RAPPORT N° 177 - PROPOSITION DE LOI RELATIVE AUX DATES D'OUVERTURE ANTICIPEE ET DE CLOTURE DE LA CHASSE DES OISEAUX MIGRATEURS
Mme Anne HEINIS, Sénateur
Commission des Affaires économiques et du Plan - Rapport n° 177 - 1997-1998
Table des matières
- INTRODUCTION
-
PREMIÈRE PARTIE -
DE LA DIFFICULTÉ DE RÉGLEMENTER UN PHÉNOMÈNE NATUREL COMPLEXE-
I. UN CONTENTIEUX JURIDIQUE QUI REPOSE SUR UNE INTERPRÉTATION RESTRICTIVE DE
LA DIRECTIVE DU 2 AVRIL 1979 SUR LA CONSERVATION DES OISEAUX
SAUVAGES
- A. LES OBJECTIFS DE LA DIRECTIVE DU 2 AVRIL 1979 INTERPRÉTÉS DE FAÇON RESTRICTIVE PAR L'ARRÊT DE LA COUR DE JUSTICE EUROPÉENNE DU 19 JANVIER 1994
- B. LA PERSISTANCE DES CONTENTIEUX ADMINISTRATIFS MALGRÉ L'ADOPTION DE LA LOI DU 15 JUILLET 1994
- C. AU NIVEAU EUROPÉEN, UNE PRISE DE CONSCIENCE DES DIFFICULTÉS D'APPLICATION DE LA DIRECTIVE SUR LA CONSERVATION DES OISEAUX SAUVAGES, QUI CONTRASTE AVEC L'ATTITUDE TRÈS NÉGATIVE DU GOUVERNEMENT FRANÇAIS
- II. LA COMPLEXITÉ DU PHÉNOMÈNE DES MIGRATIONS QUI INTERDIT L'ADOPTION D'UN DISPOSITIF UNIQUE RÉGISSANT LES PÉRIODES DE CHASSE
-
I. UN CONTENTIEUX JURIDIQUE QUI REPOSE SUR UNE INTERPRÉTATION RESTRICTIVE DE
LA DIRECTIVE DU 2 AVRIL 1979 SUR LA CONSERVATION DES OISEAUX
SAUVAGES
-
DEUXIÈME PARTIE -
LE CONTENU DES PROPOSITIONS DE LOI ET LA POSITION DE VOTRE COMMISSION-
I. LE CONTENU DES PROPOSITIONS DE LOI
- A. LES PROPOSITIONS DE LOI N°S 346 RECTIFIÉ ET 359 RELATIVES AUX DATES D'OUVERTURE ANTICIPÉE ET DE CLÔTURE DE LA CHASSE DES OISEAUX MIGRATEURS
- B. LA PROPOSITION DE LOI N° 135 RELATIVE AUX DATES D'OUVERTURE ANTICIPÉE ET DE CLÔTURE DE LA CHASSE DES OISEAUX MIGRATEURS AINSI QU'À LA RÉGLEMENTATION DE LA CHASSE LES CONCERNANT
- II. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION
-
I. LE CONTENU DES PROPOSITIONS DE LOI
- CONCLUSIONS DE LA COMMISSION
- EXAMEN EN COMMISSION
N° 177
SÉNAT
SESSION ORDINAIRE DE 1997-1998
Annexe au procès-verbal de la séance du 16 décembre 1997
RAPPORT
FAIT
au nom de la commission des Affaires économiques et du
Plan (1) sur :
- la proposition de loi de MM. Roland du LUART, Michel ALLONCLE, Bernard
BARBIER, Philippe de BOURGOING, Jean-Claude CARLE, Jean-Patrick COURTOIS,
Désiré DEBAVELAERE, Fernand DEMILLY, Marcel DENEUX, Michel
DOUBLET, Alain DUFAUT, Jean-Paul ÉMORINE, Philippe FRANÇOIS,
Jean GRANDON, Mme Anne HEINIS, MM. Gérard LARCHER, Pierre
MARTIN, Serge MATHIEU, Louis MERCIER, Henri de RAINCOURT, Michel SOUPLET
et Alain VASSELLE
relative aux
dates d'ouverture
anticipée et de
clôture
de la
chasse des
oiseaux migrateurs
,
- la proposition de loi de M. Michel CHARASSE relative aux dates d'ouverture anticipée et de clôture de la chasse des oiseaux migrateurs ,
- la proposition de loi de M. Pierre LEFEBVRE, Mmes Marie-Claude BEAUDEAU, Nicole BORVO, M. Jean-Luc BÉCART, Mme Danielle BIDARD-REYDET, MM. Jean DERIAN, Michel DUFFOUR, Guy FISCHER, Paul LORIDANT, Mme Hélène LUC, MM. Louis MINETTI, Robert PAGÈS, Jack RALITE, Ivan RENAR et Mme Odette TERRADE relative aux dates d'ouverture anticipée et de clôture de la chasse des oiseaux migrateurs ainsi qu'à la réglementation de la chasse les concernant,
Par Mme Anne HEINIS,
Sénateur.
(1) Cette commission est composée de :
MM. Jean
François-Poncet,
président
; Philippe François,
Henri Revol, Jean Huchon, Fernand Tardy, Gérard César, Louis
Minetti,
vice-présidents
; Georges Berchet, William Chervy,
Jean-Paul Émin, Louis Moinard,
secrétaires
; Louis
Althapé, Alphonse Arzel, Mme Janine Bardou,
MM. Michel Barnier,
Bernard Barraux, Michel Bécot, Jean Besson, Jean Bizet, Marcel Bony,
Jean Boyer, Jacques Braconnier, Gérard Braun, Dominique Braye, Michel
Charzat, Marcel-Pierre Cleach, Roland Courteau, Désiré
Debavelaere, Gérard Delfau, Fernand Demilly, Marcel Deneux, Rodolphe
Désiré, Michel Doublet, Mme Josette Durrieu, MM. Bernard
Dussaut
,
Jean-Paul Emorine, Léon Fatous, Hilaire Flandre, Aubert
Garcia, François Gerbaud, Charles Ginésy, Jean Grandon, Francis
Grignon, Georges Gruillot, Mme Anne Heinis, MM. Pierre Hérisson,
Rémi Herment, Bernard Hugo, Bernard Joly, Gérard Larcher, Edmond
Lauret, Pierre Lefebvre, Jean-François Le Grand, Kléber
Malécot, Jacques de Menou, Louis Mercier, Jean-Baptiste Motroni,
Jean-Marc Pastor, Jean Pépin, Daniel Percheron, Jean Peyrafitte, Bernard
Piras, Alain Pluchet, Jean Pourchet, Jean Puech, Jean-Pierre Raffarin, Paul
Raoult, Jean-Marie Rausch, Charles Revet, Roger Rigaudière, Roger
Rinchet,
Jean-Jacques Robert, Jacques Rocca Serra, Josselin
de Rohan, Raymond Soucaret, Michel Souplet, Mme Odette Terrade,
M. Henri Weber.
Voir les numéros
:
Sénat
:
346 rect.
,
359
(1996-1997) et
135
(1997-1998).
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Chasse et pêche. |
INTRODUCTION
Mesdames,
Messieurs,
Les trois propositions de loi dont nous sommes saisis ont un objet identique :
elles visent à résoudre un contentieux juridique qui n'a fait que
s'aggraver, et qui porte sur l'application des dispositions de la directive du
Conseil du 2 avril 1979 sur la conservation des oiseaux sauvages
(79/409/CEE), relatives à la pratique de la chasse.
Elles traitent, en effet, des procédures de fixation des dates
d'ouverture et de fermeture de la chasse au gibier d'eau et au gibier de
passage en proposant, d'une part, de fixer par voie législative les
dates d'ouverture anticipée de la chasse au gibier d'eau, jusque
là décidées par arrêté ministériel
selon l'article R-224-6 du code rural et d'autre part, de modifier,
s'agissant de la clôture de la chasse, l'article L.224-2 du code rural
issu de la loi n° 94-591 du 15 juillet 1994 fixant les
dates de clôture de la chasse aux oiseaux migrateurs.
Déjà, en 1994, l'adoption de cette loi -issue de plusieurs
propositions de loi identiques- avait eu pour but de lever les incertitudes
juridiques qui pesaient sur la détermination des périodes de
chasse des oiseaux migrateurs.
Ces incertitudes avaient donné lieu à un contentieux abondant,
puisque entre décembre 1984 et octobre 1994,
64 décisions d'annulation avaient été prises à
l'encontre d'arrêtés préfectoraux de clôture de
chasse, au motif que ces arrêtés autorisant la chasse du gibier
d'eau et d'oiseaux de passage au mois de février ne respectaient pas
l'interdiction de chasser pendant le trajet de retour des espèces vers
leur lieu de nidification, principe posé par l'article 7,
paragraphe 4 de la directive du 2 avril 1979 sur la conservation
des oiseaux sauvages.
Se fondant sur les données scientifiques et la méthode
proposée par le comité " Ornis ", c'est-à-dire
le comité d'adaptation de la directive précitée, la loi du
15 juillet 1994 a fixé un calendrier échelonné
de clôture de la période de chasse selon les espèces,
tenant compte tout à la fois de la période du début des
migrations de chacune des espèces et de leur état de conservation.
Pour assurer la souplesse du dispositif juridique ainsi proposé, le
dernier alinéa de l'article L.224-2 du code rural prévoit,
de plus, que l'autorité administrative peut avancer les dates de
clôture, sous réserve qu'elles soient antérieures au
31 janvier.
Le contentieux s'est alors déplacé sur l'interprétation de
ce pouvoir dérogatoire reconnu du préfet, et n'a cessé de
croître, avec d'ailleurs des prises de positions divergentes selon les
tribunaux sur la nature du pouvoir ainsi reconnu à l'autorité
administrative.
Afin de disposer de tous les éléments d'appréciation
nécessaires à l'adoption d'une solution équilibrée,
raisonnable, et conforme aux objectifs définis par la directive du
2 avril 1979 sur la conservation des oiseaux sauvages -solution qui,
en application du principe de subsidiarité, doit être
définie au niveau de chaque Etat membre- votre rapporteur souhaite faire
le point sur les contentieux juridiques en cours et sur les difficultés
qui subsistent quant à la compréhension des
phénomènes de migration.
PREMIÈRE PARTIE -
DE LA DIFFICULTÉ DE
RÉGLEMENTER UN PHÉNOMÈNE NATUREL COMPLEXE
I. UN CONTENTIEUX JURIDIQUE QUI REPOSE SUR UNE INTERPRÉTATION RESTRICTIVE DE LA DIRECTIVE DU 2 AVRIL 1979 SUR LA CONSERVATION DES OISEAUX SAUVAGES
A. LES OBJECTIFS DE LA DIRECTIVE DU 2 AVRIL 1979 INTERPRÉTÉS DE FAÇON RESTRICTIVE PAR L'ARRÊT DE LA COUR DE JUSTICE EUROPÉENNE DU 19 JANVIER 1994
1. Les objectifs de conservation des oiseaux sauvages fixés par la directive du 2 avril 1979
La directive du 2 avril 1979 sur la conservation
des oiseaux sauvages s'applique à toutes les espèces d'oiseaux
vivant naturellement à l'état sauvage sur le territoire
européen des Etats membres de la Communauté. Les Etats ont pour
obligation, selon l'article 2 de la directive, de prendre
"
toutes
les mesures nécessaires pour maintenir ou adapter la population de
toutes les espèces d'oiseaux visées à l'article 1er
à un niveau qui corresponde notamment aux exigences écologiques,
scientifiques et culturelles,
compte tenu des exigences économiques
et récréationnelles "
. Afin d'atteindre cet objectif
de conservation des oiseaux sauvages, la directive précise aux Etats
membres le cadre dans lequel doivent être prises les mesures portant sur
la protection, la gestion, la régulation et l'exploitation des
espèces animales en question.
L'exigence de protection porte tant sur la protection des habitats que sur les
espèces elles-mêmes, en interdisant la destruction des nids, des
oeufs, ainsi que leur perturbation durant la période de reproduction et
de dépendance "
pour autant que la perturbation
ait un effet
significatif eu égard aux objectifs
de la directive
".
Les mesures à prendre s'appliquent aux différents facteurs qui
peuvent agir sur le niveau de population des oiseaux.
La pratique de la chasse constitue l'un des facteurs qui influent sur le
niveau de population des oiseaux, mais il s'agit également d'une
activité économique et récréationnelle dont il faut
tenir compte, selon l'article 2 de la directive, lors de la mise en oeuvre
de l'objectif de conservation des oiseaux.
- Dans l'esprit de la directive, la chasse est donc une activité
" admissible ", qui contribue par ses prélèvements
à la régulation de la population d'oiseaux sauvages, et qui a, de
plus, des effets secondaires favorables sur les espèces, notamment par
l'entretien des habitats naturels auquel contribuent les chasseurs.
- Néanmoins, pour respecter l'objectif de conservation des
espèces d'oiseaux sauvages, la directive précise que les
"
Etats membres doivent veiller à ce que la chasse de ces
espèces ne compromette pas les efforts de conservation entrepris dans
leur aire de distribution
" et respecte "
les
principes d'une
utilisation raisonnée et d'une régulation
équilibrée du point de vue écologique des espèces
d'oiseaux concernées
".
Le paragraphe 4 de l'article 7 de la directive précise les
éléments essentiels du régime d'encadrement de la pratique
de la chasse en indiquant que les espèces chassables ne doivent pas
être chassées pendant la période nidicole, ni pendant les
différents stades de reproduction et de dépendance.
De plus, s'agissant des espèces migratrices, celles-ci ne doivent pas
être chassées pendant leur période de reproduction et
pendant leur trajet de retour vers leur lieu de nidification.
Il convient donc de souligner que, conformément à l'article 189
du Traité CEE, la directive fixe des objectifs et décrit les
éléments essentiels d'un encadrement de la pratique de la chasse
permettant de s'assurer du respect des objectifs fixés, mais qu'elle ne
règle pas les modalités de mise en oeuvre de la directive. En
particulier, elle ne se prononce pas sur un calendrier d'ouverture et de
fermeture des périodes de chasse.
2. L'interprétation " apparemment restrictive " de l'arrêt de la Cour de justice des Communautés européennes du 19 janvier 1994
Recourant au mécanisme de " coopération
directe " institué par l'article 177 du traité
instaurant la Communauté européenne, le tribunal de Nantes a
posé, par jugement du 17 décembre 1992, trois questions
préjudicielles relatives à l'interprétation de
l'article 7, paragraphe 4, de la directive du 2 avril 1979,
concernant la conservation des oiseaux sauvages.
Ces questions préjudicielles étaient posées à
l'occasion de recours contre des arrêtés préfectoraux
fixant les dates de fermeture de la période de chasse, pris selon les
dispositions en vigueur avant l'adoption de la loi du 15 juillet 1994.
Les litiges portaient sur la conformité des dates de fermeture avec les
dispositions de la directive instituant la protection des oiseaux migrateurs
pendant leur trajet de retour vers leur lieu de nidification.
Les dates de fermeture de chasse fixées par ces arrêtés
préfectoraux appliquaient le principe posé par le commissaire du
Gouvernement Maryvonne de Saint Pulgent et repris par la jurisprudence du
Conseil d'Etat, en particulier dans une série d'arrêts rendus le
25 mai 1990. Selon ce principe, on pouvait considérer que la
protection des oiseaux sauvages était raisonnablement assurée,
dès lors que la date de fermeture proposée correspondait au
début de la période du " maximum d'activité
migratoire ", c'est-à-dire au moment où une proportion
" significative " d'oiseaux -environ 10 % de l'espèce-
prenait son envol vers les lieux de nidification. Ce qui voulait dire, a
contrario, qu'au moins 90% d'une espèce était
protégée.
L'arrêt de la Cour de justice des Communautés européennes
du 19 janvier 1994 se présente comme explicitant le principe
de protection complète des espèces en confirmant un
précédent arrêt qui avait condamné l'Italie, au
motif que cet Etat membre ne garantissait pas la protection " d'une
majorité d'oiseaux "
1(
*
)
.
En réaffirmant l'obligation d'une protection complète des oiseaux
migrateurs et du gibier d'eau pendant la période de migration
prénuptiale, la Cour considère que "
les méthodes
qui aboutissent à ce qu'un pourcentage donné des oiseaux d'une
espèce échappent à cette protection ne sont pas conformes
à cette disposition
".
Mais, au-delà de la condamnation de la " méthode des
10 % " appliquée par les préfets, la Cour ne propose
pas une méthode à l'exclusion de toute autre ; au contraire,
faisant une stricte application du principe de subsidiarité, elle
rappelle, ainsi que l'invitait l'avocat général, que "
le
choix de la méthode concrète servant à fixer la date de la
clôture de la chasse incombe aux Etats membres
".
Plus précisément, si la Cour reconnaît qu'une date unique
de clôture correspondant à celle fixée pour l'espèce
qui migre le plus tôt " garantit en principe " la
réalisation de l'objectif de protection complète de
l'espèce, elle admet expressément l'échelonnement des
dates de fermeture, à condition qu'il soit dûment motivé.
Dans ce cas en effet, la charge de la preuve appartient à l'Etat membre
; ce dernier, " sur la base de données scientifiques et techniques
appropriées à chaque cas particulier, doit prouver qu'un
échelonnement des dates de clôture de la chasse n'empêche
pas la protection complète des espèces d'oiseaux
concernées par cet échelonnement ".
B. LA PERSISTANCE DES CONTENTIEUX ADMINISTRATIFS MALGRÉ L'ADOPTION DE LA LOI DU 15 JUILLET 1994
1. Le contenu de la loi n° 94-591 du 15 juillet 1994 fixant les dates de clôture de la chasse des oiseaux migrateurs
Dans l'attente d'une modification de la directive
européenne sur la conservation des oiseaux sauvages, cette loi ajoute un
alinéa à l'article L.224-2 du code rural selon lequel il est
interdit de chasser "
en dehors des périodes d'ouverture de la
chasse fixées par l'autorité administrative
".
Ce nouvel alinéa, s'agissant des dates de clôture de chasse pour
les espèces de gibier d'eau et d'oiseaux de passage, s'inspire des
recommandations du Comité Ornis, qui seront rappelées ci-dessous,
pour fixer des dates de fermeture échelonnées sur l'ensemble du
territoire métropolitain.
Quatre dates sont ainsi retenues, qui tiennent compte de l'état de
conservation de l'espèce et de son statut de migrateur précoce ou
tardif selon que le début de la migration intervient avant ou
après le 20 février. Selon les espèces, la fermeture
est fixée au 31 janvier, au 10 février, au
20 février ou au dernier jour du mois de février.
Enfin, la loi du 15 juillet 1994 conserve un pouvoir
d'appréciation au préfet qui, après avis du Conseil
départemental de la chasse et de la faune sauvage, peut avancer les
dates de fermeture à condition que celles-ci interviennent avant le
31 janvier.
S'agissant des dates d'ouverture de chasse, dont le régime n'est pas
modifié par la loi du 15 juillet 1994, on peut rappeler, selon
les articles R-224-3, R-224-4 et R-224-6 du code rural, qu'en dehors des
périodes d'ouverture générale et s'agissant du gibier
d'eau, le ministre chargé de la chasse peut en autoriser la chasse avant
la date d'ouverture générale sur le domaine public maritime et
sur les fleuves, rivières, lacs, étangs et marais non
asséchés.
L'objet de cette loi était de faire cesser les contentieux en adoptant,
pour les dates de clôture du gibier d'eau, la méthode
proposée par le Comité Ornis. Force est de constater que le
contentieux n'a pas cessé, mais que les tribunaux sont loin d'être
unanimes dans leurs décisions.
2. La persistance des contentieux administratifs
a) Le contentieux sur l'ouverture anticipée de la chasse au gibier d'eau et aux oiseaux de passage
Comme il a été indiqué plus haut, la loi
du 15 juillet 1994 n'a rien modifié quant au régime
juridique des ouvertures anticipées de la chasse au gibier d'eau. Le
contentieux porte donc sur l'arrêté du ministre en charge de la
chasse qui fixe, pour chaque département, des dates d'ouverture
anticipée. On peut ainsi citer l'arrêt récent du Conseil
d'Etat en date du 13 juin 1997, qui, sur la requête de la Ligue
française pour la protection des oiseaux, annule l'arrêté
du 11 juillet 1990 du Secrétaire d'Etat auprès du
Premier ministre chargé de l'environnement, fixant la période
d'ouverture spécifique de la chasse au gibier d'eau dans le
département de la Côte d'Or.
Le Conseil d'Etat annule l'arrêté ministériel pour
méconnaissance partielle des objectifs de la directive du Conseil sur la
conservation des oiseaux sauvages, en se fondant sur un rapport conjoint du
Museum national d'histoire naturelle et de l'Office national de la chasse
établi en 1989 et d'un rapport d'experts établi en
octobre 1990. Selon ces rapports, il ressort que dans le
département de la Côte d'Or, en août, les canards colverts
n'ont pas achevé leur période de reproduction et de
dépendance, ce qui interdit de les chasser à partir du
4 août.
b) Le contentieux sur les dates de clôture de la chasse
La loi du 15 juillet 1994 n'a pas mis fin aux
recours déposés par les tribunaux, qui visent soit directement
l'arrêté préfectoral " recopiant " les
dispositions de l'article L.222-4 du code rural, soit la décision
du préfet qui, usant du pouvoir discrétionnaire que lui
reconnaît ce même article L.222-4, refuse de modifier ces
dates. Depuis le jugement du tribunal administratif de Grenoble du
12 décembre 1994, une trentaine de jugements ont
été rendus, mais il faut souligner, au vu de ces jugements, que
la question de la contradiction ou de la compatibilité entre la loi de
1994 et la directive du 2 avril 1979 sur la conservation des oiseaux
sauvages est loin d'avoir été tranchée de la même
manière par tous les tribunaux.
- Les tribunaux, excepté dans trois jugements, ont rejeté
comme irrecevable le recours direct présenté contre
l'arrêté préfectoral " recopiant " le contenu de
l'article L.222-4 du code rural.
- En revanche, les tribunaux ont accepté d'examiner les refus
explicites ou implicites opposés aux associations qui avaient
demandé au préfet de faire usage de son pouvoir
discrétionnaire pour avancer les dates de fermeture.
- Sur le fond, et en faisant application de la jurisprudence du Conseil
d'Etat depuis l'arrêt Nicolo rendu le 20 octobre 1989, le
tribunal considère qu'une loi jugée comme non compatible avec une
directive ne peut servir de fondement à un acte administratif qui se
trouve alors privé de base légale.
Mais les jugements n'ont pas tous eu la même appréciation de la
compatibilité ou de la non-compatibilité de la loi avec la
directive, car certains ont considéré comme scientifiquement et
techniquement fondées des analyses rejetées par d'autres.
- Les jugements des tribunaux administratifs sont également
partagés sur le point de savoir à qui incombe la charge de la
preuve. Certains considèrent que les associations n'apportent pas la
preuve que des circonstances locales justifiaient de déroger au
régime général de fermeture prévu par
l'article L.224-2 du code rural
2(
*
)
, alors
que d'autres soulignent que le préfet ne démontrait pas que
l'échelonnement des dates permettait dans son département ou en
général une protection complète des
espèces
3(
*
)
. En pratique, tout
dépend de la valeur que les tribunaux confèrent aux analyses
scientifiques du Comité Ornis.
On peut donc conclure, à l'examen de ces différents jugements,
que la situation juridique est encore loin d'être claire s'agissant de la
pratique de la chasse au gibier d'eau en France, eu égard aux
obligations de la directive européenne.
C. AU NIVEAU EUROPÉEN, UNE PRISE DE CONSCIENCE DES DIFFICULTÉS D'APPLICATION DE LA DIRECTIVE SUR LA CONSERVATION DES OISEAUX SAUVAGES, QUI CONTRASTE AVEC L'ATTITUDE TRÈS NÉGATIVE DU GOUVERNEMENT FRANÇAIS
1. En 1994, la Commission européenne fait des propositions de modification qui se heurtent à l'hostilité du Parlement européen
a) La proposition de modification de l'article 7 paragraphe 4 de la directive du 2 avril 1979 sur la conservation des oiseaux sauvages transmise en février 1994
Consciente des difficultés d'interprétation
soulevées par l'interdiction de la chasse des espèces migratrices
pendant leur période de reproduction et pendant leur trajet de retour au
lieu de modification, la Commission européenne a proposé au
Parlement européen une modification de la directive. Il s'agissait pour
la Commission de préciser, dans un souci de clarté juridique et
de respect du principe de subsidiarité, le pouvoir d'appréciation
des Etats membres, tout en l'encadrant de critères précis.
Ces critères, fondés sur les conclusions du Comité Ornis
et des travaux d'experts scientifiques publiés en novembre 1993 devaient
permettre une gestion dynamique des espèces et assurer leur protection
complète pendant les périodes de reproduction et les trajets de
retour. La Commission proposait ainsi d'incorporer en annexe à la
directive les dispositions suivantes :
- dans le cas des espèces qui sont dans un bon état de
conservation et dont la migration débute avant le
20 février, la fin de la période de chasse intervient au
plus tard dans la décade qui suit la décade du début du
passage ;
- dans le cas des espèces qui sont dans un bon état de
conservation et dont la migration débute après le
20 février, ou dans le cas des espèces qui ne sont pas dans
un bon état de conservation et dont la migration débute avant le
20 février, la fin de la période de chasse intervient au
plus tard dans la même décade que le début du passage ;
- dans le cas des espèces qui ne sont pas en bon état de
conservation et dont la migration débute après le
20 février, la fin de la période de chasse intervient au
plus tard dans la décade qui précède le début du
passage.
b) Le rejet de cette proposition par le Parlement européen en février 1996 ne ferme pas néanmoins toute possibilité d'évolution
A une très faible majorité de 192 voix
contre 183, le Parlement européen a rejeté la proposition faite
par la Commission en adoptant la proposition du rapporteur, Mme Van Putten qui,
au mépris du principe de subsidiarité, durcit le texte du
paragraphe 4 de l'article 7 de la directive en imposant aux Etats
membres de clôturer la saison de la chasse pour les espèces
migratrices au 31 janvier au plus tard.
Cette proposition n'a pas été reprise par la Commission et le
Conseil des ministres, mais le débat n'est pas clos car la Commission
cherche à modifier sa proposition pour dégager une solution
acceptable par tous et conforme aux objectifs de la directive.
Dans l'attente de cette modification, la Commission recommande toujours aux
Etats membres d'utiliser la méthode dont les critères
étaient définis dans le projet d'annexe VI, comme l'indique une
réponse faite le 15 mars 1996 par Mme Bjerregard au nom de la
Commission à une question écrite posée par un
parlementaire européen
4(
*
)
. Alors que ce
dernier demandait si la Commission avait l'intention de décider de la
clôture de la chasse aux oiseaux migrateurs à la fin du mois de
janvier, la réponse réaffirme, au nom du principe de
subsidiarité, la compétence des Etats membres et rappelle que
"
la Commission a proposé le 1er mars 1994 des
critères que les Etats membres peuvent utiliser pour déterminer
la fin des périodes de chasse pour les espèces
migratrices
".
Enfin, il convient d'indiquer que la Commission de l'Agriculture, avait
déposé un amendement sur les propositions de Mme Van Putten lors
des débats au Parlement européen. Cet amendement introduisait
pour les Etats-membres un régime dérogatoire au principe de
fermeture de la chasse au 31 janvier, qui autorisait la chasse d'une
espèce migratrice pendant une période maximale de quatre semaines
à compter du 31 janvier, à condition que cela n'emporte pas de
conséquences négatives sur la conservation de l'espèce
ainsi chassée et que cette dernière fasse l'objet d'un plan de
gestion.
L'amendement déposé par M. Hallam et la commission de
l'agriculture définissait également, dans une proposition
d'annexe VI de la directive, la définition de ces plans de gestion : en
se fondant sur les meilleurs données disponibles concernant
l'espèce visée, ils doivent prévoir un système de
recherche et de suivi et inclure au besoin des mesures destinées
à compenser l'impact de la chasse sur la reproduction des espèces
à savoir, prévoir des zones interdites de chasse ou encore des
limitations des heures de chasse ou des quotas de prélèvements.
Il est donc loin d'être prouvé que la commission
européenne s'oriente vers un durcissement de la directive sur la
conservation des oiseaux sauvages s'agissant de la pratique de la chasse. Il
est encore possible d'obtenir que, dans le respect du principe de
subsidiarité, les Etats membres puissent mieux tenir compte des
circonstances locales, tout en respectant les objectifs de la directive.
En ce qui concerne la France, on peut rappeler qu'elle fait une stricte
application des recommandations du comité Ornis à travers la loi
du 15 juillet 1994, mais qu'elle se trouve, dans le même temps,
attaquée pour non respect de la directive. Or, à l'examen des
griefs énoncés par la Commission à son encontre, on est
surtout frappé par l'attitude inexplicable et inacceptable du
Gouvernement français qui n'a transmis aucun des éléments
d'information demandés par la commission.
2. L'Etat français mis en demeure pour non-transposition de la directive sur la conservation des oiseaux sauvages
En novembre 1997, la Commission européenne estimant,
dans l'état actuel de son information, que la République
française ne transposait pas correctement la directive du Conseil sur la
conservation des oiseaux sauvages, adresse au Gouvernement français une
mise en demeure à laquelle il doit répondre dans un délai
de deux mois.
Il s'agit de la première étape dans la procédure de
contentieux en droit communautaire, qui peut conduire à la condamnation
de la France par la Cour de justice des Communautés européennes,
assortie d'une astreinte, dont la Commission propose le montant.
Premièrement, dans cette lettre de mise en demeure, la Commission
critique les modes de fixation des périodes de chasse en France.
- S'agissant des dates d'ouverture anticipée, la commission
relève que l'article R 224-6 du code rural ne transpose pas le
principe général relatif à l'interdiction de la chasse
pendant la période nidicole et pendant les périodes de
reproduction et de dépendance. Elle considère alors qu'il n'est
pas possible de déterminer si les arrêtés
ministériels d'ouverture anticipée sont pris en fonction
d'éléments scientifiques et techniques qui assurent une
protection complète des espèces chassées.
- En ce qui concerne les dates de clôture de la chasse, la
commission prend acte des modifications intervenues dans la loi du
15 juillet 1994 et fixant un régime échelonné de
fermetures de la chasse selon les espèces.
Mais, en se fondant sur les travaux les plus récents du comité
Ornis (septième réunion du groupe de travail scientifique du
comité Ornis du 26 novembre 1996), elle considère que
vingt espèces migratrices chassables en France sont dans un état
de conservation défavorable et qu'a priori, selon l'article L.224-2
du code rural, douze d'entre elles sont chassables jusqu'au
28 février, ce qui est contraire aux recommandations du
comité.
De plus, elle dénonce le caractère facultatif du pouvoir dont
dispose le préfet pour déroger aux dates fixées par la
loi, en soulignant que rien n'oblige le préfet à avancer les
dates de clôture, même en présence de données
scientifiques et techniques prouvant le début d'une migration.
Deuxièmement, la Commission souligne l'attitude très
négative des autorités françaises dans leur refus de
transmettre les éléments d'informations qu'elle demandait.
Ainsi, il est fait référence à une réunion sur les
précontentieux environnementaux, tenue à Paris en mai 1997,
au cours de laquelle les services de la Commission ont demandé
communication du rapport d'information, prévu par l'article 2 de la
loi du 15 juillet 1994 et des rapports scientifiques
rédigés par l'Office national de la Chasse et le Museum National
d'Histoire naturelle, devant servir de base au rapport destiné au
Parlement. Or, ces rapports n'ont jamais été transmis.
S'agissant du rapport prévu par l'article 2 de la loi du
15 juillet 1994, il faut déplorer, alors même qu'il aurait
dû être déposé en juillet 1996 sur le bureau des
Assemblées qu'il ne soit toujours pas rédigé ; mais
le plus pénalisant, dans le contentieux qui oppose la France à la
Commission européenne, c'est que le Gouvernement français n'a pas
transmis en mai 1997 les deux rapports scientifiques publiés en
décembre 1996 pour celui de l'Office national de la chasse, et en
mars 1997 pour celui du Museum National d'Histoire naturelle.
Ce manque de transparence affaiblit très fortement la position de notre
pays vis-à-vis de la Commission, et on peut même se demander si le
Gouvernement français n'a pas renoncé volontairement à
négocier, au risque d'être condamné au niveau
européen, pour pouvoir imposer ensuite en droit français un
dispositif juridique unique simplificateur et terriblement réducteur eu
égard à la complexité du phénomène des
migrations.
II. LA COMPLEXITÉ DU PHÉNOMÈNE DES MIGRATIONS QUI INTERDIT L'ADOPTION D'UN DISPOSITIF UNIQUE RÉGISSANT LES PÉRIODES DE CHASSE
A. LE RAPPEL DE LA PRATIQUE DE LA CHASSE EN FRANCE ET DANS LA COMMUNAUTÉ EUROPÉENNE
1. La chasse au gibier d'eau et aux espèces migratrices en France
La diversité du territoire national, avec des zones
humides, de montagne et de forêt et sa position de carrefour des
migrations européennes dans la région du paléarctique
occidental lui assure une grande richesse et une grande diversité
s'agissant des espèces d'oiseaux migrateurs et sédentaires.
Ainsi, 59 espèces sont recensées en France, comme pouvant
être chassées en application de l'annexe II de la directive du
2 avril 1979 sur la conservation des oiseaux sauvages.
On peut rappeler qu'en 1996, il y avait 1.625.000 chasseurs, dont 230.000
avaient acquitté le timbre " gibier d'eau ", pour pouvoir
chasser durant la période précédant l'ouverture
générale. Mais pendant la période d'ouverture
générale, étant donné qu'aucun droit de timbre
spécifique n'est exigé pour chasser le gibier d'eau, il est
impossible de comptabiliser le nombre de chasseurs pratiquant ce type de chasse
spécialisée.
La chasse au gibier d'eau se pratique essentiellement dans une cinquantaine de
départements, mais il faut rappeler que la chasse aux oiseaux migrateurs
terrestres est géographiquement répartie sur tout le territoire
et concerne donc un très grand nombre de chasseurs :
- Sud-Ouest : pigeon ramier
- Sud-Est : grives
- Bretagne, Sud-Ouest, Centre et Nord-Pas-de-Calais : bécasse.
Concrètement, les prélèvements effectués en France
en février sont estimés, selon les espèces, de 4 à
8 % des prélèvements faits par les chasseurs durant toute la
saison de chasse des espèces concernées. Cela reste donc
très modéré et influe peu sur le statut de conservation
des espèces migratrices chassées. 70 % d'entre elles sont en
état de conservation favorable et le facteur prioritaire influant sur
leur état est la conservation des milieux ; sur ce point, il convient de
souligner le rôle très positif des chasseurs pour veiller à
l'entretien des habitats et aider à la restauration des milieux
dégradés.
Ces actions ont été reconnues récemment par la Commission,
dans sa communication du 26 mai 1995 au Conseil et au Parlement
européens intitulée " Utilisation rationnelle et
conservation des zones humides " : " la chasse au
gibier d'eau
dans les marais européens représente une activité de
loisir populaire et une importante source potentielle de revenus pour les
propriétaires de ces étendues. A juste titre, les associations
cynégétiques sont en train
de devenir des moteurs importants
de la conservation des sites marécageux
".
Les chasseurs ont mené ces actions dans l'Europe communautaire certes,
mais également dans l'ensemble de la région du
paléarctique occidental, c'est-à-dire de l'ouest de l'Afrique au
nord de l'Europe, où évoluent les mêmes populations
d'oiseaux migrateurs que les Etats-membres ont le devoir de conserver pour les
générations futures, et ce en coordination avec les autres pays
concernés. C'est le cas tout récent de la remise en eau des
15.000 ha de la cuvette du Ndiael au Sénégal, oeuvre des
chasseurs européens.
A titre d'exemple, l'oie cendrée, chassée jusqu'au
20 février, est en expansion régulière depuis
plusieurs années et des dégâts agricoles sont
déjà déplorés sur quelques sites.
Par ailleurs, plus de 2,5 millions d'hectares en France, soit 5 % du
territoire national, sont classés en réserve de chasse et
traduisent l'effort consenti par les chasseurs pour la préservation du
patrimoine faunistique.
2. La pratique de la chasse dans les pays de l'Union européenne
Les chasseurs sont plus de six millions en Europe
répartis comme l'indique le tableau ci-dessous :
Pays |
Nombre de chasseurs en 1995
|
Population en 1995
|
% de chasseurs dans la population |
Superficie en km² |
Nombre de chasseurs au km² |
France |
1 650 |
58 020 |
2,8 |
543 965 |
3,0 |
Espagne |
1 000 |
39 177 |
2,6 |
505 990 |
2,0 |
Italie |
925 |
57 268 |
1,6 |
301 322 |
3,1 |
Royaume-Uni |
625 |
58 503 |
1,1 |
244 101 |
2,6 |
Allemagne |
333 |
81 538 |
0,4 |
356 974 |
0,9 |
Suède |
320 |
8 816 |
3,6 |
449 964 |
0,7 |
Finlande |
300 |
5 098 |
5,9 |
338 145 |
0,9 |
Portugal |
300 |
9 912 |
3,0 |
91 905 |
3,3 |
Grèce |
295 |
10 442 |
2,8 |
131 957 |
2,2 |
Danemark |
177 |
5 215 |
3,4 |
43 094 |
4,1 |
Irlande |
120 |
3 579 |
3,4 |
70 285 |
1,7 |
Autriche |
110 |
8 039 |
1,4 |
83 858 |
1,3 |
Pays-Bas |
34 |
15 424 |
0,2 |
41 526 |
0,8 |
Belgique |
29 |
10 130 |
0,3 |
30 518 |
1,0 |
Luxembourg |
2 |
406 |
0,5 |
2 586 |
0,8 |
TOTAL UNION |
6 220 |
371 567 |
1,7 |
3 236 190 |
1,9 |
La durée de la chasse est en moyenne de cinq mois dans
les Etats-membres mais de nombreuses dérogations existent, notamment
s'agissant de fermetures postérieures à la date du
31 janvier.
Parmi les pays de l'Union européenne, on peut citer de nombreux exemples
de fermetures postérieures à la date du 31 janvier,
prévues par des dérogations :
- la chasse au pigeon ramier est autorisée toute l'année aux
Pays-Bas, elle ferme le 30 avril en Allemagne, le 15 avril en
Suède, fin février en Belgique, au Luxembourg et au Portugal,
- les anatidés sont chassés jusqu'au 20 février
sur le domaine public maritime en Grande-Bretagne,
- la chasse des grives est autorisée jusqu'au
27 février au Portugal.
B. LA COMPLEXITÉ DU PHÉNOMÈNE DES MIGRATIONS D'OISEAUX
L'article 7 paragraphe 4 de la directive sur la
conservation des oiseaux sauvages prévoit que "
les
espèces migratrices ne sont pas chassées pendant leur
période de reproduction et pendant leur trajet de retour vers leur lieu
de nidification
".
Les discussions sur les dates d'ouverture et de fermeture de chasse se
focalisent sur la définition des termes employés dans le texte de
la directive, définition d'autant plus difficile à proposer que
la science du vivant n'est pas une science exacte, à la
différence de la physique et de la chimie. Il faut savoir tenir compte
de la variabilité des phénomènes biologiques.
Un phénomène ou une caractéristique biologique (par
exemple, la taille ou le poids d'une espèce) se définit donc
toujours par une moyenne. Plus on s'éloigne de cette moyenne, moins on
rencontre d'individus et plus on a de chances d'avoir affaire à des
phénomènes ou des individus " exceptionnels ", voir
anormaux.
L'article 7 de la directive ne s'y trompe pas en se référant
au trajet de retour
des espèces
, et non à celui des
individus
.
En ce sens, c'est la date moyenne de migration de l'espèce qui devrait
être pris en compte et non la date du premier individu qui migre. La
jurisprudence va trop loin en la matière, car elle
méconnaît la nature des lois biologiques.
La sagesse populaire exprime d'ailleurs fort bien cette vérité
biologique : ne dit-on pas : " une hirondelle ne fait pas le
printemps " ?
Il est donc impossible de fixer des dates uniques caractérisant les
différentes phases du cycle de reproduction d'une espèce. Chaque
espèce migratrice a un cycle migratoire propre et au sein des
espèces, les populations et les espèces ont des comportements
différents.
De plus, les zones géographiques où se déroulent les
phases de ces cycles migratoires sont loin d'être distinctes.
1. Les difficultés posées par la définition de certains termes
a) La période de reproduction et de dépendance
La saison de reproduction et sa chronologie
(c'est-à-dire la succession des différents stades), peuvent
être décrites pour un individu, un couple, un groupe, une
population ou une espèce. Compte tenu des comportements
différents selon les groupes d'espèces et des difficultés
d'observation, on peut dire que la saison de reproduction est la période
durant laquelle une espèce pond, couve et élève ses jeunes
jusqu'à l'envol. C'est cette définition -ponte du premier oeuf
jusqu'à l'envol des jeunes- qui a été retenue par
Bertelsen et Simonsen (1989) pour définir la période de
reproduction des espèces classées à l'Annexe II de la
Directive du 2 avril 1979 sur la conservation des oiseaux sauvages.
A cette période s'ajoute, d'une part, celle de défense du
territoire de nidification et, d'autre part, celle de dépendance, stade
ultime de la reproduction.
La notion de défense du territoire peut parfois être difficile
à définir.
Pour les espèces migratrices, c'est-à-dire celles dont la
majorité des individus ont un comportement migratoire, le
problème ne se pose pas, la période de protection
commençant avec le trajet de retour.
Pour les espèces sédentaires, à l'exception de celles qui
s'engagent dans des parades collectives (Tétraonidés), on peut
définir un critère équivalent basé sur la
connaissance des dates moyennes interannuelles de ponte du premier oeuf pour
l'espèce dans la région concernée et de la biologie de
celle-ci.
La notion de dépendance ne concerne que les relations entre individus
-soit la dépendance des jeunes à l'égard des adultes
(dépendance alimentaire, protection contre les prédateurs, les
intempéries, ...)- et non les relations, de quelque sorte qu'elles
soient, entre les individus et leur milieu.
Il peut être utile dans certains cas, de distinguer deux étapes
dans l'acquisition de l'indépendance. La première étape,
qui pourrait être qualifiée de " dépendance
stricte " concernerait la période où la mort d'un ou des
parents entraîne une réduction notable -ou déterminante- du
taux de survie des jeunes. La seconde période voit le maintien d'une
cohésion sociale parents/enfants qui va en diminuant. La perte d'un ou
des parents n'entraîne pas alors de baisse sensible de la survie des
jeunes.
b) Le trajet de retour
Le trajet de retour est le déplacement annuel par
lequel les oiseaux migrateurs -une population, un groupe ou un individu-
à partir des lieux d'hivernage rejoignent leurs lieux de reproduction,
en une ou plusieurs étapes. Sont sur le trajet de retour vers leur lieu
de nidification les oiseaux qui, obéissant à des modifications
physiologiques intervenant au terme de la phase d'hivernage se rapprochent de
leurs lieux de reproduction.
L'hivernage prend fin avec l'évacuation des quartiers d'hiver où
les populations migratrices sont plus ou moins stationnaires depuis la fin de
la migration postnuptiale. En général, la fin de l'hivernage est
plus ou moins progressive puisque ce phénomène ne se
déclenche pas au même moment pour tous les individus : il ressort
des observations scientifiques et techniques que la migration
prénuptiale s'échelonne de janvier à fin mai pour
certaines espèces y compris d'ailleurs pour des espèces
chassables (certains limicoles et anatides).
Il importe de faire remarquer que :
- le fait de quitter un lieu d'hivernage n'implique pas obligatoirement un
départ en migration. Les individus pouvant gagner un autre lieu
d'hivernage plus favorable ;
- les oiseaux en âge de se reproduire sur le trajet de retour ne
possèdent pas obligatoirement les conditions physiologiques pour se
reproduire. Toutefois, la directive du 2 avril 1979 sur la
conservation des oiseaux sauvages précisant que les espèces ne
doivent pas être chassées, il faut comprendre l'ensemble d'une
population.
Cette complexité des déplacements peut être due en partie
au moins, à diverses causes :
- météorologiques (étangs gelés ou à
sec par exemple) ;
- épuisement des ressources alimentaires ;
- dérangements divers, etc.
La difficulté va donc être de discerner les déplacements
migratoires prénuptiaux, tels qu'ils ont été
définis précédemment, des divers déplacements qui
ont lieu en fin d'hivernage. Cette difficulté est accrue lorsque les
aires d'hivernage et les aires de reproduction se chevauchent largement. Car
alors dans ce cas peuvent coexister dans la même région, des
individus en hivernage, des individus en trajet de retour et des individus
venant de rejoindre leur lieu de nidification.
Chez plusieurs espèces, qu'il s'agisse d'anatidés (canard colvert
et fuligule morillon), de rallidés (foulque macroule) ou encore de
limicoles (vanneau huppé et bécasse des bois), l'examen des
cartes géographiques de distribution de ces espèces, fait
ressortir l'importance de la zone de chevauchement des aires de reproduction et
d'hivernage.
2. La nécessité de disposer de données scientifiques et techniques
Compte tenu de la diversité biologique et de la
complexité du phénomène observé, à savoir
les migrations des oiseaux de passage, il est normal que les données
scientifiques et techniques recueillies ne soient pas toutes identiques.
Si les méthodes d'observation sont bien harmonisées, les
résultats enregistrés varient néanmoins selon les
emplacements et le nombre des postes d'observation. De plus,
l'interprétation rigoureuse de ces données intègre
automatiquement des éléments subjectifs, qu'il faut ensuite
neutraliser en croisant d'autres sources d'observation.
En ce qui concerne la France, il est ainsi possible de se
référer tant au rapport publié par l'Office national de la
chasse (ONC) en décembre 1996 qu'au rapport élaboré en
mars 1997 par le Muséum national d'histoire naturel (MNHN).
L'étude comparée des deux rapports fait ressortir certaines
divergences mais elles ne sont pas fondamentales et surtout, elle ne remettent
pas en cause leur fiabilité scientifique respective.
Les définitions ne sont pas identiques s'agissant de la décade
moyenne de début de migration ou décade modale. Le rapport du
MNHN, à la différence de celui de l'ONC, ne reprend pas la
définition retenue en 1989 comme étant la " date moyenne de
début de migration la plus fréquente, mais retient la date la
plus précoce observée pour le début de la migration, ce
qui explique la plupart des différences constatées.
Venant du Museum National d'Histoire Naturelle, on peut s'étonner de ce
parti-pris alors que pour tenir compte de la variabilité des
phénomènes biologiques, on ne peut définir ces derniers
qu'à partir de moyennes.
S'agissant des oiseaux de passage, les rapports de l'ONC et du MNHN concordent
pour six espèces, qui sont la bécasse, la caille, la grive
draine, le biset, la tourterelle et la tourterelle turque.
En revanche, le rapport du MNHN propose d'avancer les dates de fermeture du
28 février au 20 février pour six autres
espèces, qui sont les autres grives, le merle et deux espèces de
pigeons et du 20 février au 10 février pour l'alouette
des champs alors que le rapport de l'ONC ne propose pas de modification.
3. Le " faux argument scientifique " du principe de confusion
Au-delà des divergences mineures sur les observations
des périodes de migration, le rapport du MNHN se livre à une
étude approfondie des risques de confusion entre espèces
engendrés par la poursuite de la chasse au-delà du
31 janvier, mais il n'apparaît pas que cet argument puisse
être retenu tant sur le point scientifique que juridique.
S'agissant de l'observation du phénomène, le rapport du
MNHN souligne qu'il n'existe aucun travail publié en France et à
l'étranger qui traite de l'importance qualitative et quantitative des
confusions entre espèces lors de la chasse. Néanmoins, s'agissant
du cas des anatidés, le rapport fait état, à partir des
données d'observation disponibles, d'une nette décroissance
générale du taux d'erreur depuis 1966, et de sa stabilisation sur
une période récente -entre 1973 et 1986-. Selon les
espèces d'anatidés -canard chipeau, milouin, souchet ou morillon-
le taux d'erreur varie de 12 % à 22 %.
Au-delà de la stricte observation de ce phénomène
qui s'avère nécessaire, il convient de replacer cet argument dans
son contexte juridique d'ensemble, pour démontrer qu'il s'agit en
définitive " d'un faux argument scientifique ".
- D'une part, il convient de rappeler que le problème de la
confusion des espèces lors d'une action de chasse est d'ores et
déjà pénalement sanctionnable. Dans un jugement du
3 avril 1997 (T.A. à Besançon), le commissaire du
Gouvernement a ainsi écarté l'étude effectuée par
le MNHN, sans mettre en doute sa rigueur scientifique, mais en replaçant
le débat sur le plan pénal. S'agissant de l'arrêté
préfectoral, il a considéré qu'il ne pouvait être
illégal, au motif qu'il ne serait pas respecté : " En cas de
doute, un chasseur sérieux ne tire pas. S'il tire et se trompe, son
action illégale de chasse est pénalement sanctionnable. Mais je
ne vois pas comment l'arrêté préfectoral pourrait
être, lui, illégal en tant que, par hypothèse, il ne serait
pas respecté. Vous devez examiner l'arrêté pour
lui-même, et non pour ce que les chasseurs en feront "
5(
*
)
.
- D'autre part, avancer l'argument de la confusion des espèces pour
débattre du fondement scientifique des dates de fermeture de chasse
reviendrait à remettre en cause l'esprit même de la directive du
2 avril 1979 sur la conservation des oiseaux sauvages.
En effet, l'architecture de la directive repose sur la distinction entre
espèces protégées et espèces chassables.
L'article premier de la directive pose comme objectif "
la
conservation
de toutes les espèces d'oiseaux vivant naturellement à
l'état sauvage sur le territoire européen des Etats
membres
", ce qui représente plus de 400 espèces
différentes. L'annexe II recense 72 espèces chassables,
dont 59 sont chassables en France.
L'équilibre même de la directive repose donc bien sur la
capacité des chasseurs à savoir faire la distinction toute
l'année entre les 72 espèces chassables et les autres
espèces protégées.
La difficulté n'est pas plus grande en février qu'en pleine
saison de chasse, et aucune donnée scientifique fiable n'autorise
à remettre en cause ce principe fondamental de la non-confusion entre
espèces, sinon à vouloir porter atteinte au droit de chasse
lui-même quelle que soit la période envisagée, ce qui est
inacceptable.
DEUXIÈME PARTIE -
LE CONTENU DES
PROPOSITIONS DE LOI ET LA POSITION DE VOTRE COMMISSION
I. LE CONTENU DES PROPOSITIONS DE LOI
A. LES PROPOSITIONS DE LOI N°S 346 RECTIFIÉ ET 359 RELATIVES AUX DATES D'OUVERTURE ANTICIPÉE ET DE CLÔTURE DE LA CHASSE DES OISEAUX MIGRATEURS
Ces deux propositions ont un contenu rigoureusement identique et peuvent donc être étudiées conjointement :
1. Dates d'ouverture anticipée de la chasse au gibier d'eau
D'une part elles proposent de fixer par voie
législative les dates d'ouverture anticipée de la chasse au
gibier d'eau en ajoutant un alinéa à l'article L.224-2 du
code rural.
On peut rappeler que le régime d'ouverture anticipée de la chasse
est défini actuellement par l'article R-224-6 du code rural, qui
prévoit que le ministre chargé de la chasse "
peut
autoriser la chasse avant la date d'ouverture au gibier d'eau avant la date
d'ouverture générale et jusqu'à celle-ci
".
Sur la base des calendriers d'ouverture proposés jusqu'à
présent pour chaque département, en faisant la distinction entre
le domaine public maritime et les autres territoires, les deux propositions de
loi soumettent le même tableau récapitulatif qui serait
intégré à l'article L.224-2 du code rural.
2. Modification au régime de clôture de la chasse au gibier d'eau
Les deux propositions de loi modifient sur deux points
l'actuelle rédaction de l'article L.224-2 du code rural.
- Se fondant sur les observations scientifiques du rapport de l'Office
national de la chasse établi en décembre 1996, quelques
ajustements sont proposés sur l'échelonnement des dates de
fermeture. Pour deux espèces -le fuligule morillon et la nette rousse-
il est proposé de raccourcir la période de chasse
autorisée après le 31 janvier et pour trois espèces
-la sarcelle d'été, l'huîtrier-pie et la grive draine- il
est proposé d'allonger la période de chasse du 20 au
28 février.
- De plus, les propositions de loi abrogent l'alinéa permettant au
préfet de décider d'une fermeture anticipée pour la chasse
de certaines espèces. Le calendrier d'échelonnement des dates de
fermeture proposé par l'article L.224-2 s'imposerait à tous
les départements, sans dérogation autre que celle
s'exerçant dans le cadre du pouvoir de police de la chasse.
B. LA PROPOSITION DE LOI N° 135 RELATIVE AUX DATES D'OUVERTURE ANTICIPÉE ET DE CLÔTURE DE LA CHASSE DES OISEAUX MIGRATEURS AINSI QU'À LA RÉGLEMENTATION DE LA CHASSE LES CONCERNANT
La troisième proposition de loi faisant l'objet d'un examen commun par la commission, tout en défendant les mêmes objectifs s'éloigne des deux autres propositions de loi en ce qui concerne les dates de fermeture et propose d'autres modifications au régime juridique de la chasse.
1. Le régime d'ouverture anticipée et de clôture échelonnée
S'agissant de la fixation au niveau législatif du
calendrier des ouvertures anticipées, le dispositif est identique sauf
en ce qui concerne le Calvados (article premier).
En ce qui concerne l'échelonnement des dates de clôture selon les
espèces, la proposition de loi n° 153 ne retient que deux
dates, à savoir le 31 janvier pour le canard colvert et le dernier
jour du mois de février pour les autres espèces de gibier d'eau
et d'oiseaux de passage (article 2).
Par ailleurs, la proposition de loi abroge également le dernier
alinéa de l'alinéa L.224-2 du code rural relatif au pouvoir
reconnu au préfet s'agissant d'anticiper les dates de fermeture.
2. La légalisation des us et coutumes ainsi que des modes et périodes de chasse traditionnels des oiseaux migrateurs
Pour assurer un encadrement juridique sûr et
pérenne à la pratique de la chasse en France, la proposition de
loi n° 153 légalise un certain nombre de modes et
périodes de chasse traditionnels des oiseaux migrateurs, dans les
départements où ces usages coutumiers et traditionnels sont
déjà pratiqués :
- autorisation de la chasse aux oiseaux de passage classés
colombidés pendant une période de leur migration
n'excédant pas vingt-huit jours (article 2) ;
- autorisation pour certaines espèces de gibier d'eau de la chasse
de nuit et de jour à la hutte, tonne, gabion et tout autre moyen
spécifique traditionnel (article 3) ;
- assouplissement des règles concernant le transport du gibier
d'eau et des oiseaux de passage (article 4) ;
- validation législative des listes des espèces de gibier
chassables sur le territoire métropolitain de la France (article 5).
II. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION
A. LES RECOMMANDATIONS DE VOTRE COMMISSION
Votre commission est convaincue de la nécessité
de parvenir à la définition, en droit français, d'un
dispositif cohérent et pérenne qui prenne en compte les
intérêts des chasseurs tout en assurant la mise en oeuvre des
objectifs de la directive du 2 avril 1979 sur la conservation des oiseaux
sauvages.
Conformément au principe de subsidiarité réaffirmé
à plusieurs reprises par la Commission européenne sur le sujet,
c'est aux Etats-membres d'adapter leur réglementation en fonction des
rythmes biologiques des différentes espèces et de leurs
périodes de passage sur leurs territoires respectifs.
Pour ces deux raisons -juridique et scientifique- il convient de rejeter avec
force l'idée d'une date de clôture de la chasse unique pour toute
l'Europe communautaire. Ceci remettrait en question l'équilibre
même de la directive qui repose sur la distinction entre espèces
protégées et espèces chassables, et ne serait pas conforme
au principe d'utilisation rationnelle des ressources que cette même
directive défend.
B. LE DISPOSITIF PROPOSÉ PAR LA COMMISSION COMPLÈTE LE CONTENU DES PROPOSITION DE LOI N°S 346 RECTIFIÉ ET 359
C'est pourquoi votre commission vous propose de reprendre le
contenu des propositions de loi n°
s
346 rectifié et
359, en y ajoutant un dispositif permettant d'assurer une gestion dynamique des
espèces pouvant être chassées au-delà du
31 janvier.
S'agissant des dates d'ouverture anticipée de la chasse, votre
commission vous propose d'adopter le tableau inscrit à l'article L.224-2
du code rural par les propositions de loi précitées et qui se
fonde sur la date moyenne des derniers envols constatés sur les
cinq années précédentes, ce qui correspond à
l'indépendance globale des oiseaux.
En ce qui concerne l'échelonnement des dates de fermeture du gibier
d'eau et des oiseaux de passage, la commission vous propose de retenir le
dispositif mis en place par la loi du 15 juillet 1994 et repris par
les deux propositions de loi précitées qui propose quatre dates
de fermeture échelonnées, à savoir le 31 janvier, le
10 février, le 20 février et le dernier jour du mois de
février.
Ce dispositif suit très exactement les propositions du comité
scientifique Ornis et n'a été récusé ni par la Cour
de Justice des Communautés européennes, ni par la Commission
européenne, qui en recommande au contraire la méthode, ni par les
tribunaux, pour ceux d'entre eux qui ont pris le soin de procéder
à un examen attentif du dossier.
S'agissant de la répartition des espèces autour de ces
différentes dates, il convient de s'assurer qu'elle est conforme aux
recommandations scientifiques et techniques les plus récentes pour
être inattaquable. Les dates proposées par les deux propositions
de loi répondant à ce souci, il vous est donc proposé de
les reprendre à l'exception de la sarcelle d'été dont la
date de fermeture resterait fixée au 20 février. Il s'agit
en effet de la seule espèce d'oiseau migrateur, dont la zone d'hivernage
se trouve exclusivement en Afrique. Tout passage d'oiseaux de cette
espèce correspond donc à un début de migration, sans que
l'on puisse prétendre à un chevauchement de zone. En
conséquence, conformément à l'objectif de protection
totale de l'espèce pendant la période de migration, il ne faut
pas allonger sa période de chasse au-delà du
20 février.
Votre commission vous propose, de plus, d'assortir ce mécanisme de
fermeture échelonnée de la chasse, de l'obligation de mettre en
place des plans de gestion pour les espèces ne bénéficiant
pas d'un statut de conservation favorable et chassées entre le
31 janvier et le 28 février.
Cette proposition s'inspire très directement de l'amendement
proposé par la commission de l'agriculture du Parlement européen
en mars 1996, qui pourrait d'ailleurs constituer la trame des nouvelles
propositions de modifications de la directive faites par la Commission
européenne.
Il s'agit d'une démarche qui présente des analogie avec les plans
de chasse, qui sont de droit sur tout le territoire national pour les grands
animaux tels que cerfs, biches, daims, mouflons et chevreuils et peuvent
être étendus à d'autres espèces, notamment les
chamois et isards dans les zones de montagne, par l'autorité
administrative (article L.225-3 du code rural).
Certains départements expérimentent également ce
mécanisme des plans de chasse afin de favoriser la protection et le
repeuplement du petit gibier. Il en est ainsi du département de la
Manche où les plans de chasse concernent la perdrix grise, le
lièvre, la bécasse et le gibier d'eau.
Ces plans de chasse fixent des jours et heures de chasse et déterminent
des prélèvements maximum autorisés. Ces quotas de
prélèvement sont d'ores et déjà en vigueur dans une
trentaine de départements s'agissant de la bécasse et de la grive.
Il s'agit en définitive, à travers des plans de gestion
appliqués aux espèces d'oiseaux, qui ne sont pas dans un
état de conservation satisfaisant et qui sont chassées au mois de
février de permettre une gestion rationnelle de ces espèces. En
se fondant sur l'état de conservation des espèces estimé
à partir des meilleures données scientifiques et locales
disponibles, une organisation équilibrée de la chasse,
décidée localement et arbitrée par l'autorité
administrative, permettrait d'agir en tant que de besoin sur les
périodes comme sur les prélèvements effectués,
ainsi qu'éventuellement sur la réglementation des modes de
chasse. Ces plans de gestion, au-delà des mesures limitant les heures de
chasse ou les prélèvements, pourront décider de mesures de
prévention ou de restauration des milieux en développant les
réserves de chasse, ou en décidant des mesures de sauvegarde des
biotopes.
C. LA POSITION RÉSERVÉE DE LA COMMISSION SUR LES DISPOSITIONS DIVERGENTES OU SUPPLÉMENTAIRES DE LA PROPOSITION DE LOI N° 153
A l'article premier, s'agissant du dispositif relatif
à l'ouverture et à la fermeture des périodes de chasse,
proposé par la proposition de loi n° 153, le tableau
légalisant les dates d'ouverture anticipée est identique à
celui des deux autres propositions de loi. Il est donc pris en compte dans la
proposition de la commission, sauf en ce qui concerne le département du
Calvados.
La commission observe par ailleurs que sa proposition de plan de gestion va
dans le sens des recommandations énoncées dans l'exposé
des motifs de la proposition de loi n° 153.
En revanche, à l'article 2, votre commission ne peut retenir
le dispositif simplifié d'échelonnement des dates de fermeture
autour du 31 janvier et du dernier jour de février, parce qu'il ne
correspond pas, selon elle, aux données scientifiques et techniques les
plus récentes.
En ce qui concerne la reconnaissance des modes de chasse traditionnels
proposés par le dernier alinéa de l'article 2 et
l'article 3, votre commission ne souhaite pas modifier le contenu de
l'article L.224-4 au code rural, qui donne autorité au ministre
chargé de la chasse pour fixer les conditions dans lesquelles les
chasses traditionnelles peuvent s'exercer.
A propos de l'article 4, qui modifie les règles relatives au
transport et à la vente de gibier d'eau, votre commission relève
qu'une réflexion est en cours au ministère de l'environnement sur
l'utilisation des appeaux et appelants vivants, et qu'il conviendrait d'en
attendre les conclusions, avant de légaliser sans restriction le
transport des appelants.
De plus, elle observe que la rédaction proposée par
l'article 4 de l'article L.224-6 -et non de l'article L.226-6-
du code rural interdit de fait la commercialisation autorisée
jusqu'à présent du canard colvert et du pigeon ramier.
S'agissant enfin de la légalisation de la liste des espèces
dont la chasse est autorisée, prévue par l'article 5, la
commission préfère s'en tenir au dispositif de
l'arrêté du 26 juin 1987 modifié, qui
présente l'avantage de pouvoir être plus aisément mis
à jour en fonction des dernières données scientifiques
disponibles. Plus précisément, il ne lui semble pas opportun
d'autoriser la chasse de la bernache cravant, alors qu'au regard de
l'annexe II de la directive du 2 avril 1979, il ne s'agit pas
d'une espèce reconnue comme chassable en France.
Enfin, elle rappelle que le bruant ortolan, le pinson du nord et le pinson des
arbres ne sont pas classés comme gibier au niveau européen.
*
* *
Votre commission des affaires économiques a conclu à l'adoption de la proposition de loi dans la rédaction qu'elle vous soumet.
CONCLUSIONS DE LA COMMISSION
PROPOSITION DE LOI RELATIVE AUX DATES D'OUVERTURE
ANTICIPÉE ET DE CLÔTURE
DE LA CHASSE DES OISEAUX MIGRATEURS
Article unique
L'article L. 224-2 du nouveau code rural est ainsi
rédigé :
" Art. L. 224-2. - Nul ne peut chasser en dehors des périodes
d'ouverture de la chasse fixées par l'autorité administrative.
" Les dates d'ouverture anticipée et de clôture temporaire de la
chasse des espèces de gibier d'eau sont fixées ainsi qu'il suit
sur l'ensemble du territoire métropolitain, à l'exception des
départements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle.
Département |
Domaine public maritime |
Autres territoires |
|
|
|
Canards de surface et limicoles |
Autres espèces |
AIN |
|
1er dimanche de septembre | 1er dimanche de septembre |
AISNE |
|
4e dimanche de juillet | 2e samedi d'août |
ALLIER |
|
2e dimanche d'août | 3e dimanche d'août |
ARDÈCHE |
|
15 août
Nette rousse : ouverture générale |
15 août
|
ARDENNES |
|
15 août | 15 août |
AUBE |
|
1er samedi d'août | 3e samedi d'août |
AUDE | 3e dimanche d'août |
|
|
BOUCHES-DU-RHÔNE | 15 août |
15 août
Nette rousse : ouverture générale |
15 août
|
CALVADOS | 3e samedi de juillet | 4e dimanche de juillet | 1er dimanche d'août |
CHARENTE-MARITIME | 3e samedi de juillet |
|
|
CHER |
|
1er samedi d'août | 1er samedi d'août |
HAUTE-CORSE |
|
15 août
Nette rousse : 1er septembre |
15 août
|
CORSE-DU-SUD |
|
15 août
Nette rousse : 1er septembre |
15 août
|
CÔTE-D'OR |
|
15 août | 4e samedi d'août |
CÔTES-D'ARMOR | 4e dimanche d'août | 4e dimanche d'août | 4e dimanche d'août |
EURE | 3e samedi de juillet |
3e samedi de juillet pour le marais vernier
4e samedi pour le reste du département |
1er samedi d'août |
EURE-ET-LOIR |
|
2e samedi d'août | 2e samedi d'août |
FINISTÈRE | 4e dimanche d'août | 4e dimanche d'août | 4e dimanche d'août |
GARD |
|
4e dimanche de juillet
Nette rousse : ouverture générale |
1er dimanche d'août
|
HAUTE-GARONNE |
|
15 août | 15 août |
GIRONDE | 3e samedi de juillet | 1er samedi d'août | 2e samedi d'août |
HÉRAULT | 3e samedi de juillet |
4e dimanche de juillet
Nette rousse : ouverture générale |
1er dimanche d'août
|
ILLE-ET-VILAINE |
3e samedi de juillet
1er septembre dans la vallée de la Rance |
3e samedi d'août | 3e samedi d'août |
INDRE |
|
15 août
Clôture temporaire : 15 septembre |
15 août
Clôture temporaire : 15 septembre |
INDRE-ET-LOIRE |
|
3e dimanche d'août
Clôture temporaire : 15 septembre |
3e dimanche d'août
Clôture temporaire : 15 septembre |
LANDES | 3e samedi de juillet | 1er samedi d'août | 2e samedi d'août |
LOIR-ET-CHER |
|
1er samedi d'août | 1er samedi d'août |
LOIRE |
|
3e dimanche d'août | 3e dimanche d'août |
LOIRE-ATLANTIQUE | 3e dimanche de juillet | 3e dimanche de juillet |
Foulque : 3e dimanche de juillet
Autres espèces : 1er dimanche d'août |
LOIRET |
|
1er samedi d'août | 1er samedi d'août |
LOT-ET-GARONNE |
|
Colvert : ouverture générale
Autres espèces : 4e dimanche d'août |
4e dimanche d'août |
MAINE-ET-LOIRE |
|
15 août | 15 août |
MANCHE | 3e dimanche de juillet | 4e dimanche de juillet | 1er dimanche d'août |
MARNE |
|
1er samedi d'août | 3e samedi d'août |
HAUTE-MARNE |
|
2e dimanche d'août | 3e dimanche d'août |
MAYENNE |
|
15 août | 15 août |
MEURTHE -ET-MOSELLE |
|
2e dimanche d'août | 4e dimanche d'août |
MEUSE |
|
2e dimanche d'août | 4e dimanche d'août |
MORBIHAN | 4e dimanche d'août |
Colvert : du 4e dimanche de juillet au 1er
dimanche
d'août
Autres espèces : 4e dimanche d'août |
4e dimanche d'août |
NIÈVRE |
|
1er samedi d'août | 1er samedi d'août |
NORD | 3e samedi de juillet | 4e samedi de juillet | 1er samedi d'août |
OISE |
|
4e samedi de juillet | 1er samedi d'août |
ORNE |
|
1er samedi d'août
1er dimanche d'août sur les communes de Bellou-en-Houlme et Briouze |
3e samedi d'août |
PAS-DE-CALAIS | 3e samedi de juillet | 4e samedi de juillet | 1er samedi d'août |
PUY-DE-DÔME |
|
4e dimanche d'août | 4e dimanche d'août |
PYRENEES-ATLANTIQUES | 3e samedi de juillet | 3e samedi d'août | 3e samedi d'août |
HAUTES-PYRENEES |
|
3e dimanche d'août | 3e dimanche d'août |
PYRENEES-ORIENTALES | 3e dimanche d'août |
|
|
RHÔNE |
|
3e dimanche d'août | 3e dimanche d'août |
HAUTE-SAÔNE |
|
15 août | 4e samedi d'août |
SAÔNE-ET-LOIRE |
|
2e dimanche d'août | 3e dimanche d'août |
SARTHE |
|
3e samedi d'août | 3e samedi d'août |
PARIS |
|
2e samedi d'août |
|
SEINE-MARITIME | 3e samedi de juillet | 4e samedi de juillet | 1er samedi d'août |
SEINE-ET-MARNE |
|
2e samedi d'août | 3e samedi d'août |
YVELINES |
|
2e samedi d'août | 3e samedi d'août |
DEUX-SEVRES |
|
15 août | 1er dimanche de septembre |
SOMME | 3e samedi de juillet | 4e samedi de juillet | 1er samedi d'août |
TARN |
|
Colvert : 15 août
Autres espèces : ouverture générale |
|
VENDÉE | Dernier dimanche d'août | Dernier dimanche d'août | Dernier dimanche d'août |
VOSGES |
|
2e dimanche d'août | 4e dimanche d'août |
YONNE |
|
15 août | 15 août |
TERRITOIRE DE BELFORT |
|
4e dimanche d'août | 4e dimanche d'août |
ESSONNE |
|
2e samedi d'août | 3e samedi d'août |
HAUTS-DE-SEINE |
|
2e samedi d'août |
|
SEINE-SAINT-DENIS |
|
2e samedi d'août |
|
VAL-DE-MARNE |
|
2e samedi d'août |
|
VAL-D'OISE |
|
2e samedi d'août | 3e samedi d'août |
" Pour les espèces de gibier d'eau et d'oiseaux de
passage, sur l'ensemble du territoire métropolitain, à
l'exception des départements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle,
les dates de clôture sont les suivantes :
" - canard colvert : 31 janvier ;
" - fuligule milouin, fuligule morillon, vanneau huppé : 10
février ;
" - oie cendrée, canard chipeau, sarcelle d'hiver, sarcelle
d'été, foulque, garrot à oeil d'or, nette rousse, pluvier
doré, chevalier gambette, chevalier combattant, barge à queue
noire, alouette des champs : 20 février ;
" - autres espèces de gibier d'eau et d'oiseaux de passage :
dernier jour du mois de février ;
" Pour assurer une exploitation équilibrée et dynamique des
espèces d'oiseaux ne bénéficiant pas d'un statut de
conservation favorable et chassées entre le 31 janvier et le dernier
jour du mois de février, il est institué des plans de gestion.
" Les plans de gestion visent à maintenir ou à
rétablir les espèces concernées dans un état
favorable de conservation. Ils sont fondés sur l'état
récent des meilleures connaissances scientifiques et sur
l'évaluation des prélèvements opérés par la
chasse.
" Les plans de gestion comprennent notamment et en tant que de besoin
les
dispositions suivantes :
" - encouragement aux mesures de sauvegarde des biotopes,
" - établissements de réserves de chasse et de faune
sauvage,
" - indication de zones interdites à la chasse,
" - suspension de la chasse en cas de calamités graves,
" - fixation d'heures de chasse,
" - instauration du poste fixe pour la chasse de certains
gibiers,
" - mise en oeuvre de quotas de prélèvement,
" - limitation de la vente, de l'offre aux fins de vente et de
toute
activité commerciale,
" - mise en oeuvre d'un système de recherche et de suivi des
espèces concernées. "
EXAMEN EN COMMISSION
Réunie le mardi 16 décembre 1997 sous la
présidence de M. Jean François-Poncet, Président, et
de M. Jean Huchon, vice-président, la commission a
procédé à l'examen du
rapport
sur les
propositions de loi n° 346 rectifié
(1996-1997) de M.
Roland du Luart et plusieurs de ses collègues, et
n° 359
(1996-1997) de M. Michel Charasse, relatives aux
dates
d'ouverture anticipée
et de
clôture
de
la
chasse des oiseaux migrateurs et sur la proposition de loi
n° 135
(1997-1998)
de M. Pierre Lefebvre et plusieurs
de ses collègues, relative aux
dates d'ouverture anticipée
et de
clôture
de la
chasse des oiseaux migrateurs
ainsi que
de la réglementation de la chasse les concernant.
Mme Anne Heinis, rapporteur,
a indiqué que ces trois textes
tendaient à résoudre un contentieux juridique qui n'avait fait
que s'aggraver depuis plusieurs années, concernant l'application des
dispositions de la directive du Conseil du 2 avril 1979 sur la
conservation des oiseaux sauvages (79/409/CEE), relatives à la pratique
de la chasse, notamment au gibier d'eau et aux oiseaux de passage.
Elle a précisé que ces propositions de loi fixaient par voie
législative les dates d'ouverture anticipée de la chasse au
gibier d'eau -jusque là décidées par arrêté
ministériel en vertu de l'article R-224-6 du code rural- et
modifiaient, s'agissant de la clôture de la chasse aux oiseaux
migrateurs, l'article L.224-2 du code rural issu de la loi
n° 94-591 du 15 juillet 1994.
Le rapporteur a rappelé que cette loi, issue de plusieurs propositions
de loi identiques, avait eu pour but de lever les incertitudes juridiques qui
pesaient sur la détermination des périodes de chasse des oiseaux
migrateurs en se fondant sur les données scientifiques et sur la
méthode proposée par le comité d'adaptation de la
directive précitée, et qu'elle fixait un calendrier
échelonné de clôture de la période de chasse selon
les espèces, tenant compte tout à la fois de la période du
début des migrations de chacune des espèces et de leur
état de conservation. De plus, pour assurer la souplesse du dispositif
juridique ainsi proposé, il était prévu -a-t-elle
précisé- que l'autorité administrative puisse avancer les
dates de clôture de la chasse.
Mme Anne Heinis, rapporteur,
a fait remarquer que le contentieux
s'était alors déplacé sur l'interprétation du
pouvoir dérogatoire reconnu au préfet, ce qui conduisait les
auteurs des propositions de loi à proposer de nouvelles modifications
à ce texte.
Elle a souhaité alors faire le point sur les contentieux juridiques en
cours, en insistant sur la difficulté d'appréhender des
phénomènes naturels complexes.
Rappelant que la directive du 2 avril 1979 sur la conservation des
oiseaux sauvages avait pour objectif la conservation de tous les oiseaux vivant
naturellement à l'état sauvage en Europe, soit plus de
400 espèces, mais que cet objectif devait tenir compte d'exigences
économiques et récréationnelles, elle a ajouté que
conformément au principe de subsidiarité, les mesures
d'application devaient être définies par les Etats membres et
tenir compte des différents facteurs pouvant agir sur le niveau des
populations d'oiseaux, à savoir l'interdiction de la destruction des
nids et des oeufs, la protection des habitats et la réglementation de la
pratique de la chasse, celle-ci ne constituant un facteur parmi d'autres.
Elle a fait valoir que la chasse, selon la directive, constituait une
activité " admissible ", qui contribuait à la
régulation des espèces et avait des effets secondaires positifs
à travers les actions des chasseurs sur la préservation des
milieux, et que l'architecture même de la directive reposait sur la
distinction entre espèces protégées et espèces
chassables répertoriées à l'annexe II de la directive.
Le rapporteur a ensuite rappelé que l'encadrement de la pratique de la
chasse découlait du paragraphe 4 de l'article 7 de la
directive, qui interdisait de chasser les espèces reconnues comme gibier
pendant la période nidicole, les différents stades de
reproduction et de dépendance, et, pour les espèces migratrices,
que l'interdiction s'appliquait en particulier à la période de
reproduction et aux trajets de retour vers les lieux de nidification.
Elle a ensuite évoqué l'arrêt du 14 janvier 1994
de la cour de justice des Communautés européennes qui explicite
le principe de protection complète des espèces sans interdire le
principe de fermeture échelonnée des périodes de chasse,
pour autant que l'Etat membre apporte la preuve que cet échelonnement
n'empêche pas la protection complète des espèces
concernées.
A propos de la trentaine de contentieux ayant trait à
l'interprétation de la loi du 15 juillet 1994, elle a
relevé que les conclusions des tribunaux administratifs divergeaient sur
la nature du pouvoir d'appréciation laissé au préfet pour
décider de " recopier " ou non le calendrier
échelonné intégré dans l'article L.224-1 du
code rural par la loi.
Mme Anne Heinis, rapporteur,
a mis l'accent sur la volonté de la
commission de proposer une modification de la directive pour intégrer le
principe d'un calendrier échelonné de fermeture de la chasse
selon les espèces et en fonction de la précocité de leur
migration et de leur état de conservation.
Elle a fait observer que, malgré la position restrictive du Parlement
européen, qui s'était prononcé en faveur d'une date unique
de fermeture de la chasse au 31 janvier, la commission européenne
ne souhaitait pas aller dans ce sens, et pourrait prochainement proposer
d'instituer un régime dérogatoire de chasse sur quatre semaines
au-delà du 31 janvier, à la condition de mettre en place des
plans de gestion pour les espèces concernées et qu'en attendant,
elle recommandait d'appliquer la méthode de la fermeture
échelonnée.
Face à cette opportunité encore ouverte au niveau européen
et qui était à saisir,
Mme Anne Heinis, rapporteur,
a mis
l'accent sur la position du Gouvernement français qui semblait
s'être laissé entraîner dans la voie d'une condamnation par
la cour de justice des Communautés européennes, sur la base d'un
recours en manquement introduit par la Commission sur la base des
articles 169 et 171 du Traité CEE.
Elle a indiqué que lors d'une réunion sur les
précontentieux environnementaux tenue à Paris en mai 1997,
les services de la commission, s'agissant de la directive du
2 avril 1979, avaient demandé communication du rapport au
Parlement prévu par la loi du 15 juillet 1994 et des rapports
scientifiques servant de base à ce rapport. A propos de ce rapport, elle
a reconnu -en le regrettant- que faute d'avoir été
rédigé en temps voulu, il n'avait pu être transmis. Mais
elle a souligné que les deux rapports, respectivement établis par
l'Office national de la chasse en décembre 1996 et par le
Muséum national d'histoire nationale en mars 1997, d'une grande valeur
scientifique et technique, auraient pu constituer de très bons
éléments de négociation vis-à-vis de Bruxelles.
Elle a jugé incompréhensible et très dangereux que le
Gouvernement français ne les ait pas transmis en mai dernier, se
demandant si le Gouvernement français n'avait pas renoncé
à se défendre afin d'imposer, ensuite, en droit interne une date
unique pour la fermeture de la chasse, ce qui serait inacceptable pour les
chasseurs français, et terriblement réducteur eu égard
à la diversité du phénomène des migrations.
Rappelant à ce sujet que la chasse au gibier d'eau et aux oiseaux
migrateurs intéressant la plupart des 1,6 million de chasseurs
répertoriés en France et répartis sur tout le territoire
national, le rapporteur a rappelé qu'il fallait tenir compte de la
variabilité des phénomènes biologiques concernant les
oiseaux migrateurs pour s'intéresser aux mouvements d'une espèce
ou d'une population et non de quelques individus, en raisonnant sur des
moyennes, et ne pas oublier que pour la plupart des migrateurs, le territoire
français offrait une large zone de recouvrement entre les zones
d'hivernages et les zones de reproduction, ce qui rendait très complexe
l'identification des mouvements. Elle a jouté qu'on ne pouvait pas, pour
autant, imposer une date unique de fermeture en arguant du risque de confusion
en février entre espèces encore chassables ou déjà
" fermées " puisque ce risque existait toute l'année
à une plus grande échelle et qu'il avait été
accepté dès l'origine par la directive du 2 avril 1979.
Rappelant que les chasseurs étaient bien formés et qu'en cas de
doute, un bon chasseur ne tirait pas, elle a souligné, en outre, que le
code pénal sanctionnait les erreurs de tir.
Le rapporteur a ensuite proposé de reprendre le contenu des deux
propositions de loi n° 346 rectifiée et 359 en y ajoutant un
dispositif qui rende obligatoire les plans de gestion pour certaines des
espèces chassées entre le 31 janvier et le dernier jour du
mois de février, en précisant que le principe des plans de
gestion était développé dans l'exposé des motifs de
la proposition de loi n° 135, et qu'il s'agissait ainsi de mettre en
oeuvre une exploitation dynamique des espèces.
Mme Anne Heinis, rapporteur,
a ensuite présenté le texte
de ses conclusions.
S'agissant des dates d'ouverture anticipée de la chasse, elle a
proposé d'adopter le tableau inscrit à
l'article L. 224-2 du code rural par les propositions de loi
n° 346 rectifié et 359, qui se fonde sur la date moyenne
des derniers envols constatés sur les cinq années
précédentes.
En ce qui concerne l'échelonnement des dates de fermeture du gibier
d'eau et des oiseaux de passage, elle a rappelé que le dispositif mis en
place par la loi du 15 juillet 1994 et repris par les deux
propositions de lois précitées proposait quatre dates de
fermeture échelonnées, à savoir le 31 janvier, le
10 février, le 20 février et le dernier jour du mois de
février, en suivant très exactement les propositions du
comité scientifique Ornis.
A propos du choix des dates de fermeture pour les différentes
espèces, elle a indiqué qu'il était conforme aux
recommandations scientifiques et techniques les plus récentes, sauf en
ce qui concerne la sarcelle d'été, dont la date de fermeture
devait rester fixée au 20 février, car il s'agissait de la
seule espèce d'oiseau migrateur dont la zone d'hivernage se trouve
exclusivement en Afrique.
Mme Anne Heinis, rapporteur,
a alors proposé d'assortir ce
mécanisme de fermeture échelonnée de la chasse de
l'obligation de mettre en place des plans de gestion pour les espèces ne
bénéficiant pas d'un statut de conservation favorable et
chassées entre le 31 janvier et le 28 février, en
faisant valoir que cette proposition s'inspirait très directement de
l'amendement proposé par la commission de l'agriculture du Parlement
européen en mars 1996, et qu'elle pourrait être reprise à
son compte par la Commission européenne.
Soulignant les analogies du dispositif ainsi proposé avec celui des
plans de chasse qui sont de droit sur tout le territoire national pour le grand
gibier, le rapporteur a souligné que certains départements
l'expérimentaient déjà pour le petit gibier, tels le
département de la Manche où les plans de chasse concernaient la
perdrix grise, le lièvre, la bécasse et le gibier d'eau.
Elle a conclu que les plans de gestion devaient, en se fondant sur les
meilleures données scientifiques et techniques disponibles, permettre
une exploitation dynamique des espèces afin qu'elles retrouvent un
statut de conservation satisfaisant.
Au-delà des mesures réglementant la pratique de la chasse ou les
prélèvements autorisés, le rapporteur a relevé que
ces plans de gestion permettraient de développer des mesures
préventives pour la restauration des milieux en développant les
réserves de chasse ou en décidant des mesures de sauvegarde des
biotopes.
Mme Anne Heinis, rapporteur,
a ensuite exposé les raisons pour
lesquelles certaines des mesures de la proposition de loi n° 153 ne
pouvaient être reprises.
Elle a fait valoir que la proposition de tableau d'ouverture anticipée
de la chasse était satisfaite par sa propre proposition, sauf en ce qui
concerne le département du Calvados pour lequel elle a jugé que
les dates suggérées par la proposition de loi n° 153 ne
semblaient pas coïncider avec les dernières observations
statistiques connues.
Elle a indiqué que le dispositif simplifié d'échelonnement
des fermetures de chasse autour du 31 janvier et du dernier jour de
février ne lui paraissait pas non plus correspondre aux données
scientifiques et techniques les plus récentes.
En ce qui concerne la reconnaissance des modes de chasse traditionnels
proposés par le dernier alinéa de l'article 2 et l'article
3, elle a préféré maintenir la compétence du
ministre chargé de la chasse pour fixer les conditions dans lesquelles
les chasses traditionnelles pouvaient être pratiquées dans
certains départements.
A propos de l'article 4, qui modifie les règles relatives au transport
et à la vente de gibier d'eau, le rapporteur a indiqué qu'une
réflexion était en cours au ministère de l'environnement
sur l'utilisation des appeaux et appelants vivants, et qu'il convenait d'en
attendre les conclusions avant de légaliser sans restriction le
transport des appelants.
Elle a observé, de plus, que la rédaction proposée par
l'article 4 pour l'article L.224-6 du code rural interdisait, de
fait, la commercialisation -autorisée jusqu'à présent- du
canard colvert et du pigeon ramier.
Enfin, s'agissant de la légalisation de la liste des espèces
chassables par l'article 5, le rapporteur a dit souhaiter s'en tenir au
dispositif de l'arrêté du 26 juin 1987 modifié,
qui présentait l'avantage de pouvoir être plus aisément mis
à jour en fonction des dernières données scientifiques
disponibles. Plus précisément, il ne lui a pas semblé
opportun d'autoriser la chasse de la bernache cravant, alors qu'au regard de
l'annexe II de la directive du 2 avril 1979, il ne s'agissait
pas d'une espèce reconnue comme chassable en France, et elle a
rappelé que le bruant ortolan, le pinson du nord et le pinson des arbres
n'étaient pas classés comme gibier au niveau européen.
Au cours de la discussion générale,
M. Philippe
François
est intervenu pour se déclarer peu optimiste sur la
volonté de la Commission européenne de proposer des modifications
à la directive du 2 avril 1979 sur la conservation des oiseaux
sauvages ; il s'est déclaré favorable à un
système qui redonnerait plus de pouvoirs aux préfets pour ce qui
concerne le calendrier d'ouverture et de fermeture de la chasse.
Il a jugé, enfin, très grave le refus du Gouvernement
français de communiquer à la Commission européenne les
rapports scientifiques demandés et disponibles et a
considéré que le ministère de l'environnement jouait un
jeu extrêmement dangereux en laissant courir le risque d'une condamnation
par la cour de justice des Communautés européennes, -qui aurait
pu être évitée- pour imposer aux chasseurs une date de
fermeture unique de la chasse.
M. Jean François-Poncet, président,
est intervenu pour
déplorer l'attitude négative du Gouvernement français face
aux demandes d'explications de la Commission européenne, qui
s'était traduite par une mise en demeure et a déclaré ne
pas comprendre, sur ce sujet, la position du ministre chargé de
l'environnement.
Mme Anne Heinis
, répondant à
M. Philippe
François
, a fait valoir que pour répondre aux objectifs de la
directive du 2 avril 1979 sur la conservation des oiseaux sauvages,
il fallait maintenir au niveau législatif les règles d'ouverture
anticipée et de fermeture échelonnée de la chasse, mais
que l'instauration des plans de gestion redonnait un pouvoir réel au
préfet pour organiser au niveau local une exploitation dynamique des
espèces chassables concernées.
M. Michel Souplet
a déclaré partager l'analyse et les
propositions de Mme Anne Heinis, en particulier sur les plans de gestion. Il a
fait valoir que, bien souvent, les tentatives de gestion dynamique des
espèces étaient contrecarrées par les actions
destructrices des prédateurs, type cormorans, ou buses, qui avaient, en
droit européen, le statut d'espèces protégées, ce
qui illustrait les incohérences de la directive du
2 avril 1979. Il a souhaité que, face à cet
excès de réglementation, on puisse redonner plus d'autonomie aux
autorités locales pour réguler de façon
équilibrée les espèces chassables ou
protégées.
Après les interventions de
MM. Jacques de Menou, Gérard
César
et
William Chervy
, la commission a
adopté
à l'unanimité la proposition de loi
dans la rédaction
préconisée par le rapporteur.
I.
1
CJCE 17 janvier 1991 Commission
c/Italie.
2
T.A. Clermont-Ferrand, 23 janvier 1996, Préfet du
Cantal ; T.A. Lille 6 février 1997 ASPAS et T.A.
Besançon 3 avril 1997, Préfet du Territoire de Belfort.
3
T.A. Nancy, 28 janvier 1997, Préfet de Meurthe et
Moselle ; T.A. Montpellier, 19 décembre 1996, Préfet de
l'Aude et T.A. Amiens, 17 décembre 1996, Préfet de
l'Oise et autres.
4
Question écrite E/95/96 posée par
Jens-Peter Bonde - Réponse du 15 mars 1996
(JO 96/C173/32 du 17 juin 1996).
5
T.A. Besançon 3 avril 1997 Association pour la
protection des animaux sauvages et du patrimoine naturel c.Préfet du
territoire de Belfort. Conclusion de M. Garde, Commissaire du Gouvernement
(Gazette du Palais 27-28 août 1997, p. 16).