EXAMEN PAR LA COMMISSION
Au cours de sa réunion du mardi
25 novembre 1997, sous la présidence de M. Jean
François-Poncet, président, la commission a procédé
à l'examen du rapport pour avis de M. Pierre Hérisson sur les
crédits consacrés aux technologies de l'information et à
La Poste dans le projet de loi de finances pour 1998.
M. Pierre Hérisson, rapporteur pour avis,
a indiqué que
les crédits demandés pour 1998 pour La Poste et les
télécommunications s'élevaient à
2,64 milliards de francs, mais que la modestie de ce budget ne devait pas
occulter l'important tournant que représentait l'année 1998 en
matière de télécommunications, avec l'ouverture totale
à la concurrence dès le 1er janvier.
Le rapporteur pour avis a souligné que le budget demandé pour
1998 reflétait une réalité contrastée puisque, si
l'Etat augmentait son soutien au secteur des télécommunications,
il diminuait en revanche le montant des crédits attribués au
secteur postal.
Pour les télécommunications, le projet de budget proposait, a
souligné le rapporteur, de renforcer les moyens alloués aux
organismes issus de la réforme de ce secteur : le groupe des
écoles de télécommunications recevra une dotation de
443 millions de francs, en hausse de 6,8 % ; l'Autorité de
régulation des télécommunications recevra une dotation de
91,7 millions de francs, en hausse de près de 30% ; l'Agence
nationale des fréquences sera dotée de 196 millions de
francs, en baisse de 3 % ; la Commission supérieure du service
public de La Poste et des télécommunications recevra
1,5 millions de francs, en baisse de 2 %; les organismes
internationaux bénéficieront d'une dotation inchangée de
55 millions de francs.
M. Pierre Hérisson, rapporteur pour avis,
a rappelé que
l'ouverture à la concurrence des télécommunications,
programmée par les directives européennes, devenait
progressivement une réalité en Europe, la Commission
européenne ayant récemment précisé que tous les
pays, sauf la Grèce, l'Espagne, le Portugal, l'Irlande et le Luxembourg
-pays disposant de délais supplémentaires- avaient adopté
les changements réglementaires nécessaires, la Belgique tardant
toutefois à le faire.
Il a noté avec satisfaction le fait que, grâce à l'accord
international signé par 69 pays, le 15 février dernier,
dans le cadre de l'organisation mondiale du commerce (OMC), la
réciprocité de l'ouverture à la concurrence serait
assurée aux entreprises européennes. Il a estimé que les
télécommunications ne pouvaient, en effet, plus être
gérées dans un cadre strictement national, la France ne
représentant qu'un pour cent de la population mondiale.
Le rapporteur pour avis a jugé que la France était prête
à affronter l'échéance du 1er janvier 1998 et que la
mutation de France Télécom était achevée. Ne
souhaitant pas fustiger le comportement des opposants d'hier au changement de
statut, qui sont aujourd'hui les défenseurs de l'ouverture du capital,
il s'est réjoui de l'aboutissement, avec seulement un semestre de
retard, de la réforme engagée par M. François Fillon, qui
a conduit à ce qu'entrent au capital de l'entreprise, le 20 octobre
dernier, pour 22,5 %, des particuliers et investisseurs institutionnels
et, pour 2,5 %, des salariés et anciens salariés de
l'entreprise, l'Etat conservant 75 % du total. Il a
considéré que la forte participation des personnels à
l'offre publique de vente des actions de France Télécom
était un succès considérable, puisque le nombre de
souscripteurs internes s'élevait à 128.000 personnes, soit
près de 70 % des actifs, alors que les grèves de 1993
avaient réuni la même proportion (75 %) d'opposants internes
au changement de statut de l'entreprise. Il a estimé que ce renversement
de situation sanctionnait la réussite de la communication interne
menée par France Télécom.
M. Pierre Hérisson, rapporteur pour avis,
a souhaité que
les personnels de l'ancienne direction des postes et
télécommunications ayant pris leur retraite avant 1991 puissent
-comme le prévoit d'ailleurs la loi de finances rectificative pour 1997-
bénéficier des conditions favorables d'acquisition des actions
accordées aux autres personnels de France Télécom. Il a,
en outre jugé indispensable à la projection internationale de
France Télécom l'échange de participation envisagé
avec Deutsche Telekom.
Le rapporteur pour avis s'est félicité du règlement de la
question des impayés des ministères à l'égard de
France Télécom, pour un montant atteignant 2 milliards de
francs à la fin de 1996, situation régulièrement
condamnée ces dernières années par la commission. Saluant
cet acte de responsabilité politique de l'ancien Gouvernement, il a
indiqué que les sommes en jeu seraient remboursées
progressivement, l'opérateur abandonnant toutefois 800 millions de
francs de créance.
M. Pierre Hérisson, rapporteur pour avis,
a émis deux
critiques concernant l'organisation nouvelle du secteur des
télécommunications. Il s'est déclaré insatisfait de
la nouvelle réglementation des redevances relatives au passage sur le
domaine public des collectivités locales, que devront dorénavant
acquitter les opérateurs. Il a, de plus, vivement critiqué le
régime de paiement actuel, à l'Etat, de la taxe professionnelle
de France Télécom, qu'il a jugé manifestement
inadapté à la concurrence. Rappelant ses prises de positions
antérieures, il a réaffirmé sa détermination sur ce
sujet. Il a estimé que, France Télécom étant
devenue une société anonyme de droit commun, cette entreprise
devait, en conséquence, se voir appliquer le même régime de
paiement que ses concurrents. Insistant sur les difficultés
rencontrées, pour les implantations d'équipements -notamment pour
le réseau hertzien-, par l'opérateur historique, du fait de ce
qui était, à son sens, une distorsion de concurrence, il a fait
valoir que l'entreprise devait être soutenue pour amener son actionnaire
à changer cette situation. Evoquant l'action engagée par
l'Association des maires de France (AMF) sur ce sujet, il a jugé
intéressante la proposition récemment formulée par son
président, M. Jean-Paul Delevoye, mais il a considéré que
la question ne pouvait être réglée définitivement
que par l'assujettissement de France Télécom au régime de
droit commun de versement de cette taxe.
M. Pierre Hérisson, rapporteur pour avis,
a rappelé que le
remarquable rapport de M. Gérard Larcher avait identifié les
principales menaces qui assombrissaient l'avenir de La Poste. Parmi ces
dernières, il a incité sur le poids des charges de retraite pour
l'opérateur, qui, d'actuellement 12 milliards de francs par an,
s'accroîtrait de 600 millions de francs par an, pour atteindre, en
2015, l'équivalent de la masse des traitements des fonctionnaires en
activité.
Il a constaté que le projet de loi de finances ne prévoyait en
rien le règlement de cette question, pourtant urgente. Il a
dénoncé ce qui était, à son sens, une " fuite
en avant ".
Evoquant la question du transport postal de la presse, le rapporteur pour avis
a déploré que le projet de loi de finances prévoie de
réduire de 1,9 milliard à 1,850 milliard de francs la
participation de l'Etat à son financement.
M. Pierre Hérisson, rapporteur pour avis,
a noté que,
malgré l'impact des grèves de décembre 1995, qui avaient
fait perdre à La Poste la totalité de ses clients situés
à La Défense, un rétablissement des comptes financiers de
l'opérateur s'était pourtant effectué en 1997.
Soucieux du maintien de la présence postale sur le territoire, le
rapporteur pour avis a jugé que les crédits prévus au
projet de loi de finances ne permettraient pas l'indispensable modernisation du
réseau de La Poste.
Répondant à
M. Jean Huchon,
qui l'interrogeait sur le
montant des impayés des ministères à l'égard de
France Télécom,
M. Pierre Hérisson, rapporteur pour
avis,
a précisé que l'apurement de cette dette,
décidée par le Gouvernement précédent,
s'accompagnait d'une obligation pour l'avenir de paiement en temps et en heure
par les administrations, indispensable dans le nouveau cadre concurrentiel.
M. Jean François-Poncet, président
, s'est
étonné de la négociation par les ministères d'un
abandon de 800 millions de francs de créance de la part de France
Télécom, jugeant que ce procédé était
plutôt l'apanage d'une société en faillite que celui d'un
État.
M. Pierre Hérisson, rapporteur pour avis,
a précisé
que l'avis défavorable qu'il proposait à la commission
d'émettre quant à l'adoption des crédits consacrés
aux technologies de l'information et à La Poste n'était pas la
conséquence des évolutions budgétaires stricto-sensu, mais
découlait bien plutôt des réserves que l'amenaient à
formuler le régime de versement à l'Etat, de la taxe
professionnelle de France Télécom, le problème de la
réglementation des droits de passage sur le domaine public et la
question de la baisse du soutien de l'Etat au transport postal de la presse.
A
M. Francis Grignon,
qui l'interrogeait sur le développement de
la commercialisation des produits d'assurance par La Poste, le rapporteur pour
avis a précisé qu'en la matière, le statu-quo
prévalait, les gouvernements successifs s'évertuant à ne
rien changer au périmètre des activités postales,
contrairement à ce qui était observé dans d'autres pays
-comme la Suède- où la modernisation des opérateurs
postaux avait déjà été engagée.
M. Jean François-Poncet, président
, a estimé que,
pour La Poste, comme cela avait été le cas pour la SNCF, on avait
tendance à différer " l'opération du malade "
jusqu'à ce que ce dernier devienne " inopérable ".
Un échange de vue s'est ensuite instauré entre
MM. Jean
Huchon
et
M. Pierre Hérisson, rapporteur pour avis,
sur
la question des implantations de pylônes par les trois opérateurs
de téléphonie mobile et sur les conséquences qui en
découlaient pour les recettes des collectivités locales.
Suivant les conclusions de son rapporteur pour avis, la commission a
émis un avis défavorable à l'adoption des
crédits consacrés aux technologies de l'information et à
La Poste dans le projet de loi de finances pour 1998
, le groupe socialiste
votant pour son adoption.