inférieurs à trois mois, le
visa de long séjour
(72 896 en 1996) pour tout séjour supérieur à trois
mois.
Ils doivent par ailleurs être distingués d'autres décisions
ou actes déclaratifs de l'administration, également
qualifiés de visas, en particulier les
visas de sortie et de
retour
délivrés par les préfectures aux
étrangers résidant en France régulièrement et qui
doivent, selon les cas, déclarer leur intention de quitter
temporairement le territoire ou en obtenir l'autorisation (articles 36 et
suivants de l'ordonnance du 2 novembre 1945).
La convention complémentaire, signée le 19 juin 1990 et
désormais mise en oeuvre, de
l'Accord de Schengen
prévoit
la délivrance d'un
visa uniforme
, valable pour les territoires
des Etats signataires, remis selon des procédures harmonisées.
Le
Traité sur l'Union européenne
-dont la ratification a,
sur ce point, nécessité d'introduire au préalable dans la
Constitution un nouvel article 88-2- a inséré un
article 100
C
dans le Traité de Rome qui prévoit l'établissement
d'une liste commune d'Etats dont les ressortissants sont soumis à
l'obligation de visa. Il institue, en outre, une coopération dans les
domaines de la justice et des affaires intérieures ou notamment, pour la
politique d'immigration et la politique à l'égard des
ressortissants des pays tiers, les conditions d'entrée et de circulation
de ces ressortissants.
Le
projet de convention sur le franchissement des frontières
extérieures
, élaboré dans le cadre du
" troisième pilier " de la construction européenne,
prévoit en particulier une harmonisation de la politique de
délivrance des visas de court séjour et des visas de transit. Une
proposition -qui accompagnait ce projet de convention et qui a
été adoptée le 25 septembre 1995- a établi une
liste de cent un pays dont les ressortissants sont soumis à visa. Un
règlement, adopté le 29 mai 1995, a par ailleurs, établi
un modèle uniforme de vignette-visa européen. Il prévoit
également la reconnaissance mutuelle des visas nationaux.
Enfin, le traité sur l'Union européenne signé le 2 octobre
1997 à Amsterdam comporte un protocole intégrant l'acquis de
Schengen dans le cadre de l'Union européenne. A l'issue du délai
maximum de cinq ans à compter de la mise en vigueur du traité, la
commission européenne aura le monopole de l'initiative dans
différents domaines, notamment celui de la politique des
visas
.
Plusieurs des dispositions de ce nouveau traité, notamment celles
intéressant la politique des visas, ont été jugées
contraires à la Constitution par la
décision n° 97-394 du
31 décembre 1997
du conseil constitutionnel. Sa ratification sera
donc subordonnée à une révision préalable de la
Constitution.
La dimension européenne apparaît donc
fondamentale
dans le
domaine des visas comme pour d'autres questions intéressant
l'immigration.
En pratique, la décision de délivrance ou de refus de visa est
toujours une décision du chef de poste diplomatique ou consulaire ou de
l'agent consulaire auquel la compétence a été
déléguée, après consultation du ministère
des affaires étrangères et du ministère de
l'intérieur, voire d'autres administrations (le ministère du
travail notamment). Environ,
400 000
refus de visa sont
prononcés chaque année.
Outre un recours gracieux exercé auprès de l'autorité qui
a pris la décision de refus et un recours hiérarchique
auprès du ministre des Affaires étrangères, la personne se
voyant opposer un refus de visa peut saisir le Conseil d'Etat, directement
compétent s'agissant d'un litige né hors des territoires soumis
à la juridiction des tribunaux administratifs.
Le Conseil d'Etat reconnaît un large pouvoir d'appréciation
à l'autorité compétente en matière de refus de
visa, laquelle peut se fonder non seulement sur des motifs tenant à
l'ordre public mais aussi sur toute considération d'intérêt
général (Conseil d'Etat, 18 mars 1994, Abdellah). Le juge
vérifie également le respect par l'administration des
stipulations de l'article 8 de la Convention européenne des droits de
l'homme (respect de la vie privée et familiale). Il exerce, à ce
titre, un contrôle de proportionnalité qui peut le conduire
à annuler une décision de refus de visa qui porterait une
atteinte au respect de la vie familiale disproportionnée aux buts en vue
desquels le refus de visa a été opposé (Conseil d'Etat,
4 juillet 1997, M. et Mme Bouzerak).
Reprenant une suggestion du rapport de M. Patrick Weil et revenant ainsi
partiellement sur la solution retenue par la loi du 9 septembre 1986, l'article
premier du projet de loi prévoit l'obligation de motiver les refus de
visa pour certaines catégories de personnes.
1.
Les membres de la famille des ressortissants des Etats membres de
la Communauté européenne et des autres Etats parties à
l'accord sur l'Espace économique européen qui ne sont pas
ressortissants de l'un de ces Etats, appartenant à des catégories
définies par décret en Conseil d'Etat.
Le rapport de M. Patrick Weil a fait valoir que pour cette catégorie, la
nécessité de la motivation résulterait de l'article 6 de
la directive n° 64-1221 du 25 février 1964 selon lequel
"
les raisons d'ordre public, de sécurité publique ou de
santé publique qui sont à la base d'une décision le
concernant, sont portées à la connaissance de
l'intéressé, à moins que des motifs intéressant la
sûreté de l'Etat ne s'y opposent
".
Cette même réserve de la sûreté de l'Etat est reprise
par l'article premier du projet de loi.
La mention des catégories "
définies par décret en
Conseil d'Etat
" fait référence au décret n°
94-211 du 11 mars 1994 relatif aux conditions d'entrée et de
séjour des ressortissants des Etats membres de la Communauté
européenne bénéficiaires de la libre circulation des
personnes. Ce décret prend en compte le conjoint ; les ascendants
à charge à l'exception de ceux des étudiants ; les
descendants de moins de vingt et un an ou à charge pour les travailleurs
salariés ou non ; les descendants à charge pour les
retraités ou inactifs ; les enfants à charge pour les
étudiants.
2.
Les conjoints, enfants de moins de vingt et un ans ou à
charge, et ascendants des ressortissants français.
Sur la proposition de sa commission des Lois, l'Assemblée nationale a
supprimé pour les ascendants la condition, prévue par le projet
initial, qu'il soit
à la charge
de ressortissants français.
Selon les explications données devant l'Assemblée nationale par
le rapporteur M. Gérard Gouzes, il s'agirait "
de permettre
à une mère, par exemple, de venir en France à l'occasion
de l'accouchement de sa fille
".
3.
Les enfants mineurs
ayant fait l'objet, à
l'étranger, d'une décision
d'adoption
plénière
au profit de personnes titulaires d'un
agrément pour l'adoption délivré par les autorités
françaises.
4.
Les bénéficiaires d'une autorisation de regroupement
familial.
5.
Les travailleurs autorisés à exercer une
activité professionnelle en France.
6. Les personnes faisant l'objet d'un signalement aux fins de non-admission au
Système d'Information Schengen (SIS).
Le rapport de M. Patrick Weil a souligné, pour cette dernière
catégorie, que la motivation permettrait à la personne
concernée d'utiliser son droit d'accès auprès de la CNIL.
7. Les personnes mentionnées à l'article 15 de l'ordonance
à l'exception de celles mentionnées aux 11° et 12°.
Cette catégorie, qui n 'était pas prévue par le
projet initial, a été ajoutée par l'Assemblée
nationale à la suite d'un amendement présenté par le
Gouvernement et sous-amendé par M. Noël Mamère.
Elle comporte tous les étrangers bénéficiant de plein
droit de la carte de résident (cf. commentaire de l'article 6), à
l'exception des apatrides et des étrangers en situation
régulière depuis plus de dix ans.
8. Les étudiants venus en France pour y suivre des études
supérieures dans un établissement public ou privé reconnu
par l'Etat.
Cette catégorie a été ajoutée par
l'Assemblée nationale, sur la proposition de sa commission des Lois,
dans une rédaction précisée à la demande du
Gouvernement. En conséquence les intéressés devront
remplir des conditions définies par décret en Conseil d'Etat et
être venus en France pour y suivre des études supérieures
dans un établissement public ou privé reconnu par l'Etat.
Devant l'Assemblée nationale, M. Jean-Pierre Chevènement,
ministre de l'intérieur, a indiqué qu'il fallait
"
éviter que cette procédure ne soit
détournée au profit d'écoles de formation qui ne seraient
pas reconnues par l'Etat et -disons les choses clairement- qui pourraient
permettre à n'importe qui de se prévaloir du titre
d'étudiant
".
Seraient essentiellement concernés les étudiants venant de pays
africains, d'Europe centrale et orientale ainsi que de certains pays
d'Amérique latine.
Pour fonder la nouvelle obligation de motivation, l'étude d'impact
relève qu' "
en pratique, les demandes de visa de ces
catégories de personnes sont rarement refusées. Toutefois cette
disposition a pour objet de réduire encore le nombre de refus et de
tendre vers la conformité des décisions consulaires d'attribution
des visas avec les décisions préfectorales d'acceptation
d'installation sur le territoire. Le fait de motiver les refus de visas conduit
non seulement à un examen encore plus scrupuleux des demandes mais
également à n'entraîner qu'exceptionnellement les refus de
visa notamment pour des personnes dont la demande de séjour a
déjà été acceptée par les autorités
préfectorales.
"
Naturellement, lorsque des motifs graves tirés de
considérations d'ordre public interviennent, la sûreté de
l'Etat amènera à refuser un visa, même pour un cas
cité précédemment.
"
Votre commission observe qu'une telle disposition constituerait une
brêche dans le large pouvoir d'appréciation reconnu à
l'administration pour autoriser l'accès au territoire,
prérogative essentielle de souveraineté parfaitement
encadrée par les tribunaux. Elle serait une source de complication du
travail des services consulaires et de ralentissement du traitement des
demandes.
En outre, cette obligation pourrait avoir un
intérêt pratique
limité
, la jurisprudence reconnaissant, eu égard à la
nature d'une telle décision, un large pouvoir d'appréciation
à l'administration, laquelle peut se fonder non seulement sur des motifs
tenant à l'ordre public mais aussi sur toute considération
d'intérêt général (Conseil d'Etat, 28 février
1986, Ngako Jeuga). Le véritable débat a en définitive
lieu devant le juge, lequel peut demander à l'administration les
éléments de fait et de droit qui ont fondé sa
décision.
Il est vrai qu'un problème spécifique peut se poser pour les
membres de la famille d'un ressortissant communautaire qui seraient
eux-mêmes ressortissants d'un pays tiers
, en raison de la directive
de 1964, même si aucun contentieux ne semble avoir été
soulevé sur ce point. Cependant, cette directive ne prescrit pas une
condition de forme
que devrait revêtir une décision de refus.
Cette obligation pourrait donc être satisfaite dans le cadre du
recours hiérarchique ou gracieux
toujours ouvert à
l'intéressé. Le Gouvernement pourrait, le cas
échéant, modifier à cette fin le décret du 11 mars
1994 applicable aux ressortissants communautaires.
B - LA SUPPRESSION DE L'OBLIGATION DE VISA POUR LES ÉTRANGERS
TITULAIRES D'UN TITRE DE SÉJOUR OU D'UN DOCUMENT DE VOYAGE
1. Les titulaires d'un titre de séjour
Le paragraphe II de l'article premier du projet de loi tend à
dispenser de visa les étrangers titulaires d'un titre de séjour.
La dispense de visa consulaire ou de retour serait de nature à
remédier à un engorgement des postes diplomatiques et
consulaires. Le rapport de M. Patrick Weil indique que l'instruction chaque
année de 2 150 000 demandes de visa est assurée par 150
agents titulaires de nationalité française et 600 agents locaux.
Il s'agirait aussi d'éviter une procédure qui se
révèlerait inutile pour des personnes ayant déjà
obtenu un titre de séjour, dont, en conséquence, le droit
à l'accès au territoire aurait déjà
été admis par l'administration.
L'obligation de visa serait, pour les étrangers concernés, source
de complications inutiles et susceptible de " ternir l'image de la
France ".
Sont dispensés, d'ores et déjà, de l'obligation de visa,
et, à ce titre, ne seraient pas concernés par la disposition
proposée :
- les ressortissants de l'Union européenne, de l'Espace
économique Européen ainsi que du Conseil de l'Europe (à
l'exception de la Turquie) ;
- les ressortissants de certains pays : Etats-Unis, Canada et Israël.
Par ailleurs, la détention d'un visa ne confère pas à lui
seul un droit à pénétrer sur le territoire français
puisque le même article 5 de l'ordonnance conditionne également
celle-ci à la présentation de documents relatifs à
l'objet, aux conditions du séjour, aux moyens d'existence, aux garanties
de rapatriement et, le cas échéant, à l'exercice d'une
activité professionnelle. Il permet le refus d'entrée à
tout étranger qui constituerait une menace pour l'ordre public ou qui
ferait l'objet d'une mesure d'éloignement du territoire.
Dans le cas d'un étranger titulaire d'un titre de séjour, on peut
considérer, par hypothèse, que l'administration a
déjà vérifié la légalité et
l'opportunité de son admission sur le territoire.
Toutefois, la question ne se pose, en réalité, que dans
l'hypothèse où le titulaire d'un titre de séjour a
quitté le territoire et entend le réintégrer avant
l'expiration de la validité de son titre. Dans ce cas, l'entrée
sur le territoire n'est pas assurée non plus. La menace pour l'ordre
public pourrait être opposée, sur la base des dispositions en
vigueur de l'article 5 de l'ordonnance, y compris au détenteur d'un
titre de séjour, comme l'a confirmé le Conseil d'Etat dans un
arrêt du 18 octobre 1995 (Ministère de l'Intérieur
c/ Karboua).
Il reste cependant le cas de figure prévu par l'article 36 (2ème
alinéa) de l'ordonnance de 1945 -que l'article 21 du projet de loi tend
à supprimer- où le Ministre de l'Intérieur aurait
subordonné, pour des raisons de
sécurité
nationale
, la possibilité de quitter le territoire d'un
étranger non ressortissant de l'Union européenne titulaire d'un
titre de séjour, à une déclaration d'intention de quitter
le territoire et à la production d'un visa de sortie.
La mesure proposée permettrait donc à un étranger
susceptible de mettre en cause la sécurité nationale de pouvoir
réintégrer sans nouvelle autorisation le territoire
français. L'exigence du visa de retour constitue, en effet, l'occasion
d'examiner l'opportunité de cette nouvelle autorisation d'entrée.
2. Les détenteurs d'un document de circulation
L'article premier du projet de loi dispense également de l'obligation de
visa les détenteurs du " document de circulation visé au
3° alinéa de l'article 9 " de l'ordonnance, sur
présentation de ce document de circulation et d'un document de voyage
(passeport).
Le " document de circulation " est attribué aux mineurs
étrangers qui ne sont pas titulaires d'un titre de séjour mais
dont l'un des parents en est détenteur, s'il a été
admis au regroupement familial :
- résidant habituellement en France depuis l'âge de 10 ans et
depuis 6 ans au moins ;
- dont l'un des parents est réfugié statutaire ou apatride ;
- entrés en France pour y suivre des études sous couvert d'un
visa de long séjour.
Le document de circulation est destiné à faciliter les
déplacements de ces enfants, qui ne sont pas astreints à
l'obligation de détenir un titre de séjour.
Il est délivré, selon l'article premier du décret n°
92-1305 du 24 décembre 1991, pris pour l'application de l'article 9 de
l'ordonnance, " en dispense de visa ".
On perçoit mal, dans ces conditions, l'utilité d'une disposition
n'imposant pas le visa à des étrangers mineurs que le
décret de 1991 a précisément autorisés à
pénétrer sur le territoire sans ce document.
Le paragraphe II de l'article premier a été
adopté par l'Assemblée nationale, avec deux modifications
rédactionnelles.
Pour les raisons exposées ci-dessus, votre commission vous propose un
amendement
de
suppression
de l'article premier
.
Article 2
(article 5-3 de l'ordonnance n° 45-2658
du 2 novembre 1945)
Aménagement du régime du certificat
d'hébergement
L'article 2 du projet de loi initial tend à remplacer
l'article 5-3 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 afin d'aménager le
régime du certificat d'hébergement exigible d'un étranger
pour une visite privée.
1. L'origine du certificat d'hébergement
Le certificat d'hébergement est un document par lequel une personne
résidant en France -française ou étrangère-
s'engage à héberger un ressortissant étranger non
ressortissant de l'Union européenne en visite privée en France
pour une période inférieure à trois mois.
Le certificat d'hébergement est exigé pour une demande de visa et
doit être présenté lors de l'accès sur le territoire
français.
Jusqu'en 1982, le contrôle de l'hébergement se limitait à
l'obligation pour toute personne hébergeant un étranger d'en
faire la déclaration aux services de police ou de gendarmerie.
Le décret n° 82-442 du 27 mai 1982, en instituant le certificat
d'hébergement, a entendu établir un contrôle plus
étroit des visites privées.
A cet effet, le décret de 1982 a fait obligation à
l'hébergeant d'indiquer son identité et celle du
bénéficiaire en précisant ses possibilités
d'hébergement qui devaient être conformes à des normes
minimales. Le cas échéant, le document devait préciser le
lien de parenté de l'hébergeant avec le
bénéficiaire. Le certificat d'hébergement était
visé par le maire de la commune.
Ce dispositif a subit plusieurs modifications au cours des années
suivantes.
Un décret du 30 août 1991 autorise le maire à refuser de
viser le certificat lorsque les conditions d'hébergement ne sont pas
remplies et organise les visites domiciliaires de contrôle par l'Office
des migrations internationales (OMI).
Le régime juridique du certificat d'hébergement a
été intégré par la suite dans la loi (article L.
341-9-1 du code du travail issu de la loi n° 91-1383 du 31 décembre
1991).
Puis les dispositions relatives au certificat d'hébergement ont
été insérées dans l'ordonnance du 2 novembre 1945
relative aux conditions d'entrée et de séjour des
étrangers en France (article 5-3) par la loi du 24 août 1993.
Celle-ci a, par ailleurs, aménagé le régime en
précisant les cas dans lesquels le maire pouvait refuser de viser ce
document et prévu que, dans l'hypothèse d'un refus, par
l'hébergeant, du contrôle des conditions d'hébergement,
celles-ci seraient réputées non remplies.
La loi n° 97-396 du 24 avril 1997 a apporté de nouvelles
modifications au régime du certificat d'hébergement,
destinées principalement à réduire les possibilités
de certificats de complaisance susceptibles d'alimenter l'immigration
irrégulière:
- adjonction d'un nouveau cas de refus, lorsque les demandes antérieures
de l'hébergeant font apparaître un détournement de
procédure ;
- transfert du maire au préfet de la compétence pour viser les
certificats d'hébergement ;
- remise par l'étranger hébergé du certificat
d'hébergement dont il a bénéficié lors de sa sortie
du territoire.
L'étude d'impact du projet de loi avait en effet relevé à
l'époque que "
la visite privée suivie d'un maintien
illégal sur notre territoire au-delà de la période de
court séjour est un des moyens d'entrée en France des immigrants
clandestins
".
2. Les dispositions en vigueur
a) Le visa du certificat d'hébergement
La compétence pour viser le certificat d'hébergement a
été transférée, par la loi du 24 avril 1997,
du maire de la commune de résidence de l'hébergeant (ou, à
Paris, Lyon et Marseille, du maire d'arrondissement) au représentant de
l'Etat dans le département.
Ce transfert de compétence a été accepté par le
Sénat au terme d'une longue réflexion. Il n'a cependant pas
encore été mis en oeuvre puisque les conditions d'application de
ces nouvelles dispositions étaient subordonnées à la
parution d'un décret d'application.
Le transfert au représentant de l'Etat a été fondé
sur la double considération que la mise en oeuvre de la
réglementation relative au séjour des étrangers constitue
un attribut de l'Etat et qu'il convient d'assurer la mise en oeuvre de
solutions identiques sur le territoire national.
Le maire agissait en l'espèce en qualité d'
agent de l'Etat
-comme l'a expressément spécifié le Conseil
constitutionnel dans sa décision du 13 août 1993 prise
sur la conformité à la Constitution de la loi du
24 août 1993. Il est soumis au pouvoir hiérarchique du
représentant de l'Etat qui peut, le cas échéant, se
substituer à lui, en cas de carence. Les préfets avaient donc les
moyens juridiques de veiller à l'homogénéité des
décisions prises en la matière et à l'objectivité
de la procédure. Les recours hiérarchiques ou contentieux
étaient en outre toujours possibles.
Le Conseil constitutionnel, dans sa décision du 13 août 1993,
n'a pas considéré que l'exercice de cette attribution par le
maire, sous l'autorité hiérarchique du représentant de
l'Etat, était de nature à entraîner des ruptures de
l'égalité de traitement des demandes.
En outre, le sérieux avec lequel les maires ont mis en oeuvre cette
procédure depuis 1982 ne pouvait être mis en cause. En
particulier, les statistiques laissent apparaître que sur les 157 905
certificats d'hébergement demandés en 1996, 3 % seulement
ont fait l'objet d'un refus de visa. Cette procédure n'a suscité
qu'un contentieux très faible.
Le recours hiérarchique ou contentieux permettait, par ailleurs, de
sanctionner le détournement de pouvoir qu'aurait constitué un
refus systématique de délivrer des certificats
d'hébergement. De même, la délivrance systématique
de tels documents alors qu'un motif légal de refus serait
constaté, constituait une violation de la loi sanctionnable par le
représentant de l'Etat ainsi que, le cas échéant, par le
juge.
Cependant, le Sénat, suivant votre commission des Lois, a
été sensible à la position exprimée par
l'Association des Maires de France qui a souligné la nécessaire
affirmation de la compétence fondamentale de l'Etat en matière de
lutte contre l'immigration clandestine.
C'est pourquoi le Sénat a admis le transfert de compétence au
préfet,
à condition que le maire soit personnellement
associé à la procédure
, ce à quoi le ministre
de l'Intérieur de l'époque s'était engagé.
b) Les cas de refus de visa du certificat d'hébergement
L'article 5-3 de l'ordonnance de 1945 prévoit trois cas dans
lesquels le préfet refuse, par décision motivée, de viser
le certificat d'hébergement :
1
. il ressort soit de la teneur du certificat et des justificatifs
présentés, soit de la vérification effectuée au
domicile de son signataire, que l'étranger ne
peut être
hébergé dans des conditions normales
.
La vérification au domicile de l'hébergeant ne peut être
effectuée que par des agents habilités de l'OMI. Ceux-ci ne
peuvent pénétrer chez l'hébergeant qu'avec son accord
écrit. En cas de refus de l'hébergeant, les conditions d'un
hébergement dans des conditions normales sont réputées non
remplies. Les contrôles sont, en fait, assez rares puisqu'ils portent sur
seulement 3 % des demandes.
L'appréciation à laquelle ces contrôles donnent lieu porte
sur la conformité à des normes minimales qui sont celles
prévues par un décret du 2 novembre 1995 et sur des
éléments objectifs relevés par l'enquêteur au moment
de la visite domiciliaire.
2
. Les
mentions
portées sur le certificat sont
inexactes
.
3
. Les demandes antérieures de l'hébergeant font
apparaître un
détournement de procédure
,
après une enquête demandée par le préfet aux
services de police ou aux unités de gendarmerie. Ce cas de refus,
introduit par la loi du 24 avril 1997, était cependant
déjà admis dans la pratique administrative. Il a donc reçu
une consécration législative.
Dans sa décision n° 97-389 DC du 22 avril 1997, le
Conseil constitutionnel a relevé qu'il était "
toujours
loisible à l'Administration, même en l'absence de texte l'y
autorisant expressément, de rejeter une demande entachée de
fraude à la loi
". Il a précisé, dans sa
" réserve interprétative ", que le détournement
de procédure "
doit être entendu en l'espèce comme
ayant fait référence à une telle fraude ; cette
dernière ne pourra, sous le contrôle du juge administratif,
être établie de manière certaine qu'en fonction de
critères objectifs et rationnels
".
c) La remise du certificat d'hébergement à la sortie du
territoire
La loi du 24 avril 1997 a introduit dans l'article 5-3 de
l'ordonnance l'obligation pour l'étranger hébergé de
remettre le certificat d'hébergement dont il a
bénéficié aux services de police, lors de sa sortie du
territoire. Là encore, la disposition n'a pas été mise en
application, faute de publication du décret prévu par la loi.
Cette disposition est destinée à prévenir l'immigration
clandestine qui résulterait du maintien sur le territoire de
l'étranger au-delà de la durée autorisée de la
visite (3 mois au maximum).
On notera, qu'à l'origine, le Gouvernement de l'époque avait
prévu d'imposer la déclaration de sortie à
l'hébergeant lui-même. Les interrogations qui avaient pu
s'exprimer quant à la contrainte imposée à celui-ci
avaient finalement conduit le Parlement à mettre à la charge de
l'étranger intéressé cette obligation de
déclaration.
A cet effet, l'étranger hébergé devra informer par tous
moyens les services de police de son départ du territoire ce qui lui
imposera soit de déposer le certificat d'hébergement
auprès desdits services soit de leur transmettre ce document.
Enfin, cette obligation faite à l'étranger hébergé
dès lors qu'elle a pour objet de s'assurer du départ effectif
pourra impliquer la création d'un traitement automatisé.
Selon les indications données lors de la discussion de la loi de 1997
devant l'Assemblée nationale par le ministre de l'Intérieur, ce
fichier serait nécessaire : "
Ce fichier sera
départemental et l'archivage des données sera bien entendu
limité aux prescriptions de la CNIL, de même que son contenu et sa
durée. L'acte réglementaire nécessaire à la
création éventuelle d'un tel fichier devra nécessairement
être soumis à la Commission nationale de l'informatique et des
libertés, conformément à la loi du 6 janvier
1978
".
L'existence d'un fichier n'est pas un fait nouveau. La circulaire du
16 octobre 1991 avait mentionné l'obligation pour les maires
d'"
enregistrer et numéroter de façon
séquentielle, par année, les demandes de certificat
d'hébergement
(...) ".
Par ailleurs, la CNIL a précisé les conditions dans lesquelles un
traitement automatisé pouvait être créé.
Dans son rapport d'activité pour 1994, elle a ainsi rappelé
qu'elle recommandait "
que les données nominatives relatives
à la personne hébergeante puissent être effacées
dans un délai raisonnable, qui peut être d'un mois à
compter de la date de refus ou d'expiration du certificat
d'hébergement
".
La CNIL, appuyant cette recommandation sur la considération que les
contrôles pouvant être effectués par la mairie ou par l'OMI
n'avaient pour objet que de s'assurer de la possibilité
matérielle pour le demandeur d'héberger le
bénéficiaire dans les conditions normales, a estimé que
"
rien ne paraît justifier que les informations relatives
à un certificat ayant reçu le visa du maire soient
conservées sous forme nominative au-delà de la date prévue
pour la fin du séjour du bénéficiaire
".
Le Conseil constitutionnel a, par ailleurs, confirmé, dans sa
décision précitée du 22 avril 1997, que "
si
un tel fichier était établi, il serait soumis aux dispositions
protectrices de la liberté individuelle prévues par la
législation relative à l'informatique, aux fichiers et aux
libertés
".
3. Les dispositions du projet de loi initial
L'article 2 du projet de loi initial propose une nouvelle rédaction
de l'article 5-3 de l'ordonnance, contenant l'ensemble des dispositions
législatives sur le certificat d'hébergement.
Les modifications proposées portent sur :
- le retour au maire de la compétence pour viser les certificats
d'hébergement ;
- la suppression des dispositions introduites dans l'ordonnance par la loi du
24 avril 1997 concernant les cas de refus de visa ainsi que la remise par
l'étranger de son certificat d'hébergement lors de sa sortie du
territoire.
a) Le retour au maire de la compétence pour viser les certificats
d'hébergement
Le projet de loi tend à conférer à nouveau au maire de la
commune de résidence (ou, à Paris, Lyon et Marseille, au maire
d'arrondissement) la compétence pour viser les certificats
d'hébergement, comme cela était avant l'entrée en vigueur
de la loi du 24 avril 1997.
Le maire pourrait, comme avant la loi de 1997, déléguer sa
signature à ses adjoints, ou en l'absence ou en cas d'empêchement
de ses adjoints, à des membres du conseil municipal.
Le rapport de M. Patrick Weil, qui a préconisé ce nouveau
transfert, avance des difficultés matérielles prévisibles
dans les préfectures. Le visa du préfet risquerait de
revêtir un caractère formel, les maires ayant
préalablement, en fait, instruit le dossier qu'ils transmettent.
Les raisons qui avaient conduit le Sénat, lors de l'examen de la loi du
24 avril 1997, à approuver le transfert de la compétence
vers le préfet ont été rappelées ci-dessus.
On soulignera par ailleurs, comme cela a déjà
été évoqué, que la loi nouvelle n'a reçu
aucune application sur ce point, à défaut de la parution du
décret d'application nécessaire.
De la sorte, la mise en oeuvre du dispositif de la loi du 24 avril 1997 ne
peut, par hypothèse, faire l'objet d'une quelconque
évaluation.
De surcroît, le projet de loi " organise " l'exercice du
pouvoir hiérarchique du préfet, qui existait naturellement dans
le régime antérieur à la loi du 1997, puisque le maire
intervenait comme agent de l'Etat, sans que l'ordonnance n'ait besoin de
comporter à cet égard de dispositions dérogatoires au
droit commun.
Le projet prévoit que, en cas de refus de viser, le maire transmet
obligatoirement sa décision au préfet mais aucun délai
n'est fixé par le texte. Il précise, en outre, que, en cas de
refus ou de silence du maire pendant plus de 30 jours, le demandeur peut
saisir le préfet d'un recours hiérarchique. Le préfet doit
se prononcer dans un délai de 30 jours également. Le refus du
maire ne peut faire l'objet d'un recours contentieux qu'après avoir
été confirmé par le préfet.
Par ailleurs, l'inscription dans la loi de cette possibilité de recours
hiérarchique et contentieux pourrait inciter à la multiplication
des recours contre les refus de visa prononcés par les maires.
On notera que la multiplication des recours ne pourrait qu'accroître la
charge des services départementaux de l'immigration et, le cas
échéant, des juridictions administratives et, en
définitive, allonger dans de nombreux cas la durée effective de
l'instruction des demandes de visa des certificats d'hébergement.
b) L'aménagement des cas de refus du certificat
d'hébergement
Pour l'essentiel, le projet tend à revenir aux dispositions
antérieures à la loi du 24 avril 1997 et donc à
reprendre celles de la loi du 24 août 1993.
1
. Le fait que l'étranger ne puisse être
hébergé dans des conditions normales ou que les mentions
portées sur le certificat soient inexactes doit ressortir
"
manifestement
" de la teneur du certificat ou de la
vérification effective au domicile de l'hébergeant.
La suppression de l'adverbe " manifestement " par la loi de
1997
avait précisément eu pour objet d'inviter à un examen plus
complet du dossier afin d'éviter les risques de certificats de
complaisance, et donc de prévenir l'un des instruments bien
identifiés de l'immigration clandestine.
Votre commission estime préférable de s'en tenir au terme retenu
par la loi du 24 avril 1997, étant entendu que, selon la circulaire
précitée d'application du ministre de l'Intérieur du
30 avril 1997 les administrations sont invitées "
à
focaliser (leur) attention sur les dossiers posant problème et à
délivrer très rapidement (leur) visa sans étude superflue
pour les autres
".
Le refus au motif que l'étranger ne peut être
hébergé dans des conditions normales ne pourrait plus s'appuyer
sur les "
justificatifs présentés
",
contrairement à ce que la loi du 24 avril 1997 avait ajouté
au texte de l'ordonnance. La nécessité de produire des
pièces justificatives constituerait, dans certains cas, un moyen de
fonder des refus de principe par l'exigence de documents sans rapport direct
avec l'objet de la demande.
Néanmoins, on perçoit mal les raisons qui militeraient pour une
remise en cause de cette adjonction récente, destinée à
permettre un examen du dossier à partir de l'ensemble des pièces.
La diversité des situations, que le législateur ne peut pas
prévoir, justifie la possibilité pour l'Administration de
demander tout justificatif approprié à un examen efficace du
dossier.
2
. Le refus du certificat au motif que les mentions portées
seraient inexactes est maintenu sans modification par le projet de loi.
3
. En revanche, la troisième cause de refus (demandes
antérieures faisant apparaître un détournement de
procédure), introduit par la loi du 24 avril 1997, serait
supprimée par le projet de loi initial, ce qui parait tout à fait
paradoxal.
On notera, enfin, que la nouvelle rédaction proposée conduirait
à ce que les cas de refus énumérés deviennent
limitatifs, n'autorisant pas, sous réserve de l'appréciation des
tribunaux, l'Administration à refuser le visa du certificat pour tout
autre motif que ceux énoncés par ce texte.
Quant aux conditions et modalités de la visite domiciliaire par les
agents de l'OMI, elles ne sont pas modifiées par le projet initial, sauf
en ce qui concerne les autorités qualifiées pour la demander,
compte tenu du transfert de compétence proposé. Désormais,
le maire et le préfet partageraient le droit de réclamer cette
visite domiciliaire. Il pourrait s'agir de répondre à
l'hypothèse selon laquelle le maire aurait omis de procéder
à la consultation, lorsqu'elle s'avérerait nécessaire.
c) La remise du certificat d'hébergement à la sortie du
territoire
Comme on l'a déjà relevé, cette remise, instituée
par la loi du 24 avril 1997, avait été conçue comme
un élément de lutte contre l'immigration clandestine, puisqu'elle
permet de vérifier que l'étranger bénéficiaire ne
reste pas sur le territoire au-delà de la durée autorisée.
Il s'agissait, en réalité, de l'apport essentiel de la loi de
1997 au régime du certificat d'hébergement.
d) Autres dispositions
La taxe de 100 F au profit de l'OMI, acquittée par
l'hébergeant lors de la demande de visa d'un certificat
d'hébergement n'est pas remise en cause.
Enfin, le renvoi à un décret d'application n'est pas repris par
le projet de loi.
L'Assemblée nationale
, considérant que le projet de loi
n'améliorait pas de manière significative un dispositif qui,
selon le rapporteur de la commission des Lois, "
reste en
lui-même insatisfaisant
",
a préféré
supprimer purement et simplement les certificats d'hébergement, en
votant l'abrogation
de l'article 5-3 de l'ordonnance de 1945
.
L'alourdissement des formalités provoquerait selon elle une
multiplication des refus de visas fondés sur l'insuffisance des
ressources des demandeurs.
L'Assemblée nationale a exprimé le souhait, au cours des
débats, que soit substituée aux certificats d'hébergement
une simple attestation d'accueil, demandant que les services consulaires
reçoivent des instructions précises pour que le nouveau document
soit pris en compte au même titre que les certificats
d'hébergement.
Le Sénat a, pour sa part, lors de l'examen des lois de 1993 et 1997,
considéré les certificats d'hébergement comme un moyen
nécessaire de lutte contre l'immigration clandestine.
Par ailleurs, les propositions du projet initial avaient pour objet de revenir
sur les aménagements apportés au régime du certificat
d'hébergement par la loi du 24 avril 1997, votée par le
Sénat.
Votre commission des Lois perçoit d'autant moins les raisons de
cette remise en cause d'une réforme récente que celle-ci, n'ayant
pas reçu d'application effective, ne peut manifestement pas faire
l'objet d'une quelconque évaluation.
Souhaitant s'en tenir aux dispositions en vigueur, elle vous propose un
amendement
de suppression
de l'article 2.
Article 2 bis nouveau
(article 9 bis nouveau de
l'ordonnance n° 45-2658
du 2 novembre 1945)
Séjour
des ressortissants communautaires
Le rapport de M. Patrick Weil au Premier ministre
proposait une simplification du régime des titres de séjour des
ressortissants de l'Union européenne.
Cette suggestion n'avait cependant pas été intégrée
dans le projet de loi initial.
L'Assemblée nationale a repris, avec l'accord du Gouvernement, cette
proposition, sous la forme d'un article additionnel après
l'article 2.
Cet article additionnel tend à simplifier le régime du
séjour des ressortissants des Etats membres de la Communauté
européenne ou de l'Espace économique européen ainsi que
des membres de leur famille.
Les conditions d'entrée et de séjour de ces personnes sont
actuellement définies par un décret n° 94-211 du
11 mars 1994 fixant un régime dérogatoire par rapport
à celui de l'ordonnance du 2 novembre 1945.
Le titre de séjour est délivré sur présentation du
document sous le couvert duquel la personne concernée a
pénétré sur le territoire national. Il peut être
refusé pour un motif d'ordre public ou lorsque le requérant est
atteint d'une maladie ou d'une infirmité figurant sur une liste
annexée au décret de 1994.
La carte de séjour est délivrée pour une durée
fixée, dans la plupart des cas, à 5 ans, et
renouvelée pour 10 ans.
Comme on le sait, les ressortissants communautaires bénéficient
d'une libre circulation et d'un libre établissement en France.
L'entrée sur le territoire n'est donc subordonnée qu'à la
présentation du passeport mais la présence sur le territoire
au-delà de 3 mois est subordornée, en l'état actuel,
à la détention d'un titre de séjour.
Le rapport de M. Patrick Weil souligne que les formalités
imposées aux ressortissants communautaires peuvent apparaître
" dépassées ", leur droit au séjour en France ne
semblant généralement pas pouvoir être contesté.
La délivrance des titres de séjour aux ressortissants
européens représente plus du tiers du volume total des titres
délivrés par les préfectures et monopolise une part
importante du travail des agents évaluée par le même
rapport à 20 %, soit 430 agents La simplification des
démarches imposées aux ressortissants européens
permettrait de redéployer l'activité des services de
l'immigration vers des tâches plus utiles pour le contrôle des flux
migratoires.
L'article 2
bis
propose l'attribution aux ressortissants
européens exerçant en France une activité
économique salariée ou indépendante et aux membres de leur
famille d'un titre de séjour de 10 ans. En cas de renouvellement,
le nouveau titre aurait, sous réserve de réciprocité, une
validité permanente.
Les modalités d'application de l'article sont renvoyées à
un décret.
Votre commission a estimé que, dans la composition actuelle de l'Union
européenne, cette mesure de simplification ne soulevait pas, quant
à son principe, de difficulté particulière dès lors
qu'il serait fait réserve du cas de menace à l'ordre public,
comme le prévoit le texte qui nous est soumis.
Elle vous propose néanmoins un
amendement
précisant la
définition des membres de famille (conjoint, enfants mineurs et
ascendants à charge).
Votre commission, favorable à l'attribution d'un titre d'une
validité de dix ans, s'interroge toutefois sur la délivrance,
lors d'une demande de renouvellement, d'un titre de
validité
permanente
.
Tout d'abord, cette disposition s'appliquerait
sous condition de
réciprocité
.
Or, aucun Etat membre de l'Union
européenne n'a introduit dans sa législation un titre de
séjour à validité permanente en faveur des ressortissants
communautaires
.
Si cette disposition était adoptée, elle ne pourrait donc pas
s'appliquer aux bénéficiaires potentiels.
De ce fait, un vide juridique serait créé au sujet de la
durée de validité des titres renouvelés.
On observera, de surcroît, que la législation française
fixe toujours une durée limitée de validité aux titres de
séjour accordés aux étrangers de même qu'aux
documents d'identité délivrés aux Français.
De la sorte, la délivrance d'un titre permanent n'apparaît ni
possible juridiquement, ni opportun.
En conséquence, votre commission vous propose par
amendement
un
renouvellement de plein droit de la carte pour une durée de
validité de dix ans.
La commission des Lois vous propose
d'adopter l'article 2 bis
ainsi
modifié.
Article 3
(Article 12 de l'ordonnance n° 45-2658 du
2 novembre 1945)
Création des cartes de séjour temporaire
" scientifique "
et " profession artistique et
culturelle "
Remplacement de la carte de séjour " membre
de
famille "
1. Les dispositions en vigueur
L'article 12 de l'ordonnance énumère les différentes
mentions qui peuvent figurer sur une carte de séjour temporaire, ces
mentions correspondant à des conditions spécifiques d'attribution
:
- la carte de séjour "
visiteur
" est
délivrée à l'étranger qui apporte la preuve qu'il
peut vivre de ses seules ressources et qui prend l'engagement de n'exercer en
France aucune activité professionnelle soumise à autorisation ;
- la carte de séjour "
étudiant
" concerne
l'étranger qui fait ses études en France et qui justifie de
moyens d'existence suffisants ;
- la carte de séjour "
activité
professionnelle
" est attribuée à l'étranger qui
justifie avoir obtenu l'autorisation nécessaire pour exercer cette
activité ;
- la carte de séjour "
membre de famille
" est
accordée à l'étranger autorisé à
séjourner en France au titre du regroupement familial.
L'article 12 de l'ordonnance prévoit, enfin, le refus de la carte de
séjour temporaire à tout étranger dont la présence
constitue une menace pour l'ordre public.
2. Le projet de loi initial
L'article 3 du projet de loi tend à modifier l'article 12 de
l'ordonnance afin :
- d'instituer une carte de séjour portant la mention
" scientifique " ;
- de supprimer la carte de séjour temporaire " membre de
famille " (paragraphe II de l'article 3). Cette carte serait
remplacée par un titre " situation personnelle et
familiale "
créé par ailleurs (article 4).
a) la carte de séjour temporaire " scientifique "
Cette carte serait délivrée à l'étranger souhaitant
effectuer des recherches ou dispenser un enseignement de niveau universitaire.
Cette nouvelle catégorie de carte serait créée pour
remédier aux obstacles administratifs auxquels se heurteraient les
chercheurs et les enseignants alors même que la présence de ces
personnes qualifiées serait particulièrement profitable pour la
France.
Les étrangers concernés seraient trop souvent
découragés par les démarches à entreprendre, soit
pour obtenir de l'OMI l'autorisation de travailler, soit pour obtenir le visa
d'entrée (le délai d'attente atteindrait souvent trois mois) ou
encore pour obtenir la carte de séjour temporaire.
Le projet de loi entend faciliter l'accès de ces personnes afin
d'éviter leur orientation vers un autre pays, alors que leur
séjour pourrait être bénéfique pour la France.
Votre commission tient, elle aussi, à ce que les chercheurs et les
enseignants puissent être encouragés à faire
bénéficier la France de leurs services.
Il reste à déterminer de manière précise la
définition du scientifique. Un étudiant de troisième cycle
préparant un mémoire de recherche, ne sera-t-il pas
considéré aussi comme un chercheur ?
La législation en vigueur a le mérite de distinguer plus
clairement l'étudiant du chercheur.
En effet, le
chercheur
peut bénéficier, selon l'article 12
de l'ordonnance, d'une
carte de séjour temporaire
" activité professionnelle ".
Quant à l'
étudiant
suivant des études en France, il
peut se voir délivrer une carte de séjour temporaire portant la
mention "
étudiant
".
Le projet de loi remet en cause cette distinction, certains étudiants
pouvant aussi être chercheurs et peut-être bénéficier
à ce titre d'une carte scientifique.
L'adoption du texte proposé pourrait donc soulever certaines
difficultés et rendrait sûrement moins " lisible " le
texte de l'article 12 de l'ordonnance.
D'ores et déjà, les enseignants et les chercheurs
bénéficient d'un régime plus favorable que celui des
autres salariés, résultant des circulaires du 6 novembre
1989 et 30 mars 1994. Si cette procédure simplifiée
n'apparaît pas satisfaisante, rien ne s'oppose à son
assouplissement par la voie réglementaire.
Il convient donc de s'interroger sur l'utilité d'une telle disposition
législative pour remédier à des dysfonctionnements de
l'Administration et pour préciser des mentions figurant sur un titre de
séjour.
Une meilleure solution pourrait être apportée à ce
problème en donnant aux services concernés les instructions
complémentaires et, le cas échéant, les moyens
nécessaires.
Au demeurant, le rapport de la commission des Lois de l'Assemblée
nationale précise bien qu'il ne s'agit pas d'instituer un droit
spécifique au profit des scientifiques et que l'
"
administration garde toute latitude pour accorder le droit à
l'entrée et au séjour du demandeur
".
On peut donc estimer que la disposition proposée n'apporterait par
elle-même aucune valeur ajoutée aux textes en vigueur, si ce n'est
pour les rendre plus confus.
Enfin, si la création d'une carte " scientifique "
s'imposait,
ne conviendrait-il pas aussi de prévoir des cartes spécifiques
pour d'autres professions susceptibles de contribuer, par l'apport de
ressortissants étrangers, à l'intérêt ou au
rayonnement de la France ? Ce faisant, la multiplication des mentions sur
les cartes de séjour contribuerait à alourdir la
législation sans apporter nécessairement, semble-t-il, des
garanties réelles aux personnes susceptibles d'en
bénéficier.
b) Le remplacement de la carte de séjour temporaire " membre de
famille"
L'actuelle carte de séjour temporaire " membre de
famille " est destinée à l'étranger autorisé
à séjourner en France au titre du regroupement familial, selon
les dispositions des articles 29 à 30
bis
de l'ordonnance, que
l'article 17 du projet tend à aménager. Elle concerne aussi les
bénéficiaires de plein droit de la carte de séjour en
application de l'article 12
bis
de l'ordonnance qui ne demandent pas
à exercer une activité professionnelle soumise à
autorisation.
La suppression proposée de cette carte doit s'entendre, en
réalité, comme une extension de son champ au travers de son
remplacement par une carte " situation personnelle et
familiale ",
prévue par l'article 4 (voir ci-après le commentaire de cet
article).
Par coordination avec la position qu'elle propose pour l'article 4 du
projet de loi, votre commission n'est pas favorable à la suppression de
la carte " membre de famille ".
3. Le texte adopté par l'Assemblée nationale
l'Assemblée nationale a approuvé la création de la carte
" scientifique ", en soumettant toutefois sa délivrance
à une entrée régulière sur le territoire.
Elle a également approuvé le remplacement de la carte de
séjour temporaire " membre de la famille ".
L'Assemblée nationale a, par ailleurs, décidé la
création d'une carte de séjour temporaire portant la mention
"
profession artistique et culturelle
".
Les artistes professionnels étrangers titulaires d'un contrat de plus de
trois mois passé avec un professionnel du spectacle, un
établissement ou une entreprise culturels bénéficieraient
de cette carte de séjour.
Cette initiative de l'Assemblée nationale appelle des observations
similaires à celles formulées au sujet de la carte
" scientifique " :
- si la carte " vie professionnelle " ne permet pas, en
l'état
actuel, de répondre de manière totalement satisfaisante aux
problèmes spécifiques que poseraient l'entrée en France
d'artistes professionnels étrangers, faut-il modifier la loi ou bien ne
serait-il pas plus efficient de donner aux services des instructions
particulières ?
- faut-il créer une carte spécifique par profession " digne
d'intérêt " ?
- les mentions figurant sur un titre de séjour relèvent-elles du
domaine législatif ?
Votre commission vous propose un
amendement
de suppression de
l'article 3.
Article 4
(article 12 bis de l'ordonnance n°
45-2658 du 2 novembre 1945)
Délivrance de plein droit de la carte de
séjour temporaire
" vie privée et familiale "
L'article 12
bis
de l'ordonnance du 2 novembre 1945
énumère tous les cas de délivrance de plein droit de la
carte de séjour temporaire.
L'article 4 du projet de loi propose une nouvelle rédaction de l'article
12
bis
concernant l'attribution de plein droit de cartes de
séjour portant la mention " situation personnelle et
familiale ".
1. Le droit en vigueur
La carte de séjour temporaire -d'une durée maximale de
validité de un an- était délivrée de plein droit
avant l'entrée en vigueur de la loi du 24 avril 1997, aux
étrangers mineurs ou âgés de moins de 19 ans :
- dont l'un des parents est titulaire de la carte de séjour temporaire
si le parent ou le mineur a été autorisé à
séjourner en France au titre du regroupement familial (art. 12
bis-1° de l'ordonnance) ;
- qui réside habituellement (c'est-à-dire sans être
nécessairement dans une situation régulière) en France
depuis l'âge de six ans (art. 12 bis-2° de l'ordonnance.
La loi du 24 avril 1997
, entendant apporter une réponse
législative aux situations extrêmement complexes ayant
donné lieu à l'occupation de l'église Saint-Bernard
à Paris,
a rapproché la liste des bénéficiaires
de plein droit de la carte de séjour temporaire de celle des
étrangers protégés contre l'éloignement du
territoire en application de l'article 25 de l'ordonnance. Cette loi n'a pas,
pour autant, entendu prévoir une concordance totale entre les deux
listes de personnes protégées
.
Ce faisant le Parlement, en accord avec le Gouvernement de l'époque, a
entendu, selon les termes employés lors de l'examen, en première
lecture, de ce texte par votre rapporteur, privilégier "
une
démarche intermédiaire qui consistait, sans modifier la liste des
étrangers non éloignables, à proposer une
régularisation qui tienne compte de la situation personnelle et
familiale mais ne légitime pas les fraudes
".
L'inadéquation entre les deux listes, privant certains étrangers
non éloignables de l'attribution
de plein droit
d'un titre de
séjour, provient de la logique propre à chacune d'entre elles.
Dans un cas, il s'agit de définir des règles concernant le droit
au séjour et dans l'autre, sont prévues des protections de
caractère humanitaire concernant des étrangers sans titre de
séjour.
Ce fait laisse ouvert l'exercice par le préfet de son droit à
régularisation, après examen individuel de la situation du
demandeur.
A cet effet, la loi du 24 avril 1997, a, d'une part, porté de six ans
à dix ans l'âge maximum depuis lequel l'étranger de moins
de 19 ans devra avoir vécu habituellement en France (art. 12-2° de
l'ordonnance) et, d'autre part étendu la liste des
bénéficiaires de plein droit de la carte de séjour
temporaire (art.12 -3° à 7° de l'ordonnance).
Se trouvent donc également bénéficiaires de plein droit de
ce titre de séjour :
- l'étranger résidant habituellement en France depuis plus de 15
ans (art. 12
bis
-3° de l'ordonnance) ;
- l'étranger marié depuis au moins un an à un
Français, sous conditions de communauté de vie, d'entrée
régulière sur le territoire et de conservation par le conjoint de
la nationalité française. Si le mariage a été
célébré à l'étranger, l'acte doit avoir
été transcrit sur les registres de l'état-civil
français (art. 12
bis
-4° de l'ordonnance) ;
- l'étranger parent d'un enfant français de moins de 16 ans
résidant en France, à condition qu'il subvienne effectivement aux
besoins de l'enfant. Si la filiation a été établie par
reconnaissance postérieure à la naissance, le parent doit avoir
subvenu aux besoins de l'enfant depuis sa naissance ou depuis au moins un an
(art. 12
bis
-5° de l'ordonnance) ;
- l'étranger titulaire d'une rente d'accident du travail ou de maladie
professionnelle servie par un organisme français et dont le taux
d'incapacité est au moins égal à 20 % (art. 12
bis
-6° de l'ordonnance) ;
- le bénéficiaire du statut d'apatride, son conjoint et ses
enfants de moins de 19 ans, si le mariage est antérieur à la date
d'obtention du statut, ou, à défaut, a été
célébré depuis au moins un an (art. 12
bis
-7°
de l'ordonnance).
La délivrance de la carte est subordonnée à l'absence
de vie en état de polygamie mais non à celle de l'entrée
régulière sur le territoire (sauf pour le conjoint d'un
français). Elle n'est pas attribuée de plein droit en cas de
menace pour l'ordre public.
Cette carte donne droit à l'exercice d'une activité
professionnelle soumise à autorisation, si l'étranger
déclare vouloir en exercer une. Dans le cas contraire, la carte porte la
mention " membre de famille ".
Il convient de souligner que l'étranger ne bénéficiant
pas de plein droit de la carte de séjour peut toujours l'obtenir,
dès lors que la loi ne s'y oppose pas expressément, si
l'administration l'estime opportun.
On remarquera que les dispositions de la loi du 24 avril 1997 laissent un champ
permettant à l'administration de procéder à des
régularisations, comme en témoigne la circulaire du 24 juin 1997,
alors que le projet de loi, qui assouplit les critères, ne laisserait
pas une faculté d'appréciation comparable.
2. Les dispositions du projet de loi initial
La nouvelle rédaction de l'article 12 bis reprendrait donc les cinq
premiers cas d'attribution de plein droit ci-dessus décrits, en
aménageant les conditions requises pour trois d'entr'eux. Elle tendrait
à créer deux nouveaux cas d'attribution de plein droit.
Bénéficieraient de l'attribution de plein droit dans des
conditions strictement identiques à celles en vigueur :
1
. l'étranger de moins de 19 ans résidant habituellement
en France depuis l'âge de dix ans (art. 12
bis
-2° de
l'ordonnance) ;
2
. l'étranger résidant en France habituellement depuis
plus de 15 ans (art. 12
bis
-3° de l'ordonnance).
Trois cas d'attribution de plein droit seraient aménagés
:
1
. à l'étranger de moins de 19 ans dont un parent est
titulaire de la carte de séjour, s'ajoute
l'étranger dont le
conjoint dispose de ce titre
, toujours s'il a été
autorisé à séjourner en France au titre du
regroupement
familial
(art. 12
bis
-1° de l'ordonnance) ;
2
.
l'étranger marié à un Français n'a
plus à justifier d'une durée d'un an de mariage
et la
condition de maintien de la communauté de vie n'est pas reprise
(art. 12
bis
-4° de l'ordonnance).
La suppression de la condition de durée de mariage serait sans doute
destinée à faciliter le règlement de situations
difficiles. Votre commission observe cependant que l'administration dispose de
la
faculté
d'accorder un titre de séjour lorsque les
circonstances de l'espèce rendent cette
" régularisation " souhaitable.
En revanche, est-il vraiment nécessaire de reconnaître un
droit
, donc de lier l'administration, alors que l'on ignore tout quant
à la stabilité du mariage à la source de la reconnaissance
de ce droit ?
Il est à craindre, au contraire, que la reconnaissance de ce droit par
la loi soit interprétée comme un " signal " pour des
candidats au séjour en France et, le cas échéant, comme un
encouragement au mariage blanc.
L'article 175-2 du code civil, relatif à l'opposition et au sursis
à célébration du mariage ne pourrait pas, à lui
seul, prévenir de manière certaine le mariage sans consentement,
sauf à contenir des dispositions restrictives à l'encontre du
conjoint étranger, alors que l'article 32 du projet de loi initial
tendait au contraire à restreindre les conditions d'opposition ou de
sursis (l'article 32 a toutefois été supprimé par
l'Assemblée nationale).
Quant à la suppression de l'obligation du maintien de la
communauté de vie entre les époux, sauf pour le renouvellement de
la carte, elle pourrait apparaître comme la conséquence
mécanique de la suppression de la condition de durée du mariage.
On observera cependant que la demande de titre de séjour n'est pas
nécessairement présentée aussitôt après le
mariage. A la limite, un étranger marié depuis un certain temps
avec un ressortissant français pourrait, bien que séparé,
obtenir un titre de séjour sur la base des dispositions proposées.
3
.
pour les parents d'enfants français résidant en
France, les conditions seraient également assouplies
(art. 12
bis-5° du texte en vigueur devenant l'article 12
bis
-6° selon
le projet) :
.
l'enfant ne devrait plus obligatoirement être âgé de
moins de 16 ans
;
.
la nécessité de subvenir aux besoins de l'enfant ne
s'imposerait plus dans tous les cas
. Le projet exige l'autorité
parentale (même partielle)
ou
la prise en charge effective de
l'enfant.
Cette prise en charge de l'enfant ne s'entend pas nécessairement au plan
financier. Elle peut résulter des soins apportés à
l'enfant.
Il peut cependant paraître surprenant de ne plus conditionner un droit
fondé sur la qualité de père ou de mère à
l'exercice effectif d'une obligation essentielle de parent. A tout le moins, la
prise en charge des besoins de l'enfant pourrait correspondre aux
possibilités du parent concerné.
Deux nouveaux cas d'attribution de plein droit seraient créés
:
- pour le
conjoint
d'un étranger détenteur d'une carte de
séjour temporaire "
scientifique
" (art. 12 bis-5°
nouveau de l'ordonnance).
On remarquera, une fois encore, qu'un
droit
est accordé sans
vérification du maintien de la communauté de vie alors que
l'administration
peut
, en tout état de cause, donner satisfaction
au demandeur -sans que la loi doive lui reconnaître expressément
ce droit- dès lors que le sérieux de la requête serait
avéré.
-
pour l'étranger qui malgré ses liens personnels et familiaux
en France, n'entrerait pas dans les catégories précédentes
ou dans celles ouvrant droit au regroupement familial (art. 12 bis-7°).
Il convient de souligner que cette nouvelle catégorie de
bénéficiaires de plein droit concernerait des personnes dont la
situation ne répondrait pas aux nombreuses possibilités
déjà offertes par la loi pour bénéficier d'un titre
de séjour à raison de sa situation personnelle ou familiale.
La loi offrirait donc à ces personnes une " nouvelle
chance "
pour bénéficier
de plein droit
d'un titre de séjour.
Le texte précise que les liens personnels et familiaux de
l'étranger en France devraient être "
tels que le refus
d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa
situation personnelle et de sa vie familiale une atteinte
disproportionnée au regard des motifs de refus
".
On perçoit d'emblée que ces conditions impliquent un examen
particulièrement approfondi du dossier du demandeur.
Pourquoi, dans ces conditions, prévoir une attribution de plein droit
alors que l'administration dispose toujours de la possibilité d'accorder
un titre de séjour après étude des circonstances de
l'espèce ?
Selon l'exposé des motifs du projet de loi, en seraient
bénéficiaires, les personnes protégées par
l'article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de
l'Homme et des libertés fondamentales (CEDH).
L'article 8 de la Convention est ainsi libellé :
"
1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et
familiale, de son domicile et de sa correspondance
".
"
2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique
dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est
prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une
société démocratique, est nécessaire à la
sécurité nationale, à la sûreté publique, au
bien-être économique du pays, à la défense de
l'ordre et à la prévention des infractions pénales,
à la protection de la santé ou de la morale, ou à la
protection des droits et libertés d'autrui
. "
Ainsi, l'article 8 de la Convention ne se limite pas à affirmer le droit
au respect de la vie privée et familiale mais autorise les Etats
à encadrer ce droit.
L'étude d'impact mentionne les principaux bénéficiaires du
projet. Il s'agirait :
- des étrangers ayant toutes leurs attaches familiales en France
- des parents d'étrangers résidant en France et qui sont malades
- des conjoints de réfugiés.
La référence à la situation personnelle couvrirait,
toujours selon l'étude d'impact,
" tous les cas particuliers des
étrangers justifiant d'un droit au séjour en raison des
circonstances qu'il n'est pas possible de codifier dans la loi, leur renvoi
ayant des conséquences graves et disproportionnées au regard des
objectifs d'une stricte application des règles sur l'entrée et le
séjour en France. "
La mesure exacte des personnes susceptibles de bénéficier de la
carte " vie personnelle et familiale " ne peut donc pas être
évaluée de manière certaine. L'étude d'impact
concernant le projet relève, au demeurant, que la carte de séjour
" situation personnelle et familiale " se répercuterait sur
l'attribution des prestations familiales, mais que les personnes
concernées seraient probablement très peu nombreuses.
Rappelons que le Conseil d'Etat, dans sa jurisprudence mais aussi dans l'avis
qu'il a rendu le 22 août 1996 a pris d'ores et déjà en
considération la situation des éventuels
bénéficiaires des dispositions proposées, en se fondant
sur l'article 8 de la convention précitée ainsi que sur le
dixième alinéa du Préambule de la Constitution de 1946,
selon lequel "
la Nation garantit à l'individu et à la
famille les conditions nécessaires à leur
développement
".
Dans l'avis précité du 22 août 1996, il est
rappelé que "
le Conseil d'Etat exerce, pour sa part, en
particulier dans le contentieux de l'attribution des titres de séjour et
dans celui des reconduites à la frontière, un contrôle de
proportionnalité entre les buts en vue desquels les mesures
critiquées sont prises et le droit de personnes qui en font l'objet au
respect de leur vie familiale.
" Cette matière est affaire de cas d'espèce. Mais il faut du
moins retenir que le droit dont il s'agit s'apprécie
indépendamment des règles énoncées par l'ordonnance
du 2 novembre 1945. Il est d'autant plus utile que le Gouvernement exerce,
dans les situations où ce droit est en cause, l'examen individuel qui
lui incombe de toute façon, que les mesures de régularisation
éventuelles cessent alors de relever de l'opportunité pour se
situer sur le terrain de la légalité
".
En d'autres termes, l'administration est invitée, sous le contrôle
du juge, à procéder à l'évaluation de la
proportionnalité entre, d'une part, les buts poursuivis par la mesure
envisagée et, d'autre part, le droit au respect à la vie
familiale.
La disposition proposée pourrait donc apparaître, en
dépit de certaines hésitations de la jurisprudence, comme une
simple consécration législative de celle-ci et on serait
fondé, dans cette hypothèse, à s'interroger sur sa
plus-value par rapport au droit existant.
L'article 4 du projet de loi prescrirait à l'administration un
examen individuel approfondi des dossiers que la jurisprudence actuelle rend
d'ores et déjà nécessaire.
Or, l'inscription dans la loi de la délivrance de plein droit pourrait
laisser apparaître -à tort certes- une automaticité de la
délivrance de la carte de séjour temporaire au profit de toute
personne en mesure d'avancer des considérations d'ordre personnel ou
familial.
L'effet d'affichage qui résulterait probablement de l'adoption de la
mesure proposée ne manquerait sans doute pas d'encourager des demandes
infondées et de multiplier les contentieux.
Aussi, tout en comprenant l'intention du Gouvernement, votre commission
s'interroge sur l'opportunité d'inscrire dans la loi une
possibilité déjà offerte par la jurisprudence.
On notera que la carte " situation personnelle et
familiale " ne
subordonnerait plus le droit à l'exercice d'une activité
professionnelle à une déclaration préalable de
l'intéressé.
L'Assemblée nationale a retenu le dispositif proposé en y
apportant toutefois quelques modifications :
- tout d'abord,
se référant aux termes de l'article 8 de la
Convention européenne, elle a remplacé la mention
" situation personnelle et familiale "
qui figurerait
sur la
carte de séjour temporaire
par celle de " vie privée et
familiale "
;
- au 1° de l'article 12
bis
, elle a précisé
que l'étranger autorisé à séjourner en France au
titre du regroupement familial parce que son conjoint est titulaire de la carte
de séjour temporaire devrait être entré
régulièrement sur le territoire ;
- elle a, ensuite, ramené de 15 à 10 le nombre des années
de résidence habituelle nécessaires pour l'attribution de la
carte de séjour temporaire selon les dispositions de l'article 12
bis
-3° de l'ordonnance du 2 novembre 1945 ;
- l'Assemblée nationale a précisé que l'enfant
français résidant en France ouvrant droit à l'attribution
de la même carte à ses parents devait être mineur. Rappelons
que le texte en vigueur exige que l'enfant soit âgé de moins de 16
ans (art. 12
bis
-6°)
- au 7° du texte proposé pour l'article 12
bis
, elle a
ajouté que l'étranger faisant valoir des " liens personnels
et familiaux " ne devrait pas " vivre en état de
polygamie ".
L'Assemblée nationale a, par ailleurs, ajouté quatre
alinéas au texte de l'article 4
:
- l'article 12
bis
-8° prévoit l'attribution de plein
droit de la carte de séjour temporaire à l'étranger
né en France qui y a résidé pendant au moins 8 ans de
façon continue ou 10 ans de façon discontinue, à la
condition d'en faire la demande entre l'âge de 16 ans et celui de
21 ans.
Ces dispositions nouvelles seraient à rapprocher de celles du code civil
relatives à la nationalité.
L'article 21-7 de ce code prévoit, au même âge, la
possibilité, pour les étrangers nés en France,
d'acquérir la nationalité française par manifestation de
volonté s'ils justifient d'une résidence en France continue
pendant les cinq années précédant leur
démarche.
Le projet de loi relatif à la nationalité prévoit, pour
les mêmes personnes, une acquisition de plein droit à la
majorité, s'ils ont résidé en France pendant une
période continue ou discontinue d'au moins cinq ans depuis
l'âge de 11 ans.
- l'article 12
bis
-9°, adopté par
l'Assemblée nationale, reprendrait sans modification les dispositions de
l'actuel article 12
bis
-6°, concernant les titulaires d'une
rente d'accident du travail ou de maladie professionnelle.
L'article 5 du projet initial tendait à transférer cette
disposition à l'article 12
ter
-1° nouveau de
l'ordonnance.
- l'article 12
bis
-10°, adopté par
l'Assemblée nationale, reprendrait également sans modification
les dispositions en vigueur de l'article 12
bis
-7° de
l'ordonnance, concernant l'apatride, son conjoint et ses enfants.
L'article 5 du projet initial tendait à transférer ces
dispositions à l'article 12
ter
-2° nouveau de
l'ordonnance.
- l'article 12
bis
-11°, adopté par
l'Assemblée nationale, ouvre un nouveau cas d'attribution de plein droit
de la carte de séjour temporaire, que le projet de loi initial tendait
à insérer à l'article 12
ter
-3°
nouveau.
Selon l'article 12
bis
-11° l'étranger
" résidant habituellement en France dont l'état de
santé nécessite une prise en charge médicale dont le
défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une
exceptionnelle gravité, sous réserve qu'il ne puisse
effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans le
pays dont il est originaire "
.
Cette proposition doit être rapprochée des dispositions de
l'article 25-8° de l'ordonnance, protégeant certains
étrangers gravement malades contre une mesure d'éloignement du
territoire (expulsion ou arrêté de reconduite à la
frontière).
Il pourrait donc s'agir de réduire le nombre des catégories
d'étrangers qui, tout en étant protégés contre
l'éloignement du territoire, ne bénéficieraient pas du
droit à un titre de séjour.
Toutefois, les termes employés par les dispositions en vigueur de
l'article 25-8° de l'ordonnance -introduit par la loi du
24 avril 1997- ne correspondent pas strictement à ceux
proposés par le projet de loi.
L'étranger résidant habituellement en France (donc pas
nécessairement de manière régulière) doit
être "
atteint d'une pathologie grave nécessitant un
traitement médical
" pour ne pas pouvoir être
expulsé, alors que le projet exigerait que "
son état de
santé nécessite une prise en charge médicale
",
pour être bénéficiaire de plein droit de la carte de
séjour.
Toutefois, le projet de loi (article 13) tend à aligner la
définition du malade protégé contre l'éloignement
sur celle, plus large, du malade à qui une carte de séjour
temporaire serait accordée de plein droit par le présent article.
L'ordonnance, comme le projet de loi, subordonne la protection contre
l'éloignement ou le droit au titre de séjour, à la
condition que le défaut de traitement puisse entraîner pour
l'étranger des conséquences d'une exceptionnelle gravité.
La protection contre l'expulsion est accordée sous réserve que
"
l'étranger ne puisse effectivement poursuivre un traitement
approprié dans le pays de renvoi
", alors que le projet de loi
se réfère au "
pays dont il est originaire
", ce
qui paraît plus limitatif.
Il est donc permis de s'interroger sur le point de savoir si
l'interprétation jurisprudentielle éventuelle de la
différence de terminologie permettrait une homothétie totale
entre les malades protégés contre l'éloignement et ceux
qui se verraient reconnaître l'attribution de plein droit de la carte de
séjour temporaire.
Quoi qu'il en soit, dans son avis précité du 22 août
1996, le Conseil d'Etat avait indiqué que l'autorité
administrative ne peut refuser le séjour aux demandeurs
"
lorsque sa décision peut avoir des conséquences d'une
gravité exceptionnelle sur la situation personnelle de ceux-ci : le
juge administratif annule alors de telles mesures comme entachées d'une
erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences. Tel est
notamment le cas lorsque est sérieusement en cause l'état de
santé des intéressés
".
Autrement dit, l'administration est déjà tenue d'accorder un
titre de séjour aux étrangers gravement malades, répondant
aux conditions posées par la jurisprudence.
Il s'agirait donc, une fois encore, d'inscrire dans la loi des dispositions ne
s'imposant pas car les intéressés peuvent,
en l'état
actuel
du droit, se voir délivrer une
autorisation de
séjour, pour la durée nécessaire au traitement
.
Le projet de loi permettrait, en revanche, la délivrance d'un titre
d'un an, quelle que soit la durée du traitement médical.
Ce qui apparaîtrait, en définitive, comme un souci d'affichage
pourrait cependant entraîner des conséquences insuffisamment
évaluées.
En reconnaissant un droit à des personnes qui peuvent d'ores et
déjà en bénéficier
,
on restreindrait le
pouvoir d'appréciation des cas
individuels par
l'administration
. L'attribution de plein droit de la carte de séjour
temporaire pourrait aussi constituer une incitation à
pénétrer irrégulièrement sur le territoire.
Quoi qu'il en soit, ces modifications apportées par l'Assemblée
nationale ne seraient pas de nature à remettre en cause les principes de
la réforme proposée, qui apparaît à votre commission
comme :
- contestable dans son aménagement des cas d'attribution de plein droit
de la carte de séjour temporaire (suppression de la condition de
durée de mariage pour l'étranger marié à un
français ; abaissement de 18 à 16 ans de l'âge maximum de
l'enfant français de l'étranger demandeur du titre de
séjour) ;
- inutile, et peut-être même préjudiciable, en ce qui
concerne les nouveaux cas d'attribution proposés (conjoint de
scientifique ; " vie privée et familiale ", malades) au sens
où, dans le premier cas, la loi en vigueur permet à
l'administration de donner satisfaction au requérant et, dans les deux
autres cas, il ne s'agirait que de la transcription législative de
principes admis par la jurisprudence, comportant, de surcroît, un
risque sérieux d'appel d'air
.
Votre commission vous propose donc, un
amendement
de suppression de
l'article 4
du projet de loi.
Article 5
(article 12 ter nouveau de l'ordonnance
n° 49-2658
du 2 novembre 1945)
Attribution de plein droit
de la carte de séjour temporaire
aux bénéficiaires de
l'asile territorial
L'article 5 du projet de loi initial, concernant
d'autres
cas d'attribution de plein droit de la carte de séjour temporaire,
créait à cet effet un article 12
ter
nouveau de
l'ordonnance.
Cet article tendait, d'une part, à reprendre deux cas d'attribution
figurant actuellement à l'article 12
bis
et, d'autre
part, à instituer deux nouvelles catégories de
bénéficiaires.
Les deux cas d'attribution en vigueur (titulaires d'une rente d'accident du
travail et apatrides) ont été, comme on l'a vu,
transférés par l'Assemblée nationale à
l'article 4 du projet et donc à l'article 12
bis
de
l'ordonnance ainsi que l'une des deux nouvelles catégories de
bénéficiaires (malades).
L'article 5 du projet, tel qu'il a été transmis par
l'Assemblée nationale, concerne uniquement l'attribution d'une carte de
séjour temporaire à l'étranger qui a obtenu l'asile
territorial.
L'asile territorial, constituant jusqu'à présent une pratique
administrative ne reposant sur aucun texte spécifique, serait
expressément prévu par la loi (article 31 du projet de loi).
Comme on l'exposera dans le commentaire sur l'article 31, le projet de loi
initial tendait à permettre au ministre de l'intérieur d'accorder
l'asile territorial à l'étranger exposé, en cas de refus
d'admission, "
à des traitements inhumains ou dégradants
ou à des risques majeurs pour sa sûreté
personnelle
".
Toutefois le texte de l'article 31, tel qu'il a été
adopté par l'Assemblée nationale, apporte une définition
différente de l'asile territorial.
Celui-ci pourrait être accordé "
dans des conditions
compatibles avec l'intérêt du pays
" si l'étranger
établit "
que sa vie ou sa liberté est menacée
dans son pays ou qu'il y est exposé à des traitements contraires
à l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des
droits de l'Homme
" (torture, peines ou traitements inhumains ou
dégradants).
L'analyse de la définition de l'asile territorial sera faite dans le
commentaire de l'article 31 du projet de loi.
En ce qui concerne l'attribution de plein droit de la carte de séjour
temporaire -objet du présent article- le projet de loi initial en
prévoit donc le bénéfice à l'étranger qui a
obtenu l'asile territorial et le texte adopté par l'Assemblée
nationale étendrait cette disposition au conjoint et aux enfants
âgés de moins de 19 ans si le mariage est antérieur
à cette obtention, ou à défaut s'il a été
célébré depuis au moins un an, sous réserve de
communauté de vie effective entre les époux
(art. 12
ter
4° nouveau de l'ordonnance du
2 novembre 1945).
Cette carte donnerait lieu à l'exercice d'une activité
professionnelle.
Une nouvelle fois, et en logique avec la position qu'elle a prise sur l'asile
territorial (voir commentaire de l'article 31), votre commission s'interroge
sur l'opportunité d'inscrire dans la loi une pratique administrative
déjà admise et sur le risque d'encouragement à la demande
d'asile que cette proposition comporterait.
Enfin, sur le plan formel, on peut également s'interroger sur
l'opportunité de scinder en deux articles (12
bis
et
12
ter
) des dispositions ayant trait à la carte de
séjour temporaire suivant le même régime juridique. Il
n'est pas certain que la lisibilité de l'ordonnance du
2 novembre 1945 en soit améliorée.
Votre commission vous propose un
amendement
de suppression de
l'article 5
du projet de loi.
Article 5 bis nouveau
(article 12 quater nouveau de
l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945)
Rétablissement de la
commission du titre de séjour
L'Assemblée nationale a adopté un article
additionnel tendant à la création d'une commission du titre de
séjour que le préfet serait tenu de consulter lorsqu'il envisage
de refuser la délivrance ou le renouvellement d'une carte de
séjour temporaire ou d'une carte de résident à un
étranger invoquant le bénéfice de plein droit de cette
carte selon les dispositions des articles 12
bis
et 15 de l'ordonnance
du 2 novembre 1945,
son avis ne liant pas le préfet.
Il s'agirait, en réalité, du rétablissement de la
commission départementale du séjour, instituée par la loi
n° 89-548 du 2 août 1989 et supprimée par la loi du 24 avril
1997 ; cette commission avait été mise en place afin de renforcer
les garanties juridiques offertes aux étrangers résidant en
France ou ayant vocation à y vivre de manière durable.
Elle était instituée au niveau départemental et
composée du président et d'un magistrat du tribunal de grande
instance ainsi que d'un conseiller de tribunal administratif.
Cette commission, selon la loi de 1989, devait être saisie par le
préfet lorsque celui-ci envisageait de refuser le renouvellement d'une
carte de séjour temporaire ou la délivrance de plein droit d'une
carte de résident ou d'un titre de séjour à un
étranger qui ne pouvait faire l'objet d'une mesure d'éloignement.
Si la commission émettait un avis favorable à l'octroi ou au
renouvellement du titre de séjour, l'administration était tenue
de délivrer celui-ci.
Lors de l'examen de la loi du 24 août 1993, le Gouvernement avait
envisagé la suppression des commissions départementales du
séjour.
Il était notamment reproché aux commissions du séjour la
lourdeur de leur fonctionnement -elles n'avaient pas été mises en
place dans tous les départements- les nombreux incidents et
dysfonctionnements qui le caractérisaient, la multiplication des recours
qui en résultaient ainsi que le maintien de fait de situations
irrégulières en cas de sursis, de report ou de renvoi de l'examen
du dossier.
Il pouvait, par ailleurs, sembler anormal de lier la délivrance ou le
refus d'un document administratif à l'avis d'une telle commission, alors
même que la décision de l'administration était soumise au
contrôle du juge administratif.
Néanmoins, l'Assemblée nationale -suivie par le Sénat-
avait souhaité maintenir cette institution en réduisant
sensiblement son champ d'intervention.
La loi du 24 août 1993
lui a ainsi retiré sa
compétence en matière de renouvellement d'une carte de
séjour temporaire et
supprimé son pouvoir de décision
au profit d'une simple fonction consultative
.
La commission du séjour était donc, avant l'entrée en
vigueur de la loi du 24 avril 1997, compétente pour les refus de
délivrance d'une carte de résident de plein droit (article 15 de
l'ordonnance) et de délivrance d'un titre de séjour à
certaines catégories d'étrangers protégés contre
une mesure d'éloignement (article 25, 1° à 6° de
l'ordonnance).
Elle était saisie chaque année
d'un peu plus de
1 000
dossiers
, l'essentiel des réunions ayant lieu en Ile-de-France
où étaient traités 40 % des refus de cartes de
résident.
Deux motifs essentiels avaient fondé la suppression des commissions du
séjour :
- l'extension des cas d'attribution de plein droit de la carte de séjour
temporaire, que devait opérer la loi du 24 avril 1997 -pour lesquels la
commission n'était pas compétente- aurait divisé par
quatre le nombre des dossiers à traiter ;
- les difficultés de fonctionnement du dispositif, en particulier dans
les départements les moins peuplés.
A l'appui de sa proposition de rétablissement des commissions du
séjour, la commission des Lois de l'Assemblée nationale fait
valoir que celles-ci n'étaient pas systématiquement favorables
aux étrangers, citant les chiffres de 1992 pour lesquels, en
matière de délivrance de carte de résidant, elles avaient
formulé 885 avis défavorables et 470 avis favorables.
La composition de la commission du titre de séjour serait toutefois
différente de celle de la commission du séjour supprimée
par la loi de 1997.
L'ancienne commission du séjour était composée de deux
magistrats du tribunal de grande instance et d'un conseiller du tribunal
administratif.
La commission du titre de séjour serait présidée par le
président du tribunal administratif ou un conseiller
délégué, et composée d'un seul magistrat du
tribunal de grande instance, mais aussi d'une personnalité
qualifiée désignée par le préfet pour sa
compétence en matière sociale.
La commission devrait être saisie par le préfet lorsqu'il
envisagerait de refuser de délivrer ou de renouveler une carte de
séjour temporaire ou une carte de résident à un
étranger estimant en être bénéficiaire de plein
droit.
Pour le reste, le régime de la commission du titre de séjour
serait comparable à celui des anciennes commissions du séjour.
Dans les départements de plus de 500 000 habitants, une commission
pourrait être instituée dans un ou plusieurs arrondissements.
Son avis ne lierait pas le préfet -contrairement au régime de la
loi de 1989, mais comme dans celui de 1993.
L'étranger pourrait être assisté d'un conseil de toute
personne de son choix et être entendu avec un interprète. Il
pourrait aussi bénéficier de l'aide juridictionnelle.
Il serait délivré au demandeur, s'il ne dispose pas d'un titre de
séjour en cours de validité, un récépissé
valant autorisation provisoire de séjour pendant la durée de la
procédure.
Les débats de la commission seraient publics et l'avis motivé de
la commission transmis à l'étranger.
La commission du titre de séjour ne serait pas instituée avant
un délai de 5 ans à compter de l'entrée en vigueur de
la loi, en Guyane et à Saint-Martin (Guadeloupe).
Les commissions départementales du titre de séjour -dont le
rétablissement n'avait pas été proposé par le
rapport de M. Patrick Weil au Premier ministre- seraient donc conçues
d'une manière sensiblement comparable à celle des commissions du
séjour que le Parlement avait supprimé l'an dernier.
Les raisons pour lesquelles le Sénat avait approuvé cette
suppression, ci-dessus rappelées, demeurent valables pour un dispositif
sensiblement comparable.
Aussi, votre commission vous propose-t-elle un
amendement de suppression de
l'article 5
bis
.
Article 6
(art. 15 de l'ordonnance n° 45-2658
du 2 novembre 1945)
Modification des conditions d'attribution de plein
droit
de la carte de résident
L'article 6 du projet de loi concerne les conditions
d'attribution de plein droit de la carte de résident qu'il modifie
sur trois points :
- suppression de la condition d'entrée régulière ;
- durée du mariage de l'étranger conjoint d'un
Français ;
- création de deux nouveaux cas d'attribution de la carte de
résident.
a) suppression de la condition d'entrée régulière
L'article 6 tend à supprimer la condition d'entrée
régulière dans les cas où celle-ci est posée.
Selon l'article 15 de l'ordonnance, la carte de résident est
attribuée de plein droit, sous réserve de l'entrée
régulière, aux étrangers suivants :
- conjoint d'un français,
marié depuis au moins
un an
, aux conditions habituelles de communauté de vie, de
conservation de la nationalité française, de transcription, le
cas échéant, de l'acte de mariage sur les registres de
l'état civil français (art. 15-1° de l'ordonnance) et
absence de vie en état de polygamie (art. 15
bis
de
l'ordonnance) ;
- enfant d'un français, s'il a moins de 21 ans ou s'il est à
la charge de ses parents et ascendants à charge du Français ou de
son conjoint (art. 15-2° de l'ordonnance) ;
- parent d'un enfant français résidant en France, à la
condition qu'il exerce même partiellement l'autorité parentale ou
qu'il subvienne effectivement à ses besoins (art 15-3° de
l'ordonnance).
- titulaire d'une rente d'accident du travail ou de maladie professionnelle,
aux mêmes conditions que pour la carte de séjour temporaire et
l'ayant-droit d'un étranger, bénéficiaire d'une rente de
décès pour accident de travail ou maladie professionnelle
(art. 15-4° de l'ordonnance) ;
- conjoint et enfant de moins de 19 ans d'un étranger titulaire
d'une carte de résident autorisés à séjourner en
France au titre du regroupement familial (art. 15-5° de
l'ordonnance) ;
En revanche, l'ordonnance prévoit la délivrance de plein droit
de la carte de résident sans condition d'entrée
régulière, dans les cas suivants :
- étranger ayant servi dans une unité combattante de
l'armée française ou alliée ou ayant servi dans la
Légion étrangère, dans les conditions fixées par
les 6° à 9° de l'article 15 de l'ordonnance ;
- étranger ayant obtenu le statut de réfugié, son conjoint
et ses enfants de moins de 19 ans. Le mariage doit être
antérieur à l'obtention du statut ou, à défaut,
célébré depuis au moins un an avant la demande, sous
réserve d'une communauté de vie effective entre les époux
(art 15-10° de l'ordonnance).
- apatride justifiant de 3 ans de résidence régulière
en France, son conjoint et ses enfants de moins de 19 ans (art
15-11° de l'ordonnance);
- l'étranger en situation régulière depuis plus de
10 ans, sauf s'il a été titulaire, pendant toute cette
période, d'une carte de séjour temporaire portant la mention
" étudiant " (art 15-12° de l'ordonnance).
Le I de l'article 6 du projet de loi tend à supprimer la condition
d'entrée régulière dans les cinq cas où elle
est exigée.
En pratique, l'étranger qui remplit toutes les conditions pour
l'attribution de plein droit de la carte de résident à
l'exception de l'entrée régulière ( ce qui pourra
être le cas de l'étranger titulaire d'une carte de séjour
temporaire, dont l'attribution n'est pas conditionnée par
l'entrée régulière) pourrait retourner dans son pays pour
solliciter un visa de long séjour. Compte tenu de ses liens
étroits avec la France, le visa aurait de grandes chances de lui
être accordé.
La disposition tendrait donc à faciliter la délivrance d'une
carte de long séjour (10 ans) à un étranger qui ne
serait pas entré régulièrement sur le territoire, ce qui
est pour le moins paradoxal.
L'Assemblée nationale a adopté le I de l'article 6 sans
modification.
Votre commission
, sans négliger les éléments de
caractère essentiellement pratiques de cette proposition
ne peut
admettre, sur le plan des principes, que l'attribution de plein droit d'une
carte de longue durée (10 ans) ne soit plus soumise à une
condition d'entrée régulière.
Cette disposition ne pourrait qu'encourager l'entrée
irrégulière sur le territoire et aller à l'encontre de la
nécessaire maîtrise des flux migratoires.
b) La condition de durée de mariage
Le II de l'article 6 du projet de loi initial portait de un an à
deux ans la durée minimale de mariage pour l'attribution de plein
droit de la carte de résident.
Selon l'étude d'impact élaborée par le Gouvernement, il
est délivré, suivant les années, entre 6.500 et
7.500 cartes de résident aux étrangers mariés
à un Français. La mesure serait destinée à limiter
le nombre des mariages de complaisance en étendant sur deux
années au lieu d'une seule la vérification de
l'effectivité de la communauté de vie. La disposition permettrait
ainsi de mieux maîtriser les conditions de délivrance d'un titre
de séjour durable.
La prolongation de la durée préalable de mariage est
présentée, dans l'exposé des motifs du projet, comme la
contrepartie de la suppression de la condition de durée du mariage de
un an pour l'attribution de plein droit de la carte de séjour
temporaire, proposée par l'article 4 du projet de loi.
On remarquera que les
dispositions en vigueur concernant l'incidence du
mariage avec un Français sur les droits au séjour et à la
nationalité française comportent une certaine logique
:
- la carte de séjour temporaire est accordée après un an
de mariage;
- la carte de résident l'est après un an de mariage aussi, mais
sous condition d'entrée régulière;
- la nationalité française peut être acquise par
déclaration après deux ans de mariage (art. 21-2 du code
civil).
Une certaine graduation apparaît donc avec évidence.
Le projet de loi initial :
- supprime le délai d'un an de mariage pour l'attribution de la carte de
séjour temporaire,
- porte de 1 an à 2 ans la durée de mariage
conditionnant la délivrance de la carte de résident.
Le projet de loi initial sur la nationalité n'affectait pas la condition
de 2 ans de mariage pour l'acquisition de la nationalité
française.
Les propositions initiales du Gouvernement tendaient à supprimer un
équilibre posé par les textes en vigueur, puisque la même
durée de mariage serait requise pour l'attribution de la carte de
résident et pour l'acquisition de la nationalité française.
L'Assemblée nationale a supprimé le paragraphe II de l'article
6 du projet, portant de un an à deux ans la durée minimale de
mariage pour l'attribution de plein droit de la carte de résident.
On peut s'interroger sur la logique qui a conduit aux positions prises par
l'Assemblée nationale :
- attribution de la carte de séjour temporaire sans condition de
durée de mariage, conformément au projet initial (article
4) ;
- attribution de la carte de résident après 1 an de mariage
(au lieu de 2 ans dans le projet initial), donc selon les textes en vigueur,
mais suppression de la condition d'entrée régulière ;
- réduction de 2 ans à 1 an de la durée de
mariage ouvrant droit à l'acquisition de la nationalité
française.
En d'autres termes, la même durée de mariage (1 an)
permettrait aussi bien la délivrance de la carte de résident que
l'acquisition de la nationalité française, ce qui peut
paraître surprenant.
La commission des Lois propose, en logique avec les positions prises
précédemment par le Sénat, de s'en tenir aux textes en
vigueur et, pour ce qui concerne l'article 6 du projet de loi de
maintenir la durée minimale d'un an de mariage pour l'attribution
de la carte de résident, ce qui correspondrait, sur ce point, à
la position de l'Assemblée nationale, étant entendu que le
maintien de la condition d'entrée régulière est
également proposée, contrairement au texte voté par
l'Assemblée nationale.
c) Création de deux nouveaux cas d'attribution de la carte de
résident
L'Assemblée nationale
a, par
adjonction d'un
paragraphe III
à l'article 6 du projet de loi,
adopté une disposition insérant un nouvel alinéa
(13 °) à l'article 15 de l'ordonnance tendant à
étendre le champ de l'attribution de plein droit de la carte de
résident
à deux catégories d'étrangers,
à savoir :
-
l'étranger titulaire d'une carte de séjour temporaire
en
application des articles 12
bis
et 12
ter
de
l'ordonnance tels qu'ils résulteraient du projet de loi,
qui
remplirait les conditions d'attributions de plein droit de la carte de
résident
.
Cette disposition apparaît redondante. Pourquoi prévoir
l'attribution de plein droit de la carte de résident pour des
étrangers qui remplissent déjà les conditions ?
-
l'étranger justifiant de 5 années de résidence
régulière ininterrompue en France
. On rappellera que
les
étrangers justifiant de 3 années consécutives de
résidence régulière en France peuvent déjà
obtenir -pas de plein droit, mais selon l'appréciation de
l'Administration- la carte de résident
en application de l'article
14, 1er alinéa, de l'ordonnance du 2 novembre 1945.
Votre commission n'estime pas opportun de retirer à l'administration son
pouvoir d'appréciation sur la situation des personnes n'entrant pas dans
les très nombreux cas d'attribution de plein droit de la carte de
résident, rappelés ci-dessus.
En conséquence, votre commission vous propose un
amendement de
suppression de l'article 6
du projet de loi.
Article 7
(article 16 de l'ordonnance n° 45-2658 du
2 novembre 1945)
Durée de validité, renouvellement et retrait
de la carte de résident
L'article 7 du projet de loi tend à proposer une
nouvelle rédaction de l'article 16 de l'ordonnance, reprenant, sans les
modifier, les deux premières phrases seulement de celui-ci et supprimant
le reste de l'article.
Sur le fond, l'article 16 en vigueur de l'ordonnance concerne la durée
de validité de la carte de résident, les conditions de son
renouvellement et celles de son retrait.
1. Les dispositions maintenues par le projet de loi :
La durée de validité de la carte de résident serait
maintenue à dix ans. Cette carte serait toujours renouvelée de
plein droit, sous réserve de l'article 15
bis
de
l'ordonnance, introduit par la loi du 24 août 1993 (étranger
vivant en état de polygamie et ses conjoints titulaires de la carte de
résident) et de l'article 18 de la même ordonnance
(étranger dont la carte de résident est périmée
parce qu'il a quitté le territoire pendant plus de trois années
consécutives, sauf autorisation).
Ces dispositions ne seraient pas affectées par le projet de loi initial.
2. Les dispositions supprimées par le projet de loi :
- La loi du 24 avril 1997 avait complété le
premier
alinéa de l'article
16 de l'ordonnance
en subordonnant
le renouvellement
de plein droit
de la carte de résident à
la condition que l'étranger justifie d'une résidence habituelle
en France au moment de la demande.
Cette condition supplémentaire, dont l'article 7 du projet propose la
suppression, avait été introduite pour éviter qu'un
étranger puisse se voir renouveler automatiquement son titre de
séjour, alors qu'il ne réside plus sur le territoire national.
L'Assemblée nationale a approuvé la suppression proposée
de cette disposition en faisant valoir le paradoxe qu'il y aurait à
exiger de l'étranger qu'il réside en France au moment où
il sollicite le renouvellement de sa carte de résident alors qu'il
pourrait être autorisé à résider plus de 3 ans hors
de France, selon l'article 18 de l'ordonnance.
Il convient de souligner que les dispositions en vigueur ne s'opposent
nullement au renouvellement de la carte de résident de l'étranger
se trouvant momentanément hors de France. Elles sont simplement
destinées à permettre à l'administration de porter une
appréciation sur la demande présentée.
En quoi serait-il choquant de laisser aux services administratifs la
possibilité de procéder à un examen de la demande de
renouvellement d'un titre de longue durée d'un étranger ne
résidant pas en France ?
A l'inverse, il apparaîtrait surprenant d'accorder un droit automatique
à renouvellement d'une carte de résident détenue par un
étranger ne résidant plus en France au moment de sa demande.
- Le
deuxième alinéa de l'article 16
, inséré
par la loi du 24 août 1993,
que le projet de loi propose
également de supprimer
, concerne la possibilité de retrait de
la carte de résident au réfugié qui s'est vu retirer son
statut par l'OFPRA en raison d'un comportement qui ne serait plus celui d'une
personne persécutée dans son pays.
Est ainsi visée la personne qui s'est volontairement placée dans
l'une des situations énoncées par les paragraphes 1 à 4 de
l'article premier C de la Convention de Genève :
" 1) si elle s'est volontairement réclamée à
nouveau de la protection du pays dont elle a la nationalité ; ou
" 2) si, ayant perdu sa nationalité, elle l'a volontairement
recouvrée ; ou
" 3) si elle a acquis une nouvelle nationalité et jouit de la
protection du pays dont elle a acquis la nationalité ; ou
" 4) si elle est retournée volontairement s'établir dans le
pays qu'elle a quitté ou hors duquel elle est demeurée de crainte
d'être persécutée (...) "
Le retrait de la carte de résident ne peut cependant être
prononcé que dans un délai de trois ans après sa
première délivrance.
En revanche, la carte de résident ne pourrait pas être
retirée si le retrait du statut de réfugié
résultait de la fin des circonstances locales à la suite
desquelles la personne a pu bénéficier de ce statut,
c'est-à-dire que les persécutions auraient cessé dans son
pays (cas visé par le 5 de l'article premier C de la Convention de
Genève).
Il convient de souligner que la possibilité -non l'obligation- de
retrait concerne des personnes, probablement peu nombreuses, qui se sont
volontairement placées en dehors du champ de la Convention de
Genève alors que la carte de résident leur avait
été délivrée précisément parce
qu'elles avaient obtenu le statut de réfugié.
De plus, ce retrait ne peut affecter des personnes implantées en France
de longue date, puisqu'il est limité, comme on l'a déjà
indiqué, aux trois premières années suivant la
première délivrance d'une carte de résident.
La commission des Lois souhaite le maintien du deuxième alinéa de
l'article 16 de l'ordonnance.
En conséquence, votre commission vous propose
un amendement de
suppression de l'article 7.
Article 8
(Article 18 bis nouveau de l'ordonnance
n° 45-2658 du 2 novembre 1945)
Carte de séjour
" retraité "
1. Le projet de loi initial
L'article 8 du projet de loi tend à insérer un article 18
bis
nouveau dans l'ordonnance du 2 novembre 1945 afin de créer
une carte de séjour " retraité ".
La carte de séjour " retraité " serait destinée
à répondre au cas d'étrangers qui, tout en souhaitant
résider dans leur pays d'origine, se maintiendraient en France au terme
de leur vie professionnelle uniquement par crainte de ne plus être
autorisés à revenir périodiquement rendre visite en France
aux membres de leur famille (enfants, petits-enfants...).
Dans l'état actuel de la législation, la carte de résident
d'un étranger ayant quitté le territoire français pendant
plus de trois ans est périmée, sauf demande expresse de
l'intéressé (art.18 de l'ordonnance).
Toutefois, s'il n'a pas formulé une telle demande, l'étranger
rentré dans son pays d'origine peut toujours effectuer des visites en
France sous le couvert d'un visa.
La demande de visa pour chaque visite pourrait cependant apparaître
astreignante et, peut-être, perçue par l'étranger comme
n'impliquant pas une garantie de pouvoir visiter effectivement sa famille quand
il le voudra.
La création d'une carte de séjour " retraité "
pourrait ainsi encourager le retour d'étrangers dans leur pays d'origine
sans pour autant faire obstacle à leur aspiration légitime de
garder un lien avec un pays dans lequel ils auraient, par définition,
des attaches de longue date.
Signalons, par ailleurs, que le projet prévoit, à l'article 35,
une dérogation, en faveur des étrangers habitant hors de France,
à l'obligation de résidence en France pour percevoir les
prestations d'assurance vieillesse. Les prestations d'assurance maladie
pourraient, à certaines conditions définies par un article
additionnel voté par l'Assemblée nationale (article 34
bis
) être versées lors de leur séjour temporaire en
France (voir commentaire de ces articles dans l'avis présenté par
M Alain Vasselle au nom de la commission des Affaires sociales).
Pour prétendre à la carte de séjour
" retraité ", l'étranger ayant établi sa
résidence hors de France devrait avoir précédemment
séjourné en France sous couvert d'une carte de résident.
Il devrait aussi être titulaire d'une pension contributive de vieillesse,
de droit propre ou de droit dérivé, liquidée au titre d'un
régime de base français de sécurité sociale.
La carte de séjour " retraité " permettrait à
son détenteur d'entrer à tout moment sur le territoire
français pour y séjourner temporairement
Elle serait valable 10 ans et renouvelable de plein droit. Elle n'ouvrirait
naturellement pas droit à l'exercice d'une activité
professionnelle.
Le conjoint du titulaire d'une carte de séjour
" retraité " bénéficierait de la même
carte à la condition qu'il ait résidé
régulièrement en France avec lui.
2. Le texte adopté par l'Assemblée nationale
l'Assemblée nationale a retenu le dispositif proposé en y
apportant toutefois quelques modifications :
- Elle a tout d'abord souhaité préciser que la résidence
hors de France du demandeur de la carte de résident
" retraité " devait s'entendre comme d'une résidence
habituelle.
- l'Assemblée nationale a entendu prendre en considération, non
seulement les étrangers encore titulaires d'une carte de résident
au moment de leur demande, mais aussi ceux qui ayant établi leur
résidence à l'étranger depuis plusieurs années,
solliciteraient à nouveau une carte de résident.
-
L'Assemblée nationale a remplacé
la notion de
" séjour
temporaire "
en France auquel le
titulaire de la carte de résident serait autorisé
par celle
de
" séjours n'excédant pas un an ",
ce qui
pourrait néanmoins être considéré comme une
durée assez longue.
- Enfin, s'agissant du conjoint, l'Assemblée nationale a
préféré lui accorder, non pas une
" carte de
même nature ",
celui-ci pouvant ne pas être
retraité lui-même, mais un
" titre de séjour
conférant les mêmes droits ".
Prenant en considération le fait que la carte de séjour
" retraité " serait de nature à faciliter la
démarche de personnes qui, ayant accompli la totalité ou une
grande partie de leur vie professionnelle en France, souhaiteraient
s'établir hors du territoire pour n'y revenir que périodiquement,
votre commission accueille favorablement cet article.
Elle vous propose néanmoins un aménagement concernant la
durée des séjours temporaires en France des retraités.
La durée maximale des séjours temporaires en France,
adoptée par l'Assemblée nationale (un an) apparaît, en
effet, trop longue.
Il paraît néanmoins difficile de fixer dans le texte de la loi la
durée des séjours temporaires, ceux-ci pouvant être
motivés par des circonstances diverses.
Votre commission des Lois vous propose en conséquence, par
amendement
, de revenir au texte initial du projet de loi, en indiquant
que l'étranger retraité serait admis à
"
séjourner temporairement
" en France, la durée
du séjour temporaire pouvant être fixée par la voie
réglementaire.
Elle vous propose
l'adoption de l'article 8 ainsi modifié
.
Article 9
(art. 19 de l'ordonnance n° 45-2658 du 2
novembre 1945)
Délit d'entrée et de séjour
irréguliers en France
Cet article tend à modifier l'article 19 de
l'ordonnance du 2 novembre 1945, afin de supprimer les
pénalités et sanctions liées à l'obligation de
souscrire, au moment de l'entrée sur le territoire, la
déclaration prévue par l'article 22 de la Convention
signée à Schengen du 19 juin 1990.
Précisé et complété par la loi n° 92-190 du 26
février 1992, l'article 19 de l'ordonnance du 2 novembre 1945
définit le délit d'entrée et de séjour
irrégulier et prévoit les sanctions applicables.
Est ainsi puni d'un emprisonnement d'
un an
et d'une amende de
25 000 francs
, l'étranger qui a
pénétré ou séjourné en France sans se
conformer aux dispositions des articles 5 (entrée
régulière sur le territoire) et 6 (possession d'une carte de
séjour passé un délai de trois mois depuis l'entrée
sur le territoire) de l'ordonnance. Les mêmes peines sont encourues
-depuis la loi du 26 février 1992- par l'étranger qui s'est
maintenu sur le territoire français au-delà de la durée
autorisée par son visa.
Le II de l'article 19 de l'ordonnance rend, par ailleurs, les mêmes
peines applicables à l'étranger, non ressortissant d'un Etat
membre de la Communauté européenne, qui n'a pas été
admis sur le territoire en application des stipulations de la Convention de
Schengen et qui a pénétré sur le territoire
métropolitain sans remplir les conditions mentionnées aux points
a, b ou c du paragraphe 1 de l'article 5 de la Convention, soit :
- posséder un document ou des documents valables permettant le
franchissement de la frontière, déterminés par le
comité exécutif ;
- être en possession d'un visa valable si celui-ci est requis ;
- présenter, le cas échéant, les documents justifiant de
l'objet et des conditions du séjour envisagé et disposer des
moyens de subsistance suffisants, tant pour la durée du séjour
envisagé que pour le retour dans le pays de provenance ou le transit
vers un Etat tiers dans lequel son admission est garantie, ou être en
mesure d'acquérir légalement ces moyens.
Un Etat partie à la Convention peut néanmoins déroger
à ces conditions pour des motifs humanitaires ou d'intérêt
national ou en raison d'obligations internationales. Dans cette
hypothèse, l'Etat en question devient l'Etat responsable au sens de la
convention de Schengen et doit assurer, le cas échéant,
l'éloignement de l'étranger bénéficiaire de la
dérogation. En outre, sous certaines conditions, l'étranger peut
être admis en transit s'il est titulaire d'une autorisation de
séjour ou d'un visa de retour délivrés par l'une des
parties contractantes.
Les règles s'appliquent également au cas de l'étranger
signalé aux fins de non-admission en application d'une décision
exécutoire.
Le II de l'article 19 de l'ordonnance étend par ailleurs le délit
au cas de l'étranger en provenance directe du territoire d'un Etat
partie à la Convention qui est entré ou a séjourné
sur le territoire métropolitain sans se conformer aux dispositions
relatives au visa uniforme prévu par l'article 19 de la Convention ou
à celles définissant les conditions de circulation de
l'étranger.
Le délit couvre, enfin, le cas de l'étranger qui, en provenance
directe du territoire d'un Etat partie à la Convention, n'a pas
souscrit, au moment de l'entrée sur le territoire, la
déclaration obligatoire
prévue par l'article 22 du texte
international lorsqu'il était astreint à cette formalité.
C'est ce dernier cas que l'article 9 du projet de loi tend à supprimer
dans le cadre d'un ensemble de dispositions dont l'objet -selon l'exposé
des motifs- est de "
faciliter la libre circulation en supprimant
ou en
allégeant certaines formalités inutiles ou excessivement
tracassières
".
L'étude d'impact fait valoir que "
dans les faits, en
règle générale, les étrangers ignorent l'existence
de cette déclaration
". Il est exact qu'un nombre très
limité de déclarations est enregistré (4,4 % en 1996)
par rapport au nombre de personnes qui y sont soumises.
La déclaration serait néanmoins maintenue dans la mesure
où, selon l'étude d'impact, "
elle peut en effet
représenter une facilité pour les étrangers en situation
régulière mais dont le passeport n'aurait pas été
tamponné lors du franchissement de la frontière extérieure
Schengen
".
L'Assemblée nationale a adopté cet article sans modification.
Il est vrai que cette procédure a été marquée par
certaines incertitudes soulignées en son temps par la commission
sénatoriale de contrôle chargée d'examiner la mise en place
et le fonctionnement de la convention.
Votre commission des Lois vous propose d'adopter cet article
sans
modification.
Article 10
(art. 21 de l'ordonnance n° 45-2658 du 2
novembre 1945)
Aménagement du régime des infractions d'aide
à l'entrée,
à la circulation et au séjour
d'étrangers en situation irrégulière
Cet article tend à modifier l'article 21 de
l'ordonnance du 2 novembre 1945 afin d'aménager le régime
des infractions d'aide à l'entrée et au séjour
d'étrangers en situation irrégulière.
L'ordonnance du 2 novembre 1945 (article 19 et 27) sanctionne, en premier lieu
les infractions aux règles relatives à l'entrée, au
séjour et à l'éloignement, qui sont commises par un
étranger.
En outre, elle sanctionne celles qui sont commises par un tiers au profit d'un
étranger lui-même en infraction (articles 20 bis, 21 et 21 ter).
Tel qu'il résulte de la loi n° 94-1136 du 27 décembre 1994,
l'article 21 de l'ordonnance prévoit que peut être poursuivie
toute personne, quelle que soit sa nationalité, qui, alors qu'elle se
trouvait en France, aura facilité ou tenté de faciliter, par aide
directe ou indirecte, l'entrée, la circulation ou le séjour d'un
étranger. Les mêmes faits sont incriminés lorsque cette
personne se trouvait sur le territoire d'un Etat partie à la convention
de Schengen ou lorsque, se trouvant en France, elle aura commis ces faits au
détriment de l'un de ces Etats.
La notion d'aide directe ou indirecte a été
précisée par la jurisprudence. Il peut s'agir par exemple du fait
de contracter un mariage simulé ou de publier des annonces en vue d'un
mariage de complaisance.
Les peines maximum encourues sont un emprisonnement de
cinq ans
et une
amende de
200 000 francs
.
En outre, le tribunal peut prononcer des
peines complémentaires
: interdiction de séjour ; suppression du permis de conduire pendant une
durée de trois ans au plus (qui peut être doublée en cas de
récidive) ; retrait temporaire ou définitif de l'autorisation
administrative d'exploiter soit des services occasionnels à la place ou
collectifs, soit un service régulier ou un service de navette de
transports internationaux (le véhicule ayant servi à commettre
l'infraction par voie terrestre, fluviale ou maritime peut être
confisqué) ; interdiction d'exercer directement ou par personne
interposée, pendant une durée de cinq ans maximum,
l'activité professionnelle à l'occasion de laquelle l'infraction
a été commise ; confiscation de tout produit appartenant au
condamné et provenant directement ou indirectement de l'infraction ;
interdiction du territoire pendant une durée de dix ans maximum
à l'encontre du condamné étranger.
Le
paragraphe I
du présent article propose de créer une
circonstance aggravante lorsque les délits sont commis en
bande
organisée
. Dans ce cas, les peines seraient portées à
dix ans
d'emprisonnement et à
cinq millions
de francs.
Cette disposition, qui est conforme à une suggestion du rapport de
M. Patrick Weil, est destinée à lutter plus efficacement
contre les
réseaux structurés
. Le rapport proposait, en
outre, de permettre une interdiction définitive du territoire dans le
cas où le délit serait commis par un étranger.
La commission d'une infraction en bande organisée constitue une
circonstance aggravante aux termes de l'article 132-71 du code pénal,
lequel définit la bande organisée comme "
tout groupement
formé ou toute entente établie en vue de la préparation,
caractérisée par un ou plusieurs faits matériels, d'une ou
de plusieurs infractions
".
Selon la circulaire du 14 mai 1993 de mise en oeuvre du nouveau code
pénal, la bande organisée suppose, à la
différence de la réunion, que les auteurs de l'infraction ont
préparé, par des moyens matériels qui sous-entendent une
certaine organisation, la commission du crime ou du délit, ce qui
signifie qu'il y a eu préméditation. Cette circonstance
aggravante doit en outre être réservée aux cas
d'infractions commises par un nombre important de personnes.
Le
paragraphe II
étend le champ d'application de la protection
contre ces incriminations, déjà accordée à certains
membres de la famille de l'étranger.
Le III de l'article 21 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 -issu de la loi
n° 96-647 du 22 juillet 1996 tendant à renforcer la
répression du terrorisme- prévoit que, sans préjudice de
l'article 19 de l'ordonnance, des poursuites pénales ne peuvent
être engagées sur le fondement de l'aide au séjour
irrégulier lorsque celle-ci est le fait d'un
ascendant
, d'un
descendant
ou du
conjoint
de l'étranger
concerné.
Il n'est pas inutile de rappeler que ces immunités ont été
introduites par la loi du 22 juillet 1996 dans le but d'atténuer les
effets de l'assimilation de l'infraction prévue par l'article 21
à un acte terroriste dès lors qu'elle est intentionnellement en
relation avec une entreprise terroriste. Or le Conseil constitutionnel
(décision n° 96-377 DC du 16 juillet 1996) ayant censuré
(art. 22 de l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945)
les nouvelles dispositions qui étaient inscrites à l'article
421-1 du code pénal, les immunités familiales on seules
subsisté dans la loi en définitive promulguée.
Le
II
de l'article 10 propose de prendre en compte au titre de ces
immunités, outre les ascendants et les descendants, leurs
conjoints
, les
frères
et
soeurs
de
l'étranger et leurs
conjoints
. Par ailleurs serait
également protégé le
concubin
notoire de
l'étranger et non plus seulement son conjoint.
Cette extension répond au souci exprimé dans le rapport de M.
Patrick Weil de recentrer la répression sur les réseaux
structurés. Le rapport relève ainsi que "
les poursuites
pénales apparaissent inopportunes à l'encontre d'une personne
qui héberge un étranger en situation irrégulière
dans un cadre familial et amical. Elles sont rares en pratique, les infractions
relevées sur ce fondement correspondant presque toujours à des
démantèlements de filières et à des interpellations
de passeurs. L'action des services de police et de gendarmerie doit être
concentrée sur la recherche de la criminalité. La
législation doit donc être humanisée sur ce
point.
"
La protection ainsi édictée n'est cependant pas totale : elle ne
concerne pas l'aide à l'entrée irrégulière
incriminée par l'article 21 de l'ordonnance ; elle n'empêche pas
les poursuites au titre de la complicité sur le fondement de l'article
19, lequel prévoit néanmoins des sanctions plus faibles
(un an
d'emprisonnement et 25
000 francs d'amende).
L'Assemblée nationale a adopté ces dispositions sans modification.
Soulignant que lors de l'examen de la loi du 22 juillet 1996, le champ
d'application des " immunités familiales " avait fait
l'objet
d'un examen approfondi, votre commission des Lois rappelle que la solution
proposée par le II du présent article avait été
écartée par le Sénat. Visant tous les proches de
l'étranger, y compris les concubins, elle est en effet susceptible de
générer des fraudes à la loi.
C'est pourquoi, elle vous propose par un
amendement
de supprimer le II
de l'article 10.
Elle vous soumet l'article 10
ainsi modifié
.
Article 10 bis (nouveau)
(Art. 21 ter de
l'ordonnance
n° 45-2658 du 2 novembre 1945)
Non application du régime des
infractions d'aide à l'entrée,
à la circulation et au
séjour d'étrangers en situation
irrégulière
à certaines associations
Cet article additionnel, adopté par l'Assemblée
nationale à l'initiative de M. Julien Dray et contre l'avis du
Gouvernement, tend à modifier l'article 21 ter de l'ordonnance du 2
novembre 1945 afin de rendre inapplicables les dispositions de l'article 21,
ci-dessus exposées (cf. commentaire de l'article 10) à certaines
associations qui apportent leur soutien aux étrangers.
Actuellement, l'article 21 ter permet l'application de ces dispositions qui
sanctionnent l'aide à l'entrée et au séjour
irréguliers aux personnes morales dans les conditions prévues par
l'article 121-2 du code pénal. Sont ainsi visées toutes les
personnes morales, notamment les associations, à l'exclusion de l'Etat.
Cette responsabilité peut être engagée "
dans les
cas prévus par la loi
".
Les collectivités territoriales et leurs groupements ne sont toutefois
responsables pénalement que des infractions commises dans l'exercice
d'activités susceptibles de faire l'objet de conventions de
délégations de service public.
Le présent article exclurait du régime institué par
l'article 21 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 les associations
à
but non lucratif
qui apportent
aide
et
conseils
à un
étranger qui se trouve en infraction aux règles d'entrée
et de séjour. Sont visées en particulier les associations qui
viennent en aide aux étrangers dont l'état de santé
nécessite un
traitement médical
.
Devant l'Assemblée nationale, M. Jean-Pierre Chevènement,
ministre de l'intérieur, a fait valoir que "
le renforcement des
sanctions concernant les filières criminelles agissant en bandes
organisées pour faciliter le trafic de main d'oeuvre et l'immigration
clandestine (...) ne concerne évidemment pas les associations d'aide aux
étrangers, dont beaucoup d'ailleurs, sont subventionnées (...).
Cela ne vise pas non plus, bien évidemment, les associations
médicales, qui viennent en aide aux malades
".
Votre commission des Lois n'a pas non plus jugé nécessaire une
telle disposition. Elle vous soumet, en conséquence, un
amendement de
suppression
de l'article 10 bis.
Article 11
(art. 22 de l'ordonnance n° 45-2658 du 2
novembre 1945)
Suppression de la reconduite à la frontière en
cas de non respect
de la procédure de déclaration
prévue par la convention de Schengen
Suppression de l'interdiction
administrative du territoire
dans le cadre d'une reconduite à la
frontière
Cet article qui modifie l'article 22 de l'ordonnance du
2 novembre 1945 a pour objet de supprimer, d'une part, la procédure
de reconduite à la frontière applicable à un
étranger qui n'aurait pas respecté l'obligation de
déclaration prévue par la convention de Schengen et, d'autre
part, l'interdiction administrative du territoire qui peut être
appliquée dans le cadre d'une reconduite à la frontière.
Le II de l'article 22 de l'ordonnance de 1945 -issu de la loi
n° 92-190 du 26 février 1992- rend applicables les
dispositions relatives à la reconduite à la frontière
à l'étranger non ressortissant de la communauté
européenne qui ne remplit pas les conditions d'entrée
prévues par la convention de Schengen dans son article 5 (points a,
b ou c du paragraphe 1) qui ont été exposées
ci-dessus (cf. commentaire de l'article 9).
Il les étend également à l'étranger en provenance
du territoire d'un Etat partie à la convention qui est entré ou a
séjourné sur le territoire métropolitain sans se conformer
aux dispositions relatives au visa uniforme prévues par
l'article 19 de la convention ou celles définissant les conditions
de circulation de l'étranger.
Enfin, le II de l'article 22 de l'ordonnance rend applicables les
mêmes dispositions à l'étranger en provenance directe d'un
Etat partie à la convention qui n'a pas souscrit, au moment de
l'entrée sur le territoire, la déclaration obligatoire
prévue par l'article 22 du texte international, lorsqu'il
était astreint à cette formalité.
Or, l'article 9 du projet de loi supprime la pénalisation du non
respect de l'obligation de souscrire cette déclaration dans le souci de
faciliter la libre circulation en supprimant certaines formalités
jugées par le Gouvernement inutiles ou excessivement
tracassières.
Dans ces conditions, et dans le même esprit, le
paragraphe I
du présent article supprime le cas d'absence de respect de cette
obligation parmi les motifs pouvant justifier l'application des dispositions
relatives à la reconduite à la frontière.
Il est difficile de se satisfaire d'une telle solution. En effet, dès
lors que l'obligation -qui résulte de la convention elle-même-
demeure, sa méconnaissance doit pouvoir fonder une mesure de reconduite
à la frontière, quand bien même les sanctions
pénales auraient été supprimées par ailleurs.
Le
paragraphe II
, pour sa part, abroge les dispositions du IV de
l'article 22 de l'ordonnance.
L'article 22-IV
de l'ordonnance -issu de la loi n° 93-1417 du
30 décembre 1993, laquelle a tenu compte de la décision
n° 93-325 du 13 août 1993 du Conseil constitutionnel- permet
à
l'autorité administrative
qui a pris un
arrêté de reconduite à la frontière, de prendre, en
raison de la
gravité du comportement
ayant motivé la
reconduite et en tenant compte de la
situation personnelle
de
l'intéressé, une décision d'interdiction du territoire
d'une durée maximale
d'un an
à compter de
l'exécution de la reconduite à la frontière. Cette
décision -qui est distincte de celle prononçant la reconduite-
doit être motivée. Elle ne peut intervenir avant que
l'intéressé ait été mis à même de
présenter ses observations. Elle emporte de plein droit reconduite
à la frontière de l'étranger concerné.
Parallèlement, l'article 21 du projet de loi abroge les deux
derniers alinéas de l'article 33 -issus de la loi du 24 avril
1997- qui rendent passible de l'interdiction administrative du territoire dans
le cadre de la procédure dite de réadmission.
L'Assemblée nationale a adopté cet article sans modification.
Il n'est pas inutile de rappeler les motifs pour lesquels a été
institué le cas de l'interdiction administrative du territoire
prévu par le IV de l'article 22 de l'ordonnance.
Un étranger reconduit à la frontière et qui a
regagné, soit son pays d'origine, soit un pays tiers, est en droit de
solliciter une demande d'admission sur le territoire dans des conditions
identiques à celles s'imposant à tout étranger
désirant gagner la France.
Cette nouvelle demande peut, bien entendu, être rejetée.
Néanmoins, cet état de fait peut conduire à une
identité critiquable entre la situation de celui qui n'a jamais
cherché à frauder et celle de l'étranger qui s'est
trouvé violer les règles sur l'entrée et le séjour
sur le territoire national.
C'est pourquoi les dispositions du IV de l'article 22 permettent
opportunément de faire obstacle au retour immédiat sur le
territoire français d'un étranger qui vient d'être
reconduit à la frontière. Elles s'appuient, en outre, sur des
conditions précises qui prennent en compte la jurisprudence
constitutionnelle.
Dans ces conditions, considérant que ces motifs demeurent parfaitement
valables, votre commission vous propose de ne pas accepter cette modification.
Pour toutes ces raisons, elle vous soumet un
amendement de suppression
du présent article.
Article 12
(art. 22 bis de l'ordonnance
n° 45-2658 du 2 novembre 1945)
Modalités de recours
contre les arrêtés préfectoraux
de reconduite à
la frontière
Cet article tend à modifier l'article 22 bis de
l'ordonnance du 2 novembre 1945, afin de porter de
vingt-quatre
à
quarante-huit
heures le délai pendant lequel un
étranger faisant l'objet d'un arrêté de reconduite à
la frontière peut former un recours contre cet arrêté.
Les cas dans lesquels une décision de reconduite à la
frontière peut être prise à l'encontre d'un étranger
sont énoncés par l'article 22 de l'ordonnance du
2 novembre 1945, dans une rédaction qui a été
précisée par les lois du 24 août et
30 décembre 1993.
Sont ainsi visés les cas de l'étranger :
- qui ne peut justifier être entré régulièrement sur
le territoire, à moins qu'il ne soit titulaire d'un titre de
séjour en cours de validité ;
- qui s'est maintenu sur le territoire au-delà de la durée de
validité de son visa ou plus de
trois mois
à compter
de son entrée sur le territoire sans être titulaire d'un premier
titre de séjour régulièrement délivré ;
- qui s'est maintenu sur le territoire au-delà du délai
d'
un mois
à compter de la date de notification du refus de
délivrance, de renouvellement ou de retrait de son titre ;
- qui n'a pas demandé le renouvellement de son titre de séjour
temporaire et qui s'est maintenu sur le territoire au-delà du
délai d'
un mois
suivant l'expiration de ce titre ;
- qui a fait l'objet d'une condamnation définitive pour
contrefaçon, fabrication, établissement sous un autre nom que le
sien ou défaut de titre de séjour ;
- qui s'est vu retirer le récépissé de la demande de carte
de séjour ou l'autorisation provisoire de séjour qui lui avait
été délivré ou auquel le renouvellement de ces
documents a été refusé ;
- qui a fait l'objet d'un retrait de son titre de séjour ou d'un refus
de délivrance ou de renouvellement en raison d'un menace à
l'ordre public.
Dès notification de l'arrêté de reconduite à la
frontière, l'étranger doit être mis immédiatement en
mesure d'avertir un conseil, son consulat ou une personne de son choix.
L'article 22 bis de l'ordonnance du 2 novembre 1945 -issu de la loi
n° 90-34 du 10 janvier 1990- organise pour sa part une
procédure spécifique de recours contentieux à l'encontre
de l'arrêté de reconduite à la frontière.
Ces dispositions ont été reproduites à
l'
article L. 28
du code des tribunaux administratifs et des
cours administratives d'appel par la loi n° 95-125 du
8 février 1995 relative à l'organisation des juridictions et
à la procédure civile, pénale et administrative.
Elles ont été précisées par le décret
n° 90-93 du 25 janvier 1990, codifié aux
articles
R. 241-1
et suivants du code des tribunaux administratifs et des cours
administratives d'appel.
La procédure particulière ainsi définie obéit
à des
règles spéciales
,
dérogatoires du
droit commun
du contentieux administratif.
La requête est jugée par un
juge unique
délégué par le président du tribunal administratif.
L'étranger dispose d'un délai de
vingt-quatre heures
à compter de la notification de l'arrêté de reconduite
à la frontière pour en demander l'annulation au président
du tribunal administratif. Ce délai n'est opposable qu'à
condition d'avoir été mentionné dans la notification de la
décision. Il se décompte d'heure en heure (il ne constitue donc
pas un délai franc contrairement au droit commun du contentieux
administratif).
Même lorsque la notification a été faite par voie postale,
la requête doit être enregistrée au greffe du tribunal dans
les vingt-quatre heures (
article R. 241-6
du code des
tribunaux administratifs).
Le juge délégué dispose d'un délai de
quarante-huit heures
pour statuer à compter de la saisine. Il
peut se transporter au siège de la juridiction judiciaire la plus proche
du lieu où se trouve l'étranger si celui-ci fait l'objet d'une
rétention administrative en application de l'article 35 bis de
l'ordonnance.
Conformément aux règles du contentieux administratif, le juge,
après avoir vérifié sa compétence et la
recevabilité de la requête, examine la
légalité
externe
de l'acte (compétence de son auteur, vices de
procédure, motivation de la décision, à l'exclusion des
circonstances qui ont précédé ou suivi
l'arrêté) et sa
légalité interne
(erreur de
fait, erreur de droit, examen de la situation de l'intéressé,
violation des articles 22 et 25 de l'ordonnance qui respectivement
énoncent les cas de reconduite à la frontière et
définissent les catégories d'étrangers
protégés contre une mesure d'éloignement).
Le juge se livre, en outre, à un contrôle des
conséquences de l'acte
. A ce titre, il contrôle
l'erreur
manifeste d'appréciation
des conséquences de la reconduite
sur la vie personnelle de l'étranger. Ce contrôle minimum ne peut
conduire à l'annulation de la mesure que si celle-ci conduit à
des conséquences d'une gravité exceptionnelle (Conseil d'Etat,
29 janvier 1990, Préfet du Doubs c/Mme Olmo Quintero, Imambaccus).
Il s'exerce sur la seule situation personnelle de l'intéressé,
c'est-à-dire essentiellement son état de santé, son
activité professionnelle ou ses études.
Le juge vérifie également la proportionnalité de la mesure
avec l'atteinte à la vie familiale et privée normale,
protégée par l'article 8 de la convention européenne
des droits de l'Homme.
L'arrêté de reconduite ne peut être exécuté
avant l'expiration d'un délai de
vingt-quatre heures
suivant
sa notification ou, si le juge est saisi, tant que celui-ci n'a pas
statué. Le recours a donc un
effet suspensif
.
La rétention administrative, autorisée par
l'article 35 bis de l'ordonnance, peut être mise en oeuvre
dès l'intervention de l'arrêté de reconduite.
Le juge saisi, dans le cadre de l'article 22 bis de l'ordonnance, est
compétent pour connaître des conclusions dirigées contre le
placement en rétention mais le recours n'a alors pas d'effet suspensif
sur la mise en rétention.
Si la seule mise en rétention est contestée, la procédure
de droit commun est applicable et non celle de l'article 22 bis.
La procédure d'appel à l'encontre du jugement du président
du tribunal administratif ou de son délégué est
également spéciale. L'appel est, en effet, formé devant un
conseiller d'Etat délégué par le président de la
section du contentieux. Cet appel n'ayant pas d'effet suspensif, le sursis
à l'exécution du jugement peut être demandé.
Rappelons que l'article 9 de la loi du 24 avril 1997 a prévu
le transfert de cette compétence en matière d'appel au
président de la cour administrative d'appel, au plus tard le
1er septembre 1999
.
Cependant, sur la proposition de sa commission des Lois, l'Assemblée
nationale a supprimé la date limite du 1er septembre 1999, au motif
qu'à cette date pourtant assez éloignée, la
compétence ne pourrait pas être exercée dans les cours
administratives d'appel.
En 1996,
29.633
arrêtés de reconduite à la
frontière pour séjour irrégulier ont été
prononcés. Ils ont donné lieu à
4.185
recours,
soit 14,12 % des cas. Le taux d'exécution de ces
arrêtés de reconduite est très variable : il est de
46,14 %
pour les arrêtés après interpellation
mais seulement de 0,38 % pour les arrêtés notifiés par
voie postale. En fait, le taux somme toute assez faible des recours n'est pas
sans lien avec l'inexécution des arrêtés de reconduite,
l'étranger préférant se fondre dans la
clandestinité plutôt que d'engager des procédures
susceptibles d 'attirer l'attention sur lui.
L'article 12 du projet de loi porte à
quarante-huit heures
le délai de recours contre
l'arrêté de reconduite, le même délai étant
fixé à
sept jours
lorsque l'arrêté est
notifié par voie postale.
Cet allongement du délai de recours se fonde sur la considération
que la loi du 24 avril 1997 a porté à
quarante-huit heures
le délai (auparavant fixé
à vingt-quatre heures) avant lequel un étranger placé en
rétention doit être présenté au juge judiciaire. En
conséquence, l'étranger qui n'aurait pas saisi le juge
administratif d'un recours contre l'arrêté de reconduite, dans les
premières vingt-quatre heures, se trouverait privé de protection
dans les vingt-quatre heures qui précèdent la saisine du juge
judiciaire, l'arrêté de reconduite pouvant alors être mis
à exécution.
L'article 12 du projet de loi, par coordination, adapte les délais
pendant lesquels l'arrêté ne peut être exécuté.
Il reste que l'étranger concerné doit être informé
de ces droits, dès notification de l'arrêté de reconduite
à la frontière. L'article 22 de l'ordonnance spécifie
en particulier que, dès cette notification, il doit être
"
immédiatement mis en mesure d'avertir un conseil, son consulat
ou une personne de son choix
". En outre le délai de
vingt-quatre heures pour former un recours ne lui est opposable que s'il a
été mentionné dans la notification de la décision.
Dans sa décision n° 97-389 DC du 22 avril 1997, le conseil
constitutionnel a écarté le grief tiré de ce que la loi
priverait l'étranger des garanties légales de l'exercice effectif
d'un droit de recours contre de tels arrêtés, faute en pratique de
l'intervention d'un avocat en temps utile, en considérant que la
modification du délai avant lequel un étranger placé en
rétention doit être présenté au juge judiciaire
"
ne fait pas en elle-même obstacle au droit reconnu à
l'étranger de contester la décision administrative qui le
contraint à quitter le territoire français, droit garanti et
organisé par l'article 22 bis de l'ordonnance du 2 novembre
1945
".
En outre, le délai de
sept jours
prévu par le I du
présent article en cas de notification de l'arrêté de
reconduite par voie postale rendrait encore plus aléatoire
l'exécution de la mesure d'éloignement.
Enfin, la remise en cause, proposée par le III du présent
article, de la date limite du
1er septembre 1999
pour le transfert de la
compétence, en matière d'appel, au président de la cour
administrative d'appel, prévue par la loi du 24 avril 1997,
apparaît bien prématurée.
Dans ces conditions, votre commission des Lois vous soumet un
amendement de
suppression
du présent article.
Article 13
(art. 25 de l'ordonnance n° 45-2658 du 2
novembre 1945)
Catégories d'étrangers protégés
contre une mesure d'éloignement
Cet article modifie l'article 25 de l'ordonnance du 2
novembre
1945 -qui définit les catégories d'étrangers
protégés contre une mesure d'éloignement (expulsion ou
reconduite à la frontière)- afin d'étendre cette
protection aux étrangers qui justifient résider en France depuis
au plus l'âge de
dix ans
(au lieu de
six ans
dans le droit
en vigueur) et de réviser le critère applicable aux
étrangers gravement malades.
Telles qu'elles ont été précisées par les lois du
24 août 1993 et du 24 avril 1997, les étrangers
protégés contre une mesure d'éloignement sont :
- l'étranger mineur de dix-huit ans ;
- l'étranger qui justifie par tous moyens résider en France
habituellement depuis qu'il a atteint au plus l'âge de
six ans
;
- l'étranger qui justifie par tous moyens résider en France
habituellement depuis plus de
quinze ans
ainsi que l'étranger qui
réside régulièrement en France depuis
plus de dix
ans
sauf s'il a été pendant toute cette période,
titulaire d'une carte de séjour temporaire portant la mention
"
étudiant
" ;
- l'étranger,
marié
depuis au moins
un an
avec un
conjoint de nationalité française, à condition que la
communauté de vie n'ait pas cessé et que le conjoint ait
conservé la nationalité française ;
- l'étranger qui est
père
ou
mère
d'un
enfant français résidant en France, à la condition qu'il
exerce, même partiellement l'autorité parentale à
l'égard de cet enfant ou qu'il subvienne effectivement à ses
besoins ;
- l'étranger titulaire d'une
rente
d'accident de travail ou de
maladie professionnelle servie par un organisme français et dont le taux
d'incapacité permanente est égal ou supérieur à 20
% ;
- l'étranger résidant régulièrement en France sous
couvert de l'un des titres de séjour prévus par l'ordonnance ou
les conventions internationales, qui n'a pas été condamné
définitivement à une peine au moins égale à
un
an
d'emprisonnement sans sursis ;
- l'étranger résidant habituellement en France atteint d'une
pathologie grave
nécessitant un traitement médical dont le
défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une
exceptionnelle gravité, sous réserve qu'il ne puisse
effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans le
pays de renvoi (catégorie ajoutée par la loi du 23 avril 1997).
On rappellera que des critères voisins sont applicables en
matière d'interdiction du territoire (article 21 bis de l'ordonnance).
Cependant peut être expulsé l'étranger qui a
été condamné définitivement à une peine
d'emprisonnement sans sursis d'une durée quelconque pour une infraction
relative à l'immigration irrégulière.
En outre, l'étranger protégé, entrant dans l'une des six
premières catégories énoncées ci-dessus, peut faire
l'objet d'un arrêté d'expulsion dans les conditions prévues
par l'ordonnance, s'il a été condamné
définitivement à une peine d'emprisonnement ferme au moins
égale à
cinq ans
.
- Le
paragraphe I
du présent article retient l'âge de
dix ans
-au lieu de
six ans
dans le droit en vigueur- pour
l'étranger qui justifie résider habituellement en France depuis
son jeune âge.
Il rétablit ainsi le 2° de l'article 25 de l'ordonnance du 2
novembre 1945 dans sa rédaction antérieure à la loi du 24
août 1993.
On relèvera que -depuis la loi du 24 avril 1997- cette catégorie
d'étrangers peut bénéficier de plein droit de la carte de
séjour temporaire (article 12 bis de l'ordonnance).
Ils ne peuvent, en outre, faire l'objet d'une interdiction du territoire que
par une décision spécialement motivée au regard de la
gravité de l'infraction (article 21 bis de l'ordonnance et 131-30 du
code pénal).
Votre commission accepte cette disposition de coordination.
- Le
paragraphe II
, ajouté par l'Assemblée nationale, sur
la proposition de sa commission des Lois, revient pour sa part sur la
rédaction retenue par la loi du 24 avril 1997 pour le cas des
étrangers malades.
Ne seraient plus visées les personnes atteintes d'une
pathologie
grave
nécessitant un traitement médical mais plus largement
celles dont l'état de santé nécessite une
prise en
charge médicale
.
En revanche, seraient maintenues les autres conditions posées en 1997 :
dans tous les cas, le défaut de traitement devrait entraîner pour
l'intéressé des conséquences d'une exceptionnelle
gravité et celui-ci ne devrait pas pouvoir bénéficier d'un
traitement approprié dans le pays de renvoi.
Cette disposition illustre les
inconvénients
-soulignés
par votre commission des Lois lors de l'adoption de la loi du 24 avril 1997-
d'une " codification " de ces questions.
Sous le bénéfice de ces observations, elle vous propose d'adopter
cet article
.
Article 13 bis
(art. 26 bis de l'ordonnance
n° 45-2658 du 2 novembre 1945)
Coordination
Cet article additionnel, adopté par l'Assemblée
nationale sur la proposition de sa commission des Lois, tend à tirer les
conséquences, à l'article 26 bis de l'ordonnance du 2 novembre
1995, de la suppression de l'interdiction administrative du territoire
prévue par l'article 11 du projet de loi.
L'article 26 bis permet l'exécution d'office par l'administration d'un
arrêté prononçant l'expulsion d'un étranger.
Cette même procédure est applicable à l'arrêté
de reconduite à la frontière qui n'a pas été
contesté devant le président du tribunal administratif ou son
délégué dans le délai de
vingt-quatre heures
prévu par l'article 22 bis ou qui n'a pas fait l'objet d'une annulation
en première instance ou en appel.
Depuis la loi du 30 décembre 1993, cette procédure peut en outre
être mise en oeuvre pour l'exécution de la décision
d'interdiction du territoire que le représentant de l'Etat peut
prononcer dans le cadre d'une reconduite à la frontière en
application de l'article 22-IV de l'ordonnance.
L'article 11 du projet de loi supprimant cette faculté reconnue à
l'administration depuis la loi du 30 décembre 1993 de prononcer une
interdiction du territoire, le présent article en tire les
conséquences à l'article 26 bis de l'ordonnance, en supprimant la
mention de la décision d'interdiction du territoire prise sur le
fondement de l'article 22-IV parmi les cas pouvant justifier une
exécution d'office.
Votre commission des Lois, par coordination avec sa proposition de maintenir
l'interdiction administrative du territoire à l'article 11, vous soumet
un
amendement de suppression
de l'article 13 bis.
Article 14
(art. 27 de l'ordonnance n° 45-2658
du 2 novembre 1945)
Aménagement de la définition du
délit
d'obstacle à l'éloignement
Cet article tend à modifier l'article 27 de
l'ordonnance du 2 novembre 1945, afin d'aménager la
définition du délit d'obstacle à l'éloignement.
Dans sa rédaction, issue de la loi n° 91-1383 du
31 décembre 1991, l'article 27 de l'ordonnance punit d'une
peine de
trois ans
d'emprisonnement l'étranger qui :
- se sera soustrait ou aura tenté de se soustraire à
l'exécution d'une mesure de refus d'entrée en France, d'un
arrêté d'expulsion ou d'une mesure de reconduite à la
frontière ;
- expulsé ou ayant fait l'objet d'une interdiction du territoire, aura
pénétré de nouveau sur le territoire national ;
-
n'aura pas présenté à l'autorité
administrative compétente les documents de voyage permettant
l'exécution d'une mesure de refus d'entrée en France ou
d'éloignement ou qui, à défaut de ces documents, n'aura
pas communiqué les renseignements permettant cette exécution
.
Le présent article concerne ce dernier cas.
Hors les cas des arrêtés de reconduite à la
frontière notifiés au domicile qui, le plus souvent, restent
inexécutés du fait que l'étranger change d'adresse,
l'absence de documents de voyage constitue, en effet, le principal motif de non
exécution des mesures d'éloignement. Il représente ainsi
70 % des causes de non exécution pour les interdictions du
territoire, 44 % pour les expulsions et 19 % pour les reconduites
administratives et les réadmissions dans le cadre de la procédure
" Schengen ".
Le rapport de M. Patrick Weil a ainsi relevé que
l'identification des étrangers et la délivrance des
laissez-passer consulaires constituaient les deux principales
difficultés pour la mise en oeuvre des mesures d'éloignement.
Selon l'étude d'impact, moins de
cent
condamnations ont
été prononcées en 1996 sur le fondement de l'incrimination
pour défaut de présentation des documents de voyage.
Elle relève que "
compte tenu de la rédaction actuelle et
de l'interprétation parfois restrictive qui en est faite, la preuve de
l'intention, inhérente à tout délit, est difficile
à rapporter
".
C'est pourquoi, l'article 14 du projet de loi prévoit d'incriminer
l'étranger qui, faisant l'objet d'une mesure d'interdiction du
territoire, d'expulsion ou de reconduite à la frontière, aura
communiqué des renseignements inexacts sur son identité
.
Votre commission vous propose
d'adopter
l'article 14.
Article 15
(art. 28 de l'ordonnance n° 45-2658 du 2
novembre 1945)
Assignation à résidence d'étrangers
faisant l'objet
d'une proposition d'expulsion
Cet article tend à modifier le deuxième
alinéa de l'article 28 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 afin de
renforcer les conditions requises pour assigner à résidence un
étranger faisant l'objet d'une proposition d'expulsion.
Selon les dispositions de l'article 35 bis de l'ordonnance du 2 novembre
1945, l'étranger qui, faisant l'objet d'un arrêté
d'expulsion ou devant être reconduit à la frontière, ne
peut quitter immédiatement le territoire, peut être maintenu en
rétention.
Cependant, l'article 28 de la même ordonnance permet, par
dérogation à l'article 35 bis,
d'astreindre à
résidence
l'étranger, faisant l'objet de l'une de ces mesures
d'éloignement, qui justifie être dans l'impossibilité de
quitter le territoire en établissant qu'il ne peut regagner son pays
d'origine ni se rendre dans aucun autre pays. Dans ce cas, l'étranger
doit se présenter périodiquement aux services de police et de
gendarmerie. De même, l'assignation à résidence peut
être prononcée lorsque l'étranger non éloigné
doit être remis en liberté à l'expiration de la
durée maximale de rétention administrative.
L'arrêté ministériel ou préfectoral d'assignation
à résidence impose à l'intéressé un
délai -dont le non respect est pénalement sanctionné
(trois ans d'emprisonnement)- pour rejoindre les lieux qui lui sont prescrits.
L'assigné ne peut quitter le lieu de résidence qui lui est
imposé sans autorisation préalable de l'autorité
administrative qui a pris la mesure, sous peine de sanctions pénales
(trois ans d'emprisonnement).
La loi du 24 août 1993 a permis de déconcentrer partiellement le
pouvoir d'assigner à résidence. La compétence est donc
désormais partagée entre le ministre de l'Intérieur et les
préfets, selon la mesure d'éloignement prise ou envisagée.
L'article 28 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 permet, par ailleurs,
l'application de la même mesure d'assignation à résidence
aux étrangers qui font l'objet d'une
proposition d'expulsion
. La
mesure ne peut alors excéder
un mois
.
On rappellera que l'article 24 de l'ordonnance organise les conditions de mise
en oeuvre de la procédure d'expulsion.
Avisé au préalable de la mesure qui le frappe, l'étranger
doit être convoqué pour être entendu par une commission
consultative présidée par le président du tribunal de
grande instance. Le procès-verbal enregistrant les explications de
l'étranger est transmis avec l'avis motivé de la commission au
ministre de l'Intérieur qui statue. L'avis de la commission est
également communiqué à l'intéressé.
L'expulsion proprement dite est donc précédée d'une
procédure contradictoire. Entre le moment où lui est
notifié le projet d'expulsion le visant et celui où la mesure est
prise, l'étranger est considéré comme faisant l'objet
d'une
proposition d'expulsion
.
Cependant, l'assignation à résidence est, dans ce cas,
subordonnée à une condition de
nécessité
urgente
.
Cette condition est justifiée par la considération que se
déroule une procédure contradictoire ayant pour objet de
déterminer si la présence en France de l'intéressé
représente une menace pour l'ordre public justifiant l'expulsion.
L'assignation à résidence -qui précède la
décision proprement dite d'expulsion- doit donc revêtir un
caractère exceptionnel.
Dans le droit en vigueur, la notion de
nécessité urgente
se distingue de celle d'
urgence absolue
qui permet au ministre de
l'intérieur d'expulser immédiatement un étranger sans
avoir à suivre la procédure préalable de consultation de
la commission consultative. Elle se distingue également de celle de
nécessité impérieuse pour la sûreté de
l'Etat ou la sécurité publique
, qui permet d'expulser des
étrangers appartenant à des catégories en principe
protégées contre une telle mesure.
Le présent article propose que l'assignation à résidence
touchant un étranger faisant l'objet d'une proposition d'expulsion ne
soit désormais possible qu'en
cas d'urgence absolue et de
nécessité impérieuse pour la sûreté de l'Etat
de la sécurité publique
.
Il reprend ainsi les termes mêmes de l'avant-dernier alinéa de
l'article 26 de l'ordonnance, qui permet -lorsque de telles conditions
sont réunies- l'expulsion, en dérogeant à la
procédure préalable devant la commission consultative et aux
règles de protection de certaines catégories d'étrangers
contre une mesure d'éloignement.
Votre commission des Lois a pour sa part considéré que la
rédaction en vigueur, en visant la
nécessité
urgente
, permettait d'ores et déjà de bien encadrer la
procédure. Elle vous soumet, en conséquence, un
amendement de
suppression
de l'article 15.
Article 16
(art. 28 bis de l'ordonnance
n° 45-2658 du 2 novembre 1945)
Modalités d'exercice
des demandes d'abrogation d'un arrêté
de reconduite à la
frontière
Cet article tend à modifier l'article 28 bis
de l'ordonnance de 1945, afin de supprimer la condition de résidence
hors de France pour la présentation d'une demande d'abrogation d'un
arrêté de reconduite à la frontière.
Issu de la loi du 24 août 1993, l'article 28 bis de
l'ordonnance du 2 novembre 1945 fait obstacle à toute
décision de relèvement d'une interdiction du territoire
français ou d'abrogation d'un arrêté d'expulsion ou de
reconduite à la frontière, si l'intéressé est
demeuré en France.
Il répond ainsi à la situation qui pouvait se présenter
consistant à ce que de telles demandes soient formulées alors que
l'auteur de la demande n'avait pas quitté le territoire. Or, le
caractère exécutoire de la demande est dans son principe
indépendant de toute demande de relèvement ou d'abrogation
formée le cas échéant contre elle. En outre,
l'étranger peut toujours solliciter le sursis à exécution
de l'arrêté d'expulsion dans le délai de recours de
deux mois. Quant à l'arrêté de reconduite à la
frontière, le recours à son encontre -tel qu'il est
organisé par l'article 22 bis de l'ordonnance- a un effet
suspensif.
L'article 28 bis de l'ordonnance a donc tendu à mettre en
conformité les règles relatives au relèvement ou à
l'abrogation avec celles du droit commun définissant les conditions
d'exécution des décisions administratives.
Cependant, à la demande du Sénat, le ressortissant
étranger qui subit en France une peine privative de liberté n'a
pas été soumis à cette condition pendant la durée
de sa peine. De même, a été exclu l'étranger
assigné à résidence pendant le temps de cette assignation.
L'article 16 du projet de loi propose de supprimer cette condition pour
les étrangers ayant fait l'objet d'un arrêté de reconduite
à la frontière.
Selon l'étude d'impact, cette mesure se justifie par la
considération que l'arrêté de reconduite "
n'est
pas lié aux mêmes facteurs de gravité que l'expulsion ou
l'interdiction judiciaire du territoire et où par ailleurs il n'emporte
aucune interdiction du territoire français
.
"
Cet assouplissement ne préjuge pas la décision
d'accepter ou non la demande d'abrogation ou de relèvement de la mesure
d'éloignement mais en revanche ne fait porter l'éventuelle
décision de refus que sur les critères qui ont prévalu au
prononcé (de l'arrêté)
".
Mais cette disposition aurait pour conséquence de reproduire -il est
vrai pour le seul cas de la reconduite à la frontière- les effets
que le législateur de 1993 a précisément entendu
éviter.
C'est pourquoi votre commission vous soumet un
amendement de suppression
du présent article.
Article 17
(Article 29 de l'ordonnance
n° 45-2658 du 2 novembre 1945)
Le regroupement familial
L'article 17 du projet de loi tend à modifier
l'article 29 de l'ordonnance du 2 novembre 1945, concernant le
regroupement familial.
Le regroupement familial a bénéficié, en 1996, à 13
889 personnes, soit une baisse de 3,3% par rapport à l'année
précédente.
1. Les dispositions en vigueur
Le dispositif relatif au regroupement familial a constitué l'un des
aspects essentiels de la réforme opérée par la loi du 24
août 1993 qui a inséré à cet effet dans l'ordonnance
du 2 novembre 1945 un chapitre VI comportant les articles 29 à 30
bis
.
Le régime du regroupement familial n'a pas été
modifié par la loi du 24 avril 1997.
Le législateur a consacré le droit, créé par la
jurisprudence, pour les étrangers résidant
régulièrement en France, de mener une vie familiale normale,
droit inscrit à l'article 8 de la Convention européenne des
droits de l'Homme.
Reprenant en grande partie les dispositions qui figuraient auparavant dans le
décret n° 76-383 du 29 avril 1976, la loi du 24 août 1993 a
néanmoins sensiblement encadré ce dispositif.
Il ressort de l'article 29 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 que le droit au
regroupement familial est ouvert à l'étranger qui séjourne
régulièrement en France depuis au moins
deux ans
,
sous couvert d'un titre de validité d'au moins un an.
Il concerne le conjoint et les enfants mineurs du couple.
Les enfants issus
d'un autre lit du demandeur ou du conjoint ne sont admis que si l'autre parent
est décédé ou déchu de l'autorité
parentale.
L'article 29 énonce, par ailleurs, limitativement, les motifs pouvant
fonder le refus du regroupement familial :
- le demandeur ne justifie pas de ressources personnelles stables et
suffisantes pour subvenir aux besoins de sa famille. Sont prises en compte
toutes les ressources du demandeur. Indépendamment des prestations
familiales, les ressources mensuelles doivent atteindre un montant au moins
égal au SMIC ;
- le demandeur ne dispose pas d'un logement considéré comme
normal pour une famille comparable vivant en France ;
- la présence en France des membres de la famille dont le regroupement
est sollicité constitue une menace pour l'ordre public ;
- ces personnes sont atteintes d'une maladie ou d'une infirmité mettant
en danger la santé publique, l'ordre public ou la sécurité
publique ;
- le regroupement familial n'est pas ouvert aux personnes résidant
déjà sur le territoire car il n'est pas destiné à
régulariser leur séjour.
Le regroupement familial est en principe sollicité pour l'ensemble des
membres de la famille du demandeur. Un regroupement partiel peut
néanmoins être autorisé pour des motifs tenant à
l'intérêt des enfants.
L'autorisation d'entrer sur le territoire dans le cadre de la procédure
du regroupement familial est donnée par le préfet après
vérification par l'Office des migrations internationales des conditions
de ressources et de logement puis avis motivé du maire de la commune
concernée sur ces conditions.
Le préfet statue dans un délai de 6 mois, au maximum.
Les membres de la famille qui sont entrés régulièrement
sur le territoire français au titre du regroupement familial
reçoivent de plein droit un titre de séjour de même nature
que celui détenu par la personne qu'ils sont venus rejoindre, dès
lors qu'ils sont astreints à la détention d'un tel titre.
En application de l'article 30 bis de l'ordonnance, ce titre de séjour
confère à son titulaire le droit d'exercer toute activité
professionnelle de son choix dans le cadre de la législation en vigueur.
La loi du 24 août 1993 a néanmoins prévu certaines
dispositions destinées à prévenir ou sanctionner les
détournements de procédure.
D'une part, si les conditions du regroupement familial ne sont plus
réunies lors de la demande du titre de séjour, celui-ci peut
être refusé, le cas échéant après une
enquête complémentaire demandée à l'Office des
migrations internationales.
D'autre part, en cas de rupture de la vie commune, le titre de séjour
qui a été remis au conjoint de l'étranger peut, pendant
l'année suivant sa délivrance, faire l'objet soit d'un refus de
renouvellement s'il s'agit d'une carte de séjour temporaire, soit d'un
retrait, s'il s'agit d'une carte de résident.
Sous réserve de certaines mesures de protection contre
l'éloignement du territoire, le titre de séjour des
étrangers peut faire l'objet d'un retrait lorsque cet étranger a
fait venir son conjoint ou ses enfants en dehors de la procédure de
regroupement familial.
Enfin, la loi du 24 août 1993 a fermement interdit le regroupement
familial
polygamique.
2. Le projet de loi initial
L'article 17 du projet de loi tend, tout d'abord, à proposer une
nouvelle rédaction du premier alinéa du I de l'article 29
de l'ordonnance.
- En premier lieu,
le bénéfice du regroupement familial des
enfants issus d'un premier mariage serait étendu à ceux dont
l'autre parent ne serait pas déchu de l'autorité parentale mais
à deux conditions :
- les enfants devraient avoir été confiés au parent vivant
en France ou à son conjoint, selon le cas, au titre de l'exercice de
l'autorité parentale, par une décision d'une juridiction
étrangère dont la copie devra être produite ;
- le parent resté à l'étranger devrait avoir
autorisé le mineur à venir en France.
On a vu que les enfants issus d'une première union ne peuvent
bénéficier du regroupement familial, en l'état actuel de
la législation, que si l'autre parent est décédé ou
déchu de l'autorité parentale.
Or, selon l'étude d'impact, la procédure de
déchéance de l'autorité parentale n'est pas prévue
dans la plupart des législations des pays étrangers.
La même étude évalue à une dizaine par an, pour les
départements où la population étrangère est la plus
importante, le nombre des enfants qui seraient susceptibles de
bénéficier des dispositions proposées. Celles-ci
permettraient d'apporter une solution à des "
situations
humainement inextricables
".
L'étude d'impact relève enfin que l'extension du regroupement
familial aurait une incidence sur l'attribution ou le montant des prestations
familiales, sans pour autant procéder à une évaluation
chiffrée.
On remarquera, par ailleurs, que la circulaire du ministre de
l'Intérieur du 24 juin 1997 relative au réexamen de la
situation de certaines catégories d'étrangers en situation
irrégulière prévoyait la possibilité de
régularisation des enfants issus d'un premier mariage, lorsqu'ils
avaient 10 ans au plus.
Le rapport de M. Patrick Weil a proposé, pour sa part, cette
extension aux enfants de moins de 16 ans.
Le projet de loi concerne les enfants mineurs de 18 ans.
- Les conditions de ressources stables et suffisantes pour subvenir aux besoins
de la famille sont assouplies. Toutes les ressources du demandeur seraient
prises en compte, à l'exception des prestations familiales, comme dans
le droit en vigueur. Toutefois, celles-ci ne devraient plus être au moins
égales au salaire minimum interprofessionnel de croissance (SMIC).
L'insuffisance des ressources ne pourrait plus motiver un refus lorsque
celles-ci seraient supérieures au SMIC.
En d'autres termes, deux hypothèses doivent être
envisagées :
·
les ressources du demandeur sont supérieures au SMIC
:
La législation en vigueur laisse à l'administration le soin
d'apprécier si celles-ci sont suffisantes compte tenu de la composition
de la famille. Le projet de loi s'opposerait à un refus pour ce motif,
même s'il s'agissait d'une famille très nombreuse dont les
ressources seraient à peine supérieures au SMIC. Une telle
famille pourrait-elle vivre sans prestations ?
·
les ressources du demandeur sont inférieures au SMIC :
La législation en vigueur conduit à refuser le regroupement
familial. Le projet de loi permettrait à l'administration de prendre une
décision favorable. La même question se poserait
a fortiori.
- Les conditions de logement "
normal pour une famille comparable
vivant en France
" seraient également assouplies. Le droit en
vigueur prévoit que le demandeur
" dispose "
du
logement. Le projet de loi exigerait "
qu'il
soit en mesure
de
disposer "
de ce logement
Il s'agirait d'une appréciation "
dynamique
" de la
condition de logement qui, en 1996, a motivé 42 % des refus de
regroupement familial. En effet, au moment de la demande, l'étranger ne
répond généralement pas aux critères d'accès
au logement social puisque sa famille ne vit pas avec lui. Il lui est, par
ailleurs, difficile de disposer effectivement, pendant la durée de
l'instruction de sa demande, d'un logement adéquat pour sa famille et
donc trop vaste (et trop coûteux) pour lui seul.
- Les trois cas d'exclusion suivants, déjà prévus par la
loi en vigueur, permettraient d'écarter certains membres seulement de la
famille, alors qu'actuellement le regroupement familial partiel ne peut
être autorisé que pour des motifs tenant à
l'intérêt des enfants :
· personnes dont la présence en France constituerait une menace
pour l'ordre public.
· personnes atteintes d'une maladie soumise au règlement
sanitaire international (peste, choléra, fièvre jaune
actuellement). Le motif d'exclusion pour raison de santé est
actuellement plus large, puisqu'il vise les "
personnes atteintes
d'une
maladie ou d'une infirmité mettant en danger la santé publique,
l'ordre public ou la sécurité publique
".
· personnes présentes sur le territoire.
- Le projet de loi supprimerait le second alinéa du III de
l'article 29 selon lequel le titre de séjour peut être
refusé aux membres de la famille si les conditions du regroupement
familial ont cessé d'être réunies lors du
dépôt de la demande de titre.
Selon le Gouvernement, le nouveau contrôle opéré lors de la
demande de titre de séjour, après celui déjà
effectué lors de la demande de regroupement familial, environ
6 mois avant, constituerait un facteur d'insécurité
juridique fortement préjudiciable à l'intérêt de la
famille. De plus, il alourdirait la tâche des préfectures pour un
résultat incertain car la présence en France de la famille lui
permettrait, le plus souvent, d'obtenir néanmoins une admission
exceptionnelle sur place.
Précisément, la suppression de cette disposition pourrait se
traduire par un encouragement à l'immigration clandestine,
éventuellement suivie de régularisations.
- Le second alinéa du paragraphe IV de l'article 29 serait
également supprimé. Cette disposition permet le retrait du titre
de séjour de l'étranger ayant fait venir des membres de sa
famille en dehors de la procédure du regroupement familial.
Toutefois, le titre de séjour ne peut, dans cette hypothèse,
être retiré aux étrangers protégés contre
l'éloignement du territoire à l'exception de ceux qui auraient
été condamnés à une peine d'emprisonnement au moins
égale à un an sans sursis et de ceux atteints d'une pathologie
grave.
La sanction serait disproportionnée en ce qu'elle toucherait un
étranger installé régulièrement en France depuis au
moins deux ans et donc potentiellement bien intégré dans la
société.
Il n'en demeure pas moins que cette sanction -dont sont exclues potentiellement
la plupart des personnes protégées contre l'éloignement,
comme on l'a vu- constitue un moyen de lutte contre l'immigration
irrégulière.
2. Le texte adopté par l'Assemblée nationale
Hormis quelques amendements rédactionnels, l'Assemblée nationale
a apporté des modifications concernant la durée de
résidence en France du demandeur et l'appréciation des conditions
de ressources et de logement.
Le séjour régulier du demandeur, fixé à deux
ans
au minimum par l'ordonnance du 2 novembre 1945,
serait
abaissé à un an
par le vote d'un amendement à
l'Assemblée nationale.
S'agissant des
ressources
, l'Assemblée nationale a
décidé d'inclure celles
du conjoint
, lorsqu'il souhaite
rejoindre sa famille, pour l'appréciation du respect de la condition.
La formulation retenue par le projet de loi à propos du
logement
pouvait apparaître quelque peu équivoque, le demandeur devant
être
"en
mesure de disposer d'un logement ",
alors
que
le texte actuel exige qu'il
" dispose d'un
logement ".
Que se serait-il passé si, étant "
en mesure
"
de disposer d'un logement adapté pour sa famille, il ne s'installait pas
effectivement dans un tel logement lors de l'arrivée de sa famille?
Cette question méritait d'autant plus d'être posée que
l'article 17 du projet de loi abroge la possibilité de refus de titre de
séjour lorsque les conditions du regroupement familial ne sont plus
remplies lors de la demande de ce titre.
Le texte adopté par l'Assemblée nationale écarte du droit
au regroupement familial le demandeur qui "
ne dispose pas, ou ne
disposera pas à la date d'arrivée de sa famille en
France
" d'un logement adapté.
On peut s'interroger sur la valeur des preuves qui seraient reçues s'ils
ne dispose pas de ce logement : va-t-on se contenter d'un
récépissé de demande de logement social ?
L'Assemblée nationale a toutefois complété le dispositif
en précisant que, lorsque le demandeur "
ne disposait pas
encore
" du logement nécessaire, l'OMI vérifierait
"
sur pièces les caractéristiques du logement et la date
à laquelle le demandeur en aura la disposition
".
Votre commission des Lois considère que, malgré les nuances
proposées par l'Assemblée nationale, ces dispositions
conduiraient à supprimer une grande partie de la portée pratique
de la condition de logement suffisant.
Serait-il opportun d'admettre des familles dont on n'aurait pas la certitude
absolue qu'elles seraient logées dans des conditions minimales
(16 m2 pour deux personnes ; 34 m2 pour quatre personnes ; 52 m2 pour
6 personnes) ?
Quoi qu'il en soit, la commission des Lois regrette la remise en cause d'un
dispositif d'ensemble adopté avec l'accord du Sénat par la loi du
24 août 1993.
Le regroupement familial doit être encadré dans des règles
précises, afin de prévenir le risque d'introduire des familles
qui ne pourraient vivre dans des conditions minimales, sauf à devoir
solliciter des prestations dont le coût n'a pas fait l'objet d'une
évaluation et qui pourraient, de surcroît, incomber en tout ou
partie aux collectivités locales (aide sociale, notamment).
Aussi, votre commission vous propose un
amendement de suppression de
l'article 17
du projet de loi.
Article 18
(art. 31 de l'ordonnance n° 45-2658
du 2 novembre 1945)
Coordination
Le paragraphe I de l'article 18 du projet de loi
tend à remplacer la référence à
l'article 31
bis
figurant dans l'article 31 de
l'ordonnance par celle de l'article 10 de la loi n° 52-893 du
25 juillet 1952.
Il s'agirait d'une simple conséquence du transfert proposé de
dispositions de l'ordonnance de 1945 concernant le droit d'asile dans la loi du
25 juillet 1952 relative à l'Office français de protection
des réfugiés et apatrides (voir commentaire de l'article 22).
Le paragraphe II de l'article 18 du projet de loi tend à
abroger le paragraphe II du même article 31 reconnaissant la
compétence de l'Office français de protection des
réfugiés et apatrides (OFPRA) et de la Commission de recours des
réfugiés (CRR) pour l'attribution du statut de
réfugié, déjà affirmée par les dispositions
en vigueur des articles 2 et 5 de la même loi du 25 juillet 1952.
Par cohérence avec la position qu'elle vous propose sur
l'article 22, votre commission soumet au Sénat un
amendement
tendant à
supprimer
l'article 18 du projet de loi, que
l'Assemblée nationale a adopté après y avoir
apporté une modification rédactionnelle.
Article 19
(art. 35 bis de l'ordonnance
n° 45-2658 du 2 novembre 1945)
Modification du régime
de la rétention administrative
Cet article tend à modifier
l'article 35
bis
de l'ordonnance n° 45-2658 du
2 novembre 1945 qui définit le régime de la rétention
administrative.
1. Le dispositif en vigueur
Le régime de la rétention administrative est -depuis la loi
n° 81-973 du 29 octobre 1981- codifié à
l'article 35
bis
de l'ordonnance de 1945, article plusieurs
fois modifié depuis cette date, en dernier lieu par la loi du
24 avril 1997.
La rétention administrative vise à faciliter l'exécution
des mesures d'éloignement. Elle est applicable aux étrangers
faisant l'objet de l'une de ces mesures et dont le départ
immédiat est impossible.
Dans sa rédaction actuelle, l'article 35
bis
permet,
par une décision écrite motivée du représentant de
l'Etat dans le département,
le maintien dans des locaux ne relevant
pas de l'administration pénitentiaire,
s'il y a
nécessité, d'un étranger qui ne peut quitter
immédiatement le territoire dans le cadre d'une procédure de
réadmission (article 33 de l'ordonnance), d'une expulsion
(articles 23 et 26 de l'ordonnance) ou d'une reconduite à la
frontière (article 22 de l'ordonnance).
Depuis la loi du 24 avril 1997, peut être de nouveau
placée en rétention une personne qui n'a pas
déféré à la mesure d'éloignement dans un
délai de
sept jours
suivant le terme de la rétention, sur
la base de la même décision d'éloignement. Dans sa
décision n° 97-389 DC du 22 avril 1997, le
Conseil constitutionnel a précisé que cette disposition
n'autorisait qu'une seule réitération d'un maintien en
rétention, dans les seuls cas où l'intéressé s'est
refusé à déférer à la mesure
d'éloignement prise à son encontre.
Le procureur de la République est immédiatement averti de la
mesure de rétention et peut se transporter sur les lieux à tout
moment. L'étranger est informé de ses droits, le cas
échéant par l'intermédiaire d'un interprète. Il
peut demander l'assistance d'un médecin, d'un conseil et communiquer
avec son consulat et une personne de son choix.
Il peut en outre former un recours contentieux contre la mesure qui le frappe.
Le Conseil d'Etat estime que lorsqu'il est saisi d'un recours dirigé
contre la mesure de reconduite à la frontière en application de
l'article 22
bis
de l'ordonnance, le président du
tribunal administratif ou son délégué est également
compétent pour connaître des conclusions dirigées contre le
placement en rétention administrative. L'examen de la
légalité du placement en rétention est alors soumis
à la procédure spécifique prévue par
l'article 22
bis
pour l'examen des arrêtés de
reconduite à la frontière.
En revanche, lorsqu'elle est contestée indépendamment de la
mesure de reconduite à la frontière, la mesure de placement en
rétention administrative relève des règles de droit commun
du contentieux.
A l'issue d'un délai de
quarante-huit heures
(vingt-quatre heures
avant la loi du 24 avril 1997), le président du tribunal de
grande instance ou son délégué statue par ordonnance
après audition du représentant de l'administration et de
l'intéressé sur :
- la prolongation de la rétention pour
cinq jours
(six jours
avant la loi du 24 avril 1997)
- ou à titre exceptionnel l'assignation à résidence,
après remise du passeport ou d'un document justificatif
d'identité contre récépissé.
A l'issue de ces
sept jours
(2 jours + 5 jours), le magistrat
peut proroger, par une nouvelle ordonnance, pour
72 heures
,
une
dernière fois
la rétention, en cas
d'urgence absolue et de
menace d'une particulière gravité pour l'ordre public
ou, en
cas d'expulsion et de reconduite à la frontière, lorsque ce
délai permettrait
l'obtention d'un document de voyage
nécessaire pour procéder à l'éloignement.
L'intéressé, le ministère public et le représentant
de l'Etat dans le département peuvent faire appel des deux ordonnances
devant le Premier Président de la cour d'appel ou son
délégué qui doit statuer dans les quarante-huit heures
à compter de sa saisine.
La loi du 24 avril 1997 (article 13) a permis au Procureur de la
République de demander au Premier Président de la cour d'appel ou
à son délégué de déclarer cet
appel
suspensif
lorsqu'il lui apparaît que l'intéressé ne
dispose pas de garanties de représentation effectives.
L'intéressé est maintenu à la disposition de la justice
jusqu'à ce que l'ordonnance du président de la cour d'appel ou de
son délégué soit rendue et, si cette ordonnance donne un
effet suspensif à l'appel, jusqu'à ce qu'il soit statué
sur le fond.
La Cour de cassation, par plusieurs arrêts du 28 juin 1995 marquant
un revirement de jurisprudence, a affirmé la compétence du juge
judiciaire, gardien de la liberté individuelle aux termes de
l'article 66 de la Constitution,
pour contrôler la
régularité de l'interpellation, du contrôle
d'identité et de la garde à vue ayant
précédé immédiatement la rétention
(arrêts Bechta et Mesu, 2e chambre civile, 28 juin 1995).
En revanche, la décision du juge judiciaire sur la liberté
individuelle ne préjuge pas de la régularité de la
procédure administrative, qui relève du contrôle
juridictionnel des tribunaux administratifs.
2. Un bilan encore insuffisant
En dépit des améliorations réelles qui ont
résulté des lois des 24 août et
30 décembre 1993 et de la loi du 24 avril 1997, force est de
constater que la rétention administrative ne produit pas tous les effets
escomptés quant à la mise en oeuvre effective des mesures
d'éloignement.
Votre rapporteur ne peut que reprendre le constat qu'il avait lui-même
établi lors de l'examen de la loi du 24 avril 1997 : la
limitation de la durée de la rétention malgré
l'intervention du juge explique en grande partie le relatif insuccès des
mesures d'éloignement.
Il ne peut donc que se féliciter de voir le Gouvernement reprendre
à son compte ce constat. L'étude d'impact souligne, en effet, que
"
la brièveté de la durée de la rétention
administrative constitue souvent un obstacle à l'efficacité des
mesures d'éloignement
".
On relève qu'en 1996, seulement 28 % des mesures
d'éloignement prononcées ont été
exécutées (28,8 % pour le premier semestre 1997).
Le taux d'exécution pour les arrêtés de reconduites
à la frontière notifiés par voie postale est très
faible. Il s'élève à 46 % pour les mêmes
arrêtés pris à la suite de l'interpellation d'un
étranger et à 58 % pour les arrêtés
d'expulsion. Enfin, le taux d'exécution des mesures d'interdiction du
territoire prononcées par le juge judiciaire varie de 33 à
55 % selon la nature des infractions.
Dans 55 % des cas, l'impossibilité d'identifier la
nationalité d'un étranger ou d'obtenir un document de ses
autorités consulaires (laissez-passer), dans le délai de la
rétention administrative, constitue le cause de l'échec de la
mesure d'éloignement. Cette cause explique 69 % des échecs
de mesures d'interdiction judiciaire du territoire.
L'étude d'impact souligne que "
dans la plupart des cas,
l'étranger a délibérément fait disparaître
toute trace de son identité et refuse de communiquer des renseignements
sur sa nationalité. L'attitude la plus souvent rencontrée
consiste, non pas à refuser de décliner la moindre
identité, mais plutôt de revendiquer plusieurs nationalités
successives récusées à chaque fois devant les services du
consulat sollicité. Dans cette hypothèse la
brièveté du délai de rétention administrative ne
permet jamais de lever l'obstacle que constitue l'absence de tout
élément d'identification.
" Dans d'autres cas, l'étranger, qui n'est plus en possession de
son passeport, est en mesure de présenter des éléments
d'identification qui permettent aux services préfectoraux d'engager des
démarches auprès des autorités consulaires en vue
d'obtenir un document de voyage qui permette le retour dans le pays d'origine.
Toutefois, même dans cette hypothèse, il n'est pas toujours
possible d'obtenir du consulat la délivrance du laissez-passer
consulaire, dans le délai limite de la rétention
. "
3. Les modifications proposées
· Le
paragraphe I A (nouveau),
ajouté par
l'Assemblée nationale sur la proposition de sa commission des Lois,
prévoit que, dès que le procureur de la République aura
été informé de la mise en rétention, le
représentant de l'Etat devra tenir à la disposition des personnes
qui en feront la demande les éléments d'information concernant
les dates et heures du début du maintien de l'étranger en
rétention et le lieu exact de celle-ci.
Votre commission observe que, dans sa rédaction actuelle, l'article 35
bis de l'ordonnance du 2 novembre 1945 prévoit déjà les
dispositions de nature à assurer le respect des droits des
étrangers maintenus en rétention :
- un registre mentionnant l'état civil de ces personnes ainsi que les
conditions de leur maintien doit être tenu dans tous les locaux de
rétention administrative ;
- pendant toute la durée du maintien, le procureur de la
République peut se transporter sur les lieux, vérifier les
conditions de la rétention et se faire communiquer ledit registre ;
- pendant cette même période, l'intéressé peut
demander l'assistance d'un interprète, d'un médecin, d'un conseil
et peut, s'il le désire, communiquer avec son consulat et avec la
personne de son choix. Il doit en être informé au moment de la
notification de la décision de maintien. Mention en est faite sur le
registre, lequel doit être émargé par
l'intéressé.
Cet ajout de l'Assemblée nationale soumettrait les services
préfectoraux à une
pression très lourde
, toute
personne pouvant demander des informations sur une personne placée en
rétention.
Dans ces conditions, tout en jugeant souhaitable que le statut des centres de
rétention puisse être mieux établi comme le ministre de
l'intérieur en a exprimé l'intention devant l'Assemblée
nationale, votre commission vous soumet un
amendement de suppression
du
I A (nouveau) de l'article 19.
· Le
paragraphe I B (nouveau)
, ajouté par
l'Assemblée nationale sur la proposition de sa commission des Lois, tend
à faire obligation au président du tribunal de grande instance ou
au magistrat du siège délégué par celui-ci,
lorsqu'il statue sur la prolongation de la rétention administrative
au-delà du délai initial de quarante huit heures, de s'assurer
que l'intéressé a été au moment de la notification
de la décision de maintien, pleinement informé de ses droits et
placé en état de les faire valoir. Cette vérification
devra se fonder sur les mentions du registre prévu par l'article 35 bis
de l'ordonnance du 2 novembre 1945.
Une telle disposition apparaît comme redondante avec la mission
déjà confiée par l'article 35 bis au procureur de la
République. En outre, l'intéressé -dont l'audition par le
président du tribunal de grande instance ou le magistrat
délégué est obligatoire- peut d'ores et déjà
faire savoir que ses droits n'ont pas été respectés au
cours de la procédure.
L'application de cette disposition serait source de
débats
contentieux interminables
exposant la procédure de rétention
à de très gros risques d'annulation.
Votre commission des Lois vous soumet, en conséquence, un
amendent
de suppression
du I B (nouveau) de l'article 19.
· Le
paragraphe I
de l'article 19 du projet de loi
propose de porter de soixante-douze heures à
cinq jours
la durée de la troisième période de la rétention
administrative, laquelle aurait ainsi une durée totale de
douze jours
(2 jours + 5 jours + 5 jours)
contre dix actuellement (2 jours + 5 jours + 3 jours).
Cette extension de la durée de la rétention administrative vise
à augmenter les chances de succès des mesures
d'éloignement. Elle s'accompagne néanmoins d'une modification des
critères pouvant fonder la seconde prolongation de cette
rétention.
Le premier critère actuellement envisagé par
l'article 35 bis, à savoir le cas
d'urgence absolue
et
de
menace d'une particulière gravité pour l'ordre public
,
serait maintenu en l'état.
A titre d'exemple la circulaire du 8 février 1994 avait visé
les situations suivantes : étranger expulsé selon la
procédure d'urgence absolue, étranger frappé d'une
interdiction judiciaire du territoire français pour un crime ou un
délit grave de droit commun, voire étranger reconduit à la
frontière à la suite d'un retrait ou d'un refus de titre de
séjour pour un motif d'ordre public.
En revanche, le second critère -la non présentation par
l'étranger de document de voyage permettant l'exécution de la
mesure d'éloignement et l'existence d'éléments de fait
montant que le délai supplémentaire est de nature à
permettre l'obtention de ce document- est modifié par le I de
l'article 19 du projet de loi.
Seraient désormais visés les cas de
perte
ou de
destruction
des documents de voyage de l'intéressé, de
dissimulation
par celui-ci de son identité ou d'
obstruction
volontaire
à l'éloignement.
Les cas ainsi visés seraient, selon l'étude d'impact, ceux les
plus difficiles dans lesquels l'administration est paralysée
"
sauf à disposer d'un minimum de temps
".
Votre commission des Lois vous propose par un
amendement
de permettre
une seconde prolongation de la rétention administrative, fondée
sur les motifs actuels, pour une durée de
sept jours
. La
durée totale de la rétention pourrait ainsi atteindre
quatorze jours
contre dix jours dans le droit en vigueur. Le même
amendement porte la durée de la prolongation à
neuf jours
lorsque l'impossibilité d'exécuter la mesure d'éloignement
résulte de l'obstruction de l'intéressé et que des
éléments de fait montrent que ce délai
supplémentaire est de nature à permettre l'obtention de ce
document.
· Le
paragraphe II
de l'article 19 supprime la
possibilité -instituée par la loi du 24 avril 1997- de
déclarer l'appel suspensif formé contre une décision du
juge judiciaire refusant de prolonger une mesure de rétention
administrative.
L'étude d'impact indique, à l'appui de cette mesure, que
"
ce mécanisme extrêmement complexe et d'une
efficacité incertaine va en effet, dans son principe, à
l'encontre du droit de l'étranger de bénéficier
immédiatement d'une décision judiciaire qui lui est
favorable
".
Votre commission ne peut que s'étonner que soit mise en cause a priori
l'efficacité d'une mesure à peine entrée en vigueur. En
outre, sa
conformité aux règles constitutionnelles
a
été reconnue par le Conseil constitutionnel (décision
n° 97-389 DC du 22 avril 1997).
Or, les motifs qui l'ont fondée demeurent valables pour éviter
que l'intéressé ne puisse se soustraire à la mesure
d'éloignement sur le bien fondé de laquelle le juge administratif
ne s'est pas encore prononcé. Cette disposition, à l'initiative
du Sénat en 1997, n'est applicable que lorsque l'intéressé
ne présente pas de
garanties de représentation effectives
.
Sans cette faculté, lorsque le président du tribunal de grande
instance refuse la prolongation de la rétention, même en cas
d'appel, et quelle que soit la décision du juge administratif sur le
bien fondé de la mesure d 'éloignement,
l'intéressé est remis en liberté sans attendre que le
premier président de la cour d'appel se prononce.
En conséquence, votre commission des Lois vous propose, par un
amendement
, de
supprimer
le II de l'article 19.
· Le
paragraphe II bis (nouveau),
ajouté par
l'Assemblée nationale sur la proposition de sa commission des Lois, a
pour objet de permettre à l'étranger placé en
rétention administrative de faire valoir les droits qui lui sont
reconnus par le dernier alinéa de l'article 35 bis
dès le
début de son maintien en rétention
.
Le texte en vigueur lui reconnaissant cette faculté
pendant toute
la durée de la période de rétention
, votre commission
des Lois a considéré qu'il établissait clairement que
l'étranger pouvait faire valoir ses droits du début
jusqu'à la fin de la rétention. C'est pourquoi, elle vous soumet
un amendement de suppression
du II bis (nouveau) de l'article 19.
· Le
paragraphe II ter (nouveau)
de l'article 19 prévoit
le bénéfice pour l'étranger, le cas échéant,
de l'aide juridictionnelle. Or le bénéfice de l'aide
juridictionnelle, dans le cas d'une rétention administrative est
déjà organisé par les dispositions de la loi du 10 juillet
1991 (article 3).
Votre commission des Lois vous soumet, en conséquence, un
amendement de suppression
de ce paragraphe.
· Le
paragraphe III
de l'article 19 prévoit la
rétention administrative de plein droit des étrangers pour
lesquels une interdiction du territoire a été prononcée
à titre de peine principale et qui est assortie d'une exécution
provisoire.
Cette mesure vise à éviter le risque d'une libération
immédiate de l'intéressé à l'issue de l'audience,
faute de l'intervention de l'arrêté de placement en
rétention.
Le maintien de l'étranger en rétention durera pendant le
"
temps strictement nécessaire à son
départ
". Cependant, ce délai ne pourra excéder
quarante-huit heures
à compter du prononcé de la
peine
". Au-delà, les règles de droit commun
prévues par l'article 35 bis de l'ordonnance s'appliqueront.
A ce paragraphe, votre commission des Lois vous propose par un
amendement
de corriger une erreur dans le décompte des
alinéas.
Elle vous soumet l'article 19 ainsi
modifié
.
Article 20
(art. 40 de l'ordonnance n° 45-2658
du 2 novembre 1945)
Dispositions transitoires relatives à
l'outre-mer
Cet article modifie l'article 40 de l'ordonnance du
2 novembre 1945 afin de proroger les dispositions transitoires
relatives aux départements d'outre-mer et à la
collectivité territoriale de Saint-Pierre-et-Miquelon.
Ces dispositions spécifiques -qui ont été prévues
par la loi n° 86-1025 du 9 septembre 1986- concernent la
reconduite à la frontière :
- si l'autorité consulaire le demande, la mesure administrative de
reconduite à la frontière ne peut être mise à
exécution avant l'expiration du délai d'
un jour franc
à compter de la notification de l'arrêté ;
- l'étranger concerné qui défère cet acte au
tribunal administratif assortit son recours d'une demande de sursis à
exécution.
En conséquence, l'article 22 bis de l'ordonnance -qui
prévoit une procédure spécifique de recours suspensif
contre des arrêtés de reconduite à la frontière-
n'est pas applicable dans ces départements et dans cette
collectivité.
Ce dispositif -en principe transitoire- a déjà été
prorogé par la loi du 2 août 1989 puis par la loi du
24 août 1993 pour une période de cinq ans
supplémentaires.
Le présent article propose de proroger de nouveau le dispositif pour une
nouvelle période de
cinq ans
.
Selon l'étude d'impact, "
cette mesure est justifiée par
la situation particulière de ces départements et cette
collectivité, caractérisés notamment par le nombre
élevé d'étrangers en situation irrégulière
et des effectifs limités de magistrats affectés dans les
tribunaux administratifs. En particulier, un même président assure
la présidence des tribunaux administratifs de Basse-Terre, de Cayenne,
de Fort-de-France et de Saint-Pierre-et-Miquelon qui sont composés le
plus souvent de membres communs renforcés le cas échéant
par des magistrats de l'ordre judiciaire.
"
Aussi l'instauration d'un recours suspensif aurait-elle pour
effet de
bloquer d'une part le fonctionnement de ces juridictions et celui de
l'administration. Par ailleurs, le taux d'exécution des mesures
d'éloignement risquerait de s'en trouver largement
affecté
".
Les statistiques reproduites dans l'étude d'impact mettent en
évidence l'efficacité de ce dispositif ainsi que la situation
particulière outre-mer : en 1996,
11.471
reconduites
à la frontière ont été décidées et
11.454
exécutées, soit un chiffre supérieur
à celui de la métropole.
Votre commission vous propose d'adopter l'article 20
sans
modification
.
Article 21
(art. 10, 21 bis, 33, 36 et 39
de
l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945)
Abrogations
Cet article tend à abroger un certain nombre de
dispositions de l'ordonnance du 2 novembre 1945.
-
L'article 10
-qui précise les cas dans lesquels un
étranger doit être titulaire d'une carte de séjour
temporaire- serait désormais redondant avec les articles 12 à 12
ter tels que prévus par le présent projet de loi.
-
L'article 21 bis
-qui prévoit les cas dans lesquels le tribunal
ne peut prononcer une interdiction du territoire que par une décision
spécialement motivée- verrait son dispositif tel que
modifié par le projet de loi regroupé à l'article 131-30
du code pénal.
-
Les deux derniers alinéas de l'article 33
-qui sanctionnent le
défaut de respect de l'obligation de déclaration de
l'entrée sur le territoire- n'auraient plus lieu d'être maintenus
dès lors que cette obligation est dépénalisée par
l'article 9 du projet de loi.
-
Le dernier alinéa de l'article 36
prévoit la
possibilité d'exiger un visa de sortie pour les ressortissants non
communautaires.
-
L'article 39
prévoit une disposition transitoire de protection
contre l'éloignement qui serait désormais inutile en raison de la
nouvelle rédaction de l'article 25 de l'ordonnance, prévue pour
l'article 13 du projet de loi.
Votre commission des Lois vous soumet, à cet article, un
amendement
de coordination
avec les modifications qu'elle vous a proposées par
ailleurs.
Elle vous propose d'adopter l'article 21
ainsi modifié
.
TITRE II
DISPOSITIONS RELATIVES AU DROIT
D'ASILE
Le titre II du projet de loi tend, d'une part, à
regrouper dans une loi spécifique l'ensemble des dispositions
législatives sur le droit d'asile et, d'autre part, à introduire,
sur le fond, des dispositions nouvelles concernant :
- l'asile constitutionnel (article 24 du projet de loi) ;
- l'asile territorial (articles 26 et 31 du projet de loi) ;
- la modification du champ d'application de la procédure prioritaire
d'examen de la demande de statut de réfugié (article 30 du
projet de loi).
Article 22
Intitulé de la loi
n° 52-893 du 25 juillet 1952
L'article 22 du projet de loi tend à remplacer
l'intitulé de la loi n° 52-893 du 25 juillet 1952 portant
création d'un Office français de protection des
réfugiés et apatrides par un nouvel intitulé ainsi
libellé : "
loi n° 52-893 du 25 juillet 1952
relative au droit d'asile
".
Cette proposition, qui ne revêt pas un caractère purement formel,
revient à insérer dans la loi concernant l'examen des demandes de
statut de réfugié par l'OFPRA les dispositions
législatives relatives à l'admission au séjour au titre de
l'asile figurant dans le chapitre VII de l'ordonnance n° 45-2658 du 2
novembre 1945.
Il s'agirait de marquer la spécificité du droit d'asile et, selon
l'étude d'impact du projet de loi, de mettre fin à un certaine
confusion entre la problématique de l'asile et celle de l'immigration.
La question générale de l'immigration renvoie à celle de
la maîtrise des flux migratoires, traitée par l'ordonnance du
2 novembre 1945 relative à l'entrée et au séjour des
étrangers en France. Le droit d'asile, pour ce qui le concerne, a trait
à l'octroi d'une protection de la France accordée sur la base des
dangers encourus par les personnes concernées, et ce en application de
la Convention de Genève.
L'appréciation à porter sur une demande d'asile devrait exclure
toute considération sur les flux migratoires.
La modification formelle proposée correspondrait donc aussi à une
position de principe.
Pour illustrer la confusion fréquente entre le droit d'asile et celui de
l'immigration, on peut se référer à l'augmentation
importante des demandes d'asile, à la fin des années 1980.
Celle-ci avait coïncidé avec l'adoption de mesures destinées
à mieux maîtriser les flux migratoires et montrait que la
motivation de beaucoup de demandeurs était en fait la recherche d'un
séjour et d'un emploi, ce qui marquait un détournement de
procédure mettant gravement en cause le droit d'asile
La dérive dénoncée en matière de droit d'asile
paraît avoir, pour une part, été enrayée par
l'adoption de mesures dissuasives (accroissement des moyens de l'OFPRA et donc
raccourcissement des délais d'examen des requêtes, limitant le
risque d'implantation en France d'étrangers dont la demande d'asile
serait rejetée ; suppression de l'accès au marché du
travail pour les demandeurs d'asile ; institution d'une procédure
prioritaire pour le traitement des demandes manifestement infondées).
Ces mesures ont permis de contenir le détournement de procédure
(61.422 demandes d'asile en 1989 contre 17.153 demandes en 1996).
Le risque de confusion entre immigration et asile pourrait se trouver
relancé par un éventuel effet d'annonce résultant de
l'adoption d'une loi sur l'asile.
La loi de 1952 mêlerait les dispositions sur la reconnaissance du
statut de réfugié avec celles sur l'admission au séjour de
demandeurs d'asile dont, à ce stade, le droit au statut n'a pas
été vérifié.
On ne peut oublier, dans la pratique, une incontestable incidence sur
l'immigration en général de l'octroi du statut de
réfugié, dans la mesure où ses bénéficiaires
peuvent obtenir de plein droit de la carte de résident
(art. 15-10° de l'ordonnance).
On rappellera que le droit d'asile, résultant de la Convention de
Genève du 28 juillet 1951 avait connu une traduction
législative, avant ces dernières années, principalement
à travers la loi du 25 juillet 1952, définissant les
conditions d'examen des demandes de statut de réfugié par
l'OFPRA. Cette loi sera modifiée par celle du 24 août 1993.
La situation au regard du séjour en France des demandeurs d'asile
pendant le délai d'instruction de leur requête était
régie par des décrets et des circulaires.
La procédure de demande d'admission au séjour au titre de l'asile
a été, pour la première fois, fixée dans un texte
législatif par la loi du 24 août 1993, insérant
à cet effet un chapitre VII à l'ordonnance (article 31
à 32
ter
de l'ordonnance).
La même loi accorde de plein droit la carte de résident au
réfugié statutaire (art. 15-10° de l'ordonnance, que le
projet ne propose pas de transférer dans la loi du 25 juillet 1952).
Par ailleurs, les dispositions sur les
zones d'attente
(lois
n° 92-625 du 6 juillet 1992 et n° 94-1136 du
27 décembre 1994),
concernant en partie les demandeurs
d'asile
se présentant à la frontière, ont
été insérées dans
l'article 35
quater
, que le projet de loi ne
transférerait pas non plus, au demeurant, dans la loi sur l'asile.
Il apparaît donc, en tout état de cause, que le projet de loi ne
rassemblerait pas dans la loi de 1952 la totalité des dispositions sur
le droit au séjour des demandeurs d'asile. Ceci illustre parfaitement la
difficulté pratique d'opérer une distinction stricte entre les
dispositions sur le droit d'asile et celles concernant l'immigration
d'étrangers qui n'obtiendront pas nécessairement le statut de
réfugié.
Après avoir voté un amendement rédactionnel,
l'Assemblée nationale a adopté l'article 22 du projet de loi.
Votre commission vous propose un
amendement de suppression
de
l'article 22.
Article 23
Création d'un titre premier
dans la
loi n° 52-893 du 25 juillet 1952
L'article 23 du projet de loi tend à créer
un titre premier dans la loi n° 52-893 du 25 juillet 1952. Ce
titre premier contiendrait les articles 1er à 9 de la loi.
La loi de 1952 a pour objet de créer l'OFPRA et de lui conférer
la mission de protection juridique et administrative des réfugiés
et apatrides en exécution des conventions internationales,
principalement la Convention de Genève du 28 juillet 1951. L'OFPRA,
en particulier, statue sur les demandes de statut de réfugié. Ses
décisions sont susceptibles d'appel devant la Commission de recours des
réfugiés (CRR), instituée par le même texte.
L'article 23 du projet ne serait donc qu'une conséquence du
rassemblement dans la loi du 25 juillet 1952 des dispositions
législatives concernant l'asile, dont le principe est proposé par
l'article 22 du projet de loi.
L'Assemblée nationale l'a adopté avec une modification de
caractère rédactionnel.
Votre commission, suivant la logique qu'elle a adoptée pour
l'article 22, vous propose par
amendement
la
suppression
de
l'article 23 du projet de loi.
Article 24
(article 2, 2° alinéa de la loi
n° 52-893 du 25 juillet 1952)
L'asile constitutionnel
Le deuxième alinéa de l'article 2 de la loi
du 25 juillet 1952 définit les catégories de personnes
à qui le statut de réfugié est accordé.
L'article 24 du projet de loi tend à étendre ce statut aux
"
combattants de la liberté
", en proposant une
nouvelle rédaction de cet alinéa.
1. Dispositions en vigueur
L'OFPRA reconnaît, selon le deuxième alinéa de
l'article 2 de la loi du 25 juillet 1952 dans sa rédaction
issue de la loi du 24 août 1993, la qualité de
réfugié à toute personne :
- sur laquelle le Haut commissariat des Nations-Unies pour les
réfugiés exerce son mandat aux termes des articles 6 et 7 de son
statut, adopté par l'assemblée générale des
Nations-Unies le 14 décembre 1950. Il s'agit des
réfugiés qui, se trouvant dans un Etat n'ayant pas d'organe de
reconnaissance du statut de réfugié, sont pris en charge par le
Haut commissariat aux réfugiés.
- répondant aux définitions de l'article 1er de la
Convention de Genève, c'est à dire toute personne
"
craignant avec raison d'être persécutée du fait
de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance
à un certain groupe social ou de ses opinions politiques
".
L'interprétation jurisprudentielle française de la Convention de
Genève -dont l'OFPRA tient nécessairement compte- exclut du
statut de réfugié les personnes persécutées par des
entités non étatiques (arrêt Dankha, Conseil d'Etat,
27 mai 1983). Cette jurisprudence a été assouplie et permet
d'accorder le statut aux personnes menacées ou persécutées
par des groupes terroristes dès lors qu'il y a eu
"
tolérance volontaire
" de la part des
autorités publiques (CE 19 juin 1996, Medjebeur).
Le directeur de l'OFPRA a indiqué à votre commission que cette
jurisprudence assouplie bénéficiait chaque année à
environ 650 à 700 Algériens, le taux des décisions
favorables les concernant étant passé de 1% en 1995 à 4,5%
en 1996.
2. Le projet de loi initial
Le projet de loi, sans affecter les conditions en vigueur concernant la
définition du réfugié, en propose l'extension
"
à toute personne persécutée en raison de son
action en faveur de la liberté
".
Rappelons que le statut de réfugié donne droit à la
délivrance de plein droit d'une carte de résident, d'une
durée de validité de 10 ans. En revanche, l'admission au
séjour d'un combattant de la liberté, que le droit en vigueur
permet, est généralement accordé pour un an.
Le projet de loi rendrait plus complexe le régime des demandeurs
d'asile.
Il y aurait désormais trois catégories de
réfugiés :
- les réfugiés au sens de la Convention de Genève ;
- les réfugiés bénéficiaires de l'asile
constitutionnel ;
- les personnes auxquelles le ministre de l'Intérieur aurait
accordé droit au séjour au titre de l'asile territorial, objet
des articles 26 et 31 du projet de loi.
La loi aboutirait ainsi à étendre le champ de la
définition du réfugié, qui résulte d'une convention
internationale.
En tout état de cause, le statut de réfugié accordé
par la France en dehors de la définition du réfugié selon
la convention de Genève ne serait pas opposable aux autres Etats parties
à la convention de Genève.
Comment l'asile constitutionnel se concilierait-il avec la convention de
Dublin ?
La convention de Dublin du 15 juin 1990, relative à la
détermination de l'Etat responsable du traitement des demandes d'asile
s'est substituée à la convention d'application de Schengen,
depuis son entrée en vigueur, le 1
er
septembre 1997.
Cette Convention rend responsable du traitement de la demande, l'Etat par
lequel le requérant est entré dans l' "espace Dublin ".
Cette convention s'applique, selon son article premier, aux personnes
réclamant la qualité de réfugié au sens de la
convention de Genève. Elle ne s'appliquerait donc pas au
" combattants de la liberté ", dans la mesure toutefois
où les deux notions ne se recouperaient pas.
Dans cette hypothèse, la France, saisie d'une demande d'asile
constitutionnel, ne pourrait pas invoquer la compétence de l'Etat par
lequel serait, le cas échéant, entré le demandeur.
L'extension du statut de réfugié aux " combattants de la
liberté " correspondrait, selon une terminologie courante, à
l'une des formes de l'asile dit " constitutionnel ".
L'asile constitutionnel revêt en effet deux formes :
- celle prévue au 4° alinéa du
Préambule de la
Constitution de 1946
-auquel le premier alinéa du Préambule
de la Constitution de 1958 donne valeur constitutionnelle-, selon lequel
"
tout homme persécuté en raison de son action en faveur
de la liberté a droit d'asile sur les territoires de la
République
" ; et au début de
l'
article 53-1 (2° alinéa) de la Constitution
-introduit par la loi constitutionnelle n° 93-1256 du
25 novembre 1993- aux termes duquel "
(...)
les autorités
de la République ont toujours le droit de donner asile à tout
étranger persécuté en raison de son action en faveur de la
liberté (...)
" ;
- celle prévue par la fin du même alinéa de
l'article 53-1 de la Constitution, selon lequel l'asile peut être
accordé à la personne "
qui sollicite la protection de la
France pour un autre motif
", c'est-à-dire pout tout autre
motif, mise en oeuvre par l'asile dit " territorial ".
L'asile
territorial n'est jusqu'à présent défini par aucun texte
mais l'article 31 du projet de loi propose son inscription dans le texte
de la loi. de 1952.
Selon une pratique administrative, le ministre de l'intérieur peut
accorder l'asile territorial -ce qui se concrétise par la
délivrance d'un titre de séjour- à toute personne qui,
sans relever du statut de réfugié, lui paraît justifier
d'une protection, notamment pour des motifs d'ordre constitutionnel.
La question se pose donc de savoir ce que le projet de loi apporterait
effectivement par rapport aux dispositions constitutionnelles et de la
Convention de Genève ci-dessus rappelées. En particulier, ces
dispositions ne sont-elles pas suffisantes pour reconnaître l'asile aux
"
combattants de la liberté
" ?
Certes, la notion d'asile constitutionnel reprise par le projet de loi ne
recoupe pas totalement celle retenue par la Convention de Genève.
En effet, la définition de l'asile constitutionnel est à la fois
plus étroite et plus large que celle du statut de réfugié
de la Convention de Genève. Elle est plus étroite car elle
suppose une
action positive
en faveur de la liberté alors que la
Convention de Genève vise des victimes des persécutions (la
victime peut avoir été
passive
).
En outre, l'asile constitutionnel ne se réfère qu'à
l'action en faveur de la liberté quand les faits
générateurs du droit d'asile sont définis plus largement
dans la Convention de Genève, comme on l'a rappelé ci-dessus.
En sens contraire, l'asile constitutionnel apparaît plus large car
l'agent de persécution ne doit pas être nécessairement un
Etat, contrairement à l'interprétation jurisprudentielle
française de la Convention de Genève.
Le champ de l'asile constitutionnel est donc différent de celui du
statut de réfugié défini par la Convention de
Genève, même si, dans la pratique, l'examen des faits ne permet
pas toujours de percevoir avec évidence ces nuances juridiques.
Au demeurant, le Conseil d'Etat a estimé que l'argumentation
fondée sur le 4ème alinéa du Préambule de la
Constitution pouvait constituer
un moyen à
l'appui
d'une
demande de reconnaissance du statut de réfugié (CE 3 avril
1996, Traoré).
S'agissant cependant du Préambule de la Constitution, on pouvait
néanmoins s'interroger sur son invocabilité directe,
jusqu'à la décision du Conseil constitutionnel du
13 août 1993, rendue sur la conformité à la
Constitution de la loi du 24 août 1993.
Auparavant, la jurisprudence considérait que le Préambule posait
certes un principe de valeur constitutionnelle mais dont la mise en oeuvre
effective supposait l'intervention de textes de mise en oeuvre (CE
27 septembre 1982, Association France Terre d'Asile).
Dans le cas d'espèce, le Conseil constitutionnel a estimé que
l'insertion dans la législation de dispositions permettant la mise en
oeuvre des Conventions de Schengen et de Dublin sur la détermination de
l'Etat responsable du traitement des demandes d'asile devait être
considérée par rapport au Préambule de la Constitution.
Le Préambule reconnaissant le droit d'asile à toute personne
persécutée en raison de son action en faveur de la
liberté, le législateur ne pouvait pas avoir entendu priver un
demandeur d'asile du droit à un traitement de sa demande par la France,
nonobstant les règles de ces conventions reconnaissant la
compétence d'un autre Etat signataire pour l'examen de certaines
demandes d'asile.
Tel est le sens de la " réserve interprétative " du
Conseil constitutionnel ainsi rédigée :
"
(...) comme le Conseil constitutionnel l'a relevé par sa
décision n° 91-294DC du 25 juillet 1991, la
détermination d'un autre Etat responsable du traitement d'une demande
d'asile en vertu d'une convention internationale n'est admissible que si cette
convention réserve le droit de la France d'assurer, même dans ce
cas, le traitement d'une demande d'asile en application des dispositions
propres à son droit national ; que le quatrième
alinéa du Préambule de la Constitution de 1946 fait obligation
aux autorités administratives et judiciaires françaises, de
procéder à l'examen de la situation des demandeurs d'asile qui
relèvent de cet alinéa, c'est-à-dire de ceux qui seraient
persécutés pour leur action en faveur de la liberté ;
que le respect de cette exigence suppose que les intéressés
fassent l'objet d'une admission provisoire au séjour jusqu'à ce
qu'il ait été statué sur leur cas ; que le droit
souverain de l'Etat à l'égard d'autres parties contractantes
à des conventions doit être entendu comme ayant été
réservé par le législateur pour assurer le respect
intégral de cette obligation ; que ce n'est que sous cette stricte
réserve d'interprétation que la disposition susanalysée
peut être regardée comme conforme à la
Constitution
; ".
Le Conseil d'Etat, saisi par le Gouvernement, a, dans un avis du
23 septembre 1993, considéré, dans ces conditions, que la
mise en oeuvre de la convention de Schengen dans des conditions viables pour la
France rendait nécessaire une révision constitutionnelle.
Celle-ci a été opérée par la loi constitutionnelle
du 25 novembre 1993, relative aux accords internationaux en matière
de droit d'asile. Cette réforme a permis la traduction
législative des Conventions de Schengen et de Dublin (loi du 30
décembre 1993).
L'article 53-1 de la Constitution, issu de cette réforme, permet
à la France de prendre des engagements internationaux déterminant
les compétences respectives des Etats signataires pour l'examen des
demandes d'asile, aux conditions fixées par son premier alinéa.
Le deuxième alinéa de l'article 53-1 de la Constitution
préserve néanmoins la possibilité pour les
autorités de la République de
" donner asile à
tout étranger persécuté en raison de son action en faveur
de la liberté ".
Ce texte permet aussi de donner asile à celui "
qui sollicite la
protection de la France pour un autre motif ",
ce qui enracine
dans la
constitution la pratique antérieure de l'asile territorial.
Ce faisant, le corps de la Constitution -et non plus seulement son
Préambule- crée un asile constitutionnel directement applicable,
sans qu'un texte d'application apparaisse juridiquement indispensable.
On remarquera que la France peut accorder l'asile,
sans pour autant ouvrir
au demandeur un autre droit que celui de l'examen de sa requête
, sous
réserve des conventions internationales conclues dans le cadre
fixé par le premier alinéa du texte.
La rédaction du deuxième alinéa de l'article 53-1 de
la Constitution apparaît plus extensive que celle du Préambule de
la Constitution ou de l'article 24 du projet de loi. En effet, en dehors
des cas de persécution pour une action en faveur de la liberté,
elle fonde l'administration à accorder l'asile
" pour un autre
motif ",
c'est-à-dire pour tout autre motif quel qu'il soit.
Le texte de la loi constitutionnelle du 25 novembre 1993
constitutionnalise donc de façon absolue le droit d'asile susceptible
d'être accordé, notamment aux combattants de la liberté, en
dehors de toute référence au Préambule de 1946, à
la Convention de Genève ou à celle de Dublin.
Dès lors que l'exposé des motifs du projet de loi confirme que la
qualité de réfugié
pourrait -et non devrait
-
être accordée aux combattants de la liberté, il
paraît possible de considérer que son article 24
n'apporterait strictement aucune modification au droit en vigueur.
L'article 24 ne serait donc pas juridiquement nécessaire à
la reconnaissance de l'asile constitutionnel.
La mise en oeuvre de l'asile constitutionnel proposé par le projet de
loi ne manquerait probablement pas de soulever plusieurs interrogations,
auxquelles il appartiendrait, le cas échéant, au Conseil d'Etat
de répondre, celui-ci pouvant être appelé à
définir précisément les catégories de
bénéficiaires.
Quelles seraient les personnes exclues ?
Dans l'esprit du Gouvernement, on peut penser que les personnes exclues
seraient celles énumérées par
l'article premier F de la convention de Genève :
" -
les dispositions de cette convention ne seront pas applicables
aux
personnes dont on aura des raisons sérieuses de penser :
a) qu'elles ont commis un crime contre la paix, un crime de guerre ou un crime
contre l'humanité, au sens des instruments internationaux
élaborés pour prévoir des dispositions relatives à
ces crimes ;
b) qu'elles ont commis un crime grave de droit commun en dehors du pays
d'accueil avant d'y être admises comme réfugiés ;
c) qu'elles se sont rendues coupables d'agissements contraires aux buts et aux
principes des Nations-Unies.
"
Quelle serait la portée pratique de l'inscription de l'asile
constitutionnel dans la loi ?
L'exposé des motifs précise que la qualité de
réfugié pourra être accordée aux combattants de la
liberté même si les persécutions ne sont pas
exercées par un Etat, contrairement à la jurisprudence
française. Toutefois, s'agissant du cas des Algériens,
l'incidence de la création de l'asile constitutionnel resterait
très limitée du fait que, d'ores et déjà, la
tolérance volontaire de l'Etat d'origine était prise en compte,
le cas échéant, pour l'attribution du statut de
réfugié.
Sur la portée des dispositions proposées, il appartiendra au
Conseil d'Etat de définir précisément les
catégories bénéficiaires,
probablement peu
nombreuses
.
Au demeurant, le séjour en France au titre de l'asile peut toujours
être accordé aux combattants de la liberté, comme à
tout demandeur d'asile indépendamment de textes spécifiques,
comme cela s'est toujours pratiqué, même avant l'entrée en
vigueur de la réforme constitutionnelle de 1993, ainsi que le confirme
la rédaction en vigueur de l'article 31
bis
de
l'ordonnance :
- d'une part en n'énonçant que des
cas limitatifs de
possibilité de refus
(compétence d'un autre Etat en
application d'engagements internationaux ; demandeur admissible dans un
pays tiers ; menace pour l'ordre public ; demande reposant sur une
fraude délibérée, constituant un recours abusif aux
procédures d'asile ou présentée en vue de faire
échec à une mesure d'éloignement du territoire) ;
- d'autre part, en réaffirmant le droit souverain de l'Etat d'accorder
l'asile y compris aux personnes se trouvant dans l'un des cas de refus (avant
dernier alinéa de l'article 31
bis
, résultant de
la loi du 24 août 1993).
On ajoutera que, dans son avis présenté au nom de la commission
des Affaires étrangères de l'Assemblée nationale,
M. Jean-Yves Le Déaut convenait que l'asile constitutionnel
proposé par le projet aurait "
une portée surtout
symbolique
".
On est donc conduit à se demander si, faute de valeur normative
réellement nouvelle, l'article 24 du projet de loi ne
résulterait pas du souhait de créer un effet d'annonce.
Dans cette hypothèse, la disposition proposée ne serait
peut-être pas dépourvue de toute portée pratique. Elle
pourrait en effet être interprétée comme un signal
susceptible de susciter de nouveaux flux de demandeurs d'asile et risquer,
à travers d'éventuels détournements de procédure,
de porter atteinte à l'essence même du droit d'asile.
L'Assemblée nationale a adopté l'article 24 du projet de loi
après avoir voté un amendement de coordination.
Elle a, par ailleurs, supprimé la référence à la
Commission des recours des réfugiés pour la reconnaissance du
statut de réfugié, considérant cette précision
inutile car la procédure d'appel des décisions de l'OFPRA demeure
inchangée.
Considérant les dispositions proposées comme satisfaites par le
droit en vigueur, votre commission vous propose un
amendement de
suppression
de l'article 24.
Article 25
(article 2 de la loi n° 52-893
du 25 juillet 1952)
Coordination avec les articles 22 et 23 du projet
Il s'agirait d'une conséquence du transfert de
dispositions sur le droit d'asile figurant dans l'ordonnance du 2 novembre
1945 vers la loi du 25 juillet 1952 précitée, dont le
principe serait posé par l'article 22 du projet de loi .
Les références aux dispositions de l'ordonnance figurant dans
cette loi seraient remplacées par celles des articles
transférés dans cette loi.
En logique avec la position qu'elle a prise sur l'article 22, votre
commission vous propose par
amendement
de
supprimer
l'article 25 du projet de loi, auquel l'Assemblée nationale avait
apporté une modification de caractère rédactionnel.
Article 26
(article 2 de la loi n° 52-893 du
25 juillet 1952)
Saisine du ministre de l'Intérieur par
l'OFPRA
ou la Commission des Recours des Réfugiés (CRR)
du
cas de personnes auxquelles le statut de réfugié est
refusé
L'article 26 du projet de loi tend à ajouter un
7ème alinéa à l'article 2 de la loi du
25 juillet 1952 précitée, concernant la situation des
personnes à qui le statut de réfugié n'a pas
été reconnu.
Il s'agirait de personnes à qui le statut de réfugié ne
pourrait pas être accordé, soit au titre de la Convention de
Genève, soit au titre de l'asile constitutionnel proposé par
l'article 24 du projet de loi, mais dont l'OFPRA ou la CRR estimerait
qu'elles relèveraient de l'asile territorial.
Se trouveraient en particulier dans ce cas les étrangers dont la
persécution ne proviendrait pas des autorités publiques ou ne
résulterait pas de la tolérance volontaire par celles-ci des
persécutions, écartés à ce titre du
bénéfice de la Convention de Genève telle qu'elle est
interprétée par le Conseil d'Etat.
Dans cette hypothèse, le directeur de l'OFPRA ou le président de
la CRR pourrait saisir le ministre de l'Intérieur afin de proposer
néanmoins une admission au séjour au titre de l'asile
territorial, dont l'inscription dans la loi est prévue par
l'article 31 du projet de loi (voir commentaire de cet article).
Le statut de réfugié permet l'attribution de plein droit d'une
carte de résident d'une durée de validité de 10 ans,
alors que l'asile territorial donne lieu à l'attribution d'une carte de
séjour temporaire d'un an.
La saisine du ministre de l'Intérieur des cas de personnes
déboutées du statut de réfugié mais
néanmoins gravement menacées est d'ores et déjà
opérée par l'OFPRA ou la CRR, sans qu'il ait pour cela
été nécessaire de la prévoir dans une loi.
Les cas signalés au ministre de l'Intérieur concernent un faible
nombre de personnes à qui le statut est refusé. Le nombre des
personnes déboutées du droit d'asile en faveur desquelles l'OFPRA
a depuis 3 ans demandé au ministre de l'Intérieur de ne pas
prendre de mesure d'éloignement du territoire se situe entre 250 et 300.
Dans tous les cas le ministre de l'Intérieur a donné une
réponse positive.
Cette saisine peut intervenir avant même la décision
définitive de rejet, compte tenu du fait que l'étranger doit
quitter le territoire au plus tard un mois après cette décision
de rejet.
Outre une modification de caractère rédactionnel,
l'Assemblée nationale a précisé que la saisine du ministre
de l'intérieur pourrait être faite par le directeur de l'OFPRA
ou
(ou lieu de
et
)
le président de la CRR, la
saisine n'étant pas conjointe.
Votre commission vous propose par
amendement
de
supprimer
l'article 26.
Article 27
(articles 5, 8 et 9 de la loi
n° 52-893 du 25 juillet 1952)
Coordination
Le paragraphe I de l'article 27 du projet de
loi
tend à remplacer, au dernier alinéa de l'article 5
de la loi du 25 juillet 1952, la référence à
l'article 31
bis
de l'ordonnance du 2 novembre 1945 par
celle de l'article 10 de ladite loi, dont le texte résulterait du
transfert de cet article 31
bis
.
Il s'agirait donc encore d'une conséquence formelle du regroupement dans
une loi spécifique sur l'asile des dispositions de l'ordonnance de 1945
concernant cette question, proposé par l'article 22 du projet de
loi.
Le paragraphe II de l'article 27 du projet de loi
apporte
à l'article 8 de la loi de 1952 une modification
rédactionnelle consécutive à l'accession à
l'indépendance de territoires anciennement sous souveraineté
française.
Le paragraphe III de l'article 27 du projet de loi
est relatif
à l'article 9 de la loi du 25 juillet 1952, renvoyant à
un décret les modalités d'application de cette loi.
Le projet précise que le décret ne concernerait que le titre
premier de la loi de 1952.
Ceci serait la conséquence de l'article 23 du projet de loi tendant
à rassembler dans un titre premier les articles 1er à 9 de la loi
de 1952.
Le paragraphe IV de l'article 27 du projet de loi
tend
à supprimer des dispositions budgétaires (articles 10 et 11
de la loi de 1952), devenus obsolètes.
L'Assemblée nationale a adopté ces dispositions avec des
modifications de caractère purement rédactionnel.
Votre commission, suivant sa logique exposée dans le commentaire de
l'article 22, vous propose un
amendement de suppression
des
paragraphes I et III
de l'article 27 du projet de loi.
Elle vous propose
d'adopter
l'article 27
ainsi
modifié
.
Article 28
(Titre II nouveau de la loi
n° 52-893 du 25 juillet 1952)
Coordination
L'article 28 du projet de loi crée un
titre II dans la loi du 25 juillet 1952, intitulé " Des
demandeurs d'asile " et comportant les articles 10 et suivants de
ladite loi.
Il s'agirait de la conséquence du principe proposé par
l'article 22 du projet de loi de rassembler dans la loi de 1952 l'ensemble
des dispositions législatives sur le droit d'asile.
Par cohérence, votre commission vous propose un
amendement de
suppression
de l'article 28 que l'Assemblée nationale avait
adopté avec une modification de caractère rédactionnel.
Article 29
(Articles 10, 11 et 12 nouveaux de la
loi n° 52-893 du 25 juillet 1952
Coordination
Le paragraphe I de l'article 29 du projet de loi
tend à transférer dans la loi du 25 juillet 1952
(articles 10, 11 et 12 nouveaux) les articles 31
bis
, 32
et 32
bis
de l'ordonnance du 2 novembre 1945.
Les dispositions dont il s'agit, insérées dans l'ordonnance par
la loi du 24 août 1993 puis complétées par les lois du
30 décembre 1993 et du 24 avril 1997, concernent les
conditions d'admission au séjour en France au titre de l'asile pendant
l'examen de la demande de statut de réfugié. Actuellement, seules
les dispositions relatives à l'octroi du statut de réfugié
figurent dans la loi du 25 juillet 1952 (articles 1er
à 9).
On remarquera cependant que toutes les dispositions du chapitre VII de
l'ordonnance sur le séjour en France des demandeurs d'asile ne seraient
pas transférées dans la loi de 1952.
Se trouveraient ainsi exclus de ce transfert :
-
l'article 31 de l'ordonnance
qui pose l'obligation, pour le
candidat au statut de réfugié, de demander une autorisation de
séjour au titre de l'asile, s'il ne dispose pas déjà d'un
titre de séjour. Cet article, dont les termes ne seraient pas
modifiés, conserverait de ce fait une référence à
l'article 31
bis
de l'ordonnance en dépit de son transfert
à l'article 10.
-
l'article 32 ter de l'ordonnance
faisant obligation à
l'étranger auquel le statut de réfugié est
définitivement refusé, de quitter le territoire sous peine de
faire l'objet de mesures d'éloignement.
Les paragraphes II, III et IV de l'article 29 du projet de loi
apportent aux articles 10, 11 et 12 nouveaux de la loi de 1952 les
modifications purement formelles rendues nécessaires par le transfert
des articles 31
bis
à 32
bis
de l'ordonnance de 1945 vers
la loi de 1952.
Toutefois, le projet de loi omet, dans le 4ème alinéa de
l'article 33 de l'ordonnance, de remplacer la mention de
l'article 31
bis
de l'ordonnance par celle de
l'article 10 nouveau.
Enfin, il a été précisé, dans le commentaire de
l'article 22 du projet de loi, que les dispositions de l'ordonnance
concernant l'attribution de plein droit de la carte de résident aux
réfugiés (article 15-10°) et celles relatives aux zones
d'attente, concernant notamment les demandeurs d'asile
(article 35
quater
) ne seraient pas transférées
dans la loi sur l'asile.
Ces omissions illustrent la difficulté qu'il y aurait à
disjoindre de l'ordonnance du 2 novembre 1945 la totalité des
dispositions concernant les demandeurs d'asile et les réfugiés.
Pour les raisons exposées précédemment, votre commission
vous propose un
amendement de suppression
de l'article 29 du projet
de loi, que l'Assemblée nationale avait adopté avec des
modifications rédactionnelles.
Article 30
(Article 10 nouveau de la loi
n° 52-893 du 25 juillet 1952)
Modification du champ de la
procédure prioritaire d'examen
de la demande de statut de
réfugié
L'article 30 du projet de loi tend à remplacer le
2° de l'article 10 nouveau de la loi du 25 juillet 1952
(actuel article 31
bis
de l'ordonnance du 2 novembre
1945), concernant les cas limitatifs de refus de séjour au titre de
l'asile, dans lesquels il est statué par priorité sur la demande
de statut de réfugié.
1. Les dispositions en vigueur
Les 1° à 4° de l'actuel article 31
bis
de
l'ordonnance énumèrent limitativement les cas de refus
d'admission au titre du séjour du demandeur d'asile,
lorsqu'il se
trouve à l'intérieur du territoire
:
1° l'examen de la demande d'asile relève de la compétence
d'un autre Etat en application de la Convention de Dublin relative à la
détermination de l'Etat responsable du traitement de la demande ;
2° Le demandeur est admissible dans un Etat tiers, dans lequel il peut
bénéficier d'une protection effective, notamment contre le
refoulement ;
3° la présence de l'étranger constitue une menace grave pour
l'ordre public ;
4° la demande d'asile repose sur une fraude délibérée
ou constitue un recours abusif aux procédures d'asile ou n'est
présentée que pour faire échec à une mesure
d'éloignement.
Lorsque le séjour est refusé à un demandeur d'asile pour
l'un de ces motifs (sauf le 1°), celui-ci peut néanmoins demander
le statut de réfugié. Dans ces cas, l'OFPRA
statue par
priorité
(avant-dernier alinéa de l'article 2 de la loi
du 25 juillet 1952 modifiée par la loi du 24 août 1993),
dans un délai ne dépassant généralement pas
48 heures.
Pendant l'examen prioritaire d'une demande de statut, l'administration ne peut
pas procéder à l'exécution d'une mesure
d'éloignement du territoire mais, en revanche, elle peut placer
l'intéressé en rétention administrative.
La procédure prioritaire, mise en oeuvre dans 580 dossiers en 1996
(3,4 % des premières demandes) vise à écarter le
risque d'une installation durable sur le territoire de personnes dont la
requête paraît manifestement infondée ou dont la
présence sur le territoire constituerait une menace grave pour l'ordre
public. Elle n'exclut cependant pas un examen plus approfondi du dossier par
l'OFPRA, s'il l'estime utile.
2. Le projet de loi initial
L'article 30 du projet de loi n'affecte que le 2ème cas de refus de
séjour au titre de l'asile, les 1°, 3° et 4° cas
étant maintenus en l'état.
Il s'agirait, d'une part, de supprimer la possibilité de refus d'un
demandeur admissible dans un Etat tiers et, d'autre part, d'insérer une
nouvelle possibilité de refus, pour les ressortissants des pays pour
lesquels a été mise en oeuvre la "
clause de cessation de
la Convention de Genève
".
·
Suppression du refus de séjour pour le demandeur admissible
dans un Etat tiers
Ce cas de refus de séjour au titre de l'asile -permettant un examen
prioritaire de la demande de statut de réfugié- concerne les
personnes déjà
présentes sur le territoire
qui seraient effectivement admissibles dans un Etat autre que celui où
elles redoutent d'être persécutées, dans lequel elles
peuvent bénéficier d'une protection effective, notamment contre
le refoulement. Il pourrait être fait usage de cette disposition pour un
étranger qui aurait transité par un pays tiers dans lequel il
aurait effectivement pu bénéficier de l'asile conformément
à la Convention de Genève.
La suppression de ce cas de refus reviendrait, selon l'étude d'impact du
projet de loi, à consacrer dans les textes une pratique bien
établie et conforme à une stricte application de la Convention de
Genève. Cette suppression fait suite à la jurisprudence du
Conseil d'Etat, selon laquelle cette circonstance n'était pas de celles
dont le ministre pouvait tenir compte pour considérer comme
manifestement infondée la demande de l'étranger
(CE 18 décembre 1996, Rogers).
Rappelons que la disposition dont il s'agit concerne le cas d'étrangers
présentant leur demande à l'intérieur du territoire et non
lors de leur arrivée à la frontière française.
·
Adjonction d'un cas de refus de séjour pour le ressortissant
d'un pays à l'égard duquel la " clause de cessation de la
Convention de Genève " a été mise en oeuvre
L'article 1er C 5 de la Convention de Genève prévoit que celle-ci
cesse d'être applicable à l'égard d'une personne dont les
circonstances prévalant dans son pays et pour lesquelles elle a
été reconnue comme réfugiée, auraient cessé
d'exister et qui n'aurait donc pas de raison, de ce fait, de continuer à
refuser de se réclamer de la protection du pays dont elle a la
nationalité.
Ce cas de refus -et donc d'applicabilité de la procédure
prioritaire d'examen de la demande de statut de réfugié- concerne
les nationaux des pays ayant accédé à la démocratie
et où il n'y a plus de raison de considérer que les
libertés sont menacées.
Il s'agirait de mettre en échec un recours abusif aux procédures
d'asile. Pour illustrer l'intérêt que présenterait à
ses yeux l'adoption d'une telle mesure, le directeur de l'OFPRA a exposé
devant votre commission que les demandes des Roumains représentaient 33%
des dossiers à traiter et mobilisaient un temps précieux que
l'OFPRA ne pouvait pas, de ce fait, consacrer au traitement approfondi des
autres demandes.
A cet égard, le directeur de l'OFPRA a émis le voeu que les
officiers de protection puissent entendre personnellement un plus grand nombre
de requérants, car seulement 45% d'entre eux ont été
effectivement reçus par ces officiers en 1996.
Ce témoignage illustre clairement le fait que le détournement du
droit d'asile peut porter un préjudice certain aux personnes
répondant réellement aux définitions de la Convention de
Genève.
L'Assemblée nationale a adopté l'article 30 du projet de loi
après y avoir apporté des modifications rédactionnelles.
Votre commission a porté une appréciation positive sur cet
article. Elle s'interroge cependant sur sa portée réelle dans la
mesure où rien n'empêcherait les étrangers concernés
de solliciter l'asile territorial au titre de l'article 31 du projet de
loi ci-après analysé, s'il est adopté.
De la sorte, l'OFPRA verrait certes, grâce à l'extension
proposée du champ d'application de la procédure prioritaire, ses
tâches allégées et pourrait donc effectivement mieux
centrer ses activités, mais le risque demeurerait, le cas
échéant, de voir des personnes ayant abusivement sollicité
le droit d'asile de s'implanter sur le territoire dans l'attente de l'examen de
leur demande d'asile territorial.
Votre commission vous
propose d'adopter l'article 30 du projet de
loi
sans modification.
Article 31
(article 13 nouveau de la loi
n° 52-893 du 25 juillet 1952)
L'asile territorial
1. Le projet de loi initial
L'article 31 du projet de loi tend à créer un
article 13 nouveau dans la loi du 25 juillet 1952, concernant
l'asile territorial.
L'asile territorial pourrait être accordé à un
étranger exposé, en cas de refus d'admission au séjour
à "
des traitements inhumains ou dégradants, ou à
des risques majeurs pour sa sûreté personnelle
".
On remarquera que le champ de cet asile territorial n'inclut pas la
possibilité d'accorder l'asile " pour tout autre motif ",
comme le prévoit l'article 53-1 de la Constitution.
L'asile territorial concernerait des personnes qui n'auraient pas pu se voir
attribuer le statut de réfugié au titre de la Convention de
Genève ou à celui de l'asile constitutionnel proposé par
l'article 24 du projet de loi mais s'exposeraient néanmoins
à des persécutions notamment par des groupes terroristes en cas
de retour dans leur pays d'origine.
Les persécutions ne proviendraient pas nécessairement d'un Etat
ou n'auraient pas été rendues possibles par la
"
tolérance volontaire de l'Etat
". Elles ne
concerneraient pas non plus un " combattant de la liberté ".
Le projet de loi vise, en réalité, à transcrire dans la
loi une pratique actuelle de l'administration. Le ministre de
l'Intérieur, éventuellement saisi par l'OFPRA, comme on l'a vu
(commentaire de l'article 26 du projet de loi), peut, si il l'estime
opportun, accorder un titre de séjour temporaire,
généralement pour une durée d'un an à des personnes
qui, sans répondre aux critères d'obtention du statut de
réfugié, risqueraient néanmoins d'être
persécutées dans leur pays d'origine.
Par rapport au régime actuel, fondé sur des circulaires, le
projet créerait un régime juridique protecteur.
Le rapport de M. Patrick Weil, qui préconisait cette mesure,
estimait à quelques centaines le nombre des personnes qui pourraient en
bénéficier. Il considérait que la disposition, permettant
une souplesse d'appréciation de l'administration, marquerait la
prérogative de souveraineté de la République, lui
accordant la faculté d'attribuer l'asile territorial selon ses propres
critères.
L'asile territorial concernerait des personnes exposées à des
"
traitements inhumains ou dégradants
", ce qui
constituerait une référence implicite à l'article 3
de la Convention européenne des droits de l'homme selon lequel
"
nul ne peut être soumis à la torture ni à des
peines ou traitements inhumains ou dégradants
".
Le bénéfice de l'asile territorial pourrait aussi être
accordé à une personne exposée "
à des
risques majeurs pour sa sûreté personnelle
".
Le projet semble laisser à la jurisprudence le soin d'apprécier
le niveau de l'atteinte à la sûreté qui pourrait être
pris en considération.
L'asile territorial concernerait la plupart des personnes
protégées par l'article 27
bis
de l'ordonnance du 2
novembre 1945 contre l'éloignement du territoire à destination
d'un pays où elles encoureraient un grave danger. Le
bénéfice de cette protection y est en effet accordé
à qui "
établit que sa vie ou sa liberté y sont
menacées ou qu'il y est exposé à des traitements
contraires à l'article 3 de la Convention européenne de
sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du
4 novembre 1950
".
La décision serait prise, s'agissant du droit au séjour et non du
statut de réfugié, par le ministre de l'intérieur. Pendant
l'examen de leur demande, les intéressés recevraient un
récépissé valant autorisation provisoire de séjour.
En cas de rejet de la demande, les étrangers concernés devraient,
en principe, être éloignés du territoire, sauf s'ils
bénéficient de la protection de l'article 27
bis
de l'ordonnance du 2 novembre 1945.
Une décision favorable devrait conduire à la délivrance
d'une carte de séjour temporaire, d'une durée de validité
de un an (le réfugié statutaire se voit attribuer une carte de
résident, valable 10 ans).
Cette procédure nouvelle pourrait apparaître comme une
" instance d'appel " de celle de l'examen du statut de
réfugié
pour laquelle le demandeur débouté par
l'OFPRA dispose déjà d'un recours auprès du CRR.
L'étranger débouté d'abord du statut de
réfugié, puis de sa demande d'asile territorial par le ministre
de l'Intérieur pourrait saisir le tribunal administratif de Paris d'un
recours, susceptible d'appel.
Un étranger pourrait donc successivement demander le statut de
réfugié auprès de l'OFPRA et, parallèlement
solliciter une autorisation provisoire de séjour. Si sa demande de
statut était refusée, il disposerait d'une possibilité de
recours auprès de la CRR.
L'étranger dont la demande de statut serait refusée pourrait donc
demander l'asile territorial en s'appuyant sur les dispositions
législatives proposées, si elles étaient adoptées,
et bénéficier, en cas d'échec, d'un recours devant la
juridiction administrative.
La charge supplémentaire qui en résulterait pour les services
et les juridictions doit également être prise en
considération.
Une telle multiplication des procédures est-elle vraiment
nécessaire quand la pratique administrative permet à
l'administration de donner une réponse avec souplesse à quelques
situations difficiles ?
La consécration législative proposée, source de
complications éventuelles, comporte aussi le risque plus grave de
constituer un
encouragement aux demandes abusives d'asile, la durée
des procédures laissant craindre une installation durable,
sans
respect des règles sur le séjour, puis, éventuellement une
régularisation.
Il reste à
évaluer la portée
de cette disposition.
Ce qui n'est aujourd'hui qu'une pratique souple à la discrétion
de l'administration pour permettre le traitement satisfaisant de cas
particuliers ne se transformerait-il pas en une obligation pour la France
d'
examiner
toutes les demandes d'asile territorial, y compris celles qui
relèveraient de la compétence d'un autre Etat ?
Ce faisant, ne prend-on pas le risque de faire de la France une
" instance d'appel " pour les demandeurs d'asile
déboutés dans les autres Etats européens ?
De la sorte, il s'agirait peut-être d'autre chose que la simple
transcription dans la loi d'une pratique administrative.
On soulignera que rien dans le projet de loi ne paraît s'opposer au
dépôt d'une demande d'asile territorial par un étranger
à qui le statut de réfugié aurait été
refusé après examen selon la procédure prioritaire parce
que sa demande était manifestement infondée.
Si les libertés n'étaient plus menacées dans son pays,
l'étranger verrait sa demande de statut de réfugié
examinée par priorité. Toutefois, il pourrait demander l'asile
territorial et, à ce titre, bénéficier d'une autorisation
provisoire de séjour pendant la durée d'instruction, ce qui
réduirait la portée pratique de l'article 30
précédemment analysé pourtant présenté comme
devant décourager les demandes abusives d'asile.
La durée de l'instruction pourrait alors, le cas échéant,
faciliter l'installation en France de personnes déboutées du
statut de réfugié. On rappellera que 33 % des demandeurs du
statut de réfugié proviennent de pays où la liberté
n'est plus menacée (Roumanie notamment).
Par ailleurs, on relèvera que l'article 31 du projet de loi
n'accorde aucun droit spécifique aux membres de la famille du
bénéficiaire de l'asile territorial. Cela n'empêcherait pas
l'administration, éventuellement, de les admettre au séjour.
Enfin, l'effet d'annonce que pourrait susciter l'inscription dans la loi de
l'asile territorial risquerait d'encourager les demandes abusives d'asile.
L'Assemblée nationale a retenu le principe de l'asile territorial en
modifiant toutefois la rédaction du projet initial :
- outre une modification de caractère rédactionnel,
l'Assemblée nationale a ajouté que l'asile territorial pourrait
être accordé "
dans des conditions compatibles avec
l'intérêt du pays
", mais le projet initial ne faisait
pas obligation à l'administration de donner systématiquement une
réponse positive aux requérants remplissant les conditions de
fond prévues par le texte.
- le ministre de l'intérieur prendrait sa décision après
consultation du ministre des affaires étrangères.
- les bénéficiaires seraient ceux que l'article 27
bis
(dernier alinéa) de l'ordonnance protège contre
l'éloignement du territoire, dont les termes ont été
rappelés plus haut.
- un décret préciserait les conditions d'application de l'article.
Ces modifications n'affectent en rien les objections faites au dispositif
proposé.
Celui-ci, loin d'être anodin, permettrait la délivrance d'une
autorisation provisoire de séjour, y compris à des personnes
déboutées du statut de réfugié, et donc une
installation peut-être durable de personnes susceptibles d'avoir
tenté de détourner le droit d'asile. Il pourrait aussi contrarier
l'exécution dans des conditions viables pour la France de ses
engagements internationaux (Convention de Dublin).
La pratique actuelle permet d'ores et déjà à
l'administration de trouver une solution à des situations humainement
difficiles.
La loi ne contraindrait certes pas le ministre de l'intérieur à
accorder l'asile territorial à des personnes ne se trouvant pas dans
l'un des cas prévus par le texte.
En revanche, le texte permettrait à ces personnes de
bénéficier abusivement d'un droit au séjour pendant la
durée d'instruction de la demande. Il pourrait encourager l'implantation
irrégulière d'étrangers après l'éventuel
rejet de leur demande d'asile territorial ou
mettre à la charge de la
France l'éloignement du territoire de personnes dont elle aurait
accepté d'examiner leur requête à ce titre, nonobstant les
dispositions de la convention de Dublin
.
Enfin, comme on l'a déjà indiqué, il s'agirait encore
d'une disposition susceptible de créer un
appel d'air
.
Pour ces raisons, votre commission vous propose un
amendement de
suppression
de l'article 31 du projet de loi.
TITRE III
DISPOSITIONS DIVERSES
Article 32
(art. 175-2 du code civil)
Mariage de
complaisance
Cet article tend à modifier l'article 175-2 du code
civil, afin de limiter les possibilités d'opposition au mariage,
notamment dans des délais très rapprochés de la date de la
célébration.
Renforcer le dispositif destiné à prévenir les mariages de
complaisance a constitué un objectif essentiel du législateur en
1993. Les mariages mixtes sont en effet un terrain sur lequel la fraude peut se
développer, en raison des avantages que l'union avec un ressortissant
français peuvent procurer à un étranger en situation
irrégulière : protection contre une mesure d'éloignement
ou d'interdiction du territoire après
un an
de mariage ;
délivrance d'une carte de résident après le même
délai ; acquisition de la nationalité française par simple
déclaration après
deux ans
de mariage.
Afin de remédier aux faiblesses de notre droit concernant les mariages
fictifs, les lois du 24 août et du 30 décembre 1993 ont
complété les dispositions du code civil relatives au mariage.
L'
article 146-1
dudit code requiert désormais la comparution
personnelle d'un Français à son mariage, même s'il est
contracté à l'étranger. Cette disposition vise
essentiellement les mariages célébrés à
l'étranger, certains droits admettant -contrairement au droit
français- le mariage sans comparution personnelle des époux, ce
qui paraît de nature à favoriser les mariages fictifs.
L'
article 170-1
organise un contrôle
a posteriori
des
mariages célébrés à l'étranger.
L'
article 175-1
permet au ministère public de former opposition
pour les cas où il pourrait demander la nullité du mariage
(manquement à la condition d'âge, défaut de consentement,
bigamie, inceste, mariage célébré non publiquement et
mariage non célébré devant l'officier public
compétent).
L'
article 190-1
prévoit que le mariage
célébré en fraude à la loi peut être
annulé à la demande de l'époux de bonne foi ou du
ministère public, formée dans l'année du mariage.
L'
article 175-2
du code civil -qui est issu de la loi du 30
décembre 1993 et dont l'article 32 du projet de loi propose la
modification- organise une procédure permettant de surseoir à la
célébration d'un mariage dont des
indices sérieux
font présumer qu'il n'est envisagé que pour atteindre un
résultat
étranger à l'union matrimoniale
.
A titre indicatif, on peut rappeler que la circulaire du Garde des Sceaux du 16
juillet 1992 relative à l'harmonisation des pratiques des parquets en
matière de consentement au mariage énumère certains
" indices " qui doivent faire naître le doute chez les
officiers de l'état civil : retards répétés et
anormaux pour produire les pièces du dossier de mariage ; projets de
mariage successivement reportés ou annulés, comportant parfois un
changement en la personne de l'un des futurs conjoints ; présentation du
dossier de mariage et accomplissement des diverses formalités par un
tiers servant d'interprète entre les futurs époux, ou par un seul
des époux sans que l'autre y soit jamais associé ; état
d'hébétude ou existence de traces récentes de coups
constatés lors du dépôt du dossier ou de la
cérémonie ; déclaration, même
rétractée, du futur conjoint sur les pressions qu'il subit ;
projets de mariage de couples différents comportant les mêmes
témoins ; connaissance d'une situation personnelle ou sociale
particulière qui laisse présumer que l'intéressé ne
peut accepter l'union en toute liberté (à titre d'exemple :
domiciliation dans une structure d'accueil pour handicapés mentaux) ;
attitude distante des époux, présence d'un témoin ou d'un
membre de la famille qui sert d'interprète entre les époux
constatée lors de la célébration.
Lorsque donc il existe des
indices sérieux
, l'officier de
l'état civil saisit le ministère public. Il en avertit les
intéressés. Un délai de quinze jours est imposé au
ministère public pour faire connaître sa décision, laquelle
doit être motivée.
Le ministère public peut dans ce délai soit
faire
opposition
au mariage soit décider qu'il
sera sursis
à
sa célébration. Il fait connaître sa décision
motivée à l'officier de l'état civil et aux
intéressés. La durée du sursis ne peut cependant
excéder
un mois
.
Le mariage ne peut être célébré que dans trois cas :
celui où le procureur de la République a fait connaître sa
décision de laisser procéder au mariage ; celui où dans le
délai de quinze jours il n'a pas porté à la connaissance
de l'officier de l'état civil sa décision de surseoir à la
célébration ou de s'y opposer ; enfin, celui où, à
l'expiration du sursis qu'il a décidé, il n'a pas fait
connaître à l'officier de l'état civil qu'il s'opposait
à la célébration.
La décision de sursis peut être contestée devant le
président du tribunal de grande instance par l'un ou l'autre des futurs
époux et en appel devant la cour d'appel. Chacune des juridictions
dispose d'un délai de
dix jours
pour statuer.
L'étude d'impact du projet de loi fait valoir que cette procédure
présenterait des "
carences
" mises à jour par
une enquête réalisée en 1996 par le ministère de la
Justice, à savoir : de fortes disparités géographiques
(82 % des saisines des parquets enregistrées en 1995 se concentrant
dans douze tribunaux, plus des deux tiers des juridictions n'ayant pas
été saisies) ; une concentration des saisines sur la question du
séjour irrégulier ; une sévérité relative
des procureurs de la République (45 % de cas de sursis, 12 %
d'opposition à des projets de mariage, soit 69 sur 657).
Le rapport de M. Patrick Weil, s'appuyant sur la même enquête,
avait pour sa part considéré que "
l'efficacité de
ce dispositif est donc limitée, sinon nulle : le nombre des saisines est
faible, celui des oppositions très réduit sans constituer un
obstacle à la célébration du même mariage dans une
commune voisine. Ce dispositif est, de surcroît, discriminatoire dans la
mesure où les maires l'utilisent, en pratique, pour empêcher le
mariage d'étrangers en situation irrégulière, alors
même que le droit civil français ne conditionne en rien le droit
de se marier à la régularité du séjour. Enfin, ce
dispositif fait peser, jusqu'au moment même de la
cérémonie, une incertitude parfois difficile à vivre sur
la mise en oeuvre éventuelle de cette procédure de
sursis
".
C'est pourquoi le rapport préconisait que la saisine du procureur de la
République par l'officier de l'état civil perde son
caractère suspensif. A défaut de l'adoption d'une telle solution,
il proposait que la saisine suspensive du procureur de la République ne
soit plus possible après la publication des bans, soit dix jours avant
le mariage.
L'article 32 du projet de loi retient cette dernière solution. En
conséquence, les procédures d'opposition ou de sursis à la
célébration ne pourraient êtres mises en oeuvre dans les
dix jours
précédant le mariage.
Lorsqu'une fraude serait présumée dans la période des
dix jours
, il appartiendrait au procureur de la République
d'engager une procédure d'annulation du mariage qui pourra être
étayée d'éléments sur une éventuelle absence
de communauté de vie.
Les arguments énoncés à l'appui de cette disposition ne
paraissent guère convaincants.
D'une part, la concentration des saisines du parquet par l'officier de
l'état civil dans certains tribunaux peut s'expliquer par
différents motifs, notamment la répartition des étrangers
sur le territoire.
D'autre part, le nombre de sursis et d'oppositions prononcés traduit une
application équilibrée des dispositions adoptées en 1993
et met en évidence que les cas de tentatives de fraudes sont bien
réels.
Par ailleurs, la mesure proposée ne permettrait plus de prévenir
la fraude qui serait constatée dans les dix jours
précédant la célébration.
Pour toutes ces raisons, il n'est donc ni nécessaire ni opportun de
remettre en cause le dispositif élaboré en 1993.
L'Assemblée nationale a en définitive décidé de
maintenir le dispositif isu de la loi du 30 décembre 1993, en supprimant
le présent article.
Votre commission des Lois vous propose de
confirmer la suppression
de
l'article 32.
Article 33
(art. 131-30 du code
pénal)
Catégories d'étrangers protégés au
regard
de l'interdiction du territoire français
Cet article tend à modifier le troisième
alinéa de l'article 131-30 du code pénal afin de préciser
les conditions dans lesquelles les tribunaux peuvent prononcer une interdiction
du territoire français à l'encontre de certaines
catégories d'étrangers.
L'interdiction du territoire français est une peine facultative dont le
régime général résulte de l'
article 131-30
du code pénal.
Dans sa rédaction issue de la loi n°92-683 du 22 juillet 1992,
l'
article 131-30
du nouveau code pénal a fixé la
règle selon laquelle, lorsqu'elle est prévue par la loi, la peine
d'interdiction du territoire peut être prononcée, à titre
définitif ou pour une durée de
dix ans au plus
, à
l'encontre d'un étranger coupable
d'un crime ou d'un délit.
L'article
131-30
établit que l'interdiction du territoire
entraîne de plein droit
reconduite
du condamné
à
la frontière
, le cas échéant, à l'expiration de
sa peine d'emprisonnement ou de réclusion. La loi du 24 avril 1997
(article 16) a néanmoins précisé que lorsque
l'interdiction du territoire accompagne une peine privative de liberté
sans sursis, son application est suspendue pendant le délai
d'exécution de la peine. L'interdiction reprend, pour la durée
fixée par la décision de condamnation, à compter du jour
où la privation de liberté a pris fin.
Son application par les tribunaux est, par ailleurs, rendue possible, en cas de
violation des règles relatives à l'entrée et au
séjour des étrangers, par différentes dispositions de
l'ordonnance du 2 novembre 1945 (articles 19, 21, 27 et 33), laquelle
définit -à l'instar du code pénal- des conditions
spécifiques d'application pour certaines catégories
d'étrangers.
L'
article 131-30
-tel que modifié par la loi n° 93-1027 du
24 août 1993- précise les conditions dans lesquelles les tribunaux
peuvent prononcer l'interdiction du territoire à l'encontre de certaines
catégories d'étrangers.
Est ainsi requise une
décision spécialement motivée au
regard de l'infraction commise
lorsque cette mesure concerne :
- les parents d'un enfant français résidant en France
exerçant même partiellement, l'autorité parentale à
son égard ou subvenant effectivement à ses besoins ;
- les conjoints de Français, sous réserve que le mariage soit
antérieur aux faits, dure depuis
un an
au moins, que la
communauté de vie n'ait pas cessé et que les conjoints aient
conservé la nationalité française ;
- les étrangers résidant
habituellement
en France
depuis l'âge de dix ans
;
- les étrangers résidant
régulièrement
en
France depuis plus de quinze ans.
L'interdiction du territoire ne peut par ailleurs en aucun cas être
appliquée aux mineurs (article 20-4 de l'ordonnance du 2 février
1945 relative à l'enfance délinquante).
Rappelons également que la loi du 24 août 1993 a harmonisé
le régime des différentes interdictions du territoire
français en définissant des catégories d'étrangers
protégés identiques pour l'infraction aux conditions
d'entrée et de séjour (
article 21 bis
de
l'ordonnance du 2 novembre 1945), pour celle prévue par le nouveau
code pénal (
articles 131-30
), pour celle de trafic de
stupéfiants (
article L. 630-1
du code de la
santé publique, abrogé à compter du 1er mars 1994) ou
encore pour l'infraction aux législations sur le travail clandestin et
sur l'hébergement collectif (
article L. 362-5
du code
du travail et
8-1
de la loi n° 73-548 du
27 juin 1973).
Le
paragraphe I
du présent article renforce, en premier
lieu, la nature de la protection en prévoyant que la décision du
tribunal devra être spécialement motivée non seulement au
regard de la gravité de l'infraction mais aussi de la
situation
personnelle et familiale
de l'étranger condamné.
Votre commission des Lois vous soumet un
amendement
qui supprime cette
référence à la situation personnelle et familiale, inutile
dès lors que la décision du tribunal doit d'ores et
déjà être motivée au regard de la gravité de
l'infraction, ce qui implique qu'elle doit prendre en compte l'ensemble des
éléments du dossier.
En second lieu, il modifie sous deux aspects la liste des étrangers
protégés au regard de l'interdiction du territoire, qui est
énoncée à l'article 131-30 du code pénal.
D'une part, l'étranger qui réside en France depuis plus de
quinze ans ne devra pas justifier d'une résidence
régulière mais d'une résidence
habituelle
. Le
même critère prévaut pour la délivrance d'une carte
de séjour temporaire de plein droit (
article 12 bis
de
l'ordonnance du 2 novembre 1945, issu de la loi du 23 avril 1997) et pour
la protection contre une mesure d'éloignement (
article 25
).
D'autre part, sont rétablis dans cette liste les titulaires d'une rente
d'accident du travail ou de maladie professionnelle servie par un organisme
français et dont le taux d'incapacité permanente est égal
ou supérieur à 20%. Cette catégorie, qui était
visée par l'article 21 bis de l'ordonnance du 2 novembre 1995, n'avait
pas été prise en compte depuis l'adoption du nouveau code
pénal. Elle bénéficie également de plein droit
d'une carte de séjour temporaire (
article 12 bis
de l'ordonnance)
et est protégée contre une mesure d'éloignement
(
article 25
).
Sur la proposition de sa commission des Lois, l'Assemblée nationale a,
par ailleurs, complété cette liste afin de prendre en compte le
cas du condamné étranger dont l'état de santé
nécessite une
prise en charge médicale
dont le
défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une
exceptionnelle gravité, sous réserve qu'il ne puisse
bénéficier d'un traitement approprié dans le pays dont il
est originaire. Cette catégorie est depuis la loi du 24 avril 1997,
protégée contre une mesure d'éloignement (reconduite
à la frontière ou expulsion).
Ces nouvelles dispositions seront applicables aux territoires d'outre-mer et
à la collectivité territoriale de Mayotte (article 39 du projet
de loi).
Le projet de loi (article 21) abroge parallèlement
l'article 21 bis
de l'ordonnance qui reprenait des dispositions
identiques à celles de
l'article 131-30
du code pénal
(liste des catégories d'étrangers protégés).
Le
paragraphe II
du présent article tire les
conséquences formelles des modifications résultant du I dans
plusieurs dispositions du code pénal. Ce sont les articles 213-2 (crimes
contre l'humanité), 414-6 et 422-44 (terrorisme) ; 442-12 (fausse
monnaie).
Votre commission des Lois vous soumet, à ce paragraphe, un
amendement
de conséquence
destiné à rendre applicables aux
nouvelles catégories ajoutées par le projet de loi les
dispositions du code pénal qui dispensent le tribunal de prendre une
décision spécialement motivée pour les infractions les
plus graves (crimes contre l'humanité, terrorisme, notamment).
Elle vous propose d'adopter l'article 33 ainsi
modifié
.
Article 34
(art. 724-1 du code de procédure
pénale)
Dossier individuel d'identification des étrangers
incarcérés
Cet article insère dans le chapitre III
("
Des dispositions communes aux différentes
établissements pénitentiaires
") du titre II
("
De la détention
") du Livre cinquième
("
Des procédures d'exécution
") du code de
procédure pénale un article 724-1 qui prévoit la
constitution par les services pénitentiaires d'un dossier individuel des
personnes incarcérées.
Le rapport de M. Patrick Weil a relevé que "
l'absence de
coordination entre les services des préfectures, de la police ou de la
gendarmerie et de l'administration pénitentiaire peut se traduire par
des libérations de prisons sans reconduite à la frontière
si les services de police ou de gendarmerie n'ont pas été
prévenus des levées d'écrou. Des progrès ont
été faits quand la coordination de l'ensemble des acteurs a
été organisée et que, notamment, les informations
détenues par le greffe de l'établissement ont été
systématiquement consultées
".
Le rapport a donc suggéré que la mobilisation de l'ensemble des
acteurs (administration pénitentiaire, services de police, DICCILEC,
préfectures) soit poursuivie par la mise en place de cellules
placées non plus seulement à l'échelon régional
mais auprès des principales maisons d'arrêt (une expérience
étant en cours à la maison d'arrêt de la Santé).
Notons que des mesures avaient été arrêtées dans le
cadre du plan d'amélioration des résultats en matière
d'éloignement des étrangers en situation
irrégulière, adopté par le conseil des ministres le 23
août 1995, notamment la création de cellules associant les
différents services intéressés.
En outre, des expérimentations ont été conduites dans
certains établissements. Ainsi, un agent de la préfecture de
police a été détaché à la maison
d'arrêt de la Santé afin d'éviter une rupture entre la
période d'incarcération et la reconduite à la
frontière. De même, une antenne permanente de la DICCILEC a
été installée à la maison d'arrêt de Fresnes.
Le présent article, cherchant à approfondir cette
démarche, fait obligation aux services pénitentiaires de
constituer et de tenir à jour pour chaque personne
incarcérée un dossier individuel comprenant notamment des
informations de nature pénale et pénitentiaire.
Mais cette préoccupation est d'ores et déjà prise en
compte par les
articles D. 155 et suivants
du code de procédure
pénale.
En outre, les mêmes services devraient communiquer aux
"
autorités administratives compétentes
" pour
en connaître des informations relatives au lieu d'incarcération,
à la situation pénale et à la date de libération
d'un détenu. Cette communication serait subordonnée à la
condition que ces informations soient nécessaires à l'exercice de
leurs attributions par ces autorités.
La même obligation est d'ores et déjà prévue au plan
réglementaire par l'article D. 428 du code de procédure
pénale qui dispose que "
les renseignements relatifs au lieu
d'incarcération, à l'état de santé, à la
situation pénale ou à la date de libération d'un
détenu, doivent être fournis par les services
pénitentiaires exclusivement aux autorités administratives et
judiciaires qui sont qualifiées pour en connaître
".
L'article 34 du projet de loi propose, en outre, d'imposer aux services
pénitentiaires de communiquer "
notamment
" aux
services centraux ou déconcentrés du ministère de
l'intérieur les informations de cette nature relative aux
étrangers
détenus faisant ou devant faire l'objet d'une
mesure d'éloignement du territoire. Une telle disposition n'apporte
aucune innovation juridique.
Dans ces conditions, tout en soulignant son souci de voir cette coordination
entre les services intéressés renforcée, votre commission
des Lois vous soumet un
amendement de suppression
de l'article 34.
Article 37
(art. 16 de la loi n° 86-1025 du 9
septembre 1986)
Suppression de la dérogation pour les
visas
à l'obligation de motivation
Cet article tend à abroger l'article 16 de la loi du 9
septembre 1986 qui prévoit un régime dérogatoire à
l'obligation de motivation des décisions administratives
défavorables.
Il s'agit d'une conséquence de l'article premier du projet de loi qui
institue l'obligation de motiver certains refus de visa.
Vous ayant proposé la suppression de l'article premier, votre
commission vous soumet, par coordination, un
amendement de suppression
de l'article 37.
Article 38
(art. 132-70-1 du code
pénal)
Suppression de la rétention judiciaire
Cet article tend à abroger l'article 132-70-1 du
code pénal qui définit le régime de la rétention
judiciaire.
Issu de la loi n° 93-1417 du 30 décembre 1993,
l'article 132-70-1 permet actuellement au juge pénal, en
première instance ou en appel, qui a déclaré un
étranger coupable de l'infraction prévue au deuxième
alinéa de l'article 27 de l'ordonnance de 1945 (refus de
présenter les documents de voyage ou de communiquer les renseignements
permettant l'éloignement) d'ajourner le prononcé de la peine
(trois ans d'emprisonnement maximum) et de placer le prévenu en
rétention pour une durée maximale de
trois mois
dans des
locaux ne relevant pas de l'administration pénitentiaire.
Simultanément, le juge lui enjoint de communiquer à
l'autorité administrative les documents de voyage ou les renseignements
permettant l'exécution de la mesure d'éloignement.
Durant cette période, que l'intéressé peut abréger
à tout moment en communiquant lesdits documents ou renseignements, il
bénéficie de l'assistance d'un interprète, d'un
médecin ou d'un conseil, de possibilités de communication et de
visites, voire à titre exceptionnel d'une autorisation de sortie sous
escorte. Ses démarches auprès du consulat sont facilitées.
Ce dispositif, qui peut suivre ou précéder la rétention
administrative, est placé sous le contrôle de la juridiction.
On observera qu'en étendant au régime de la rétention
judiciaire un ensemble de règles applicables en matière de
détention provisoire, le législateur avait répondu aux
objections du Conseil constitutionnel qui -sans s'opposer au principe de la
rétention judiciaire- avait néanmoins considéré que
cette procédure ne saurait être assortie de garanties moindres que
celles assurées aux personnes placées en détention
provisoire.
Une circulaire de la Chancellerie du 11 juillet 1994 a fait
connaître cette disposition tout en précisant qu'elle ne pourrait
s'appliquer que si "
un élément intentionnel
caractérisant la mauvaise foi de l'intéressé et sa
volonté de faire obstacle à l'exécution de la mesure
d'éloignement
" pouvait être établi. L'absence de
papiers n'est pas en elle-même suffisante : en revanche, le refus de
communiquer son identité véritable "
manifeste bien, par
ce seul fait, (la) volonté de se soustraire à la
mesure
".
Trois centres ont été mis en place dès 1994, d'une
capacité totale de 45 places.
Cependant, face au faible développement de la rétention
judiciaire -laquelle n'a concerné qu'une dizaine de cas-, une
deuxième circulaire de la Chancellerie du 26 septembre 1995 a
été prise dans le cadre du plan présenté par le
ministre de l'intérieur au Conseil des ministres le 23 août
1995. Celle-ci précise que la nécessité de
l'élément intentionnel n'implique pas "
l'exigence d'un
dol spécial
" et engage les juridictions à appliquer
cette "
mesure à la fois efficace et respectueuse des droits de
la personne humaine
".
A la fin de 1995, la procédure de rétention judiciaire avait
concerné une centaine de personnes pour une durée moyenne de
50 jours. Dans 40 % des cas, il avait pu être
procédé à l'éloignement.
La loi du 24 avril 1997 (article 17) a cherché à
faciliter le développement de la rétention judiciaire en la
rendant applicable à l'étranger, dépourvu (volontairement
ou non) de documents permettant l'éloignement, passible des infractions
visées aux articles 19, 27 (premier alinéa) et 33 de
l'ordonnance de 1945.
Sont ainsi visés :
- l'étranger en infraction avec les règles d'entrée et de
séjour (article 19) ;
- celui qui s'est soustrait, ou a tenté de se soustraire, à
l'exécution d'une mesure de refus d'entrée en France, d'une
expulsion, d'une reconduite (article 27, premier alinéa) ou d'une
réadmission (article 33) ou qui, s'y étant soumis, a
pénétré à nouveau sur le territoire sans
autorisation.
Il s'agit donc par cette procédure d'inciter l'intéressé
à collaborer de bonne foi à l'éloignement avant qu'une
peine de prison ferme ne soit prononcée à son encontre.
Le législateur a ainsi clairement entendu favoriser l'essor d'une
procédure qui revêt un caractère complémentaire de
la rétention administrative (délais plus longs, garanties
accrues, contrôle du juge pénal).
Mais comme votre rapporteur l'avait déjà fait observer, cet essor
repose en grande partie sur la bonne coordination des services des
préfectures et des parquets. Ces derniers ont, en effet, la
maîtrise de l'opportunité des poursuites dans le cadre des
directives de politique pénale explicites de la circulaire de 1995.
Cependant, sans attendre que ces nouvelles dispositions aient pu produire leurs
effets, le projet de loi propose de supprimer purement et simplement cette
procédure au motif -énoncé par l'exposé des motifs-
qu'elle ne serait "
presque jamais mise en oeuvre par le
juge
".
Le rapport de M. Patrick Weil avait pour sa part suggéré de
remplacer le dispositif actuel par une rétention judiciaire
située en fin de peine.
Ainsi, selon le rapport (p. 107) : "
Lors du prononcé
de la peine d'interdiction du territoire, le juge pénal
préciserait que l'intéressé pourra être
placé, au terme de sa peine, en rétention judiciaire, pour une
durée limitée à un mois aux fins de son
éloignement
.
"
Des centres de rétention spécifiques devraient ainsi
être créés pour accueillir cette population
post-carcérale. Leur localisation pourrait être située
à proximité de quelques-unes des principales maisons
d'arrêt françaises où ces détenus seraient
orientés pour achever leur peine
".
Considérant que l'objectif doit être de rechercher une mise en
oeuvre effective de la rétention judiciaire, votre commission vous
soumet un
amendement
donnant une nouvelle rédaction au
présent article, afin de
compléter le dispositif en vigueur au
lieu de le supprimer
.
Ainsi, en vertu de l'article 132-70-2 du code de procédure
pénale, inséré dans le code par cet amendement, la
juridiction qui prononce, à titre de peine complémentaire
à une peine d'emprisonnement, une interdiction du territoire
français pourrait décider que l'étranger sera
placé, à l'issue de sa peine d'emprisonnement, sous le
régime de rétention judiciaire, dans les conditions de droit
commun, pour une durée de trois mois au plus. Cette mesure ne serait
applicable que, si à l'expiration de sa peine, l'intéressé
n'a pas présenté à l'autorité administrative
compétente les documents de voyage permettant l'exécution de
l'interdiction du territoire prononcée à son encontre ou s'il n'a
pas communiqué les renseignements permettant cette exécution.
Votre commission des Lois vous soumet l'article 38
ainsi
modifié
.
Article 39
Application outre-mer
Cet article rend applicable dans les territoires d'outre-mer
et dans la collectivité territoriale de Mayotte les articles 31, 33 et
34 du projet de loi, qui traitent respectivement de l'assouplissement des
règles d'opposition au mariage, des catégories d'étrangers
pour lesquels l'interdiction judiciaire du territoire doit faire l'objet d'une
décision spécialement motivée et de la transmission des
données sur les détenus étrangers par les services
pénitentiaires.
Par coordination, votre commission des Lois vous soumet un amendement tendant
à une
nouvelle rédaction
de cet article.
Article 40 (nouveau)
Rapport au Parlement
Cet article additionnel, adopté par l'Assemblée
nationale sur la proposition du Gouvernement, prévoit le
dépôt au Parlement d'un rapport annuel du Gouvernement. Ce rapport
devra retracer le nombre des titres délivrés en distinguant par
catégorie de titres et par nationalité des
bénéficiaires. Une telle disposition est inutile car redondante
avec l'article 51 de la loi du 24 août 1993 qui a déjà
prévu un rapport annuel du Gouvernement sur la politique d'immigration.
Selon cet article 51, le rapport doit notamment porter "
sur le
nombre
des étrangers ayant été admis à séjourner
sur le territoire national au cours de l'année écoulée et
sur les mesures mises en place pour lutter contre l'immigration
clandestine
".
Tout en déplorant que ce rapport n'ait jamais été
établi, votre commission des Lois, dans le souci de veiller au bon
ordonnancement juridique, vous soumet un
amendement de suppression
de
l'article 40.
*
* *
Sous le bénéfice de l'ensemble de ces observations et sous réserve des amendements qu'elle vous soumet, votre commission des Lois vous propose d'adopter le présent projet de loi.
ANNEXE
Décret 94-211 du 11 mars
1994 réglementant les conditions d'entrée et de séjour en
France des ressortissants des Etats membres de la Communauté
européenne bénéficiaires de la libre circulation des
personnes
Art. 1. -
Les dispositions du
présent décret sont, selon le cas, applicables aux ressortissants
des Etats membres de la Communauté européenne ou (d'un) (des)
autre(s) Etat(s) membre(s) de l'Association européenne de
libre-échange qui ont adhéré à l'accord sur
l'Espace économique européen et pour lesquels cet accord est
entré en vigueur :
a) Bénéficiaires du droit de s'établir en France pour
exercer une activité non salariée, en application du
traité du 25 mars 1957 instituant la Communauté économique
européenne ;
b) Non-salariés bénéficiaires du droit d'exécuter
en France des prestations de services ou destinataires de services en
application du traité du 25 mars 1957 instituant la Communauté
économique européenne ;
c) Venant en France occuper un emploi salarié dans les conditions autres
que celles qui sont prévues aux d et e ci-après ;
d) Occupant un emploi salarié en France tout en ayant leur
résidence habituelle sur le territoire d'un autre Etat membre ou (d'un)
(des) autre(s) Etat(s) membre(s) de l'Association européenne de
libre-échange qui ont adhéré à l'accord sur
l'Espace économique européen et pour lesquels cet accord est
entré en vigueur, où ils retournent chaque jour ou au moins une
fois par semaine ;
e) Venant en France exercer une activité salariée à titre
temporaire ou en qualité de travailleur saisonnier ;
f) Ayant exercé sur le territoire français une activité
salariée ou non salariée lorsqu'ils ont atteint, au moment
où ils cessent leur activité, l'âge prévu par les
dispositions législatives ou réglementaires pour faire valoir
leurs droits à une pension de retraite ou, à défaut,
l'âge de soixante-cinq ans. Ces ressortissants doivent en outre avoir
exercé leur activité en France pendant les douze derniers mois et
avoir résidé dans ce pays d'une façon continue depuis
trois ans ;
g) Travailleurs salariés ou non salariés qui justifient d'une
résidence continue en France pendant une période de deux ans,
s'ils ont été contraints de cesser d'exercer leur activité
du fait d'une incapacité permanente de travail. Si cette
incapacité résulte d'un accident du travail ou d'une maladie
professionnelle qui ouvre droit à une rente dont le paiement incombe
même partiellement à une personne morale de droit français,
aucune condition de résidence n'est requise ;
h) Travailleurs salariés ou non salariés qui exercent leur
activité sur le territoire d'un Etat membre des communautés
européennes ou (d'un) (des) autre(s) Etat(s) membre(s) de l'Association
européenne de libre-échange qui ont adhéré à
l'accord sur l'Espace économique européen et pour lesquels cet
accord est entré en vigueur, autre que la France, s'ils justifient d'une
résidence et d'une activité continues sur le territoire
français pendant une période de trois ans à la condition
de conserver leur résidence en France et de retourner dans ce pays au
moins une fois par semaine.
Les périodes d'activité ainsi accomplies sur le territoire d'un
autre Etat membre ou (d'un) (des) autre(s) Etat(s) membre(s) de l'Association
européenne de libre-échange qui ont adhéré à
l'accord sur l'Espace économique européen et pour lesquels cet
accord est entré en vigueur, par les personnes mentionnées aux f
et g ci-dessus sont regardées, pour l'acquisition des droits
prévus auxdits alinéas, comme accomplies sur le territoire
français ;
i) Travailleurs salariés ou non salariés, sans qu'ils aient
à justifier d'aucune condition concernant leur résidence ou la
durée de leur activité lorsque leur conjoint possède la
nationalité française ou a perdu cette nationalité par
l'effet de son mariage ;
j) Membres de la famille, tels qu'ils sont définis au n, du travailleur
salarié ou non salarié décédé au cours de sa
vie professionnelle avant d'avoir acquis le droit de demeurer sur le territoire
français si, à la date de son décès, le travailleur
avait résidé en France de façon continue depuis deux ans,
s'il est décédé des suites d'un accident du travail ou
d'une maladie professionnelle ou si le conjoint survivant possède la
nationalité française ou a perdu cette nationalité par
l'effet de son mariage ;
k) Qui ne bénéficient pas du droit au séjour en vertu
d'autres dispositions du présent article, à condition qu'ils
justifient, pour eux-mêmes et leur conjoint, leurs descendants et
ascendants à charge, d'une assurance couvrant l'ensemble des risques
maladie et maternité auxquels ils peuvent être exposés
durant leur séjour en France et qu'ils disposent des ressources
suivantes :
1° Pour une personne seule, accompagnée éventuellement de
ses descendants à charge, une somme égale au plafond de
ressources annuel fixé pour l'attribution du minimum de ressources
versé à une personne âgée vivant seule en
application du livre VIII du code de la sécurité sociale ;
2° Pour une personne accompagnée de son conjoint et, le cas
échéant, de leurs descendants à charge, une somme
égale au plafond de ressources annuel fixé pour l'attribution du
minimum de ressources versé à un couple de personnes
âgées en application du livre VIII du code de la
sécurité sociale ;
3° Pour les ascendants à charge du demandeur du droit au
séjour ou de son conjoint, un revenu du même montant que celui qui
est exigé du demandeur et, éventuellement, de son conjoint ;
l) Qui ont cessé leur activité professionnelle dans un des Etats
de la Communauté européenne ou (d'un) (des) autre(s) Etat(s)
membre(s) de l'Association européenne de libre-échange qui ont
adhéré à l'accord sur l'Espace économique
européen et pour lesquels cet accord est entré en vigueur,
à condition qu'ils bénéficient d'une pension
d'invalidité, de préretraite ou de vieillesse ou d'une rente
d'accident de travail ou de maladie professionnelle, qu'ils justifient, pour
eux-mêmes et leur conjoint, leurs descendants et ascendants à
charge, d'une assurance couvrant l'ensemble des risques maladie et
maternité auxquels ils peuvent être exposés durant leur
séjour en France et qu'ils disposent des ressources définies,
selon les cas, aux 1°, 2° et 3° du k ;
m) Etudiants qui ne bénéficient pas du droit au séjour sur
la base d'une autre disposition du présent article, à condition
qu'ils justifient pour eux-mêmes et leur conjoint, ainsi que pour leurs
enfants à charge d'une assurance couvrant l'ensemble des risques maladie
et maternité auxquels ils peuvent être exposés pendant leur
séjour en France et qu'ils disposent des ressources suivantes :
1° Pour l'étudiant seul, s'il n'est pas titulaire d'une bourse de
son gouvernement, une somme égale à 70 p 100 de l'allocation
d'entretien mensuelle de base versée, au titre de l'année
universitaire écoulée, aux boursiers du Gouvernement
français ;
2° Pour l'étudiant accompagné ou de ses enfants à
charge, ou de son conjoint et, le cas échéant, de leurs enfants
à charge, un revenu mensuel équivalent au double du montant
fixé au 1° ;
Les étudiants doivent, en outre, justifier d'une inscription dans un
établissement d'enseignement et suivre à titre principal leurs
études ;
n) Membres de la famille des ressortissants des Etats membres ou (d'un) (des)
autre(s) Etat(s) membre(s) de l'Association européenne de
libre-échange qui ont adhéré à l'accord sur
l'Espace économique européen et pour lesquels cet accord est
entré en vigueur, qui entrent dans les catégories
mentionnées au présent article, tels qu'ils sont définis
ci-dessous :
1° Au titre des catégories définies aux a à j :
- le conjoint des ressortissants visés, leurs descendants de moins de
vingt et un ans ou à charge ainsi que leurs ascendants à charge.
2° Au titre des catégories définies aux k et l :
- le conjoint des ressortissants visés, leurs descendants et ascendants
à charge.
3° Au titre de la catégorie définie au m :
- le conjoint des ressortissants visés et leurs enfants à charge.
Art. 2. -
Les personnes mentionnées aux f,
g, et h de l'article 1er ainsi que les membres de la famille d'un travailleur
salarié ou non salarié décédé visés
au j peuvent attester de la continuité de résidence exigée
par tous moyens de preuve.
Les périodes d'inactivité indépendantes de la
volonté des intéressés et dues notamment à une
maladie ou à un accident sont assimilées à des
périodes d'activité.
Les interruptions de séjour ne dépassant pas six mois
consécutifs et les absences d'une durée plus longue dues à
l'accomplissement d'obligations militaires ne peuvent affecter la
validité de la carte de séjour délivrée
conformément à l'article 5.
Art. 3. -
Les personnes bénéficiaires
du droit de demeurer en France et mentionnées aux f à j de
l'article 1er ainsi que les membres de leur famille tels qu'ils sont
définis au n du même article peuvent se prévaloir de ce
droit pendant un délai de deux ans à compter de la date de
l'ouverture de ce droit, même si elles ont quitté le territoire
français pendant tout ou partie de cette période.
Art. 4. -
Les ressortissants des Etats membres de la
Communauté européenne ou (d'un) (des) autre(s) Etat(s) membre(s)
de l'Association européenne de libre-échange qui ont
adhéré à l'accord sur l'Espace économique
européen et pour lesquels cet accord est entré en vigueur,
mentionnés à l'article 1er entrent sur le territoire
français sur simple présentation d'une carte d'identité ou
d'un passeport en cours de validité.
Les membres de famille visés au n de l'article 1er, qui ne sont pas
ressortissants d'un Etat membre de la Communauté européenne ou
(d'un) (des) autre(s) Etat(s) membre(s) de l'Association européenne de
libre-échange qui ont adhéré à l'accord sur
l'Espace économique européen et pour lesquels cet accord est
entré en vigueur, entrent sur le territoire sur présentation d'un
passeport en cours de validité revêtu, le cas
échéant, d'un visa.
Art. 5. -
Les ressortissants des Etats membres de la
Communauté européenne ou (d'un) (des) autre(s) Etat(s) membre(s)
de l'Association européenne de libre-échange qui ont
adhéré à l'accord sur l'Espace économique
européen et pour lesquels cet accord est entré en vigueur,
âgés de plus de dix-huit ans, appartenant aux catégories
mentionnées aux a, b, c, e et f à n de l'article 1er,
désireux d'établir en France leur résidence effective et
habituelle sont mis en possession d'une carte dite carte de séjour.
Cette carte de séjour est également délivrée aux
membres de famille définis au n de l'article 1er des ressortissants des
Etats membres de la Communauté européenne ou (d'un) (des)
autre(s) Etat(s) membre(s) de l'Association européenne de
libre-échange qui ont adhéré à l'accord sur
l'Espace économique européen et pour lesquels cet accord est
entré en vigueur, visés au précédent alinéa,
qui ne sont pas ressortissants d'un Etat membre de la Communauté
européenne ou (d'un) (des) autre(s) Etat(s) membre(s) de l'Association
européenne de libre-échange qui ont adhéré à
l'accord sur l'Espace économique européen et pour lesquels cet
accord est entré en vigueur.
Art. 6. -
La demande de carte de séjour doit
être formulée dans un délai de trois mois à compter
de l'entrée en France des requérants.
Au moment de leur demande de première délivrance de titre de
séjour, ils doivent présenter le document sous le couvert duquel
ils ont pénétré sur le territoire.
La carte de séjour peut être refusée pour un motif d'ordre
public s'il est constaté que le requérant est atteint d'une des
maladies ou infirmités pouvant mettre en danger l'ordre public ou la
sécurité publique figurant sur la liste annexée au
présent décret.
Art. 7. -
La validité de la carte de
séjour est fixée à cinq ans pour la première
délivrance, sauf pour les personnes mentionnées au m de l'article
1er et les membres de leur famille, pour lesquelles cette validité est
limitée à la durée de la formation qu'elles suivent ou
à un an si la durée de cette formation est supérieure
à un an.
La validité de la carte de séjour peut être de dix ans pour
la première délivrance pour les personnes mentionnées au n
de l'article 1er qui viennent rejoindre le ressortissant communautaire dont
elles dépendent si celui-ci est lui-même titulaire d'une carte de
séjour de dix ans.
Sauf pour les personnes mentionnées aux k, l, et m de l'article 1er et
les membres de leur famille, la carte de séjour est renouvelable de
plein droit.
A partir du premier renouvellement, la validité de la carte de
séjour est portée à dix ans pour les personnes
mentionnées aux a, b, c et f à j de l'article 1er, et pour les
membres de leur famille.
Toutefois, lors du premier renouvellement, la validité de cette carte
est limitée à un an lorsque le titulaire se trouve dans une
situation de chômage depuis plus de douze mois consécutifs. A
l'expiration de cette période, le renouvellement pourra être
refusé si le titulaire de la carte n'exerce aucun emploi.
Pour les personnes mentionnées aux k et l de l'article 1er ainsi que
pour les membres de leur famille, la validité de la carte de
séjour est limitée à cinq ans à chaque
renouvellement.
Pour les personnes mentionnées au m ainsi que pour les membres de leur
famille, la validité de la carte de séjour, lors du
renouvellement, est fixée à un an.
Art. 8. -
La carte de séjour est valable pour
l'ensemble du territoire français.
Le conjoint, les descendants de moins de vingt et un ans ou à charge
d'un travailleur au sens de l'article 1er du présent décret, le
conjoint et les enfants à charge d'un bénéficiaire du
droit de séjour au sens de l'article 1er (k, l et m) qui n'ont pas la
nationalité d'un Etat membre ou (d'un) (des) autre(s) Etat(s) membre(s)
de l'Association européenne de libre-échange qui ont
adhéré à l'accord sur l'Espace économique
européen et pour lesquels cet accord est entré en vigueur, sont
dispensés d'autorisation pour exercer une activité
professionnelle salariée ou non salariée.
Art. 9. -
Les personnes mentionnées au d de
l'article 1er reçoivent une carte dite carte de travailleur frontalier.
Ce document est délivré pour une durée de cinq ans et
renouvelable de plein droit.
Elles devront fournir une déclaration d'engagement ou d'emploi
établie par leur employeur.
Art. 10. -
Les personnes mentionnées au b de
l'article 1er venant exercer une activité non salariée pour une
durée supérieure à trois mois mais inférieure
à un an sont mises en possession d'une carte de séjour d'une
durée de validité correspondant à la durée
prévue de leur activité.
Les membres de leur famille tels qu'ils sont définis au n de l'article
1er reçoivent une carte de séjour de même durée de
validité.
Art. 11. -
Les personnes mentionnées au e de
l'article 1er sont admises au séjour en France dans les conditions
ci-après :
Les travailleurs venant en France dans le but d'y exercer une activité
salariée pour une durée supérieure à trois mois
mais inférieure à un an sont mis en possession d'une carte de
séjour d'une durée de validité correspondant à
celle de l'emploi prévu par la déclaration d'engagement ou
d'emploi ;
Les travailleurs saisonniers sont dotés d'une carte de séjour
d'une validité correspondant à la durée de leur emploi sur
présentation d'une déclaration d'engagement.
Les membres de leur famille définis au n de l'article 1er
reçoivent une carte de séjour de même durée de
validité.
Art. 12. -
Les personnes mentionnées aux c, d et
e de l'article 1er obtiennent le titre afférent à leur
catégorie si elles justifient d'un emploi en fournissant une attestation
de l'employeur dite déclaration d'engagement ou d'emploi. Cette
déclaration doit indiquer la durée prévue de l'emploi.
Art. 13. -
La délivrance d'un titre de
séjour ne peut être refusée à un ressortissant d'un
Etat membre de la Communauté européenne ou (d'un) (des) autre(s)
Etat(s) membre(s) de l'Association européenne de libre-échange
qui ont adhéré à l'accord sur l'Espace économique
européen et pour lesquels cet accord est entré en vigueur,
justifiant qu'il entre dans l'une des catégories définies
à l'article 1er que pour un motif d'ordre public.
La décision de refus de délivrance du titre de séjour ne
peut être prise qu'après avis de la commission du séjour
prévue à l'article 18 bis de l'ordonnance du 2 novembre 1945
modifiée et dans les conditions fixées par cet article. Les
motifs de cette décision sont portés à la connaissance de
l'intéressé.
Art. 14.
- La carte de séjour
délivrée aux personnes mentionnées aux k, l et m de
l'article 1er ainsi qu'aux membres de leur famille tels qu'ils sont
définis au même article peut leur être retirée dans
les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 13
lorsque les conditions prévues pour son attribution ne sont plus
remplies.
Pour les personnes mentionnées aux k et l de l'article 1er, il est
procédé, au terme des deux premières années du
séjour, à la vérification qu'elles répondent
toujours aux conditions requises lors de la première délivrance
de la carte de séjour.
Art. 15. -
Les personnes mentionnées à
l'article 1er doivent quitter le territoire à l'expiration de la
durée de validité de leur carte de séjour, à moins
qu'elles en obtiennent le renouvellement.
La demande de renouvellement de la carte de séjour doit être
présentée dans le courant des deux derniers mois
précédant l'expiration de la carte de séjour dont les
personnes susvisées sont titulaires.
Le renouvellement de la carte de séjour des personnes mentionnées
aux k, l ou m de l'article 1er ainsi que celle des membres de leur famille est
subordonné à la justification que les conditions prévues
pour son attribution sont réunies.
Le refus de renouvellement de la carte de séjour ne peut être pris
qu'après avis de la commission mentionnée à l'article 13
et dans les conditions prévues à cet article.
Art. 16. -
Les ressortissants des Etats membres de la
Communauté européenne ou (d'un) (des) autre(s) Etat(s) membre(s)
de l'Association européenne de libre-échange qui ont
adhéré à l'accord sur l'Espace économique
européen et pour lesquels cet accord est entré en vigueur, et
leurs familles, mentionnés à l'article 1er, venant en France pour
moins de trois mois, y séjournent régulièrement sous le
couvert du document avec lequel ils ont pénétré sur le
territoire français, revêtu le cas échéant d'un visa.
Les salariés, à l'exception de ceux qui sont employés dans
les activités d'intermédiaires du commerce, de l'industrie et de
l'artisanat, doivent être en mesure de présenter la
déclaration d'engagement ou d'emploi établie par leur employeur.
Art. 17. -
La notification des décisions de refus
de délivrance, de refus de renouvellement ou de retrait de la carte de
séjour prévue pour les personnes mentionnées à
l'article 1er ainsi que la notification d'une décision d'expulsion
comportent l'indication du délai imparti pour quitter le territoire.
Sauf urgence, ce délai ne peut être inférieur à
quinze jours lorsque l'intéressé n'a pas reçu de titre de
séjour et à un mois dans les autres cas.
Art. 18. -
Toute personne mentionnée à
l'article 1er qui aura pénétré en France sans se conformer
aux dispositions de l'article 4 sera punie des peines d'amende de la
contravention de 5e classe
Art. 19. -
Toute personne mentionnée à
l'article 1er qui, sans excuse valable, aura omis de solliciter dans les
délais réglementaires, selon la catégorie à
laquelle elle appartient, la délivrance ou le renouvellement de la carte
de séjour prévue pour les personnes mentionnées à
l'article 1er, sera punie des peines d'amende de la contravention de 5e classe.
*.
Sera punie des mêmes peines celle à qui la carte de séjour
susmentionnée aura été refusée ou retirée et
qui séjournera sur le territoire national sans ce document ou qui sera
porteur d'un document ou d'un récépissé de demande non
valable en infraction aux dispositions réglementaires.
Art. 20. -
Le décret n° 81-405 du 28 avril
1981 réglementant les conditions d'entrée et de séjour en
France des ressortissants des Etats membres de la Communauté
économique européenne ou (d'un) (des) autre(s) Etat(s) membre(s)
de l'Association européenne de libre-échange qui ont
adhéré à l'accord sur l'Espace économique
européen et pour lesquels cet accord est entré en vigueur,
bénéficiaires de la libre circulation des personnes et des
services est abrogé.
Le décret n° 77-1044 du 1er septembre 1977 et le décret
n° 79-1051 du 23 novembre 1979 réglementant les conditions
d'entrée et de séjour des ressortissants des Etats membres de la
Communauté économique européenne ou (d'un) (des) autre(s)
Etat(s) membre(s) de l'Association européenne de libre-échange
qui ont adhéré à l'accord sur l'Espace économique
européen et pour lesquels cet accord est entré en vigueur,
bénéficiaires de la libre circulation des personnes et des
services respectivement sur le territoire français métropolitain
et dans les départements d'outre-mer sont abrogés.
ANNEXE
Maladies ou infirmités pouvant mettre en danger l'ordre public ou la
sécurité publique
1. Toxicomanie
2. Altérations psycho-mentales grossières, états
manifestes de psychose d'agitation, de psychose délirante ou
hallucination ou de psychose confusionnelle.