B. LA DÉFENSE ET LA PROMOTION DE LA LANGUE FRANÇAISE
1. La politique pour l'emploi de la langue française
a) Les objectifs de la politique de la langue française
Depuis juin dernier, la défense et la promotion de la
langue française relèvent de la compétence de
Mme Catherine Trautmann. En effet, au terme de l'article 3 du
décret d'attribution du ministre de la culture et de la communication,
celui-ci " prépare et met en oeuvre les actions qui concourent
à la diffusion, à l'emploi et à l'enrichissement de la
langue française ".
Certes, la répartition entre la promotion de la langue française
et celle de la francophonie peut apparaître artificielle. Il ne fait
aucun doute que la défense de l'emploi de la langue française en
France est un élément de la promotion de la francophonie dans le
monde. Quelle légitimité aurait notre politique en faveur de la
francophonie dans le monde si nous ne faisions pas respecter l'emploi de la
langue française sur notre propre territoire ?
Toutefois, cette répartition des compétences entre francophonie
intérieure et francophonie extérieure s'est
révélée à l'usage relativement pertinente.
Déjà, entre mai 1993 et 1995, la francophonie avait
été rattachée au ministère de la culture
confié à M. Jacques Toubon. Ce rattachement a sans doute
favorisé la prise de position unanime de la communauté
francophone en faveur de l'exception culturelle et également
facilité l'adoption de la loi du 4 août 1994 relative
à l'emploi de la langue française.
De mai 1995 à juin 1997, période durant laquelle M. Philippe
Douste-Blazy était chargé de la culture et de la promotion de la
langue française, cette dynamique créée entre la promotion
de la culture et celle de la langue française a été
maintenue. Alors que dans les périodes précédentes, la
défense de la langue avait trop souvent été
négligée voire ignorée par le ministère de la
culture, elle s'est trouvée depuis 1993 parmi les principales
préoccupations de ce ministère.
Votre rapporteur se félicite, à cet égard, que le nouveau
ministre de la culture, Mme Catherine Trautmann, ait manifesté la
volonté de poursuivre et de développer l'action de son
prédécesseur dans ce domaine.
La langue française est, en effet, au coeur de notre culture et de notre
patrimoine, un patrimoine que nous partageons avec l'ensemble de la
communauté francophone. Élément de notre identité
nationale, elle est aussi un vecteur de rayonnement de notre pays. C'est
pourquoi
la politique de la langue française doit non seulement
assurer l'application de la loi du 4 août 1994 et favoriser
l'enrichissement de la langue française mais également conserver
au français son rôle de langue de communication internationale en
soutenant la présence du français dans la vie scientifique et
économique et dans les organisations internationales. La politique de la
langue française doit, en outre, s'accompagner de la promotion du
plurilinguisme et de l'ouverture aux autres langues et cultures.
La
préservation de la diversité culturelle et linguistique dans le
monde et en premier lieu en Europe est, en effet, dans un monde où le
monolinguisme ne cesse de se développer, un atout pour la langue
française.
Favorable à un renforcement des moyens de l'enseignement des langues
étrangères, votre rapporteur ne souscrit pas pour autant à
l'opinion exprimée par le ministre de l'éducation nationale,
M. Claude Allègre, selon laquelle il ne faut plus compter l'anglais
parmi les langues étrangères. Il s'agit là d'une formule
malheureuse. Elle a consterné beaucoup d'amoureux de la langue
française en particulier à l'étranger. Votre rapporteur
partage avec M. le ministre de l'éducation nationale, l'idée
que dans le monde qui se construit, apprendre la langue anglo-américaine
est utile, voire inévitable. Il considère cependant qu'une langue
transmet un rapport au monde, des valeurs, et en définitive une
identité. Or, de ce point de vue, notre langue maternelle ne saurait
être confondue avec aucune autre. Il faut songer, par exemple, à
ce que ressentent devant une telle déclaration les
Québécois qui sont pourtant dans leur majorité bilingues.
De plus, l'anglais ne saurait être la seule langue
étrangère proposée aux jeunes Français. La
promotion du plurilinguisme comme la défense de l'enseignement du
français à l'étranger suppose que, sur notre propre
territoire, nous fassions un réel effort pour maintenir la
diversité des langues vivantes enseignées à
l'école. Comme l'a observé la mission d'information sur
l'enseignement des langues vivantes dans l'enseignement scolaire
1(
*
)
que présidait votre
rapporteur, il ne faut pas s'étonner que certains pays de l'Europe
centrale, traditionnellement francophones, répugnent à engager
des efforts en faveur de l'enseignement du français, alors que leur
propre langue n'est plus enseignée en France.
b) Les crédits consacrés à la langue française
La politique visant à l'emploi et la promotion de la
langue française s'appuie sur deux organismes, le conseil
supérieur de la langue française et la délégation
générale à la langue française, créés
par le décret n° 89-403 du 2 juin 1989.
Le conseil supérieur de la langue française
est
statutairement présidé par le Premier ministre. Il a pour mission
d'étudier, dans le cadre des grandes orientations définies par le
président de la République et le gouvernement, les questions
relatives à l'usage, à l'aménagement, à
l'enrichissement, à la promotion et à la diffusion de la langue
française en France et hors de France, et à la politique à
l'égard de l'enseignement des langues étrangères. Sous la
conduite de son vice-président, M. Bernard Quemada, le conseil
supérieur s'est attaché en 1997 à l'étude de deux
thèmes : le français dans l'enseignement et le
français dans les médias.
La délégation générale à la langue
française
a quant à elle pour mission, dans le cadre des
orientations définies par le ministre de la culture, de promouvoir et de
coordonner les actions des administrations et des organismes publics et
privés qui concourent à la diffusion et au bon usage de la langue
française, notamment dans les domaines de l'enseignement, de la
communication, des sciences et des techniques.
En 1997, la délégation générale à la langue
française a comme les années précédentes
veillé à la bonne application de la loi du 4 août 1994 sur
l'emploi de la langue française. Elle a resserré, à cet
effet, sa concertation avec les autres administrations chargées du suivi
et du contrôle de la loi. Ainsi, outre la mise en oeuvre d'une convention
entre la délégation et la direction générale de la
concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes, la
délégation a participé à l'élaboration d'une
circulaire sur l'emploi du français sur les sites internet et dans les
commandes de matériel informatique.
La délégation générale, comme la loi l'y oblige,
a établi son rapport annuel sur l'application de la loi du 4 août
1994 et sur le respect du statut du français dans les organisations
internationales. Elle s'est acquittée de cette tâche avec une
ponctualité à laquelle il convient de rendre hommage. Il
constitue un outil de travail précieux pour évaluer la bonne
application de la loi et l'ensemble des actions destinées à
l'accompagner et à la consolider.
En matière de sensibilisation du public aux enjeux liés à
la langue, la délégation générale à la
langue française, en liaison avec le secrétariat d'Etat à
la francophonie et le ministère de l'éducation nationale, a
organisé en 1997 pour la deuxième année consécutive
une semaine de sensibilisation à la langue française, " le
français comme on l'aime ", à l'occasion de la
journée mondiale de la francophonie.
Pour accomplir ses missions, la délégation générale
à la langue française a disposé en 1997 de
2,7 millions de francs de crédits de fonctionnement et de
7 millions de crédits d'intervention. Pour 1998, le projet de loi
de finances présenté par le gouvernement propose la reconduction
des crédits de fonctionnement votés pour 1997 et une augmentation
de 0,5 million de francs des crédits d'intervention qui atteignent
7,5 millions de francs.
Les crédits affectés à la
délégation générale à la langue
française passent donc de 9,7 millions de francs à 10,2 millions
de francs, soit une progression de 5,1 %.