C. L'ABANDON DES RÉFORMES DU PRÉCÉDENT GOUVERNEMENT
A l'issue d'une large concertation dite des " états généraux de l'université ", engagée au cours du premier semestre 1996 et d'un débat au Parlement et au Conseil économique et social, le précédent gouvernement avait arrêté les grandes lignes d'une réforme de l'université.
1. Le plan Bayrou de réforme de l'université
Les principales mesures proposées étaient les
suivantes :
- généralisation d'un tutorat pour les étudiants de
premier cycle ;
- mise en place d'un statut étudiant prévoyant la création
d'une allocation sociale d'études se substituant aux aides
existantes ;
- nouvelle architecture des études supérieures ;
- prise en compte de l'insertion professionnelle dans les contrats
passés avec les établissements ;
- mise en oeuvre progressive d'une véritable filière
technologique supérieure associant enseignement et recherche ;
- développement de l'autonomie et de la modernisation de la gestion des
universités autorisant la création de fondations, de conseils
d'orientation et d'une agence de modernisation des universités ainsi
qu'un transfert de la propriété des locaux universitaires ;
- extension de la mobilité des chercheurs et
enseignants-chercheurs ;
- prise en compte de l'ensemble des activités des enseignants dans
l'évolution de leur carrière ;
- aménagement du statut des professeurs agrégés dans
l'enseignement supérieur pour leur faciliter l'accès à la
recherche ;
- harmonisation des statuts des personnels administratifs et techniques.
Enfin, cinq groupes de travail ouverts notamment aux composantes du CNESER et
aux représentants de la CPU ont été chargés de
mettre en oeuvre ces orientations.
2. Un processus interrompu
Pour des raisons qui ne doivent rien au calendrier et aux
problèmes universitaires, la réforme proposée par l'ancien
gouvernement s'est singulièrement amoindrie pour n'aboutir qu'à
une réorganisation des premiers et des deuxièmes cycles
universitaires.
Les chantiers inachevés les plus importants concernent la mise en place
du statut étudiant et la définition d'une filière
technologique supérieure.
Selon les indications fournies par le ministère à la commission,
le Gouvernement n'envisage plus de mettre en place une filière
technologique supérieure afin de ne pas marginaliser ces formations au
sein de l'enseignement supérieur, comme elles l'ont été
dans l'enseignement secondaire.
Le ministre a indiqué, par ailleurs au Sénat et à la
commission, que le statut social de l'étudiant ferait l'objet d'un
débat parlementaire au printemps prochain afin que la
représentation nationale puisse se prononcer sur les grandes options,
notamment fiscales, du nouveau dispositif qui est appelé à
remplacer le système actuel d'aides aux étudiants.
3. La réorganisation des 1er et 2e cycles universitaires
Si le ministre a indiqué que la réorganisation du DEUG s'inscrivait dans la réforme de 1992 qui a été mise en oeuvre par certaines universités, il conviendrait de distinguer avec soin les deux réformes en soulignant les différences parfois substantielles existant entre les arrêtés du 26 mai 1992 et du 9 avril 1997 relatifs au DEUG, à la licence et à la maîtrise.
a) L'organisation des enseignements
La rénovation de 1992 organisait le DEUG, la licence et
la maîtrise en modules définis comme " un groupe identifiable
d'enseignements comportant entre eux une cohérence scientifique et
pédagogique ". Une fourchette indiquait le nombre de modules pour
le DEUG, pour la licence et pour la maîtrise, les arrêtés
sectoriels précisant le plus souvent le volume horaire minimum de ces
modules.
La réforme de 1997 a substitué aux modules des unités
d'enseignement définies comme " un regroupement cohérent
d'enseignements et d'activités ". De plus, pour la 1ère
année de DEUG, la composition des différentes unités
d'enseignement est indiqué de manière distincte selon que les
unités d'enseignement ont un caractère fondamental, de
découverte, ou méthodologique.
Le passage d'une organisation en modules à une organisation en
unités d'enseignement va conduire les établissements à
construire des équivalences et des concordances.
En second cycle, l'article 7 de l'arrêté du 9 avril 1997
introduit une novation consistant à mettre en place des unités
d'expérience professionnelle, c'est-à-dire des stages
diplômants.
b) L'organisation semestrielle
Alors que l'arrêté du 26 mai 1992 ne déterminait pas strictement la durée des périodes d'enseignement, l'arrêté du 9 avril 1997 systématise l'organisation de l'année universitaire en semestres. La combinaison de l'organisation en unités d'enseignement et en semestres détermine un cadrage renforcé par rapport à l'arrêté de 1992 notamment pour la 1ère année du DEUG, d'autant que les modalités de contrôle de connaissances sont fixées également de manière précise.
c) L'orientation et la réorientation des étudiants
Si l'arrêté du 26 mai 1992 (article 6) fixait à la première année un objectif d'orientation pour les étudiants, l'arrêté du 7 avril 1997 (articles 6, 14 et 18 notamment) fixe non seulement un objectif d'orientation mais également détermine de manière détaillée les modalités de cette orientation/réorientation (unité de découverte du premier semestre, coefficients affectés à cette unité, commissions d'orientation, information des étudiants).
d) Le contrôle des connaissances
Les différences entre l'arrêté de 1992 et
de 1997 portent sur les modalités d'application du contrôle des
connaissances :
- l'arrêté du 26 mai 1992 a déterminé les
principes suivants : capitalisation des modules, caractère
définitivement acquis des modules, compensation au sein de chaque module
sans note éliminatoire, règles de compensation entre modules
définies par chaque établissement ;
- l'arrêté du 7 avril 1997 reprend les mêmes principes
mais fixe des modalités précises de mise en oeuvre :
· les unités d'enseignement sont capitalisables dans des
conditions fixées par les établissements ;
· la fixation des coefficients attribués aux unités
d'enseignement de DEUG, mais aussi de licence et maîtrise, est
précisée ;
· la compensation entre les unités d'enseignement est
explicitement fondée sur la base de la moyenne générale.
Il convient d'ajouter deux éléments nouveaux par rapport à
l'arrêté du 26 mai 1992 : l'anonymat des épreuves
écrites et l'accès en 2e année de DEUG des
étudiants qui ont validé les unités d'enseignement ou les
éléments constitutifs d'unités d'enseignement
représentant 70 % des coefficients de la 1ère année
de DEUG.
e) La procédure d'habilitation
Il convient de rappeler que la procédure d'habilitation
à délivrer un diplôme, fixée dans
l'arrêté du 26 mai 1992, s'appuyait sur l'analyse d'un
comité d'expertise pédagogique des projets d'établissement
ou d'une commission nationale. Les CEPPE faisaient une place à des
personnalités extérieures.
Cette procédure a été abrogée par
arrêté du 12 avril 1994 au profit d'une expertise par la
mission scientifique et technique.
L'arrêté du 9 avril 1997 (article 22) ne prévoit
plus expressément d'expertise par la mission scientifique et technique
et se limite à reformuler les dispositions de la loi du 26 janvier
1984.
f) L'évaluation des enseignants
L'arrêté du 26 mai 1992 prévoyait
(article 24) la possibilité, pour chaque module ou niveau
d'enseignement dispensé, d'une procédure d'évaluation des
enseignements faisant notamment appel à l'appréciation des
étudiants.
L'arrêté du 9 avril 1997 (article 23) " organise le
cadre d'une procédure d'évaluation des enseignements et de la
formation " et indique les objectifs de cette évaluation.
La formulation de l'article 23 rend cette évaluation obligatoire et
non plus facultative.
g) Le tutorat
Le développement du tutorat est également
conforté. En effet, si l'arrêté du 26 mai 1992
prévoyait la possibilité d'organiser un tutorat pour les
étudiants, l'arrêté du 9 avril 1997 dans son
article 5 dispose :
" La première année d'enseignement de 1er cycle comporte un
dispositif d'appui sous forme de tutorat d'accompagnement, dont la mise en
oeuvre est assurée par des étudiants de 2e ou de 3e cycle,
sous la responsabilité pédagogique des enseignants et des
enseignants-chercheurs. Les tâches de tutorat effectuées par
l'étudiant-tuteur sont validables pour l'obtention du diplôme
préparé. Les conditions d'organisation du tutorat et de
validation éventuelle sont définies par arrêté
ministériel ".
h) Le bilan de la réforme
L'arrêté du 9 avril 1997 institue un
comité de suivi, associant le CNESER et la CPU, qui a été
créé par arrêté ministériel du 9 juillet
1997.
La première réunion de cette instance s'est tenue le
11 septembre 1997.
Le comité doit assurer le suivi de la mise en oeuvre de la
réforme dans les différents établissements, notamment dans
les formations non encore rénovées.
Il est chargé de faire respecter les grands principes de la
réforme tout en laissant s'exprimer la diversité des exigences
disciplinaires. Il devrait notamment veiller à ce que les quatre
principes essentiels (semestrialisation, orientation, capitalisation,
compensation) soient respectés.
Le comité de suivi pourra, en fonction de son appréciation sur la
mise en oeuvre de la réforme, faire les propositions qu'il jugera utiles.
Réuni à nouveau le 7 octobre 1997, le comité de suivi
a dressé un premier bilan de la réforme dans les
établissements.
Au total, 75 universités ont répondu à
l'enquête sur la mise en oeuvre de la réforme.
Il en ressort que 6 universités conservent le système de 1992
(réforme Jospin), 14 appliquent celui de 1997 (réforme Bayrou)
pour les 1er et 2e cycles, et 5 pour la première année de
DEUG. Les autres universités ont opté pour un système
" mixte 1992-1997", en fonction des filières.
Le semestre d'orientation est majoritairement passé dans les
faits : 75 universités l'ont adopté pour toutes les
UFR.
L'évaluation des enseignements, en revanche, n'est mise en place que par
29 universités : 14 pour l'ensemble des formations et 15 pour
certaines seulement, le secteur du droit semblant poser des problèmes en
2e cycle. Quant au système de capitalisation/compensation, il a
reçu un accueil mitigé de la part des UFR juridiques : si la
plupart l'ont instauré, rares sont celles qui l'ont appliqué sur
l'ensemble des deux premiers cycles.
Face à cette multiplicité de situations, une proposition de
modification de l'article 24 de l'arrêté
général du 9 avril 1997 devait être
déposée au CNESER, l'objectif étant de permettre un
" aménagement calendaire " de la réforme Bayrou.
i) Vers une application de l'arrêté du 7 avril 1997 à toutes les universités
Le ministre a déclaré au cours de
l'été, contrairement aux demandes formulées par la
conférence des présidents d'université, que les
universités appliquant la réforme de 1992 ne seraient pas tenues
d'appliquer celle de 1997.
Cependant une modification de l'arrêté de 1997, intervenue le
30 octobre 1997, leur fait obligation d'appliquer dès cette
année la réforme de 1997 : il n'est donc plus question de
modifier les textes de 1992 pour laisser le temps aux UFR juridiques et
économiques de se mettre en conformité avec ces textes.
Ce revirement ministériel s'explique sans doute par le degré
d'engagement des universités dans le dispositif de rénovation de
1997 et par le souci d'éviter que ne se multiplient les recours
d'étudiants devant les tribunaux administratifs pour non application de
la réforme de 1997 : les universités engagées dans la
réforme de 1992 devront donc appliquer les nouvelles modalités de
capitalisation-compensation en première année de DEUG pour mettre
en place en deuxième année les nouvelles modalités de
contrôle des connaissances.