RAPPORT N° 177 - PROPOSITION DE LOI RELATIVE AUX DATES D'OUVERTURE ANTICIPEE ET DE CLOTURE DE LA CHASSE DES OISEAUX MIGRATEURS


Mme Anne HEINIS, Sénateur


Commission des Affaires économiques et du Plan - Rapport n° 177 - 1997-1998

Table des matières






N° 177

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 1997-1998

Annexe au procès-verbal de la séance du 16 décembre 1997

RAPPORT

FAIT

au nom de la commission des Affaires économiques et du Plan (1) sur :

- la proposition de loi de MM. Roland du LUART, Michel ALLONCLE, Bernard BARBIER, Philippe de BOURGOING, Jean-Claude CARLE, Jean-Patrick COURTOIS, Désiré DEBAVELAERE, Fernand DEMILLY, Marcel DENEUX, Michel DOUBLET, Alain DUFAUT, Jean-Paul ÉMORINE, Philippe FRANÇOIS, Jean GRANDON, Mme Anne HEINIS, MM. Gérard LARCHER, Pierre MARTIN, Serge MATHIEU, Louis MERCIER, Henri de RAINCOURT, Michel SOUPLET et Alain VASSELLE
relative aux dates d'ouverture anticipée et de clôture de la chasse des oiseaux migrateurs ,

- la proposition de loi de M. Michel CHARASSE relative aux dates d'ouverture anticipée et de clôture de la chasse des oiseaux migrateurs ,

- la proposition de loi de M. Pierre LEFEBVRE, Mmes Marie-Claude BEAUDEAU, Nicole BORVO, M. Jean-Luc BÉCART, Mme Danielle BIDARD-REYDET, MM. Jean DERIAN, Michel DUFFOUR, Guy FISCHER, Paul LORIDANT, Mme Hélène LUC, MM. Louis MINETTI, Robert PAGÈS, Jack RALITE, Ivan RENAR et Mme Odette TERRADE relative aux dates d'ouverture anticipée et de clôture de la chasse des oiseaux migrateurs ainsi qu'à la réglementation de la chasse les concernant,

Par Mme Anne HEINIS,

Sénateur.

(1) Cette commission est composée de : MM. Jean François-Poncet, président ; Philippe François, Henri Revol, Jean Huchon, Fernand Tardy, Gérard César, Louis Minetti, vice-présidents ; Georges Berchet, William Chervy, Jean-Paul Émin, Louis Moinard, secrétaires ; Louis Althapé, Alphonse Arzel, Mme Janine Bardou,
MM. Michel Barnier, Bernard Barraux, Michel Bécot, Jean Besson, Jean Bizet, Marcel Bony, Jean Boyer, Jacques Braconnier, Gérard Braun, Dominique Braye, Michel Charzat, Marcel-Pierre Cleach, Roland Courteau, Désiré Debavelaere, Gérard Delfau, Fernand Demilly, Marcel Deneux, Rodolphe Désiré, Michel Doublet, Mme Josette Durrieu, MM. Bernard Dussaut , Jean-Paul Emorine, Léon Fatous, Hilaire Flandre, Aubert Garcia, François Gerbaud, Charles Ginésy, Jean Grandon, Francis Grignon, Georges Gruillot, Mme Anne Heinis, MM. Pierre Hérisson, Rémi Herment, Bernard Hugo, Bernard Joly, Gérard Larcher, Edmond Lauret, Pierre Lefebvre, Jean-François Le Grand, Kléber Malécot, Jacques de Menou, Louis Mercier, Jean-Baptiste Motroni, Jean-Marc Pastor, Jean Pépin, Daniel Percheron, Jean Peyrafitte, Bernard Piras, Alain Pluchet, Jean Pourchet, Jean Puech, Jean-Pierre Raffarin, Paul Raoult, Jean-Marie Rausch, Charles Revet, Roger Rigaudière, Roger Rinchet,
Jean-Jacques Robert, Jacques Rocca Serra, Josselin de Rohan, Raymond Soucaret, Michel Souplet, Mme Odette Terrade, M. Henri Weber.

Voir les numéros :

Sénat : 346 rect. , 359 (1996-1997) et 135 (1997-1998).

 
Chasse et pêche.

INTRODUCTION

Mesdames,

Messieurs,

Les trois propositions de loi dont nous sommes saisis ont un objet identique : elles visent à résoudre un contentieux juridique qui n'a fait que s'aggraver, et qui porte sur l'application des dispositions de la directive du Conseil du 2 avril 1979 sur la conservation des oiseaux sauvages (79/409/CEE), relatives à la pratique de la chasse.

Elles traitent, en effet, des procédures de fixation des dates d'ouverture et de fermeture de la chasse au gibier d'eau et au gibier de passage en proposant, d'une part, de fixer par voie législative les dates d'ouverture anticipée de la chasse au gibier d'eau, jusque là décidées par arrêté ministériel selon l'article R-224-6 du code rural et d'autre part, de modifier, s'agissant de la clôture de la chasse, l'article L.224-2 du code rural issu de la loi n° 94-591 du 15 juillet 1994 fixant les dates de clôture de la chasse aux oiseaux migrateurs.

Déjà, en 1994, l'adoption de cette loi -issue de plusieurs propositions de loi identiques- avait eu pour but de lever les incertitudes juridiques qui pesaient sur la détermination des périodes de chasse des oiseaux migrateurs.

Ces incertitudes avaient donné lieu à un contentieux abondant, puisque entre décembre 1984 et octobre 1994, 64 décisions d'annulation avaient été prises à l'encontre d'arrêtés préfectoraux de clôture de chasse, au motif que ces arrêtés autorisant la chasse du gibier d'eau et d'oiseaux de passage au mois de février ne respectaient pas l'interdiction de chasser pendant le trajet de retour des espèces vers leur lieu de nidification, principe posé par l'article 7, paragraphe 4 de la directive du 2 avril 1979 sur la conservation des oiseaux sauvages.

Se fondant sur les données scientifiques et la méthode proposée par le comité " Ornis ", c'est-à-dire le comité d'adaptation de la directive précitée, la loi du 15 juillet 1994 a fixé un calendrier échelonné de clôture de la période de chasse selon les espèces, tenant compte tout à la fois de la période du début des migrations de chacune des espèces et de leur état de conservation.

Pour assurer la souplesse du dispositif juridique ainsi proposé, le dernier alinéa de l'article L.224-2 du code rural prévoit, de plus, que l'autorité administrative peut avancer les dates de clôture, sous réserve qu'elles soient antérieures au 31 janvier.

Le contentieux s'est alors déplacé sur l'interprétation de ce pouvoir dérogatoire reconnu du préfet, et n'a cessé de croître, avec d'ailleurs des prises de positions divergentes selon les tribunaux sur la nature du pouvoir ainsi reconnu à l'autorité administrative.

Afin de disposer de tous les éléments d'appréciation nécessaires à l'adoption d'une solution équilibrée, raisonnable, et conforme aux objectifs définis par la directive du 2 avril 1979 sur la conservation des oiseaux sauvages -solution qui, en application du principe de subsidiarité, doit être définie au niveau de chaque Etat membre- votre rapporteur souhaite faire le point sur les contentieux juridiques en cours et sur les difficultés qui subsistent quant à la compréhension des phénomènes de migration.

PREMIÈRE PARTIE -

DE LA DIFFICULTÉ DE RÉGLEMENTER UN PHÉNOMÈNE NATUREL COMPLEXE

I. UN CONTENTIEUX JURIDIQUE QUI REPOSE SUR UNE INTERPRÉTATION RESTRICTIVE DE LA DIRECTIVE DU 2 AVRIL 1979 SUR LA CONSERVATION DES OISEAUX SAUVAGES

A. LES OBJECTIFS DE LA DIRECTIVE DU 2 AVRIL 1979 INTERPRÉTÉS DE FAÇON RESTRICTIVE PAR L'ARRÊT DE LA COUR DE JUSTICE EUROPÉENNE DU 19 JANVIER 1994

1. Les objectifs de conservation des oiseaux sauvages fixés par la directive du 2 avril 1979

La directive du 2 avril 1979 sur la conservation des oiseaux sauvages s'applique à toutes les espèces d'oiseaux vivant naturellement à l'état sauvage sur le territoire européen des Etats membres de la Communauté. Les Etats ont pour obligation, selon l'article 2 de la directive, de prendre " toutes les mesures nécessaires pour maintenir ou adapter la population de toutes les espèces d'oiseaux visées à l'article 1er à un niveau qui corresponde notamment aux exigences écologiques, scientifiques et culturelles, compte tenu des exigences économiques et récréationnelles " . Afin d'atteindre cet objectif de conservation des oiseaux sauvages, la directive précise aux Etats membres le cadre dans lequel doivent être prises les mesures portant sur la protection, la gestion, la régulation et l'exploitation des espèces animales en question.

L'exigence de protection porte tant sur la protection des habitats que sur les espèces elles-mêmes, en interdisant la destruction des nids, des oeufs, ainsi que leur perturbation durant la période de reproduction et de dépendance " pour autant que la perturbation ait un effet significatif eu égard aux objectifs de la directive ".

Les mesures à prendre s'appliquent aux différents facteurs qui peuvent agir sur le niveau de population des oiseaux.

La pratique de la chasse constitue l'un des facteurs qui influent sur le niveau de population des oiseaux, mais il s'agit également d'une activité économique et récréationnelle dont il faut tenir compte, selon l'article 2 de la directive, lors de la mise en oeuvre de l'objectif de conservation des oiseaux.

- Dans l'esprit de la directive, la chasse est donc une activité " admissible ", qui contribue par ses prélèvements à la régulation de la population d'oiseaux sauvages, et qui a, de plus, des effets secondaires favorables sur les espèces, notamment par l'entretien des habitats naturels auquel contribuent les chasseurs.

- Néanmoins, pour respecter l'objectif de conservation des espèces d'oiseaux sauvages, la directive précise que les " Etats membres doivent veiller à ce que la chasse de ces espèces ne compromette pas les efforts de conservation entrepris dans leur aire de distribution " et respecte " les principes d'une utilisation raisonnée et d'une régulation équilibrée du point de vue écologique des espèces d'oiseaux concernées ".

Le paragraphe 4 de l'article 7 de la directive précise les éléments essentiels du régime d'encadrement de la pratique de la chasse en indiquant que les espèces chassables ne doivent pas être chassées pendant la période nidicole, ni pendant les différents stades de reproduction et de dépendance.

De plus, s'agissant des espèces migratrices, celles-ci ne doivent pas être chassées pendant leur période de reproduction et pendant leur trajet de retour vers leur lieu de nidification.

Il convient donc de souligner que, conformément à l'article 189 du Traité CEE, la directive fixe des objectifs et décrit les éléments essentiels d'un encadrement de la pratique de la chasse permettant de s'assurer du respect des objectifs fixés, mais qu'elle ne règle pas les modalités de mise en oeuvre de la directive. En particulier, elle ne se prononce pas sur un calendrier d'ouverture et de fermeture des périodes de chasse.

2. L'interprétation " apparemment restrictive " de l'arrêt de la Cour de justice des Communautés européennes du 19 janvier 1994

Recourant au mécanisme de " coopération directe " institué par l'article 177 du traité instaurant la Communauté européenne, le tribunal de Nantes a posé, par jugement du 17 décembre 1992, trois questions préjudicielles relatives à l'interprétation de l'article 7, paragraphe 4, de la directive du 2 avril 1979, concernant la conservation des oiseaux sauvages.

Ces questions préjudicielles étaient posées à l'occasion de recours contre des arrêtés préfectoraux fixant les dates de fermeture de la période de chasse, pris selon les dispositions en vigueur avant l'adoption de la loi du 15 juillet 1994.

Les litiges portaient sur la conformité des dates de fermeture avec les dispositions de la directive instituant la protection des oiseaux migrateurs pendant leur trajet de retour vers leur lieu de nidification.

Les dates de fermeture de chasse fixées par ces arrêtés préfectoraux appliquaient le principe posé par le commissaire du Gouvernement Maryvonne de Saint Pulgent et repris par la jurisprudence du Conseil d'Etat, en particulier dans une série d'arrêts rendus le 25 mai 1990. Selon ce principe, on pouvait considérer que la protection des oiseaux sauvages était raisonnablement assurée, dès lors que la date de fermeture proposée correspondait au début de la période du " maximum d'activité migratoire ", c'est-à-dire au moment où une proportion " significative " d'oiseaux -environ 10 % de l'espèce- prenait son envol vers les lieux de nidification. Ce qui voulait dire, a contrario, qu'au moins 90% d'une espèce était protégée.

L'arrêt de la Cour de justice des Communautés européennes du 19 janvier 1994 se présente comme explicitant le principe de protection complète des espèces en confirmant un précédent arrêt qui avait condamné l'Italie, au motif que cet Etat membre ne garantissait pas la protection " d'une majorité d'oiseaux " 1( * ) .

En réaffirmant l'obligation d'une protection complète des oiseaux migrateurs et du gibier d'eau pendant la période de migration prénuptiale, la Cour considère que " les méthodes qui aboutissent à ce qu'un pourcentage donné des oiseaux d'une espèce échappent à cette protection ne sont pas conformes à cette disposition ".

Mais, au-delà de la condamnation de la " méthode des 10 % " appliquée par les préfets, la Cour ne propose pas une méthode à l'exclusion de toute autre ; au contraire, faisant une stricte application du principe de subsidiarité, elle rappelle, ainsi que l'invitait l'avocat général, que " le choix de la méthode concrète servant à fixer la date de la clôture de la chasse incombe aux Etats membres ".

Plus précisément, si la Cour reconnaît qu'une date unique de clôture correspondant à celle fixée pour l'espèce qui migre le plus tôt " garantit en principe " la réalisation de l'objectif de protection complète de l'espèce, elle admet expressément l'échelonnement des dates de fermeture, à condition qu'il soit dûment motivé. Dans ce cas en effet, la charge de la preuve appartient à l'Etat membre ; ce dernier, " sur la base de données scientifiques et techniques appropriées à chaque cas particulier, doit prouver qu'un échelonnement des dates de clôture de la chasse n'empêche pas la protection complète des espèces d'oiseaux concernées par cet échelonnement ".

B. LA PERSISTANCE DES CONTENTIEUX ADMINISTRATIFS MALGRÉ L'ADOPTION DE LA LOI DU 15 JUILLET 1994

1. Le contenu de la loi n° 94-591 du 15 juillet 1994 fixant les dates de clôture de la chasse des oiseaux migrateurs

Dans l'attente d'une modification de la directive européenne sur la conservation des oiseaux sauvages, cette loi ajoute un alinéa à l'article L.224-2 du code rural selon lequel il est interdit de chasser " en dehors des périodes d'ouverture de la chasse fixées par l'autorité administrative ".

Ce nouvel alinéa, s'agissant des dates de clôture de chasse pour les espèces de gibier d'eau et d'oiseaux de passage, s'inspire des recommandations du Comité Ornis, qui seront rappelées ci-dessous, pour fixer des dates de fermeture échelonnées sur l'ensemble du territoire métropolitain.

Quatre dates sont ainsi retenues, qui tiennent compte de l'état de conservation de l'espèce et de son statut de migrateur précoce ou tardif selon que le début de la migration intervient avant ou après le 20 février. Selon les espèces, la fermeture est fixée au 31 janvier, au 10 février, au 20 février ou au dernier jour du mois de février.

Enfin, la loi du 15 juillet 1994 conserve un pouvoir d'appréciation au préfet qui, après avis du Conseil départemental de la chasse et de la faune sauvage, peut avancer les dates de fermeture à condition que celles-ci interviennent avant le 31 janvier.

S'agissant des dates d'ouverture de chasse, dont le régime n'est pas modifié par la loi du 15 juillet 1994, on peut rappeler, selon les articles R-224-3, R-224-4 et R-224-6 du code rural, qu'en dehors des périodes d'ouverture générale et s'agissant du gibier d'eau, le ministre chargé de la chasse peut en autoriser la chasse avant la date d'ouverture générale sur le domaine public maritime et sur les fleuves, rivières, lacs, étangs et marais non asséchés.

L'objet de cette loi était de faire cesser les contentieux en adoptant, pour les dates de clôture du gibier d'eau, la méthode proposée par le Comité Ornis. Force est de constater que le contentieux n'a pas cessé, mais que les tribunaux sont loin d'être unanimes dans leurs décisions.

2. La persistance des contentieux administratifs

a) Le contentieux sur l'ouverture anticipée de la chasse au gibier d'eau et aux oiseaux de passage

Comme il a été indiqué plus haut, la loi du 15 juillet 1994 n'a rien modifié quant au régime juridique des ouvertures anticipées de la chasse au gibier d'eau. Le contentieux porte donc sur l'arrêté du ministre en charge de la chasse qui fixe, pour chaque département, des dates d'ouverture anticipée. On peut ainsi citer l'arrêt récent du Conseil d'Etat en date du 13 juin 1997, qui, sur la requête de la Ligue française pour la protection des oiseaux, annule l'arrêté du 11 juillet 1990 du Secrétaire d'Etat auprès du Premier ministre chargé de l'environnement, fixant la période d'ouverture spécifique de la chasse au gibier d'eau dans le département de la Côte d'Or.

Le Conseil d'Etat annule l'arrêté ministériel pour méconnaissance partielle des objectifs de la directive du Conseil sur la conservation des oiseaux sauvages, en se fondant sur un rapport conjoint du Museum national d'histoire naturelle et de l'Office national de la chasse établi en 1989 et d'un rapport d'experts établi en octobre 1990. Selon ces rapports, il ressort que dans le département de la Côte d'Or, en août, les canards colverts n'ont pas achevé leur période de reproduction et de dépendance, ce qui interdit de les chasser à partir du 4 août.

b) Le contentieux sur les dates de clôture de la chasse

La loi du 15 juillet 1994 n'a pas mis fin aux recours déposés par les tribunaux, qui visent soit directement l'arrêté préfectoral " recopiant " les dispositions de l'article L.222-4 du code rural, soit la décision du préfet qui, usant du pouvoir discrétionnaire que lui reconnaît ce même article L.222-4, refuse de modifier ces dates. Depuis le jugement du tribunal administratif de Grenoble du 12 décembre 1994, une trentaine de jugements ont été rendus, mais il faut souligner, au vu de ces jugements, que la question de la contradiction ou de la compatibilité entre la loi de 1994 et la directive du 2 avril 1979 sur la conservation des oiseaux sauvages est loin d'avoir été tranchée de la même manière par tous les tribunaux.

- Les tribunaux, excepté dans trois jugements, ont rejeté comme irrecevable le recours direct présenté contre l'arrêté préfectoral " recopiant " le contenu de l'article L.222-4 du code rural.

- En revanche, les tribunaux ont accepté d'examiner les refus explicites ou implicites opposés aux associations qui avaient demandé au préfet de faire usage de son pouvoir discrétionnaire pour avancer les dates de fermeture.

- Sur le fond, et en faisant application de la jurisprudence du Conseil d'Etat depuis l'arrêt Nicolo rendu le 20 octobre 1989, le tribunal considère qu'une loi jugée comme non compatible avec une directive ne peut servir de fondement à un acte administratif qui se trouve alors privé de base légale.

Mais les jugements n'ont pas tous eu la même appréciation de la compatibilité ou de la non-compatibilité de la loi avec la directive, car certains ont considéré comme scientifiquement et techniquement fondées des analyses rejetées par d'autres.

- Les jugements des tribunaux administratifs sont également partagés sur le point de savoir à qui incombe la charge de la preuve. Certains considèrent que les associations n'apportent pas la preuve que des circonstances locales justifiaient de déroger au régime général de fermeture prévu par l'article L.224-2 du code rural 2( * ) , alors que d'autres soulignent que le préfet ne démontrait pas que l'échelonnement des dates permettait dans son département ou en général une protection complète des espèces 3( * ) . En pratique, tout dépend de la valeur que les tribunaux confèrent aux analyses scientifiques du Comité Ornis.

On peut donc conclure, à l'examen de ces différents jugements, que la situation juridique est encore loin d'être claire s'agissant de la pratique de la chasse au gibier d'eau en France, eu égard aux obligations de la directive européenne.

C. AU NIVEAU EUROPÉEN, UNE PRISE DE CONSCIENCE DES DIFFICULTÉS D'APPLICATION DE LA DIRECTIVE SUR LA CONSERVATION DES OISEAUX SAUVAGES, QUI CONTRASTE AVEC L'ATTITUDE TRÈS NÉGATIVE DU GOUVERNEMENT FRANÇAIS

1. En 1994, la Commission européenne fait des propositions de modification qui se heurtent à l'hostilité du Parlement européen

a) La proposition de modification de l'article 7 paragraphe 4 de la directive du 2 avril 1979 sur la conservation des oiseaux sauvages transmise en février 1994

Consciente des difficultés d'interprétation soulevées par l'interdiction de la chasse des espèces migratrices pendant leur période de reproduction et pendant leur trajet de retour au lieu de modification, la Commission européenne a proposé au Parlement européen une modification de la directive. Il s'agissait pour la Commission de préciser, dans un souci de clarté juridique et de respect du principe de subsidiarité, le pouvoir d'appréciation des Etats membres, tout en l'encadrant de critères précis.

Ces critères, fondés sur les conclusions du Comité Ornis et des travaux d'experts scientifiques publiés en novembre 1993 devaient permettre une gestion dynamique des espèces et assurer leur protection complète pendant les périodes de reproduction et les trajets de retour. La Commission proposait ainsi d'incorporer en annexe à la directive les dispositions suivantes :

- dans le cas des espèces qui sont dans un bon état de conservation et dont la migration débute avant le 20 février, la fin de la période de chasse intervient au plus tard dans la décade qui suit la décade du début du passage ;

- dans le cas des espèces qui sont dans un bon état de conservation et dont la migration débute après le 20 février, ou dans le cas des espèces qui ne sont pas dans un bon état de conservation et dont la migration débute avant le 20 février, la fin de la période de chasse intervient au plus tard dans la même décade que le début du passage ;

- dans le cas des espèces qui ne sont pas en bon état de conservation et dont la migration débute après le 20 février, la fin de la période de chasse intervient au plus tard dans la décade qui précède le début du passage.

b) Le rejet de cette proposition par le Parlement européen en février 1996 ne ferme pas néanmoins toute possibilité d'évolution

A une très faible majorité de 192 voix contre 183, le Parlement européen a rejeté la proposition faite par la Commission en adoptant la proposition du rapporteur, Mme Van Putten qui, au mépris du principe de subsidiarité, durcit le texte du paragraphe 4 de l'article 7 de la directive en imposant aux Etats membres de clôturer la saison de la chasse pour les espèces migratrices au 31 janvier au plus tard.

Cette proposition n'a pas été reprise par la Commission et le Conseil des ministres, mais le débat n'est pas clos car la Commission cherche à modifier sa proposition pour dégager une solution acceptable par tous et conforme aux objectifs de la directive.

Dans l'attente de cette modification, la Commission recommande toujours aux Etats membres d'utiliser la méthode dont les critères étaient définis dans le projet d'annexe VI, comme l'indique une réponse faite le 15 mars 1996 par Mme Bjerregard au nom de la Commission à une question écrite posée par un parlementaire européen 4( * ) . Alors que ce dernier demandait si la Commission avait l'intention de décider de la clôture de la chasse aux oiseaux migrateurs à la fin du mois de janvier, la réponse réaffirme, au nom du principe de subsidiarité, la compétence des Etats membres et rappelle que " la Commission a proposé le 1er mars 1994 des critères que les Etats membres peuvent utiliser pour déterminer la fin des périodes de chasse pour les espèces migratrices ".

Enfin, il convient d'indiquer que la Commission de l'Agriculture, avait déposé un amendement sur les propositions de Mme Van Putten lors des débats au Parlement européen. Cet amendement introduisait pour les Etats-membres un régime dérogatoire au principe de fermeture de la chasse au 31 janvier, qui autorisait la chasse d'une espèce migratrice pendant une période maximale de quatre semaines à compter du 31 janvier, à condition que cela n'emporte pas de conséquences négatives sur la conservation de l'espèce ainsi chassée et que cette dernière fasse l'objet d'un plan de gestion.

L'amendement déposé par M. Hallam et la commission de l'agriculture définissait également, dans une proposition d'annexe VI de la directive, la définition de ces plans de gestion : en se fondant sur les meilleurs données disponibles concernant l'espèce visée, ils doivent prévoir un système de recherche et de suivi et inclure au besoin des mesures destinées à compenser l'impact de la chasse sur la reproduction des espèces à savoir, prévoir des zones interdites de chasse ou encore des limitations des heures de chasse ou des quotas de prélèvements.

Il est donc loin d'être prouvé que la commission européenne s'oriente vers un durcissement de la directive sur la conservation des oiseaux sauvages s'agissant de la pratique de la chasse. Il est encore possible d'obtenir que, dans le respect du principe de subsidiarité, les Etats membres puissent mieux tenir compte des circonstances locales, tout en respectant les objectifs de la directive.

En ce qui concerne la France, on peut rappeler qu'elle fait une stricte application des recommandations du comité Ornis à travers la loi du 15 juillet 1994, mais qu'elle se trouve, dans le même temps, attaquée pour non respect de la directive. Or, à l'examen des griefs énoncés par la Commission à son encontre, on est surtout frappé par l'attitude inexplicable et inacceptable du Gouvernement français qui n'a transmis aucun des éléments d'information demandés par la commission.

2. L'Etat français mis en demeure pour non-transposition de la directive sur la conservation des oiseaux sauvages

En novembre 1997, la Commission européenne estimant, dans l'état actuel de son information, que la République française ne transposait pas correctement la directive du Conseil sur la conservation des oiseaux sauvages, adresse au Gouvernement français une mise en demeure à laquelle il doit répondre dans un délai de deux mois.

Il s'agit de la première étape dans la procédure de contentieux en droit communautaire, qui peut conduire à la condamnation de la France par la Cour de justice des Communautés européennes, assortie d'une astreinte, dont la Commission propose le montant.

Premièrement, dans cette lettre de mise en demeure, la Commission critique les modes de fixation des périodes de chasse en France.

- S'agissant des dates d'ouverture anticipée, la commission relève que l'article R 224-6 du code rural ne transpose pas le principe général relatif à l'interdiction de la chasse pendant la période nidicole et pendant les périodes de reproduction et de dépendance. Elle considère alors qu'il n'est pas possible de déterminer si les arrêtés ministériels d'ouverture anticipée sont pris en fonction d'éléments scientifiques et techniques qui assurent une protection complète des espèces chassées.

- En ce qui concerne les dates de clôture de la chasse, la commission prend acte des modifications intervenues dans la loi du 15 juillet 1994 et fixant un régime échelonné de fermetures de la chasse selon les espèces.

Mais, en se fondant sur les travaux les plus récents du comité Ornis (septième réunion du groupe de travail scientifique du comité Ornis du 26 novembre 1996), elle considère que vingt espèces migratrices chassables en France sont dans un état de conservation défavorable et qu'a priori, selon l'article L.224-2 du code rural, douze d'entre elles sont chassables jusqu'au 28 février, ce qui est contraire aux recommandations du comité.

De plus, elle dénonce le caractère facultatif du pouvoir dont dispose le préfet pour déroger aux dates fixées par la loi, en soulignant que rien n'oblige le préfet à avancer les dates de clôture, même en présence de données scientifiques et techniques prouvant le début d'une migration.

Deuxièmement, la Commission souligne l'attitude très négative des autorités françaises dans leur refus de transmettre les éléments d'informations qu'elle demandait.

Ainsi, il est fait référence à une réunion sur les précontentieux environnementaux, tenue à Paris en mai 1997, au cours de laquelle les services de la Commission ont demandé communication du rapport d'information, prévu par l'article 2 de la loi du 15 juillet 1994 et des rapports scientifiques rédigés par l'Office national de la Chasse et le Museum National d'Histoire naturelle, devant servir de base au rapport destiné au Parlement. Or, ces rapports n'ont jamais été transmis.

S'agissant du rapport prévu par l'article 2 de la loi du 15 juillet 1994, il faut déplorer, alors même qu'il aurait dû être déposé en juillet 1996 sur le bureau des Assemblées qu'il ne soit toujours pas rédigé ; mais le plus pénalisant, dans le contentieux qui oppose la France à la Commission européenne, c'est que le Gouvernement français n'a pas transmis en mai 1997 les deux rapports scientifiques publiés en décembre 1996 pour celui de l'Office national de la chasse, et en mars 1997 pour celui du Museum National d'Histoire naturelle.

Ce manque de transparence affaiblit très fortement la position de notre pays vis-à-vis de la Commission, et on peut même se demander si le Gouvernement français n'a pas renoncé volontairement à négocier, au risque d'être condamné au niveau européen, pour pouvoir imposer ensuite en droit français un dispositif juridique unique simplificateur et terriblement réducteur eu égard à la complexité du phénomène des migrations.

II. LA COMPLEXITÉ DU PHÉNOMÈNE DES MIGRATIONS QUI INTERDIT L'ADOPTION D'UN DISPOSITIF UNIQUE RÉGISSANT LES PÉRIODES DE CHASSE

A. LE RAPPEL DE LA PRATIQUE DE LA CHASSE EN FRANCE ET DANS LA COMMUNAUTÉ EUROPÉENNE

1. La chasse au gibier d'eau et aux espèces migratrices en France

La diversité du territoire national, avec des zones humides, de montagne et de forêt et sa position de carrefour des migrations européennes dans la région du paléarctique occidental lui assure une grande richesse et une grande diversité s'agissant des espèces d'oiseaux migrateurs et sédentaires. Ainsi, 59 espèces sont recensées en France, comme pouvant être chassées en application de l'annexe II de la directive du 2 avril 1979 sur la conservation des oiseaux sauvages.

On peut rappeler qu'en 1996, il y avait 1.625.000 chasseurs, dont 230.000 avaient acquitté le timbre " gibier d'eau ", pour pouvoir chasser durant la période précédant l'ouverture générale. Mais pendant la période d'ouverture générale, étant donné qu'aucun droit de timbre spécifique n'est exigé pour chasser le gibier d'eau, il est impossible de comptabiliser le nombre de chasseurs pratiquant ce type de chasse spécialisée.

La chasse au gibier d'eau se pratique essentiellement dans une cinquantaine de départements, mais il faut rappeler que la chasse aux oiseaux migrateurs terrestres est géographiquement répartie sur tout le territoire et concerne donc un très grand nombre de chasseurs :

- Sud-Ouest : pigeon ramier

- Sud-Est : grives

- Bretagne, Sud-Ouest, Centre et Nord-Pas-de-Calais : bécasse.

Concrètement, les prélèvements effectués en France en février sont estimés, selon les espèces, de 4 à 8 % des prélèvements faits par les chasseurs durant toute la saison de chasse des espèces concernées. Cela reste donc très modéré et influe peu sur le statut de conservation des espèces migratrices chassées. 70 % d'entre elles sont en état de conservation favorable et le facteur prioritaire influant sur leur état est la conservation des milieux ; sur ce point, il convient de souligner le rôle très positif des chasseurs pour veiller à l'entretien des habitats et aider à la restauration des milieux dégradés.

Ces actions ont été reconnues récemment par la Commission, dans sa communication du 26 mai 1995 au Conseil et au Parlement européens intitulée " Utilisation rationnelle et conservation des zones humides " : " la chasse au gibier d'eau dans les marais européens représente une activité de loisir populaire et une importante source potentielle de revenus pour les propriétaires de ces étendues. A juste titre, les associations cynégétiques sont en train de devenir des moteurs importants de la conservation des sites marécageux ".

Les chasseurs ont mené ces actions dans l'Europe communautaire certes, mais également dans l'ensemble de la région du paléarctique occidental, c'est-à-dire de l'ouest de l'Afrique au nord de l'Europe, où évoluent les mêmes populations d'oiseaux migrateurs que les Etats-membres ont le devoir de conserver pour les générations futures, et ce en coordination avec les autres pays concernés. C'est le cas tout récent de la remise en eau des 15.000 ha de la cuvette du Ndiael au Sénégal, oeuvre des chasseurs européens.

A titre d'exemple, l'oie cendrée, chassée jusqu'au 20 février, est en expansion régulière depuis plusieurs années et des dégâts agricoles sont déjà déplorés sur quelques sites.

Par ailleurs, plus de 2,5 millions d'hectares en France, soit 5 % du territoire national, sont classés en réserve de chasse et traduisent l'effort consenti par les chasseurs pour la préservation du patrimoine faunistique.

2. La pratique de la chasse dans les pays de l'Union européenne

Les chasseurs sont plus de six millions en Europe répartis comme l'indique le tableau ci-dessous :

Pays

Nombre de chasseurs en 1995

(en milliers)

Population en 1995

(en milliers)

% de chasseurs dans la population

Superficie en km²

Nombre de chasseurs au km²

France

1 650

58 020

2,8

543 965

3,0

Espagne

1 000

39 177

2,6

505 990

2,0

Italie

925

57 268

1,6

301 322

3,1

Royaume-Uni

625

58 503

1,1

244 101

2,6

Allemagne

333

81 538

0,4

356 974

0,9

Suède

320

8 816

3,6

449 964

0,7

Finlande

300

5 098

5,9

338 145

0,9

Portugal

300

9 912

3,0

91 905

3,3

Grèce

295

10 442

2,8

131 957

2,2

Danemark

177

5 215

3,4

43 094

4,1

Irlande

120

3 579

3,4

70 285

1,7

Autriche

110

8 039

1,4

83 858

1,3

Pays-Bas

34

15 424

0,2

41 526

0,8

Belgique

29

10 130

0,3

30 518

1,0

Luxembourg

2

406

0,5

2 586

0,8

TOTAL UNION

6 220

371 567

1,7

3 236 190

1,9

La durée de la chasse est en moyenne de cinq mois dans les Etats-membres mais de nombreuses dérogations existent, notamment s'agissant de fermetures postérieures à la date du 31 janvier.

Parmi les pays de l'Union européenne, on peut citer de nombreux exemples de fermetures postérieures à la date du 31 janvier, prévues par des dérogations :

- la chasse au pigeon ramier est autorisée toute l'année aux Pays-Bas, elle ferme le 30 avril en Allemagne, le 15 avril en Suède, fin février en Belgique, au Luxembourg et au Portugal,

- les anatidés sont chassés jusqu'au 20 février sur le domaine public maritime en Grande-Bretagne,

- la chasse des grives est autorisée jusqu'au 27 février au Portugal.

B. LA COMPLEXITÉ DU PHÉNOMÈNE DES MIGRATIONS D'OISEAUX

L'article 7 paragraphe 4 de la directive sur la conservation des oiseaux sauvages prévoit que " les espèces migratrices ne sont pas chassées pendant leur période de reproduction et pendant leur trajet de retour vers leur lieu de nidification ".

Les discussions sur les dates d'ouverture et de fermeture de chasse se focalisent sur la définition des termes employés dans le texte de la directive, définition d'autant plus difficile à proposer que la science du vivant n'est pas une science exacte, à la différence de la physique et de la chimie. Il faut savoir tenir compte de la variabilité des phénomènes biologiques.

Un phénomène ou une caractéristique biologique (par exemple, la taille ou le poids d'une espèce) se définit donc toujours par une moyenne. Plus on s'éloigne de cette moyenne, moins on rencontre d'individus et plus on a de chances d'avoir affaire à des phénomènes ou des individus " exceptionnels ", voir anormaux.

L'article 7 de la directive ne s'y trompe pas en se référant au trajet de retour des espèces , et non à celui des individus .

En ce sens, c'est la date moyenne de migration de l'espèce qui devrait être pris en compte et non la date du premier individu qui migre. La jurisprudence va trop loin en la matière, car elle méconnaît la nature des lois biologiques.

La sagesse populaire exprime d'ailleurs fort bien cette vérité biologique : ne dit-on pas : " une hirondelle ne fait pas le printemps " ?

Il est donc impossible de fixer des dates uniques caractérisant les différentes phases du cycle de reproduction d'une espèce. Chaque espèce migratrice a un cycle migratoire propre et au sein des espèces, les populations et les espèces ont des comportements différents.

De plus, les zones géographiques où se déroulent les phases de ces cycles migratoires sont loin d'être distinctes.

1. Les difficultés posées par la définition de certains termes

a) La période de reproduction et de dépendance

La saison de reproduction et sa chronologie (c'est-à-dire la succession des différents stades), peuvent être décrites pour un individu, un couple, un groupe, une population ou une espèce. Compte tenu des comportements différents selon les groupes d'espèces et des difficultés d'observation, on peut dire que la saison de reproduction est la période durant laquelle une espèce pond, couve et élève ses jeunes jusqu'à l'envol. C'est cette définition -ponte du premier oeuf jusqu'à l'envol des jeunes- qui a été retenue par Bertelsen et Simonsen (1989) pour définir la période de reproduction des espèces classées à l'Annexe II de la Directive du 2 avril 1979 sur la conservation des oiseaux sauvages.

A cette période s'ajoute, d'une part, celle de défense du territoire de nidification et, d'autre part, celle de dépendance, stade ultime de la reproduction.

La notion de défense du territoire peut parfois être difficile à définir.

Pour les espèces migratrices, c'est-à-dire celles dont la majorité des individus ont un comportement migratoire, le problème ne se pose pas, la période de protection commençant avec le trajet de retour.

Pour les espèces sédentaires, à l'exception de celles qui s'engagent dans des parades collectives (Tétraonidés), on peut définir un critère équivalent basé sur la connaissance des dates moyennes interannuelles de ponte du premier oeuf pour l'espèce dans la région concernée et de la biologie de celle-ci.

La notion de dépendance ne concerne que les relations entre individus -soit la dépendance des jeunes à l'égard des adultes (dépendance alimentaire, protection contre les prédateurs, les intempéries, ...)- et non les relations, de quelque sorte qu'elles soient, entre les individus et leur milieu.

Il peut être utile dans certains cas, de distinguer deux étapes dans l'acquisition de l'indépendance. La première étape, qui pourrait être qualifiée de " dépendance stricte " concernerait la période où la mort d'un ou des parents entraîne une réduction notable -ou déterminante- du taux de survie des jeunes. La seconde période voit le maintien d'une cohésion sociale parents/enfants qui va en diminuant. La perte d'un ou des parents n'entraîne pas alors de baisse sensible de la survie des jeunes.

b) Le trajet de retour

Le trajet de retour est le déplacement annuel par lequel les oiseaux migrateurs -une population, un groupe ou un individu- à partir des lieux d'hivernage rejoignent leurs lieux de reproduction, en une ou plusieurs étapes. Sont sur le trajet de retour vers leur lieu de nidification les oiseaux qui, obéissant à des modifications physiologiques intervenant au terme de la phase d'hivernage se rapprochent de leurs lieux de reproduction.

L'hivernage prend fin avec l'évacuation des quartiers d'hiver où les populations migratrices sont plus ou moins stationnaires depuis la fin de la migration postnuptiale. En général, la fin de l'hivernage est plus ou moins progressive puisque ce phénomène ne se déclenche pas au même moment pour tous les individus : il ressort des observations scientifiques et techniques que la migration prénuptiale s'échelonne de janvier à fin mai pour certaines espèces y compris d'ailleurs pour des espèces chassables (certains limicoles et anatides).

Il importe de faire remarquer que :

- le fait de quitter un lieu d'hivernage n'implique pas obligatoirement un départ en migration. Les individus pouvant gagner un autre lieu d'hivernage plus favorable ;

- les oiseaux en âge de se reproduire sur le trajet de retour ne possèdent pas obligatoirement les conditions physiologiques pour se reproduire. Toutefois, la directive du 2 avril 1979 sur la conservation des oiseaux sauvages précisant que les espèces ne doivent pas être chassées, il faut comprendre l'ensemble d'une population.

Cette complexité des déplacements peut être due en partie au moins, à diverses causes :

- météorologiques (étangs gelés ou à sec par exemple) ;

- épuisement des ressources alimentaires ;

- dérangements divers, etc.

La difficulté va donc être de discerner les déplacements migratoires prénuptiaux, tels qu'ils ont été définis précédemment, des divers déplacements qui ont lieu en fin d'hivernage. Cette difficulté est accrue lorsque les aires d'hivernage et les aires de reproduction se chevauchent largement. Car alors dans ce cas peuvent coexister dans la même région, des individus en hivernage, des individus en trajet de retour et des individus venant de rejoindre leur lieu de nidification.

Chez plusieurs espèces, qu'il s'agisse d'anatidés (canard colvert et fuligule morillon), de rallidés (foulque macroule) ou encore de limicoles (vanneau huppé et bécasse des bois), l'examen des cartes géographiques de distribution de ces espèces, fait ressortir l'importance de la zone de chevauchement des aires de reproduction et d'hivernage.

2. La nécessité de disposer de données scientifiques et techniques

Compte tenu de la diversité biologique et de la complexité du phénomène observé, à savoir les migrations des oiseaux de passage, il est normal que les données scientifiques et techniques recueillies ne soient pas toutes identiques.

Si les méthodes d'observation sont bien harmonisées, les résultats enregistrés varient néanmoins selon les emplacements et le nombre des postes d'observation. De plus, l'interprétation rigoureuse de ces données intègre automatiquement des éléments subjectifs, qu'il faut ensuite neutraliser en croisant d'autres sources d'observation.

En ce qui concerne la France, il est ainsi possible de se référer tant au rapport publié par l'Office national de la chasse (ONC) en décembre 1996 qu'au rapport élaboré en mars 1997 par le Muséum national d'histoire naturel (MNHN). L'étude comparée des deux rapports fait ressortir certaines divergences mais elles ne sont pas fondamentales et surtout, elle ne remettent pas en cause leur fiabilité scientifique respective.

Les définitions ne sont pas identiques s'agissant de la décade moyenne de début de migration ou décade modale. Le rapport du MNHN, à la différence de celui de l'ONC, ne reprend pas la définition retenue en 1989 comme étant la " date moyenne de début de migration la plus fréquente, mais retient la date la plus précoce observée pour le début de la migration, ce qui explique la plupart des différences constatées.

Venant du Museum National d'Histoire Naturelle, on peut s'étonner de ce parti-pris alors que pour tenir compte de la variabilité des phénomènes biologiques, on ne peut définir ces derniers qu'à partir de moyennes.

S'agissant des oiseaux de passage, les rapports de l'ONC et du MNHN concordent pour six espèces, qui sont la bécasse, la caille, la grive draine, le biset, la tourterelle et la tourterelle turque.

En revanche, le rapport du MNHN propose d'avancer les dates de fermeture du 28 février au 20 février pour six autres espèces, qui sont les autres grives, le merle et deux espèces de pigeons et du 20 février au 10 février pour l'alouette des champs alors que le rapport de l'ONC ne propose pas de modification.

3. Le " faux argument scientifique " du principe de confusion

Au-delà des divergences mineures sur les observations des périodes de migration, le rapport du MNHN se livre à une étude approfondie des risques de confusion entre espèces engendrés par la poursuite de la chasse au-delà du 31 janvier, mais il n'apparaît pas que cet argument puisse être retenu tant sur le point scientifique que juridique.

S'agissant de l'observation du phénomène, le rapport du MNHN souligne qu'il n'existe aucun travail publié en France et à l'étranger qui traite de l'importance qualitative et quantitative des confusions entre espèces lors de la chasse. Néanmoins, s'agissant du cas des anatidés, le rapport fait état, à partir des données d'observation disponibles, d'une nette décroissance générale du taux d'erreur depuis 1966, et de sa stabilisation sur une période récente -entre 1973 et 1986-. Selon les espèces d'anatidés -canard chipeau, milouin, souchet ou morillon- le taux d'erreur varie de 12 % à 22 %.

Au-delà de la stricte observation de ce phénomène qui s'avère nécessaire, il convient de replacer cet argument dans son contexte juridique d'ensemble, pour démontrer qu'il s'agit en définitive " d'un faux argument scientifique ".

- D'une part, il convient de rappeler que le problème de la confusion des espèces lors d'une action de chasse est d'ores et déjà pénalement sanctionnable. Dans un jugement du 3 avril 1997 (T.A. à Besançon), le commissaire du Gouvernement a ainsi écarté l'étude effectuée par le MNHN, sans mettre en doute sa rigueur scientifique, mais en replaçant le débat sur le plan pénal. S'agissant de l'arrêté préfectoral, il a considéré qu'il ne pouvait être illégal, au motif qu'il ne serait pas respecté : " En cas de doute, un chasseur sérieux ne tire pas. S'il tire et se trompe, son action illégale de chasse est pénalement sanctionnable. Mais je ne vois pas comment l'arrêté préfectoral pourrait être, lui, illégal en tant que, par hypothèse, il ne serait pas respecté. Vous devez examiner l'arrêté pour lui-même, et non pour ce que les chasseurs en feront " 5( * ) .

- D'autre part, avancer l'argument de la confusion des espèces pour débattre du fondement scientifique des dates de fermeture de chasse reviendrait à remettre en cause l'esprit même de la directive du 2 avril 1979 sur la conservation des oiseaux sauvages.

En effet, l'architecture de la directive repose sur la distinction entre espèces protégées et espèces chassables.

L'article premier de la directive pose comme objectif " la conservation de toutes les espèces d'oiseaux vivant naturellement à l'état sauvage sur le territoire européen des Etats membres ", ce qui représente plus de 400 espèces différentes. L'annexe II recense 72 espèces chassables, dont 59 sont chassables en France.

L'équilibre même de la directive repose donc bien sur la capacité des chasseurs à savoir faire la distinction toute l'année entre les 72 espèces chassables et les autres espèces protégées.

La difficulté n'est pas plus grande en février qu'en pleine saison de chasse, et aucune donnée scientifique fiable n'autorise à remettre en cause ce principe fondamental de la non-confusion entre espèces, sinon à vouloir porter atteinte au droit de chasse lui-même quelle que soit la période envisagée, ce qui est inacceptable.

DEUXIÈME PARTIE -

LE CONTENU DES PROPOSITIONS DE LOI ET LA POSITION DE VOTRE COMMISSION

I. LE CONTENU DES PROPOSITIONS DE LOI

A. LES PROPOSITIONS DE LOI N°S 346 RECTIFIÉ ET 359 RELATIVES AUX DATES D'OUVERTURE ANTICIPÉE ET DE CLÔTURE DE LA CHASSE DES OISEAUX MIGRATEURS

Ces deux propositions ont un contenu rigoureusement identique et peuvent donc être étudiées conjointement :

1. Dates d'ouverture anticipée de la chasse au gibier d'eau

D'une part elles proposent de fixer par voie législative les dates d'ouverture anticipée de la chasse au gibier d'eau en ajoutant un alinéa à l'article L.224-2 du code rural.

On peut rappeler que le régime d'ouverture anticipée de la chasse est défini actuellement par l'article R-224-6 du code rural, qui prévoit que le ministre chargé de la chasse " peut autoriser la chasse avant la date d'ouverture au gibier d'eau avant la date d'ouverture générale et jusqu'à celle-ci ".

Sur la base des calendriers d'ouverture proposés jusqu'à présent pour chaque département, en faisant la distinction entre le domaine public maritime et les autres territoires, les deux propositions de loi soumettent le même tableau récapitulatif qui serait intégré à l'article L.224-2 du code rural.

2. Modification au régime de clôture de la chasse au gibier d'eau

Les deux propositions de loi modifient sur deux points l'actuelle rédaction de l'article L.224-2 du code rural.

- Se fondant sur les observations scientifiques du rapport de l'Office national de la chasse établi en décembre 1996, quelques ajustements sont proposés sur l'échelonnement des dates de fermeture. Pour deux espèces -le fuligule morillon et la nette rousse- il est proposé de raccourcir la période de chasse autorisée après le 31 janvier et pour trois espèces -la sarcelle d'été, l'huîtrier-pie et la grive draine- il est proposé d'allonger la période de chasse du 20 au 28 février.

- De plus, les propositions de loi abrogent l'alinéa permettant au préfet de décider d'une fermeture anticipée pour la chasse de certaines espèces. Le calendrier d'échelonnement des dates de fermeture proposé par l'article L.224-2 s'imposerait à tous les départements, sans dérogation autre que celle s'exerçant dans le cadre du pouvoir de police de la chasse.

B. LA PROPOSITION DE LOI N° 135 RELATIVE AUX DATES D'OUVERTURE ANTICIPÉE ET DE CLÔTURE DE LA CHASSE DES OISEAUX MIGRATEURS AINSI QU'À LA RÉGLEMENTATION DE LA CHASSE LES CONCERNANT

La troisième proposition de loi faisant l'objet d'un examen commun par la commission, tout en défendant les mêmes objectifs s'éloigne des deux autres propositions de loi en ce qui concerne les dates de fermeture et propose d'autres modifications au régime juridique de la chasse.

1. Le régime d'ouverture anticipée et de clôture échelonnée

S'agissant de la fixation au niveau législatif du calendrier des ouvertures anticipées, le dispositif est identique sauf en ce qui concerne le Calvados (article premier).

En ce qui concerne l'échelonnement des dates de clôture selon les espèces, la proposition de loi n° 153 ne retient que deux dates, à savoir le 31 janvier pour le canard colvert et le dernier jour du mois de février pour les autres espèces de gibier d'eau et d'oiseaux de passage (article 2).

Par ailleurs, la proposition de loi abroge également le dernier alinéa de l'alinéa L.224-2 du code rural relatif au pouvoir reconnu au préfet s'agissant d'anticiper les dates de fermeture.

2. La légalisation des us et coutumes ainsi que des modes et périodes de chasse traditionnels des oiseaux migrateurs

Pour assurer un encadrement juridique sûr et pérenne à la pratique de la chasse en France, la proposition de loi n° 153 légalise un certain nombre de modes et périodes de chasse traditionnels des oiseaux migrateurs, dans les départements où ces usages coutumiers et traditionnels sont déjà pratiqués :

- autorisation de la chasse aux oiseaux de passage classés colombidés pendant une période de leur migration n'excédant pas vingt-huit jours (article 2) ;

- autorisation pour certaines espèces de gibier d'eau de la chasse de nuit et de jour à la hutte, tonne, gabion et tout autre moyen spécifique traditionnel (article 3) ;

- assouplissement des règles concernant le transport du gibier d'eau et des oiseaux de passage (article 4) ;

- validation législative des listes des espèces de gibier chassables sur le territoire métropolitain de la France (article 5).

II. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION

A. LES RECOMMANDATIONS DE VOTRE COMMISSION

Votre commission est convaincue de la nécessité de parvenir à la définition, en droit français, d'un dispositif cohérent et pérenne qui prenne en compte les intérêts des chasseurs tout en assurant la mise en oeuvre des objectifs de la directive du 2 avril 1979 sur la conservation des oiseaux sauvages.

Conformément au principe de subsidiarité réaffirmé à plusieurs reprises par la Commission européenne sur le sujet, c'est aux Etats-membres d'adapter leur réglementation en fonction des rythmes biologiques des différentes espèces et de leurs périodes de passage sur leurs territoires respectifs.

Pour ces deux raisons -juridique et scientifique- il convient de rejeter avec force l'idée d'une date de clôture de la chasse unique pour toute l'Europe communautaire. Ceci remettrait en question l'équilibre même de la directive qui repose sur la distinction entre espèces protégées et espèces chassables, et ne serait pas conforme au principe d'utilisation rationnelle des ressources que cette même directive défend.

B. LE DISPOSITIF PROPOSÉ PAR LA COMMISSION COMPLÈTE LE CONTENU DES PROPOSITION DE LOI N°S 346 RECTIFIÉ ET 359

C'est pourquoi votre commission vous propose de reprendre le contenu des propositions de loi n° s 346 rectifié et 359, en y ajoutant un dispositif permettant d'assurer une gestion dynamique des espèces pouvant être chassées au-delà du 31 janvier.

S'agissant des dates d'ouverture anticipée de la chasse, votre commission vous propose d'adopter le tableau inscrit à l'article L.224-2 du code rural par les propositions de loi précitées et qui se fonde sur la date moyenne des derniers envols constatés sur les cinq années précédentes, ce qui correspond à l'indépendance globale des oiseaux.

En ce qui concerne l'échelonnement des dates de fermeture du gibier d'eau et des oiseaux de passage, la commission vous propose de retenir le dispositif mis en place par la loi du 15 juillet 1994 et repris par les deux propositions de loi précitées qui propose quatre dates de fermeture échelonnées, à savoir le 31 janvier, le 10 février, le 20 février et le dernier jour du mois de février.

Ce dispositif suit très exactement les propositions du comité scientifique Ornis et n'a été récusé ni par la Cour de Justice des Communautés européennes, ni par la Commission européenne, qui en recommande au contraire la méthode, ni par les tribunaux, pour ceux d'entre eux qui ont pris le soin de procéder à un examen attentif du dossier.

S'agissant de la répartition des espèces autour de ces différentes dates, il convient de s'assurer qu'elle est conforme aux recommandations scientifiques et techniques les plus récentes pour être inattaquable. Les dates proposées par les deux propositions de loi répondant à ce souci, il vous est donc proposé de les reprendre à l'exception de la sarcelle d'été dont la date de fermeture resterait fixée au 20 février. Il s'agit en effet de la seule espèce d'oiseau migrateur, dont la zone d'hivernage se trouve exclusivement en Afrique. Tout passage d'oiseaux de cette espèce correspond donc à un début de migration, sans que l'on puisse prétendre à un chevauchement de zone. En conséquence, conformément à l'objectif de protection totale de l'espèce pendant la période de migration, il ne faut pas allonger sa période de chasse au-delà du 20 février.

Votre commission vous propose, de plus, d'assortir ce mécanisme de fermeture échelonnée de la chasse, de l'obligation de mettre en place des plans de gestion pour les espèces ne bénéficiant pas d'un statut de conservation favorable et chassées entre le 31 janvier et le 28 février.

Cette proposition s'inspire très directement de l'amendement proposé par la commission de l'agriculture du Parlement européen en mars 1996, qui pourrait d'ailleurs constituer la trame des nouvelles propositions de modifications de la directive faites par la Commission européenne.

Il s'agit d'une démarche qui présente des analogie avec les plans de chasse, qui sont de droit sur tout le territoire national pour les grands animaux tels que cerfs, biches, daims, mouflons et chevreuils et peuvent être étendus à d'autres espèces, notamment les chamois et isards dans les zones de montagne, par l'autorité administrative (article L.225-3 du code rural).

Certains départements expérimentent également ce mécanisme des plans de chasse afin de favoriser la protection et le repeuplement du petit gibier. Il en est ainsi du département de la Manche où les plans de chasse concernent la perdrix grise, le lièvre, la bécasse et le gibier d'eau.

Ces plans de chasse fixent des jours et heures de chasse et déterminent des prélèvements maximum autorisés. Ces quotas de prélèvement sont d'ores et déjà en vigueur dans une trentaine de départements s'agissant de la bécasse et de la grive.

Il s'agit en définitive, à travers des plans de gestion appliqués aux espèces d'oiseaux, qui ne sont pas dans un état de conservation satisfaisant et qui sont chassées au mois de février de permettre une gestion rationnelle de ces espèces. En se fondant sur l'état de conservation des espèces estimé à partir des meilleures données scientifiques et locales disponibles, une organisation équilibrée de la chasse, décidée localement et arbitrée par l'autorité administrative, permettrait d'agir en tant que de besoin sur les périodes comme sur les prélèvements effectués, ainsi qu'éventuellement sur la réglementation des modes de chasse. Ces plans de gestion, au-delà des mesures limitant les heures de chasse ou les prélèvements, pourront décider de mesures de prévention ou de restauration des milieux en développant les réserves de chasse, ou en décidant des mesures de sauvegarde des biotopes.

C. LA POSITION RÉSERVÉE DE LA COMMISSION SUR LES DISPOSITIONS DIVERGENTES OU SUPPLÉMENTAIRES DE LA PROPOSITION DE LOI N° 153

A l'article premier, s'agissant du dispositif relatif à l'ouverture et à la fermeture des périodes de chasse, proposé par la proposition de loi n° 153, le tableau légalisant les dates d'ouverture anticipée est identique à celui des deux autres propositions de loi. Il est donc pris en compte dans la proposition de la commission, sauf en ce qui concerne le département du Calvados.

La commission observe par ailleurs que sa proposition de plan de gestion va dans le sens des recommandations énoncées dans l'exposé des motifs de la proposition de loi n° 153.

En revanche, à l'article 2, votre commission ne peut retenir le dispositif simplifié d'échelonnement des dates de fermeture autour du 31 janvier et du dernier jour de février, parce qu'il ne correspond pas, selon elle, aux données scientifiques et techniques les plus récentes.

En ce qui concerne la reconnaissance des modes de chasse traditionnels proposés par le dernier alinéa de l'article 2 et l'article 3, votre commission ne souhaite pas modifier le contenu de l'article L.224-4 au code rural, qui donne autorité au ministre chargé de la chasse pour fixer les conditions dans lesquelles les chasses traditionnelles peuvent s'exercer.

A propos de l'article 4, qui modifie les règles relatives au transport et à la vente de gibier d'eau, votre commission relève qu'une réflexion est en cours au ministère de l'environnement sur l'utilisation des appeaux et appelants vivants, et qu'il conviendrait d'en attendre les conclusions, avant de légaliser sans restriction le transport des appelants.

De plus, elle observe que la rédaction proposée par l'article 4 de l'article L.224-6 -et non de l'article L.226-6- du code rural interdit de fait la commercialisation autorisée jusqu'à présent du canard colvert et du pigeon ramier.

S'agissant enfin de la légalisation de la liste des espèces dont la chasse est autorisée, prévue par l'article 5, la commission préfère s'en tenir au dispositif de l'arrêté du 26 juin 1987 modifié, qui présente l'avantage de pouvoir être plus aisément mis à jour en fonction des dernières données scientifiques disponibles. Plus précisément, il ne lui semble pas opportun d'autoriser la chasse de la bernache cravant, alors qu'au regard de l'annexe II de la directive du 2 avril 1979, il ne s'agit pas d'une espèce reconnue comme chassable en France.

Enfin, elle rappelle que le bruant ortolan, le pinson du nord et le pinson des arbres ne sont pas classés comme gibier au niveau européen.

*

* *

Votre commission des affaires économiques a conclu à l'adoption de la proposition de loi dans la rédaction qu'elle vous soumet.

CONCLUSIONS DE LA COMMISSION

PROPOSITION DE LOI RELATIVE AUX DATES D'OUVERTURE ANTICIPÉE ET DE CLÔTURE

DE LA CHASSE DES OISEAUX MIGRATEURS


Article unique

L'article L. 224-2 du nouveau code rural est ainsi rédigé :

" Art. L. 224-2. - Nul ne peut chasser en dehors des périodes d'ouverture de la chasse fixées par l'autorité administrative.

" Les dates d'ouverture anticipée et de clôture temporaire de la chasse des espèces de gibier d'eau sont fixées ainsi qu'il suit sur l'ensemble du territoire métropolitain, à l'exception des départements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle.

Département

Domaine public maritime

Autres territoires

 
 

Canards de surface et limicoles

Autres espèces

AIN
 
1er dimanche de septembre 1er dimanche de septembre
AISNE
 
4e dimanche de juillet 2e samedi d'août
ALLIER
 
2e dimanche d'août 3e dimanche d'août
ARDÈCHE
 
15 août

Nette rousse : ouverture générale
15 août
ARDENNES
 
15 août 15 août
AUBE
 
1er samedi d'août 3e samedi d'août
AUDE 3e dimanche d'août
 
 
BOUCHES-DU-RHÔNE 15 août 15 août

Nette rousse : ouverture générale
15 août
CALVADOS 3e samedi de juillet 4e dimanche de juillet 1er dimanche d'août
CHARENTE-MARITIME 3e samedi de juillet
 
 
CHER
 
1er samedi d'août 1er samedi d'août
HAUTE-CORSE
 
15 août

Nette rousse : 1er septembre
15 août
CORSE-DU-SUD
 
15 août

Nette rousse : 1er septembre
15 août
CÔTE-D'OR
 
15 août 4e samedi d'août
CÔTES-D'ARMOR 4e dimanche d'août 4e dimanche d'août 4e dimanche d'août
EURE 3e samedi de juillet 3e samedi de juillet pour le marais vernier

4e samedi pour le reste du département
1er samedi d'août
EURE-ET-LOIR
 
2e samedi d'août 2e samedi d'août
FINISTÈRE 4e dimanche d'août 4e dimanche d'août 4e dimanche d'août
GARD
 
4e dimanche de juillet

Nette rousse : ouverture générale
1er dimanche d'août
HAUTE-GARONNE
 
15 août 15 août
GIRONDE 3e samedi de juillet 1er samedi d'août 2e samedi d'août
HÉRAULT 3e samedi de juillet 4e dimanche de juillet

Nette rousse : ouverture générale
1er dimanche d'août
ILLE-ET-VILAINE 3e samedi de juillet

1er septembre dans la vallée de la Rance
3e samedi d'août 3e samedi d'août
INDRE
 
15 août

Clôture temporaire : 15 septembre
15 août

Clôture temporaire : 15 septembre
INDRE-ET-LOIRE
 
3e dimanche d'août

Clôture temporaire : 15 septembre
3e dimanche d'août

Clôture temporaire : 15 septembre
LANDES 3e samedi de juillet 1er samedi d'août 2e samedi d'août
LOIR-ET-CHER
 
1er samedi d'août 1er samedi d'août
LOIRE
 
3e dimanche d'août 3e dimanche d'août
LOIRE-ATLANTIQUE 3e dimanche de juillet 3e dimanche de juillet Foulque : 3e dimanche de juillet

Autres espèces : 1er dimanche d'août
LOIRET
 
1er samedi d'août 1er samedi d'août
LOT-ET-GARONNE
 
Colvert : ouverture générale

Autres espèces : 4e dimanche d'août
4e dimanche d'août
MAINE-ET-LOIRE
 
15 août 15 août
MANCHE 3e dimanche de juillet 4e dimanche de juillet 1er dimanche d'août
MARNE
 
1er samedi d'août 3e samedi d'août
HAUTE-MARNE
 
2e dimanche d'août 3e dimanche d'août
MAYENNE
 
15 août 15 août
MEURTHE -ET-MOSELLE
 
2e dimanche d'août 4e dimanche d'août
MEUSE
 
2e dimanche d'août 4e dimanche d'août
MORBIHAN 4e dimanche d'août Colvert : du 4e dimanche de juillet au 1er dimanche d'août

Autres espèces : 4e dimanche d'août
4e dimanche d'août
NIÈVRE
 
1er samedi d'août 1er samedi d'août
NORD 3e samedi de juillet 4e samedi de juillet 1er samedi d'août
OISE
 
4e samedi de juillet 1er samedi d'août
ORNE
 
1er samedi d'août

1er dimanche d'août sur les communes de Bellou-en-Houlme et Briouze
3e samedi d'août
PAS-DE-CALAIS 3e samedi de juillet 4e samedi de juillet 1er samedi d'août
PUY-DE-DÔME
 
4e dimanche d'août 4e dimanche d'août
PYRENEES-ATLANTIQUES 3e samedi de juillet 3e samedi d'août 3e samedi d'août
HAUTES-PYRENEES
 
3e dimanche d'août 3e dimanche d'août
PYRENEES-ORIENTALES 3e dimanche d'août
 
 
RHÔNE
 
3e dimanche d'août 3e dimanche d'août
HAUTE-SAÔNE
 
15 août 4e samedi d'août
SAÔNE-ET-LOIRE
 
2e dimanche d'août 3e dimanche d'août
SARTHE
 
3e samedi d'août 3e samedi d'août
PARIS
 
2e samedi d'août
 
SEINE-MARITIME 3e samedi de juillet 4e samedi de juillet 1er samedi d'août
SEINE-ET-MARNE
 
2e samedi d'août 3e samedi d'août
YVELINES
 
2e samedi d'août 3e samedi d'août
DEUX-SEVRES
 
15 août 1er dimanche de septembre
SOMME 3e samedi de juillet 4e samedi de juillet 1er samedi d'août
TARN
 
Colvert : 15 août

Autres espèces : ouverture générale
 
VENDÉE Dernier dimanche d'août Dernier dimanche d'août Dernier dimanche d'août
VOSGES
 
2e dimanche d'août 4e dimanche d'août
YONNE
 
15 août 15 août
TERRITOIRE DE BELFORT
 
4e dimanche d'août 4e dimanche d'août
ESSONNE
 
2e samedi d'août 3e samedi d'août
HAUTS-DE-SEINE
 
2e samedi d'août
 
SEINE-SAINT-DENIS
 
2e samedi d'août
 
VAL-DE-MARNE
 
2e samedi d'août
 
VAL-D'OISE
 
2e samedi d'août 3e samedi d'août

" Pour les espèces de gibier d'eau et d'oiseaux de passage, sur l'ensemble du territoire métropolitain, à l'exception des départements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle, les dates de clôture sont les suivantes :

"  - canard colvert : 31 janvier ;

" - fuligule milouin, fuligule morillon, vanneau huppé : 10 février ;

" - oie cendrée, canard chipeau, sarcelle d'hiver, sarcelle d'été, foulque, garrot à oeil d'or, nette rousse, pluvier doré, chevalier gambette, chevalier combattant, barge à queue noire, alouette des champs : 20 février ;

" - autres espèces de gibier d'eau et d'oiseaux de passage : dernier jour du mois de février ;

" Pour assurer une exploitation équilibrée et dynamique des espèces d'oiseaux ne bénéficiant pas d'un statut de conservation favorable et chassées entre le 31 janvier et le dernier jour du mois de février, il est institué des plans de gestion.

" Les plans de gestion visent à maintenir ou à rétablir les espèces concernées dans un état favorable de conservation. Ils sont fondés sur l'état récent des meilleures connaissances scientifiques et sur l'évaluation des prélèvements opérés par la chasse.

" Les plans de gestion comprennent notamment et en tant que de besoin les dispositions suivantes :

" - encouragement aux mesures de sauvegarde des biotopes,

" - établissements de réserves de chasse et de faune sauvage,

" - indication de zones interdites à la chasse,

" - suspension de la chasse en cas de calamités graves,

" - fixation d'heures de chasse,

" - instauration du poste fixe pour la chasse de certains gibiers,

" - mise en oeuvre de quotas de prélèvement,

" - limitation de la vente, de l'offre aux fins de vente et de toute activité commerciale,

" - mise en oeuvre d'un système de recherche et de suivi des espèces concernées. "

EXAMEN EN COMMISSION

Réunie le mardi 16 décembre 1997 sous la présidence de M. Jean François-Poncet, Président, et de M. Jean Huchon, vice-président, la commission a procédé à l'examen du rapport sur les propositions de loi n° 346 rectifié (1996-1997) de M. Roland du Luart et plusieurs de ses collègues, et n° 359 (1996-1997) de M. Michel Charasse, relatives aux dates d'ouverture anticipée et de clôture de la chasse des oiseaux migrateurs et sur la proposition de loi n° 135 (1997-1998) de M. Pierre Lefebvre et plusieurs de ses collègues, relative aux dates d'ouverture anticipée et de clôture de la chasse des oiseaux migrateurs ainsi que de la réglementation de la chasse les concernant.

Mme Anne Heinis, rapporteur, a indiqué que ces trois textes tendaient à résoudre un contentieux juridique qui n'avait fait que s'aggraver depuis plusieurs années, concernant l'application des dispositions de la directive du Conseil du 2 avril 1979 sur la conservation des oiseaux sauvages (79/409/CEE), relatives à la pratique de la chasse, notamment au gibier d'eau et aux oiseaux de passage.

Elle a précisé que ces propositions de loi fixaient par voie législative les dates d'ouverture anticipée de la chasse au gibier d'eau -jusque là décidées par arrêté ministériel en vertu de l'article R-224-6 du code rural- et modifiaient, s'agissant de la clôture de la chasse aux oiseaux migrateurs, l'article L.224-2 du code rural issu de la loi n° 94-591 du 15 juillet 1994.

Le rapporteur a rappelé que cette loi, issue de plusieurs propositions de loi identiques, avait eu pour but de lever les incertitudes juridiques qui pesaient sur la détermination des périodes de chasse des oiseaux migrateurs en se fondant sur les données scientifiques et sur la méthode proposée par le comité d'adaptation de la directive précitée, et qu'elle fixait un calendrier échelonné de clôture de la période de chasse selon les espèces, tenant compte tout à la fois de la période du début des migrations de chacune des espèces et de leur état de conservation. De plus, pour assurer la souplesse du dispositif juridique ainsi proposé, il était prévu -a-t-elle précisé- que l'autorité administrative puisse avancer les dates de clôture de la chasse.

Mme Anne Heinis, rapporteur, a fait remarquer que le contentieux s'était alors déplacé sur l'interprétation du pouvoir dérogatoire reconnu au préfet, ce qui conduisait les auteurs des propositions de loi à proposer de nouvelles modifications à ce texte.

Elle a souhaité alors faire le point sur les contentieux juridiques en cours, en insistant sur la difficulté d'appréhender des phénomènes naturels complexes.

Rappelant que la directive du 2 avril 1979 sur la conservation des oiseaux sauvages avait pour objectif la conservation de tous les oiseaux vivant naturellement à l'état sauvage en Europe, soit plus de 400 espèces, mais que cet objectif devait tenir compte d'exigences économiques et récréationnelles, elle a ajouté que conformément au principe de subsidiarité, les mesures d'application devaient être définies par les Etats membres et tenir compte des différents facteurs pouvant agir sur le niveau des populations d'oiseaux, à savoir l'interdiction de la destruction des nids et des oeufs, la protection des habitats et la réglementation de la pratique de la chasse, celle-ci ne constituant un facteur parmi d'autres.

Elle a fait valoir que la chasse, selon la directive, constituait une activité " admissible ", qui contribuait à la régulation des espèces et avait des effets secondaires positifs à travers les actions des chasseurs sur la préservation des milieux, et que l'architecture même de la directive reposait sur la distinction entre espèces protégées et espèces chassables répertoriées à l'annexe II de la directive.

Le rapporteur a ensuite rappelé que l'encadrement de la pratique de la chasse découlait du paragraphe 4 de l'article 7 de la directive, qui interdisait de chasser les espèces reconnues comme gibier pendant la période nidicole, les différents stades de reproduction et de dépendance, et, pour les espèces migratrices, que l'interdiction s'appliquait en particulier à la période de reproduction et aux trajets de retour vers les lieux de nidification.

Elle a ensuite évoqué l'arrêt du 14 janvier 1994 de la cour de justice des Communautés européennes qui explicite le principe de protection complète des espèces sans interdire le principe de fermeture échelonnée des périodes de chasse, pour autant que l'Etat membre apporte la preuve que cet échelonnement n'empêche pas la protection complète des espèces concernées.

A propos de la trentaine de contentieux ayant trait à l'interprétation de la loi du 15 juillet 1994, elle a relevé que les conclusions des tribunaux administratifs divergeaient sur la nature du pouvoir d'appréciation laissé au préfet pour décider de " recopier " ou non le calendrier échelonné intégré dans l'article L.224-1 du code rural par la loi.

Mme Anne Heinis, rapporteur, a mis l'accent sur la volonté de la commission de proposer une modification de la directive pour intégrer le principe d'un calendrier échelonné de fermeture de la chasse selon les espèces et en fonction de la précocité de leur migration et de leur état de conservation.

Elle a fait observer que, malgré la position restrictive du Parlement européen, qui s'était prononcé en faveur d'une date unique de fermeture de la chasse au 31 janvier, la commission européenne ne souhaitait pas aller dans ce sens, et pourrait prochainement proposer d'instituer un régime dérogatoire de chasse sur quatre semaines au-delà du 31 janvier, à la condition de mettre en place des plans de gestion pour les espèces concernées et qu'en attendant, elle recommandait d'appliquer la méthode de la fermeture échelonnée.

Face à cette opportunité encore ouverte au niveau européen et qui était à saisir, Mme Anne Heinis, rapporteur, a mis l'accent sur la position du Gouvernement français qui semblait s'être laissé entraîner dans la voie d'une condamnation par la cour de justice des Communautés européennes, sur la base d'un recours en manquement introduit par la Commission sur la base des articles 169 et 171 du Traité CEE.

Elle a indiqué que lors d'une réunion sur les précontentieux environnementaux tenue à Paris en mai 1997, les services de la commission, s'agissant de la directive du 2 avril 1979, avaient demandé communication du rapport au Parlement prévu par la loi du 15 juillet 1994 et des rapports scientifiques servant de base à ce rapport. A propos de ce rapport, elle a reconnu -en le regrettant- que faute d'avoir été rédigé en temps voulu, il n'avait pu être transmis. Mais elle a souligné que les deux rapports, respectivement établis par l'Office national de la chasse en décembre 1996 et par le Muséum national d'histoire nationale en mars 1997, d'une grande valeur scientifique et technique, auraient pu constituer de très bons éléments de négociation vis-à-vis de Bruxelles. Elle a jugé incompréhensible et très dangereux que le Gouvernement français ne les ait pas transmis en mai dernier, se demandant si le Gouvernement français n'avait pas renoncé à se défendre afin d'imposer, ensuite, en droit interne une date unique pour la fermeture de la chasse, ce qui serait inacceptable pour les chasseurs français, et terriblement réducteur eu égard à la diversité du phénomène des migrations.

Rappelant à ce sujet que la chasse au gibier d'eau et aux oiseaux migrateurs intéressant la plupart des 1,6 million de chasseurs répertoriés en France et répartis sur tout le territoire national, le rapporteur a rappelé qu'il fallait tenir compte de la variabilité des phénomènes biologiques concernant les oiseaux migrateurs pour s'intéresser aux mouvements d'une espèce ou d'une population et non de quelques individus, en raisonnant sur des moyennes, et ne pas oublier que pour la plupart des migrateurs, le territoire français offrait une large zone de recouvrement entre les zones d'hivernages et les zones de reproduction, ce qui rendait très complexe l'identification des mouvements. Elle a jouté qu'on ne pouvait pas, pour autant, imposer une date unique de fermeture en arguant du risque de confusion en février entre espèces encore chassables ou déjà " fermées " puisque ce risque existait toute l'année à une plus grande échelle et qu'il avait été accepté dès l'origine par la directive du 2 avril 1979. Rappelant que les chasseurs étaient bien formés et qu'en cas de doute, un bon chasseur ne tirait pas, elle a souligné, en outre, que le code pénal sanctionnait les erreurs de tir.

Le rapporteur a ensuite proposé de reprendre le contenu des deux propositions de loi n° 346 rectifiée et 359 en y ajoutant un dispositif qui rende obligatoire les plans de gestion pour certaines des espèces chassées entre le 31 janvier et le dernier jour du mois de février, en précisant que le principe des plans de gestion était développé dans l'exposé des motifs de la proposition de loi n° 135, et qu'il s'agissait ainsi de mettre en oeuvre une exploitation dynamique des espèces.

Mme Anne Heinis, rapporteur, a ensuite présenté le texte de ses conclusions.

S'agissant des dates d'ouverture anticipée de la chasse, elle a proposé d'adopter le tableau inscrit à l'article L. 224-2 du code rural par les propositions de loi n° 346 rectifié et 359, qui se fonde sur la date moyenne des derniers envols constatés sur les cinq années précédentes.

En ce qui concerne l'échelonnement des dates de fermeture du gibier d'eau et des oiseaux de passage, elle a rappelé que le dispositif mis en place par la loi du 15 juillet 1994 et repris par les deux propositions de lois précitées proposait quatre dates de fermeture échelonnées, à savoir le 31 janvier, le 10 février, le 20 février et le dernier jour du mois de février, en suivant très exactement les propositions du comité scientifique Ornis.

A propos du choix des dates de fermeture pour les différentes espèces, elle a indiqué qu'il était conforme aux recommandations scientifiques et techniques les plus récentes, sauf en ce qui concerne la sarcelle d'été, dont la date de fermeture devait rester fixée au 20 février, car il s'agissait de la seule espèce d'oiseau migrateur dont la zone d'hivernage se trouve exclusivement en Afrique.

Mme Anne Heinis, rapporteur, a alors proposé d'assortir ce mécanisme de fermeture échelonnée de la chasse de l'obligation de mettre en place des plans de gestion pour les espèces ne bénéficiant pas d'un statut de conservation favorable et chassées entre le 31 janvier et le 28 février, en faisant valoir que cette proposition s'inspirait très directement de l'amendement proposé par la commission de l'agriculture du Parlement européen en mars 1996, et qu'elle pourrait être reprise à son compte par la Commission européenne.

Soulignant les analogies du dispositif ainsi proposé avec celui des plans de chasse qui sont de droit sur tout le territoire national pour le grand gibier, le rapporteur a souligné que certains départements l'expérimentaient déjà pour le petit gibier, tels le département de la Manche où les plans de chasse concernaient la perdrix grise, le lièvre, la bécasse et le gibier d'eau.

Elle a conclu que les plans de gestion devaient, en se fondant sur les meilleures données scientifiques et techniques disponibles, permettre une exploitation dynamique des espèces afin qu'elles retrouvent un statut de conservation satisfaisant.

Au-delà des mesures réglementant la pratique de la chasse ou les prélèvements autorisés, le rapporteur a relevé que ces plans de gestion permettraient de développer des mesures préventives pour la restauration des milieux en développant les réserves de chasse ou en décidant des mesures de sauvegarde des biotopes.

Mme Anne Heinis, rapporteur, a ensuite exposé les raisons pour lesquelles certaines des mesures de la proposition de loi n° 153 ne pouvaient être reprises.

Elle a fait valoir que la proposition de tableau d'ouverture anticipée de la chasse était satisfaite par sa propre proposition, sauf en ce qui concerne le département du Calvados pour lequel elle a jugé que les dates suggérées par la proposition de loi n° 153 ne semblaient pas coïncider avec les dernières observations statistiques connues.

Elle a indiqué que le dispositif simplifié d'échelonnement des fermetures de chasse autour du 31 janvier et du dernier jour de février ne lui paraissait pas non plus correspondre aux données scientifiques et techniques les plus récentes.

En ce qui concerne la reconnaissance des modes de chasse traditionnels proposés par le dernier alinéa de l'article 2 et l'article 3, elle a préféré maintenir la compétence du ministre chargé de la chasse pour fixer les conditions dans lesquelles les chasses traditionnelles pouvaient être pratiquées dans certains départements.

A propos de l'article 4, qui modifie les règles relatives au transport et à la vente de gibier d'eau, le rapporteur a indiqué qu'une réflexion était en cours au ministère de l'environnement sur l'utilisation des appeaux et appelants vivants, et qu'il convenait d'en attendre les conclusions avant de légaliser sans restriction le transport des appelants.

Elle a observé, de plus, que la rédaction proposée par l'article 4 pour l'article L.224-6 du code rural interdisait, de fait, la commercialisation -autorisée jusqu'à présent- du canard colvert et du pigeon ramier.

Enfin, s'agissant de la légalisation de la liste des espèces chassables par l'article 5, le rapporteur a dit souhaiter s'en tenir au dispositif de l'arrêté du 26 juin 1987 modifié, qui présentait l'avantage de pouvoir être plus aisément mis à jour en fonction des dernières données scientifiques disponibles. Plus précisément, il ne lui a pas semblé opportun d'autoriser la chasse de la bernache cravant, alors qu'au regard de l'annexe II de la directive du 2 avril 1979, il ne s'agissait pas d'une espèce reconnue comme chassable en France, et elle a rappelé que le bruant ortolan, le pinson du nord et le pinson des arbres n'étaient pas classés comme gibier au niveau européen.

Au cours de la discussion générale, M. Philippe François est intervenu pour se déclarer peu optimiste sur la volonté de la Commission européenne de proposer des modifications à la directive du 2 avril 1979 sur la conservation des oiseaux sauvages ; il s'est déclaré favorable à un système qui redonnerait plus de pouvoirs aux préfets pour ce qui concerne le calendrier d'ouverture et de fermeture de la chasse.

Il a jugé, enfin, très grave le refus du Gouvernement français de communiquer à la Commission européenne les rapports scientifiques demandés et disponibles et a considéré que le ministère de l'environnement jouait un jeu extrêmement dangereux en laissant courir le risque d'une condamnation par la cour de justice des Communautés européennes, -qui aurait pu être évitée- pour imposer aux chasseurs une date de fermeture unique de la chasse.

M. Jean François-Poncet, président, est intervenu pour déplorer l'attitude négative du Gouvernement français face aux demandes d'explications de la Commission européenne, qui s'était traduite par une mise en demeure et a déclaré ne pas comprendre, sur ce sujet, la position du ministre chargé de l'environnement.

Mme Anne Heinis , répondant à M. Philippe François , a fait valoir que pour répondre aux objectifs de la directive du 2 avril 1979 sur la conservation des oiseaux sauvages, il fallait maintenir au niveau législatif les règles d'ouverture anticipée et de fermeture échelonnée de la chasse, mais que l'instauration des plans de gestion redonnait un pouvoir réel au préfet pour organiser au niveau local une exploitation dynamique des espèces chassables concernées.

M. Michel Souplet a déclaré partager l'analyse et les propositions de Mme Anne Heinis, en particulier sur les plans de gestion. Il a fait valoir que, bien souvent, les tentatives de gestion dynamique des espèces étaient contrecarrées par les actions destructrices des prédateurs, type cormorans, ou buses, qui avaient, en droit européen, le statut d'espèces protégées, ce qui illustrait les incohérences de la directive du 2 avril 1979. Il a souhaité que, face à cet excès de réglementation, on puisse redonner plus d'autonomie aux autorités locales pour réguler de façon équilibrée les espèces chassables ou protégées.

Après les interventions de MM. Jacques de Menou, Gérard César et William Chervy , la commission a adopté à l'unanimité la proposition de loi dans la rédaction préconisée par le rapporteur.

I.



1 CJCE 17 janvier 1991 Commission c/Italie.

2 T.A. Clermont-Ferrand, 23 janvier 1996, Préfet du Cantal ; T.A. Lille 6 février 1997 ASPAS et T.A. Besançon 3 avril 1997, Préfet du Territoire de Belfort.

3 T.A. Nancy, 28 janvier 1997, Préfet de Meurthe et Moselle ; T.A. Montpellier, 19 décembre 1996, Préfet de l'Aude et T.A. Amiens, 17 décembre 1996, Préfet de l'Oise et autres.

4 Question écrite E/95/96 posée par Jens-Peter Bonde - Réponse du 15 mars 1996 (JO 96/C173/32 du 17 juin 1996).

5 T.A. Besançon 3 avril 1997 Association pour la protection des animaux sauvages et du patrimoine naturel c.Préfet du territoire de Belfort. Conclusion de M. Garde, Commissaire du Gouvernement (Gazette du Palais 27-28 août 1997, p. 16).

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