AVIS n° 86 - Tome XIII - PROJET DE LOI DE FINANCES - Francophonie
M. Jacques LEGENDRE, Sénateur
Commission des Affaires culturelles - Avis n° 86 - Tome XIII - 1997/1998
Table des matières
-
I. LES MOYENS INSTITUTIONNELS ET FINANCIERS DE NOTRE POLITIQUE FRANCOPHONE
- A. LA PROMOTION DE LA FRANCOPHONIE DANS LE MONDE
- B. LA DÉFENSE ET LA PROMOTION DE LA LANGUE FRANÇAISE
- II. LES DEUX VISAGES DE LA FRANCOPHONIE
- EXAMEN EN COMMISSION
N° 86
SÉNAT
SESSION ORDINAIRE DE 1997-1998
Annexe au procès-verbal de la séance du 20 novembre 1997.
AVIS
PRÉSENTÉ
au nom de la commission des Affaires culturelles (1) sur le projet de loi de finances pour 1998 , ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE,
TOME XIII
FRANCOPHONIE
Par M. Jacques LEGENDRE,
Sénateur.
(1) Cette commission est composée de :
MM. Adrien
Gouteyron,
président
; Pierre Laffitte, Albert Vecten, James
Bordas, Jean-Louis Carrère, Jean-Paul Hugot, Ivan Renar,
vice-présidents
; André Egu, Alain Dufaut, André
Maman, Mme Danièle Pourtaud,
secrétaires
;
MM. Philippe Arnaud, Honoré Bailet, Jean Bernadaux, Jean Bernard,
Jean-Pierre Camoin, Jean-Claude Carle, Robert Castaing, Marcel Charmant, Marcel
Daunay, Jean Delaneau, André Diligent, Ambroise Dupont, Daniel
Eckenspieller, Alain Gérard, Pierre Jeambrun, Alain Joyandet, Philippe
Labeyrie, Serge Lagauche, Henri Le Breton, Jacques Legendre, Guy Lemaire,
François Lesein, Mme Hélène Luc, MM. Pierre
Martin, Philippe Nachbar, Sosefo Makapé Papilio, Michel Pelchat, Louis
Philibert, Jean-Marie Poirier, Guy Poirieux, Roger Quilliot, Jack Ralite,
Victor Reux, Philippe Richert, Claude Saunier, Franck Sérusclat,
René-Pierre Signé, Jacques Valade, Marcel Vidal, Henri Weber.
Voir les numéros
:
Assemblée nationale
(
11
ème législ.) :
230
,
305
à
310
et T.A.
24
.
Sénat
:
84
et
85
(annexe n°
2
)
(1997-1998).
Lois de finances
.
Mesdames, Messieurs,
1997 est pour la francophonie l'année du rendez-vous de Hanoi.
C'est une année partagée entre drame et espérance.
Sur l'opéra de Hanoi, achevé en 1911, ont flotté
côte à côte l'emblème de la francophonie et le
drapeau du Vietnam. Et, c'est à quelques centaines de mètres du
Mausolée de HoChiMinh, que se sont réunis la cinquantaine de
délégations des pays membres de la francophonie, en
présence de seize chefs d'Etat.
Souvent soupçonnée dans le passé de réminiscences
néo-coloniales, la francophonie ne pouvait pas apporter de meilleures
réponses à ses détracteurs car qui pourrait
soupçonner le Vietnam de complaisance néo-coloniale ?
Non, décidément la francophonie n'est pas l'avorton d'un empire
défunt mais bien l'amorce d'une réalité émergente,
celle de nations, d'hommes rassemblés à travers tous les
continents par une langue partagée, des cultures mêlées,
une solidarité affirmée, une certaine idée de ce que doit
être le monde.
Ce glorieux rendez-vous de Hanoi ne doit pas faire oublier pour autant les
douloureuses réalités de l'année 1997 en francophonie.
Au Congo, ex-Zaïre, comme au Congo-Brazzaville, c'est par la force des
armes que s'est dénouée -peut-être provisoirement- une
guerre civile que ni la francophonie, ni les institutions internationales,
n'ont su empêcher. Au Cambodge, un affrontement armé s'est conclu
par l'éviction du Premier ministre sorti victorieux des élections
organisées par l'ONU.
Beaucoup de pays de la francophonie, au sud, et même au nord, sont
confrontés à la misère, à
l'inégalité, génératrices de violence et les
progrès des processus démocratiques sont fragiles, très
fragiles. Loin des pompes du Sommet de Hanoi, il existe une francophonie
douloureuse.
Parce qu'elle représente un espoir pour des dizaines de milliers
d'hommes, parce qu'elle est une chance pour notre pays, il faut vouloir la
francophonie.
Il faut qu'elle soit servie en France par une volonté politique forte et
si possible unanime.
Il faut que la francophonie se dote de structures efficaces, cohérentes,
visibles.
Il faut que la francophonie ne se limite pas à des institutions au jeu
plus ou moins ésotérique mais qu'elle soit une francophonie
vivante, vécue.
Il faut que les moyens -en particulier financiers- dont dispose la francophonie
soient vraiment en rapport avec ses objectifs.
C'est à ce devoir de lucidité et de volonté que ce rapport
entend appeler.
I. LES MOYENS INSTITUTIONNELS ET FINANCIERS DE NOTRE POLITIQUE FRANCOPHONE
A. LA PROMOTION DE LA FRANCOPHONIE DANS LE MONDE
1. La nouvelle organisation gouvernementale : l'absence remarquée de la francophonie
Depuis la constitution du nouveau gouvernement sous la
direction de M. Lionel Jospin, aucun ministre ou secrétaire d'Etat n'est
explicitement chargé de la francophonie. Pour la première fois
depuis la création du premier secrétariat d'Etat à la
francophonie en 1986, la francophonie n'apparaît plus dans le titre d'un
des membres du gouvernement.
Votre rapporteur veut croire qu'il s'agit là d'un oubli involontaire. Il
est toutefois regrettable qu'en cette année de Sommet des chefs d'Etat
et de gouvernement ayant le français en partage, la politique
francophone du gouvernement manque ainsi de visibilité.
Au-delà de cet aspect formel mais symbolique, la répartition des
compétences au sein du gouvernement de M. Lionel Jospin organise
la politique francophone autour de deux pôles.
D'une part,
les actions tendant au rayonnement de la francophonie dans le
monde et en particulier la politique de coopération avec les organismes
internationaux à vocation francophone relèvent de la
compétence du ministre des affaires étrangères. L'exercice
de cette compétence est délégué au
secrétaire d'Etat à la coopération,
M. Charles
Josselin, qui dispose pour cette mission du concours des services du
ministère des affaires étrangères.
D'autre part,
les actions qui concourent à la diffusion, à
l'emploi et à l'enrichissement de la langue française et en
particulier à l'application de la loi Toubon relative à la langue
française relèvent du ministre de la culture et de la
communication
, Mme Catherine Trautmann, qui dispose pour cette mission de
la délégation générale à la langue
française.
Cette répartition des rôles entre francophonie extérieure
et francophonie intérieure existait déjà sous le
gouvernement de M. Alain Juppé.
Aussi, l'innovation au sein de l'organisation gouvernementale réside
plutôt dans la disparition du secrétariat d'Etat chargé de
la francophonie. En effet, il y a presque toujours eu depuis 1986 au sein du
gouvernement un secrétaire d'Etat ou un ministre
délégué chargé exclusivement de la
francophonie : Mme Lucette Michaux-Chevry (1986-88), M. Thierry
de Beaucé (1988), M. Alain Decaux (1988-91), Mme Catherine Tasca
(1991), Mme Margie Sudre (1995-97) furent secrétaires d'Etat
chargés de la francophonie. Seuls Mme Catherine Tasca (1992-93),
secrétaire d'Etat chargée de la francophonie et des relations
culturelles extérieures et M. Jacques Toubon, ministre de la
culture et de la francophonie, firent exception à cette règle.
C'est également la toute première fois que le
secrétaire d'Etat à la coopération est en charge de la
promotion de la francophonie
. Ce choix présente certes l'avantage
d'instaurer une forte cohérence entre les actions de coopération
et de promotion de la francophonie. Mais il comporte également le risque
d'identifier la francophonie aux pays du champ. Comme en a
témoigné la tenue du septième Sommet des chefs d'Etat et
de gouvernement ayant le français en partage à Hanoi, au coeur de
l'Asie du Sud-Est ou le rôle majeur que jouent nos partenaires
québécois au sein des organisations francophones, la francophonie
s'inscrit dans une géographie autrement plus vaste que les pays du champ.
On peut également regretter que le secrétaire d'Etat
chargé du développement de la francophonie ne dispose pas
explicitement, comme Mme Catherine Tasca dans le gouvernement formé
par M. Pierre Bérégovoy en avril 1992, de la direction
générale des relations culturelles, scientifiques et techniques.
Au terme du décret n° 97-730 du 19 juin 1997, le
secrétaire d'Etat à la coopération dispose certes pour
l'accomplissement de sa mission des services du ministère des affaires
étrangères. Mais le ministre des affaires
étrangères n'ayant pas délégué ses
compétences en matière de relations culturelles
extérieures, le secrétaire d'Etat à la coopération
n'a qu'une influence limitée sur l'action de la direction
générale des relations culturelles, scientifiques et techniques.
Avec la direction générale des relations culturelles,
scientifiques et techniques, c'est ainsi la compétence directe sur
l'enseignement du français à l'étranger et l'audiovisuel
extérieur, instrument essentiel de diffusion de la langue
française dans le monde, et un budget de plus de 5 milliards de francs
-sans commune mesure avec les 60 millions de francs dont dispose le
service des affaires francophones- qui échappent au secrétaire
d'Etat à la coopération, chargé de la francophonie.
C'est pourquoi il paraît pour l'avenir nécessaire de
réfléchir à une structure ministérielle qui
permette de rétablir en ce domaine l'unicité de l'action
politique. Or, si l'on tire les enseignements des expériences
passées,
il semble que la pleine efficacité de l'action
francophone ne puisse être atteinte que par la création d'un
ministère délégué auprès du ministre des
affaires étrangères chargé de la francophonie, des
relations culturelles et de l'audiovisuel extérieur.
2. Les crédits de la francophonie
a) Les crédits du service des affaires francophones
En 1997, les crédits d'intervention,
gérés par le service des affaires francophones ont atteint
62,7 millions de francs dont 49,7 millions de francs étaient
destinés aux opérateurs francophones sur la base des engagements
pris par la France au Sommet de Cotonou en décembre 1995 et
13 millions de francs affectés au service des affaires francophones
pour financer les subventions allouées à divers organismes et
associations francophones.
Ces crédits votés dans le cadre de la loi de finances initiale
pour 1997 ont cependant fait l'objet d'un arrêté d'annulation du 9
juillet 1997, de 2,7 millions de francs, soit de près de 21 %
des crédits du service des affaires francophones. En outre, les
crédits de ce service ont été amputés de
1,4 million de francs transférés à la direction
générale des relations culturelles, scientifiques et techniques
afin de financer l'extension de TV5 aux Etats-Unis.
Au total, les crédits du service des affaires francophones ont donc
été amputés en 1997 de 36 % par rapport aux
crédits votés par le Parlement. Votre rapporteur
s'élève avec force contre ces mesures de régulation
budgétaire qui, pour être conformes au droit, n'en altèrent
pas moins la signification de l'autorisation budgétaire
délivrée par le Parlement
.
Il dénonce le choix de la facilité qui consiste à annuler
prioritairement les crédits de la francophonie en période de
restriction. Si chaque secteur se doit de contribuer à l'effort de
rigueur budgétaire entrepris par le gouvernement, il importe de prendre
conscience de la faiblesse relative des moyens consentis par l'Etat en ce
domaine face à la " demande de France " exprimée
à l'étranger. Ces suppressions de crédits, provoquant en
cours d'exercice l'interruption de projets de coopération, rompent ainsi
des liens qui seront par la suite particulièrement difficiles à
rétablir. Ces mesures de régulation aussi
répétées que néfastes altèrent, en
définitive, l'image de la France.
Pour 1998, les crédits d'intervention du service des affaires
francophones s'élèvent à 61,7 millions de francs,
soit une baisse de 1,6 % par rapport à la loi de finances initiale
pour 1997.
Sur ce total, 53,4 millions de francs seront versés par le service
des affaires francophones au Fonds multilatéral unique (FMU) et
affectés aux programmes de coopération francophones
décidés au Sommet de Hanoi.
Si les crédits inscrits dans le projet de loi de finances ne sont pas
remis en cause lors de la présente discussion budgétaire ou en
cours d'exercice,
la faculté d'orientation du service des affaires
francophones ne trouvera donc réellement à s'exercer que sur 8,3
millions de francs,
destinés aux financements des organismes et
associations concourant à la francophonie.
Votre rapporteur constate que, depuis quatre ans, le montant des subventions
accordées à ces associations et organismes est donc passé
de 22,76 millions de francs à 8,3 millions de francs soit une
diminution de plus de 63 %. Il s'élève contre cette
réduction drastique des moyens affectés à des associations
qui jouent un rôle essentiel dans la promotion de la francophonie.
Il note, en outre, que les associations de promotion de la francophonie ne sont
pas les seuls organismes concernés par la réduction des moyens
consacrés à la francophonie. Le
Haut conseil de la
francophonie
, présidé par le président de la
République, a également vu ses moyens diminuer d'une
manière significative en 1997. Outre la réduction de sa
subvention de 1,4 à 1,2 million de francs de 1996 à 1997,
une annulation de crédits de 200.000 francs a réduit le
budget du Haut conseil pour 1997 à un million de francs, soit une
diminution de plus de 30 % par rapport à 1996.
Pour 1998, la dotation du Haut conseil s'élève à
1 million de francs, soit une reconduction des crédits pour 1997
après régulation. Ces moyens seront sans doute insuffisants pour
que le Haut conseil puisse maintenir la politique d'édition qu'il avait
menée ces dernières années.
b) La contribution de la France à la coopération francophone
La contribution annuelle de la France au financement de la
coopération multilatérale francophone s'est élevée,
pour le biennum 1996-1997, à 625,4 millions de francs qui ont
été versés aux différents opérateurs de la
francophonie. La France assure ainsi 62,4 % du financement des programmes de la
coopération francophone multilatérale. Ces crédits ne
représentent cependant que 4,7 % de la contribution de la France
à l'ensemble des institutions internationales et 1 % de l'aide publique
française au développement.
Parmi ces crédits, 276,3 millions de francs correspondent aux
contributions annuelles volontaires de la France aux programmes de
coopération multilatérale décidés au Sommet de
Cotonou et financés par le Fonds multilatéral unique (FMU).
Pour le biennum 1998-1999, la contribution annuelle de la France au financement
de la coopération multilatérale francophone devrait
s'élever à 662,6 millions de francs, soit une progression de 37,2
millions de francs et de 5,9 % par rapport à 1997.
Le tableau, ci-après, communiqué par les services de la
coopération, présente la répartition de ces
crédits par ministère et par programme.
Parmi ces crédits, ceux consacrés aux programmes de
coopération multilatérale décidés au Sommet de
Hanoi et financés par le FMU devraient s'élever à 318,3
millions de francs contre 276 millions de francs en 1997, soit une progression
de 42 millions de francs et 15 % par rapport à 1997.
Ces mesures nouvelles seront affectées aux programmes suivants :
Inforoutes 18,5 MF
Français dans les organisations internationales 15 MF
Observatoire de la démocratie 4 MF
Secrétariat général de la francophonie 2,5 MF
Fonds de soutien à la création de PME-PMI 1 MF
Programmes environnement 1 MF
Fonds francophone universitaire de la recherche 0,5 MF
Cette progression des moyens de la coopération
multilatérale francophone devrait cependant s'accompagner d'une
clarification des circuits de financement des programmes francophones. Les
crédits consacrés à la coopération
multilatérale francophone sont, en effet, éclatés entre
les budgets de huit ministères et sont gérés, au sein de
ces ministères, par plusieurs services. Comme ces différents
services et ministères ne comptabilisent pas toujours ces crédits
selon les mêmes critères, il est particulièrement difficile
d'établir de façon exhaustive quel est le montant effectif des
crédits affectés aux programmes francophones.
Cette opacité rend le travail de votre rapporteur et le contrôle
du parlement particulièrement difficile. Les services chargés de
superviser ces financements au ministère des affaires
étrangères et au secrétariat d'Etat à la
coopération éprouvent visiblement eux-mêmes les plus
grandes difficultés à y voir clair.
CONTRIBUTIONS FRANÇAISES A LA COOPÉRATION
FRANCOPHONE MULTILATÉRALE FRANCOPHONE
Prévisions pour 1998, selon les diverses sources (ministères et
autres) des diverses affectations aux opérateurs
(et autres
destinataires).
BAILLEURS |
MAE |
MIN
|
MEN
|
MIN
|
MIN
|
MJS
|
|
|
|||
AFFECTATIONS |
NUOI |
DG |
SAF |
||||||||
1) ACCT et Secrétariat Général de la Francophonie (SGF) | |||||||||||
- Budget régulier (contributions statutaires) | 63 | 63 | |||||||||
- Divers programmes | 3,50 | 19,50 | 44,50 | 4 | 6 | 2 | 1 | 2 | 82,50 | ||
1 bis) Installation du SGF | 4 | 4 | |||||||||
1 ter) Observatoire de la démocratie | 2 | 1 | 3 | ||||||||
1 quater) Français dans les organisations internationales | 2 | 2 | |||||||||
2) AUPELF-UREF | |||||||||||
- FICU | 0,50 | 0,50 | 5,50 | 0,50 | 7 | ||||||
- AUPELF - Fonctionnement (y compris traitements de coopérants) | 5,50 | 3 | 7 | 0,50 | 16 | ||||||
- UREF : divers programmes | 14 | 18,5 | 92 | 17 | 0,50 | 142 | |||||
Instituts de technologie Cambodge | 12 | 12 | |||||||||
CIDMEF | 0,60 | 0,60 | |||||||||
2 bis) Projet Transfer | 0,50 | 1 | 0,50 | 2 | |||||||
- Programme du Fonds inforoutes | 1,50 | 2,50 | 1 |
5
|
10
|
||||||
3) TV5 | |||||||||||
- Europe-Amérique-Asie océanie | 190,75 | 36 | 242,25 | ||||||||
- Afrique | 15,50 | ||||||||||
4) AIMF | 3,50 | 3,50 | 3,50 | 3,50 | 12,50 |
26,5
|
|||||
5) Université SENGHOR d'Alexandrie | 9,80 | 3,50 | 0,20 | 1 | 14,50 | ||||||
6) AUTRES AFFECTATAIRES | |||||||||||
- CONFEMEN ( Fonctionnement) | 0,80 | 0,20 | 1 | ||||||||
- CONFEJES (Fonctionnement et programmes) | 2 | 3 | 5 | ||||||||
- CIJF (comité international des jeux Francophones) | 0,42 | 0,40 | 0,82 | ||||||||
- Jeux de la Francophonie (1997 à Madagascar) | 0 | 0 |
0
|
||||||||
- AIPLF (hors coopération interparlementaire inscrit à l'ACCT pour 3,5 MF) | 0,85 | 0,10 |
1,75
|
2,7
|
|||||||
- Organisation matérielle du Sommet de 1997 à Hanoi (2) | 0 | 0 | 0 | 0 |
0
|
||||||
- FFA (Forum francophone des affaires) (hors transit par l'ACCT) | 1 | 4 |
1
|
6 | |||||||
- CAMES (conseil africain et malgache de l'enseignement supérieur) | 0,75 | 0,75 | |||||||||
- Divers | 4 | 15 | 19 | ||||||||
TOTAUX |
63 |
220,75
|
66,07 | 212,25 | 25,50 | 7,40 | 3 | 4,40 | 60,25 |
662,62
|
Le manque de transparence des circuits de financement au
niveau des pouvoirs publics français se double d'une complexité
croissante des financements au niveau des opérateurs francophones. Un
même opérateur est parfois financé directement par
plusieurs ministères concernés de différents
Etats-bailleurs de fonds, par le Fonds multilatéral unique
lui-même financé par ces différents ministères, par
d'autres fonds francophones, ainsi que par d'autres opérateurs
francophones.
Aussi, serait-il de bonne gestion de simplifier et clarifier ces circuits de
financement afin d'avoir une vision claire de l'origine et de l'utilisation de
ces crédits. L'administration française y gagnerait en
efficacité, et la francophonie en crédibilité.
c) Le recensement des crédits concourant au développement de la francophonie et à la défense de la langue française.
L'article 102 de la loi de finances pour 1987 invite le
gouvernement à dresser chaque année, à l'occasion du vote
de la loi de finances, l'inventaire des crédits consacrés par les
pouvoirs publics à la défense de la langue française et au
développement de la francophonie.
Pour 1998, cet effort est
estimé à 5.194 millions de francs en dépenses
ordinaires et crédits de paiement, soit 16 millions de francs de
plus qu'en 1997.
La présentation des crédits concourant au développement de
la francophonie et à la défense de la langue française
illustre le rôle prépondérant du ministère des
affaires étrangères qui contribue pour plus de 68 % du total
et du ministère de la coopération qui participe à hauteur
de 25 %.
Les dépenses imputées sur le budget des affaires
étrangères recouvrent principalement la subvention versée
à l'Agence pour l'enseignement français à
l'étranger (AEFE), les dépenses d'intervention concourant
à la promotion de la francophonie que ce soit l'organisation de Sommets
francophones, la coopération dans le domaine culturel et audiovisuel ou
scientifique, les dépenses de personnel des établissements
culturels pour leurs actions de promotion et d'enseignement du français,
la contribution de la France à l'Agence de coopération culturelle
et technique, à l'Union latine et à l'organisation des ministres
de l'éducation du Sud-Est asiatique.
Les crédits relevant du ministère de la coopération
(25 % du total) correspondent, quant à eux, à la subvention
versée à l'agence pour l'enseignement français à
l'étranger dans les pays du champ, aux crédits d'actions de
coopération et aux crédits du fonds d'aide et de
coopération relatifs à la promotion de la langue française.
Par ailleurs, les comptes spéciaux du Trésor visant à
soutenir l'industrie cinématographique et les organismes publics
audiovisuels apportent une contribution significative (4,5 % du total).
Cet inventaire offre certes une indication sur l'évolution et la
répartition de l'effort consenti en faveur de la francophonie. Mais,
comme le soulignait votre rapporteur l'an passé, la comptabilisation des
crédits correspondants présente, à la réflexion, un
caractère un peu superficiel. Jusqu'à quel point faut-il par
exemple considérer que les crédits attribués à
l'action culturelle du ministère de la coopération et du
développement relèvent de la francophonie ? Ne pourrait-on
pas, à l'inverse, compter dans les crédits consacrés
à la francophonie la plus grande partie du budget de l'éducation
nationale ? Dans de nombreux domaines, une clarification des
critères procédant à l'inscription des crédits dans
le tableau récapitulatif serait souhaitable de façon à
assurer la pleine transparence de l'intervention de l'Etat dans ce secteur.
B. LA DÉFENSE ET LA PROMOTION DE LA LANGUE FRANÇAISE
1. La politique pour l'emploi de la langue française
a) Les objectifs de la politique de la langue française
Depuis juin dernier, la défense et la promotion de la
langue française relèvent de la compétence de
Mme Catherine Trautmann. En effet, au terme de l'article 3 du
décret d'attribution du ministre de la culture et de la communication,
celui-ci " prépare et met en oeuvre les actions qui concourent
à la diffusion, à l'emploi et à l'enrichissement de la
langue française ".
Certes, la répartition entre la promotion de la langue française
et celle de la francophonie peut apparaître artificielle. Il ne fait
aucun doute que la défense de l'emploi de la langue française en
France est un élément de la promotion de la francophonie dans le
monde. Quelle légitimité aurait notre politique en faveur de la
francophonie dans le monde si nous ne faisions pas respecter l'emploi de la
langue française sur notre propre territoire ?
Toutefois, cette répartition des compétences entre francophonie
intérieure et francophonie extérieure s'est
révélée à l'usage relativement pertinente.
Déjà, entre mai 1993 et 1995, la francophonie avait
été rattachée au ministère de la culture
confié à M. Jacques Toubon. Ce rattachement a sans doute
favorisé la prise de position unanime de la communauté
francophone en faveur de l'exception culturelle et également
facilité l'adoption de la loi du 4 août 1994 relative
à l'emploi de la langue française.
De mai 1995 à juin 1997, période durant laquelle M. Philippe
Douste-Blazy était chargé de la culture et de la promotion de la
langue française, cette dynamique créée entre la promotion
de la culture et celle de la langue française a été
maintenue. Alors que dans les périodes précédentes, la
défense de la langue avait trop souvent été
négligée voire ignorée par le ministère de la
culture, elle s'est trouvée depuis 1993 parmi les principales
préoccupations de ce ministère.
Votre rapporteur se félicite, à cet égard, que le nouveau
ministre de la culture, Mme Catherine Trautmann, ait manifesté la
volonté de poursuivre et de développer l'action de son
prédécesseur dans ce domaine.
La langue française est, en effet, au coeur de notre culture et de notre
patrimoine, un patrimoine que nous partageons avec l'ensemble de la
communauté francophone. Élément de notre identité
nationale, elle est aussi un vecteur de rayonnement de notre pays. C'est
pourquoi
la politique de la langue française doit non seulement
assurer l'application de la loi du 4 août 1994 et favoriser
l'enrichissement de la langue française mais également conserver
au français son rôle de langue de communication internationale en
soutenant la présence du français dans la vie scientifique et
économique et dans les organisations internationales. La politique de la
langue française doit, en outre, s'accompagner de la promotion du
plurilinguisme et de l'ouverture aux autres langues et cultures.
La
préservation de la diversité culturelle et linguistique dans le
monde et en premier lieu en Europe est, en effet, dans un monde où le
monolinguisme ne cesse de se développer, un atout pour la langue
française.
Favorable à un renforcement des moyens de l'enseignement des langues
étrangères, votre rapporteur ne souscrit pas pour autant à
l'opinion exprimée par le ministre de l'éducation nationale,
M. Claude Allègre, selon laquelle il ne faut plus compter l'anglais
parmi les langues étrangères. Il s'agit là d'une formule
malheureuse. Elle a consterné beaucoup d'amoureux de la langue
française en particulier à l'étranger. Votre rapporteur
partage avec M. le ministre de l'éducation nationale, l'idée
que dans le monde qui se construit, apprendre la langue anglo-américaine
est utile, voire inévitable. Il considère cependant qu'une langue
transmet un rapport au monde, des valeurs, et en définitive une
identité. Or, de ce point de vue, notre langue maternelle ne saurait
être confondue avec aucune autre. Il faut songer, par exemple, à
ce que ressentent devant une telle déclaration les
Québécois qui sont pourtant dans leur majorité bilingues.
De plus, l'anglais ne saurait être la seule langue
étrangère proposée aux jeunes Français. La
promotion du plurilinguisme comme la défense de l'enseignement du
français à l'étranger suppose que, sur notre propre
territoire, nous fassions un réel effort pour maintenir la
diversité des langues vivantes enseignées à
l'école. Comme l'a observé la mission d'information sur
l'enseignement des langues vivantes dans l'enseignement scolaire
1(
*
)
que présidait votre rapporteur, il ne faut pas
s'étonner que certains pays de l'Europe centrale, traditionnellement
francophones, répugnent à engager des efforts en faveur de
l'enseignement du français, alors que leur propre langue n'est plus
enseignée en France.
b) Les crédits consacrés à la langue française
La politique visant à l'emploi et la promotion de la
langue française s'appuie sur deux organismes, le conseil
supérieur de la langue française et la délégation
générale à la langue française, créés
par le décret n° 89-403 du 2 juin 1989.
Le conseil supérieur de la langue française
est
statutairement présidé par le Premier ministre. Il a pour mission
d'étudier, dans le cadre des grandes orientations définies par le
président de la République et le gouvernement, les questions
relatives à l'usage, à l'aménagement, à
l'enrichissement, à la promotion et à la diffusion de la langue
française en France et hors de France, et à la politique à
l'égard de l'enseignement des langues étrangères. Sous la
conduite de son vice-président, M. Bernard Quemada, le conseil
supérieur s'est attaché en 1997 à l'étude de deux
thèmes : le français dans l'enseignement et le
français dans les médias.
La délégation générale à la langue
française
a quant à elle pour mission, dans le cadre des
orientations définies par le ministre de la culture, de promouvoir et de
coordonner les actions des administrations et des organismes publics et
privés qui concourent à la diffusion et au bon usage de la langue
française, notamment dans les domaines de l'enseignement, de la
communication, des sciences et des techniques.
En 1997, la délégation générale à la langue
française a comme les années précédentes
veillé à la bonne application de la loi du 4 août 1994 sur
l'emploi de la langue française. Elle a resserré, à cet
effet, sa concertation avec les autres administrations chargées du suivi
et du contrôle de la loi. Ainsi, outre la mise en oeuvre d'une convention
entre la délégation et la direction générale de la
concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes, la
délégation a participé à l'élaboration d'une
circulaire sur l'emploi du français sur les sites internet et dans les
commandes de matériel informatique.
La délégation générale, comme la loi l'y oblige,
a établi son rapport annuel sur l'application de la loi du 4 août
1994 et sur le respect du statut du français dans les organisations
internationales. Elle s'est acquittée de cette tâche avec une
ponctualité à laquelle il convient de rendre hommage. Il
constitue un outil de travail précieux pour évaluer la bonne
application de la loi et l'ensemble des actions destinées à
l'accompagner et à la consolider.
En matière de sensibilisation du public aux enjeux liés à
la langue, la délégation générale à la
langue française, en liaison avec le secrétariat d'Etat à
la francophonie et le ministère de l'éducation nationale, a
organisé en 1997 pour la deuxième année consécutive
une semaine de sensibilisation à la langue française, " le
français comme on l'aime ", à l'occasion de la
journée mondiale de la francophonie.
Pour accomplir ses missions, la délégation générale
à la langue française a disposé en 1997 de
2,7 millions de francs de crédits de fonctionnement et de
7 millions de crédits d'intervention. Pour 1998, le projet de loi
de finances présenté par le gouvernement propose la reconduction
des crédits de fonctionnement votés pour 1997 et une augmentation
de 0,5 million de francs des crédits d'intervention qui atteignent
7,5 millions de francs.
Les crédits affectés à la
délégation générale à la langue
française passent donc de 9,7 millions de francs à 10,2 millions
de francs, soit une progression de 5,1 %.
2. La mise en oeuvre de la loi du 4 août 1994 relative à l'emploi de la langue française
La promotion de l'utilisation du français comme langue
de communication internationale est une priorité qui appelle une
politique linguistique, volontaire et explicite. Or, pour cela, en France
même, il est indispensable de se donner les moyens d'assurer la
présence de la langue française dans les domaines où les
lois de l'économie comme les nouveaux moyens de communication risquent
de la faire reculer. Nos partenaires francophones, notamment les
Québécois et les Belges francophones pour lesquels la
défense du français est une exigence quotidienne, ne
comprendraient pas que nous ne fassions pas tout pour défendre et
promouvoir notre langue. De ce point de vue,
la loi du 4 août
1994 est l'instrument le plus efficace dont disposent les pouvoirs publics pour
assurer la présence du français dans certains domaines
essentiels.
Deux ans après l'entrée en vigueur de la
totalité de ses dispositions, la délégation
générale à la langue française constate dans son
rapport annuel que la loi est dans l'ensemble bien comprise et bien
appliquée.
Dans le domaine de l'information du consommateur
, on observe une forte
augmentation des actions de contrôle menées par la direction
générale de la concurrence, de la consommation et de la
répression des fraudes (DGCCRF) pour l'application des dispositions de
l'article 2 qui prévoit l'emploi obligatoire de la langue
française dans " la désignation, l'offre, la
présentation, le mode d'emploi ou d'utilisation, la description de
l'étendue et des conditions de garantie d'un bien, d'un produit ou d'un
service ainsi que dans les factures et quittances ".
La DGCCRF a, en effet, de 1995 à 1996, multiplié par 2,4 le
nombre de ses interventions. Au total, 6.258 entreprises ont
été contrôlées entre le 1er janvier et le
31 décembre 1996, contre 2.576 en 1995. Sur ce total,
1.091 manquements ont été relevés, ils ont
donné lieu à l'établissement de
366 procès-verbaux et 725 lettres de rappel à la
réglementation. Le taux d'infraction de 17 % montre que
l'application de ces dispositions doit continuer à être
surveillée avec vigilance.
Le suivi judiciaire des dossiers transmis au parquet s'est, en outre,
sensiblement amélioré en 1996. Du 1er janvier au
31 décembre 1996, 109 dossiers comportant 142 infractions
relatives à l'emploi de la langue française ont été
clos, 41 dossiers ont été classés par le parquet,
62 jugements ont été rendus en première instance et
cinq par ordonnance pénale, 56 condamnations ont été
prononcées avec au total 54 amendes, dont 9 amendes
délictuelles et 45 contraventionnelles, et une peine de prison avec
sursis. Le pourcentage de dossiers classés a ainsi baissé de
50 % en 1995 à 37,6 % en 1996.
En ce qui concerne le droit des associations agréées à
ester en justice, prévu par l'article 17 de la loi du 4 août 1994,
votre rapporteur qui avait été le rapporteur du Sénat de
cette loi, voudrait, en revanche, faire part de son inquiétude. Le
rapport de la délégation générale à la
langue française indique qu'une décision du tribunal de police de
Paris du 9 juin 1997 a jugé irrecevable la plainte de deux associations
agréées de défense de la langue française, au motif
qu'aucun constat d'infraction n'avait été dressé par l'une
des administrations habilitées à le faire par l'article 18 de la
loi.
Comme l'observe la délégation générale à la
langue française, "
L'interprétation du tribunal de
police de Paris du 9 juin 1997 aboutit donc à un recul des droits que
les associations de défense de la langue française
exerçaient déjà en pratique, et que la loi du 4 août
vise à consacrer officiellement. "
Votre rapporteur partage ce constat et se félicite à cet
égard des termes de la circulaire du ministre de la justice du
20 février 1997 qui rappelle que "
l'habilitation
législative conférée aux associations de défense de
la langue française pour exercer les droits reconnus à la partie
civile leur permet notamment de mettre en mouvement l'action publique par la
voie de la citation directe, et ce même si l'infraction n'a pas
été constatée par procès-verbal conformément
aux dispositions de l'article 18 de la loi
".
Comme le souligne, en effet, la circulaire, la Cour de cassation a jugé
(Cass. Crim. 2 octobre 1985, et 25 février 1986) que les
textes donnant compétence à certains fonctionnaires pour
constater des infractions à des réglementations
spécifiques n'avaient pas pour objet d'exclure le recours à tout
autre mode de preuve de droit commun.
En matière de protection du salarié
, les articles 8
à 10 de la loi du 4 août 1994 prévoient que l'emploi
du français est obligatoire, notamment dans : "
le
règlement intérieur et tout document comportant des obligations
pour le salarié ou des dispositions dont la connaissance est
nécessaire à celui-ci pour l'exécution de son travail
ainsi que les conventions, accords collectifs de travail et conventions
d'entreprise ou d'établissement
".
Comme d'autres dispositions du droit du travail, les obligations linguistiques
s'imposant aux employeurs sont susceptibles d'être
contrôlées par les services du ministère du travail et en
particulier par l'inspection du travail. Il n'existe cependant aucun
contrôle systématique comme ceux qu'organise la DGCCRF pour la
protection des consommateurs. La seule donnée disponible est l'absence
de contentieux sur la base des articles 8 à 10 de la loi. On ne saurait
cependant en conclure à la bonne application de la loi.
Dans le domaine de l'audiovisuel
, c'est au Conseil supérieur de
l'audiovisuel que revient la mission de veiller à l'application de la
loi du 4 août 1994. Le CSA n'a constaté en 1996 aucune
infraction à la loi que ce soit dans les messages publicitaires ou dans
les programmes diffusés par les différentes
sociétés.
Le CSA a, en outre, été chargé en 1996 de mettre en
application la loi du 1er février 1994, modifiant la loi du
30 septembre 1986 relative à la liberté de communication qui
impose aux radios privées de diffuser à partir du
1er janvier 1996, aux heures d'écoute significatives, un minimum de
40 % de chansons d'expression française, la moitié au moins
provenant de nouveaux talents ou de nouvelles productions. Le premier bilan de
l'application de ce dispositif apparaît satisfaisant.
Les radios dans leur grande majorité ont respecté leurs
obligations. Les rappels à l'ordre, mises en garde et sanctions du CSA
ont été exceptionnels. Toutefois, du 1er juin 1996 au
30 juin 1997, le Conseil a été conduit à adresser
à plusieurs stations en situation irrégulière soit un
simple rappel à l'ordre, soit une mise en demeure. Dans un cas, compte
tenu de la répétition des manquements et de l'importance des
écarts observés avec les exigences de la loi, le Conseil a
décidé d'engager une procédure de sanction. Ce dispositif
vient ainsi compléter la réglementation relative aux quotas de
diffusion des oeuvres francophones et européennes à la
télévision.
L'application des dispositions de la loi du 4 août 1996 relatives
à la place du français dans les manifestations, colloques ou
congrès organisés en France, a suscité comme
l'année dernière plus de difficultés
.
L'article 6 de la loi impose aux organisateurs français de
manifestations, colloques ou congrès trois obligations : tout
participant doit pouvoir s'exprimer en français, les documents de
présentation du programme doivent exister en version française ;
les documents distribués aux participants ou publiés après
la réunion (documents préparatoires, textes ou interventions
figurant dans les actes, compte-rendus de travaux publiés) doivent
comporter au moins un résumé en français.
En outre, lorsque ce sont des personnes publiques qui ont pris l'initiative de
ces manifestations, un dispositif de traduction doit être mis en place.
Cette disposition correspond à la volonté d'offrir à tous
les participants d'une manifestation organisée en France par une
personne publique la possibilité de s'exprimer dans la langue de leur
choix tout en étant pleinement compris par l'assistance.
La mise en oeuvre de la loi est particulièrement difficile dans les
secteurs des sciences exactes et des sciences de la vie, notamment lors des
rencontres de chercheurs d'une même discipline venus présenter
leurs travaux récents. La participation de personnalités de
premier plan implique bien souvent des communications en anglais. Or, au
coût de l'interprétariat et des traductions écrites
s'ajoute la rareté des interprètes et traducteurs
possédant bien la matière traitée.
Dans d'autres secteurs, l'usage de l'anglais ou l'absence de traduction
bilingue apparaissent beaucoup moins justifiables. Il est, par exemple,
regrettable que l'Ecole nationale d'administration (ENA) ait prévu
d'organiser avec l'université Indiana une conférence au
Sénat dont le programme précisait que la langue unique
était l'anglais. L'intervention de votre rapporteur auprès du
président du Sénat a permis qu'une traduction simultanée
de la totalité des interventions soit réalisée. Il est
cependant dommage que l'école de la haute administration
française ne donne pas l'exemple.
Il faut, en revanche, se féliciter que la délégation
à la langue française, en concertation avec les ministères
chargés de la recherche et des affaires étrangères, ait
mis en place en 1996 un soutien à la traduction simultanée dans
les colloques se déroulant en France.
Le choix des colloques subventionnés est fait, après examen par
un expert du secteur considéré, sur avis d'une commission
présidée par le délégué
général à la langue française. L'aide porte sur une
partie du coût de la traduction simultanée, sans jamais
dépasser 50 % de celui-ci, et est plafonnée à
50.000 francs. En 1996, 16 colloques ont ainsi été
subventionnés pour un montant total de 500.000 francs.
3. La défense et la promotion de la langue française dans les institutions communautaires et les organisations internationales
Le français dans les organisations
multilatérales est la deuxième langue de communication
internationale après l'anglais. Les statuts juridiques des organisations
internationales assurent son emploi comme langue officielle. Notre langue
bénéficie, en outre, la plupart du temps, soit par les textes,
soit par tradition, du rang privilégié de langue de travail,
accordé à un nombre de langues plus restreint.
Or, la place du français comme la règle du plurilinguisme semble
être remise en cause par l'usage croissant de l'anglais dans les
organisations internationales comme dans les institutions communautaires. Dans
ce contexte, la promotion du plurilinguisme et la défense de la langue
française comme langue de communication internationale constituent,
comme le souligne le rapport annuel de la délégation
générale à la langue française, des enjeux
importants.
En effet, seule l'existence de plusieurs langues officielles et de travail
assure une liberté et une égalité de parole entre les
différentes délégations. C'est au nom de ce principe,
proclamé à de nombreuses reprises à l'ONU comme dans les
institutions de l'Union européenne, que la plupart des organisations ont
un régime statutaire plurilingue.
L'usage d'une seule langue
privilégie, en effet, certaines nations au détriment des autres
et favorise la domination d'un système de pensée, d'action, et de
pouvoir. Parce qu'elle est la deuxième langue de travail utilisée
dans les enceintes internationales, la langue française a de ce point de
vue une responsabilité mondiale à assumer.
Dans les institutions de l'Union européenne, la pluralité des
langues officielles garantit, en outre, l'information des citoyens et leur
égal accès au droit et aux financements communautaires. L'emploi
du français comme langue officielle et de travail est, plus encore
qu'ailleurs, indispensable pour la préservation de nos capacités
de négociation comme de notre vision de l'Europe.
a) La place du français dans les institutions de l'Union européenne
L'utilisation du français comme langue de travail dans
les institutions communautaires revêt une importance stratégique
pour la place de notre langue non seulement dans les Etats membres de l'Union,
et dans les pays candidats à l'adhésion, mais aussi dans
l'ensemble des organisations internationales. C'est pourquoi l'avenir du
français et du plurilinguisme se joue pour une part dans les
institutions européennes.
Notre langue bénéficiait, au début de la construction
européenne, d'une position dominante. Cette situation s'explique par
plusieurs facteurs. A la création de la Communauté,
l'implantation des institutions en terre francophone, le fait que le
français était la seule des quatre langues officielles ayant un
rayonnement international, l'implication très forte de la France comme
pays fondateur, ont contribué à l'emploi du français comme
langue de travail privilégiée, voire exclusive dans certaines
activités. L'anglais s'est ensuite développé après
l'adhésion de pays anglophones et du Danemark.
Contrairement à une opinion répandue et à ce que laissent
penser les pratiques récentes de la Commission dans certains secteurs,
le français comme langue de travail dans les institutions
européennes est une réalité concrète. C'est une
langue de travail et de communication courante au sein de la Commission et du
Conseil. Sa connaissance est indispensable pour tout fonctionnaire
appelé à travailler dans les institutions communautaires ou en
relation avec elle.
L'évolution récente tend cependant à réduire le
rôle du français comme langue de travail.
Ainsi au service des
traductions de la Commission, on note une nette dégradation de la
position du français. Alors qu'en 1986, les documents originellement
rédigés en langue française représentaient
70 % du total des documents, ils ne constituent que 38,5 % en 1996.
L'augmentation corrélative de l'anglais est très nette : les
documents originellement rédigés en langue anglaise passent de
19 % en 1985 à 44,7 % en 1996.
L'anglais tend, en outre, à supplanter le français dans plusieurs
directions générales, notamment : la DG I (relations
extérieures), la DG III (industrie), la DG XII (recherche), la DG XIII
(télécommunications). Il croît au sein des directions
générales chargées de l'environnement, des femmes et du
développement. La DG V (emploi, relations de travail, affaires
sociales), traditionnellement francophone, s'est également
écartée de cet usage.
La domination de l'anglais est particulièrement sensible dans les
relations extérieures de la Communauté.
Ainsi, le rapport de
la délégation générale à la langue
française observe que : "
les relations avec les Etats tiers,
notamment le dialogue structuré avec les pays d'Europe centrale et
orientale (PECO), sont un lieu de monolinguisme anglophone bien que les
représentants de ces pays puissent s'exprimer dans une langue de l'Union
ou leur langue nationale."
Cette situation très défavorable pour l'image du français,
lèse à moyen terme nos intérêts nationaux et
constitue un précédent susceptible de s'étendre à
d'autres zones. Ainsi, en 1995, il était prévu que l'accord
signé entre le Mercosur et l'Union soit rédigé en
anglais : ce n'est qu'après la protestation des Etats membres, et
notamment de la France et de l'Espagne, que le texte fut traduit en espagnol.
Cette situation regrettable a des conséquences non seulement
politiques mais également économiques
. Le poids croissant de
l'anglais comme langue de travail de la Commission conduit à ce que la
grande majorité des appels d'offres d'organismes européens soit
rédigée en langue anglaise et appelle des réponses en
anglais.
Ainsi, l'Institut monétaire européen (IME) a, par exemple, fait
paraître dans la presse française -par exemple dans Le Monde du 22
janvier 1997- des offres d'emploi rédigées uniquement et
entièrement en langue anglaise. Pourtant, le régime de droit
commun, en cette matière, fixé par le règlement 1/58
modifié du 15 avril 1958 et qui prévoit
l'égalité des langues officielles et des langues de travail
utilisées dans le cadre des institutions communautaires, semble bien lui
être applicable en l'absence de clauses linguistiques dans le protocole
fixant les statuts de l'IME. Il serait ainsi possible de multiplier les
exemples.
Cette évolution des institutions européennes exige une
réaction d'autant plus rapide que le prochain élargissement
pourrait produire des effets identiques. Face à cette situation, les
efforts du gouvernement en faveur du français comme langue officielle et
langue de travail s'organisent mais restent, en effet, limités.
A l'initiative du comité interministériel pour les questions de
coopération économique européenne (SGCI) plusieurs types
d'actions ont été mis en place. Conformément à la
circulaire du Premier ministre du 21 mars 1994 relative aux relations
entre les administrations françaises et les institutions
européennes qui confie au ministre et à tous les agents
appelés à travailler en liaison avec les instances de l'Union la
mission de faire respecter l'usage du français, les manquements aux
règles linguistiques signalés font l'objet d'un rappel officiel
aux autorités communautaires compétentes.
Cette vigilance a permis en 1997 d'obtenir certains résultats. Saisi par
une lettre du ministre français des affaires étrangères,
M. Jacques Santer, président de la Commission européenne,
dans une réponse du 25 juillet 1996, a ainsi donné des assurances
sur le respect de l'égalité des langues officielles, notamment
pour les appels d'offres. Il a indiqué que des instructions avaient
été diffusées pour que les contrats-types, les clauses
générales et les spécifications qui ne sont pas
excessivement techniques soient disponibles, à partir du
1er juillet 1996, en anglais, allemand et français, et pour qu'il
soit mis fin à toute exigence expresse de présentation d'un
projet dans une seule langue particulière. En ce domaine, cependant, il
sera sans doute difficile d'exercer un contrôle sur les pratiques
réelles, car les organismes non-anglophones soumissionnant
préfèrent souvent subir la contrainte linguistique plutôt
que de risquer de perdre un marché.
Votre rapporteur se félicite que cette politique de vigilance soit
aujourd'hui plus systématique. Elle est cependant vouée à
l'échec si elle n'est pas accompagnée d'une politique de
promotion et de diffusion de la langue française auprès des
administrations communautaires et des partenaires européens.
Il est notamment souhaitable, qu'au niveau du recrutement des fonctionnaires de
la Commission, une action soit menée pour accroître la proportion
des fonctionnaires francophones. La France a intérêt à ce
que la maîtrise d'une troisième langue officielle soit
exigée des candidats. Une proposition de l'Allemagne et de la France
dans ce sens a été soumise à la Commission. Elle ne peut
qu'être soutenue.
Plus en amont, une politique volontariste de formation doit être
menée. Depuis 1994, des sessions de formation à la langue
française ont été mises en place en France pour les
fonctionnaires européens issus des nouveaux adhérents de l'Union.
Le nombre de bénéficiaires de ces formations est malheureusement
encore trop limité. Il est, en effet, passé de 15 en 1996,
à 46 en 1997. Quant au
centre européen de langue
française créé en 1996 pour les fonctionnaires
européens ainsi que pour l'ensemble des salariés des
organisations et associations présentes à Bruxelles, il n'a
accueilli qu'une cinquantaine d'inscrits en 1997. Cette politique doit donc
être renforcée.
De même, un effort tout particulier devrait être consacré
à la traduction et à l'interprétariat afin de
remédier à la sous-représentation des interprètes
français à Bruxelles et en particulier des interprètes
français qui maîtrisent la langue des nouveaux adhérents.
b) La situation du français au sein des organisations internationales
Le français bénéficie, dans la
totalité des organisations internationales auxquelles la France
participe, du statut de langue officielle et de langue de travail qui devrait
théoriquement le placer à parité avec l'anglais. Dans la
pratique cependant, cette parité est rarement respectée.
En
1997, les signes du recul du français comme langue de communication
internationale sont sensibles.
Une enquête menée en 1997 par
la délégation générale à la langue
française auprès de nos postes diplomatiques montre un
déclin du français dans la plupart des organisations
internationales.
Le rapport de la délégation observe, en effet, que si le
régime linguistique est de façon générale bien
respecté pour les réunions officielles, en revanche, dans les
réunions informelles, l'anglais domine. Il est même souvent
l'unique langue employée.
En outre, dans de nombreuses organisations, qu'elles dépendent ou non
des Nations-Unies, le plurilinguisme n'est plus assuré au niveau de la
rédaction originale des documents, qui sont de plus en plus
établis en anglais. Il s'ensuit que le français n'est plus qu'une
langue de traduction, avec parfois des conséquences graves en termes de
qualité et de délais. Le tableau ci-après retrace la
situation dans plusieurs organisations internationales.
A partir de ces quelques exemples, l'état des lieux établi par la
délégation à la langue française fait
apparaître, deux groupes d'organisations internationales :
- celles, les plus nombreuses, où le monolinguisme est
déjà bien établi : organisations financières
telles que l'IME, la Banque mondiale ou le FMI ; organisations
économiques, scientifiques, techniques, comme le CERN, où les
fonctionnaires français vont jusqu'à parler anglais entre
eux ; l'OCDE et, l'OMS où la situation est très
inquiétante, enfin la plupart des institutions
spécialisées des Nations-Unies;
- celles où le plurilinguisme est encore implanté, soit parce
qu'il s'agit d'organisations régionales (Organisation de l'Unité
africaine ; Organisation des Etats américains), soit en raison des
origines de l'institution (Union postale universelle où le
français est la seule langue officielle et de travail), soit en raison
à la fois d'une tradition et de l'influence du pays siège
(UNESCO, Conseil de l'Europe et surtout Union européenne).
Organisation
|
Langue de rédaction
primaire
|
Secrétariat des Nations-Unies |
- 90% anglais. Viennent
ensuite le
français et
l'espagnol avec un volume sensiblement similaire, puis l'arabe et le russe.
|
CNUCED |
- 100% anglais
- bonnes traductions |
Organisation pour l'alimentation et l'agriculture |
- 70 % anglais
- bonnes traductions |
Organisation de l'Unité africaine |
- 60 % anglais
- qualité inégale des traductions - délais variables |
OCDE |
- 80 % anglais
- retard ou absence des traductions - menaces budgétaires sur les effectifs de traducteurs |
Organisation mondiale de la santé |
- 90 % anglais
- qualité médiocre des traductions - délais importants - réduction des crédits linguistiques (40 % d'effectifs en moins) |
OSCE |
- majorité écrasante
pour l'anglais. Les seuls
documents rédigés en d'autres langues sont les interventions des
délégations ou les propositions de textes émanant de
délégations russophones ou francophones
|
Union internationale des télécommunications |
- 90% anglais
- baisse des effectifs de traduction depuis 20 ans |
UNESCO |
- proportion favorable à l'anglais.
- qualité satisfaisante des traductions malgré la baisse des effectifs |
Union postale universelle | - rédaction majoritairement en français |
Source : délégation générale
à la langue française
Les raisons qui expliquent la prépondérance de l'anglais sur le
français dans les institutions des Nations-Unies comme dans d'autres
organisations internationales sont diverses : réduction des
effectifs des services de traduction et d'interprétation, rôle
majeur de l'anglais comme langue commune dans les instances vouées aux
domaines scientifiques, préférence de nombreux Etats pour cette
langue de travail, aussi bien en Asie qu'en ex-URSS.
L'évolution vers le monolinguisme n'est cependant pas
inéluctable. Elle résulte, en effet, d'un choix politique qui
consiste par exemple à faire peser en premier lieu les restrictions
budgétaires sur les services de traduction et d'interprétation.
Ainsi,
seule une politique volontariste en faveur de la langue
française et du plurilinguisme permettra d'inverser la tendance
.
Cette politique doit s'articuler autour de plusieurs axes :
- le respect du statut juridique des langues et en particulier du
français ;
- la promotion du plurilinguisme dans les organisations internationales ;
- le soutien aux services de traduction et d'interprétation ;
- la formation linguistique des fonctionnaires internationaux ;
- l'affirmation de la présence et de la solidarité des pays
francophones dans les organisations internationales.
II. LES DEUX VISAGES DE LA FRANCOPHONIE
A. LA FRANCOPHONIE MULTILATÉRALE : LE SOMMET DE HANOI
Le VIIe Sommet des chefs d'Etat et de gouvernement des pays ayant en commun l'usage du français qui s'est tenu à Hanoi les 14, 15 et 16 novembre 1997 a marqué un tournant dans l'histoire de la francophonie.
1. Le Sommet de Hanoi : une opportunité pour la francophonie en Asie
Après la tenue de Sommets en Europe, en Amérique
du Nord, à Québec, dans l'Océan indien,, à
l'île Maurice, puis sur le continent africain à Cotonou,, la tenue
du VIIe Sommet des chefs d'Etat et de gouvernement à Hanoi au coeur de
l'Asie du Sud-Est, symbolise l'universalité d'une francophonie
implantée sur les cinq continents.
L'organisation de ce VIIe Sommet des chefs d'Etat et de gouvernement à
Hanoi a également été un événement important
pour l'affirmation de la présence francophone en Asie du Sud-Est et au
Vietnam.
Bien que très minoritaire dans cette région du monde largement
acquise à l'utilisation de l'anglais dans les échanges
internationaux, la langue française suscite un réel regain
d'intérêt dans nombre de pays d'Asie et d'Océanie. Sa
pratique et son enseignement progressent non seulement dans les quatre pays
francophones, le Vietnam, le Cambodge, le Laos et le Vanuatu mais
également en Chine ou au Japon où le nombre des
départements universitaires consacrés au français
progresse. Dans ce contexte, la tenue du Sommet au Vietnam est venue conforter
la présence francophone dans cette région du monde. Elle a, en
effet, contribué à faire connaître la francophonie dans des
pays où elle est peu présente comme le Bruneï, la Malaisie,
la Thaïlande et à développer des projets de
coopération francophone dans les pays où elle est mieux
implantée.
Le Sommet de Hanoi a également permis de renforcer les relations entre
la France et le Vietnam. Le choix de Hanoi est, en effet, une
consécration des efforts accomplis par la France pour favoriser la
réinsertion du Vietnam dans les réseaux des relations
internationales. Ce Sommet a également permis au Vietnam de montrer sa
capacité à organiser une manifestation d'une telle ampleur, de
promouvoir son image et son prestige dans la région et de manifester sa
volonté d'ouverture à toute la communauté francophone. Il
a, en outre, été l'occasion de renforcer les moyens de
l'enseignement du français au Vietnam et plus généralement
d'accroître notre coopération culturelle avec ce pays.
Ainsi, la contribution de la France à l'organisation du Sommet qui s'est
élevée à 75 millions de francs a permis, outre la
construction du centre de conférence internationale où se
déroulera l'essentiel des travaux du Sommet, la mise en place de
programmes de formation linguistique et professionnelle.
Parallèlement, six projets de coopération financés par de
nombreux opérateurs francophones ont permis de renforcer la
présence culturelle francophone au Vietnam : la réalisation
d'un musée national d'ethnographie, l'ouverture d'une librairie
française et francophone au centre de Hanoi, la création d'une
salle de cinéma de 900 places consacrée à la
diffusion de films français et francophones, l'installation de
l'école française internationale dans de nouveaux locaux,
l'extension de l'école semi-publique de technologie informatique et la
rénovation de l'équipement du lycée de Chu Van An de Hanoi.
2. Les acquis du Sommet
a) L'élection du premier secrétaire général de la francophonie devrait consacrer le rôle politique de la francophonie
La réforme des institutions, et en particulier
l'élection du premier secrétaire général de la
francophonie, témoigne de la volonté de créer une
francophonie politique à partir d'une communauté fondée
jusque-là essentiellement sur une coopération culturelle et
technique.
Certes, la dimension politique de la francophonie n'est pas une
nouveauté. Depuis dix ans, les chefs d'Etat et de gouvernement se
sont réunis six fois. Les Sommets ont toujours débordé
largement les aspects purement culturels ou linguistiques de la
coopération francophone.
Mais c'est la première fois, qu'une réforme des institutions
francophones a pour objectif de renforcer le rôle politique de la
francophonie.
I
l a fallu, en effet, plus de trente ans pour que le concept de francophonie
politique s'impose.
En 1970, à Niamey, peu d'années
après la principale vague d'indépendances d'anciens territoires
français, et alors que les mouvements d'émancipation du
Québec et d'autres communautés de langue maternelle
française n'en étaient encore qu'à leurs débuts, le
mouvement d'organisation de la francophonie ne pouvait pas se traduire
immédiatement dans des institutions politiques. Il ne déboucha
donc que sur la création de l'Agence de coopération scientifique
et technique, l'ACCT,CCT qui n'avait pas de vocation politique.
En 1986, le premier Sommet de la Francophonie, réunissant quarante chefs
d'Etat et de gouvernement à Versailles, fut un premier pas vers la
reconnaissance de la vocation politique de la fFrancophonie.-communauté.
Parallèlement furent progressivement rapprochées les institutions
mises en place par la convention de l'ACCT (agence), et lors des Sommets, par
la conférence des chefs d'Etat et de gouvernement. Les divers organismes
concourant à la coopération multilatérale francophone
furent également intégrés dans les institutions de la
francophonie. Ainsi l'Association internationale des parlementaires de langue
française (AIPLF) fut progressivement reconnue comme Assembléeune
sorte de Parlement consultativef de la francophonie et devint
l'Assemblée internationale des parlementaires de la langue
française. L'AUPELF (association des universités partiellement ou
entièrement de langue française), née en 1961 d'une
initiative québéco-franco-marocaine, devenue en 1987 AUPELF-UREF
(Université des réseaux d'expression française) fut
reconnue à côté de l'ACCT, comme un opérateur de la
francophonie, privilégié, voire exclusif, pour l'enseignement
supérieur et la recherche. La chaîne internationale TV5,
née en Europe, étendue assez vite aux cinq continents,
l'université Senghor d'Alexandrie, puis l'AIMF (Association
internationale des maires des capitales et métropoles francophones)
furent de même promus au statut d'opérateurs directs de la
francophonie.
La lenteur et les difficultés de cette évolution vers une
architecture politique cohérente de la francophonie s'expliquent d'abord
par la rémanence, en France comme ailleurs, d'interrogations sur
l'opportunité même de construire une communauté politique
solidement organisée. Elles s'expliquent aussi par la concurrence de
deux logiques : celle plus institutionnelle, du traité de
l'ACCT(Agenceà et celle, plus pragmatique, à la fois de la
Conférence des chefs d'Etat et des la décentralisation des
initiatives décentralisées desinitaitves (collectivités
territoriales et des organisations non-gouvernementales).
ORGANIGRAMME DES INSTITUTIONS INTERNATIONALES
DE LA FRANCOPHONIE
CONFÉRENCE DES CHEFS D'ETATS ET DE GOUVERNEMENT AYANT LE FRANÇAIS
EN PARTAGE (SOMMET DE LA FRANCOPHONIE)
CONFÉRENCE MINISTÉRIELLE DE LA FRANCOPHONIE
CONSEIL PERMANENT DE LA FRANCOPHONIE PRÉSIDÉ PAR LE SECRETAIRE
GÉNÉRAL DE LA FRANCOPHONIE
SECRÉTARIAT GÉNÉRAL DE LA FRANCOPHONIE
AGENCE DE LA FRANCOPHONIE
ASSEMBLÉE CONSULTATIVE DE LA FRANCOPHONIE
AIPLF
OPÉRATEURS DIRECTS |
|||
AUPELF-UREF |
TV5 |
Université Senghor d'Alexandrie |
AIMF |
Dans ce contexte, le VIIe Sommet marque sinon un
aboutissement, du moins une étape déterminante dans la
réforme des institutions francophones. Préparée en
décembre 1996 à Marrakech par la conférence
ministérielle de la francophonie (CMF), la mise en uvre de la nouvelle
charte de la francophonie, et en particulier l'élection d'un
secrétaire général de la francophonie, permettent
d'aborder le biennum 1998-1999 avec des institutions rénovées.
Il fallait pour ce poste un homme qui soit susceptible d'intéresser les
médias et d'imposer son autorité aux grands dirigeants de ce
monde. De ce point de vue,
l'élection de M. Boutros-Ghali est un
atout pour la francophonie. Sa notoriété lui garantit une
audience aussi bien auprès des médias qu'auprès des chefs
d'Etat et des responsables des grandes institutions internationales.
Elu pour quatre ans, M. Boutros-Ghali sera non seulement le porte-parole
et le représentant de la francophonie mais également
l'ordonnateur des décisions prises par les chefs d'Etat puis les
ministres et le coordonnateur des actions diligentées par l'Agence de la
francophonie et les opérateurs directs de la francophonie.
L'élection du secrétaire général s'inscrit au
coeur d'une réforme plus large des institutions de la francophonie qui
s'est traduite par l'adoption de la charte de la francophonie
dont les
principales dispositions avaient été préparées lors
du Sommet de Marrakech.
La charte de la francophonie revoit, sans le bouleverser, l'ordonnancement des
organes de la francophonie tel qu'il était prévu dans la charte
de l'ACCT.
La conférence ministérielle
est toujours chargée de
préparer et de veiller à l'application des décisions
arrêtées par les Sommets. En revanche, elle peut désormais
siéger comme conférence du Sommet ainsi que comme
conférence générale et à ce titre
nommer
l'administrateur général de l'Agence de la francophonie sur
proposition du secrétaire général
.
Le conseil permanent de la francophonie (CPF) est présidé par
le secrétaire général. Il est désormais ouvert
à l'ensemble des membres du Sommet. Outre ses attributions
traditionnelles, le CPF exerce, conformément au souhait de la France, le
rôle de conseil d'administration de l'Agence de la francophonie.
Il
s'agit là d'un point important, car la conférence de Marrakech
avait abouti à confier à la conférence
ministérielle de la francophonie, le rôle de conseil
d'administration de l'Agence de la francophonie. Or cette disposition
présentait l'inconvénient de diminuer les pouvoirs du
secrétaire général qui n'a pas voix
délibérative au sein de la conférence ministérielle
et de permettre à l'Agence et à son administrateur de soumettre
sa programmation directement aux ministres. Le CPF par son caractère
permanent et la connaissance précise des dossiers que ses membres
peuvent acquérir présentaite le profil attendu d'un conseil
d'administration.
L'innovation majeure de la charte demeure l'introduction d'un poste de
secrétaire général qui dispose de pouvoirs
étendus :
- conformément à l'article 6 de la charte, "
il est
le plus haut responsable de l'Agence de la francophonie,
- il est responsable du secrétariat de toutes les instances de la
francophonie, aux sessions desquelles il assiste,
- il est le président exécutif du Conseil permanent, dont il
prépare l'ordre du jour. Il ne prend pas part au vote. Il veille
à la mise en oeuvre des mesures adoptées. Il en rend
compte.
"
Aux termes de l'article 7, "
le secrétaire général
est le porte-parole politique et le représentant officiel de la
francophonie au niveau international
".
En cas d'urgence, il "
saisit le conseil permanent et, compte tenu
de
la gravité des événements, le Président de la
conférence ministérielle, des situations de crise ou de conflit
dans lesquelles des membres peuvent être ou sont impliqués. Il
propose les mesures spécifiques pour leur prévention,
éventuellement en collaboration avec d'autres organisations
internationales
. "
En outre, "
les instances de la francophonie donnent au
secrétaire général des délégations
générales de pouvoirs qui découlent de son statut et qui
sont liées aux exigences de sa fonction. Notamment, le secrétaire
général décide de l'envoi de missions exploratoires. Il
propose au CPF l'envoi de missions d'observation d'élections
"
Enfin, en matière de coopération, l'article 6 dispose que
"
le secrétaire général propose aux instances,
conformément aux orientations du Sommet, les axes prioritaires de
l'action francophone multilatérale. Ainsi, il propose la
répartition du fonds multilatéral unique, ordonne les
décisions budgétaires et financières qui y sont relatives
et est responsable de l'animation de la coopération multilatérale
francophone financée par le FMU
".
Dans la continuité du Sommet de Maurice,
la charte de la francophonie
reconnaît, par ailleurs, à l'Assemblée internationale des
parlementaires de langue française (AIPLF) le statut d'assemblée
consultative de la francophonie.
Une procédure de consultation et
d'information réciproque est instituée entre l'AIPLF et les
instances décisionnelles de la francophonie. La charte de la
francophonie prévoit en effet :
- la transmission réciproque des informations, des décisions, des
rapports et autres documents de l'AIPLF, des Sommets et toutes instances de la
francophonie ;
- la participation de représentants de l'AIPLF sur des sujets
précis aux travaux des Sommets, de la CMF et du CPF, cette participation
n'emportant pas présence continue de l'AIPLF aux travaux du Sommet et
des instances ;
- la participation de représentants de la CMF et du CPF aux travaux de
l'AIPLF et de ses commissions ;
- une commission mixte AIPLF-CPF qui se réunira au moins deux fois par
an, à la diligence des deux parties ainsi qu'une commission mixte
AIPLF-CMF qui se réunira au moins une fois par an, à la diligence
des parties.
En application de ces nouvelles dispositions, votre rapporteur, en
qualité de secrétaire général de l'AIPLF, a
présenté un avis de l'AIPLF sur l'Etat de droit au Sommet de
Hanoi.
Avec la réforme des institutions, la francophonie
multilatérale s'est dotée de nouveaux moyens pour faire entendre
sa voix. Il reste à les mettre en oeuvre. La francophonie sera, en
effet, jugée sur sa capacité à prendre position sur les
sujets qui préoccupent le monde.
Une francophonie politique
implique, en effet, des actions pour développer la solidarité
entre les pays du Nord et du Sud, pour aider les pays francophones à
consolider l'Etat de droit et la démocratie, pour promouvoir l'usage du
français dans les pays où les élites le pratiquent encore
peu mais aussi pour alphabétiser les zones francophones où le
niveau de scolarité est insuffisant.
Ainsi, la francophonie doit avoir comme ambition de contribuer, à sa
mesure, au développement culturel et à la paix dans l'espace
francophone.
DOr de ce point deu vue, les drames humains que continuent à vivre les
régions des grands lacs, l'évolution de la situation au
Zaïre, devenue République démocratique du Congo, et les
troubles survenus à Brazzaville et en République centrafricaine
illustrent le chemin à parcourir pour créer une véritable
solidarité francophone susceptible de contribuer au maintien de la paix.
b) La reconnaissance de la dimension économique de la communauté francophone devrait permettre la promotion d'un espace économique francophone
Jusqu'au Sommet de Hanoi, la francophonie se voulait avant
tout un espace de solidarité culturelle. Si elle touchait à
l'économie par certains aspects comme la solidarité pour le
développement, elle reculait cependant devant le concept " d'espace
économique francophone ". Le VIIe Sommet a innové sur ce
point en faisant des échanges économiques et commerciaux
francophones un des thèmes principaux de discussion.
L'espace économique francophone se doit évidemment de respecter
ne contredira pas les différents engagements de ses membres : tels
au sein de l'Union européenne, de tels dans l'ALENA, outels dans
d'autres ensembles politico-économiques régionaux., et, presque
tous, dans l'O.M.C. (Organisation Mondiale du Commerce).
La communauté francophone devrait cependant pouvoirt de remplir les
espaces résiduels et interstitiels de ces ensembles, ni agir
collectivement, avec le poids de ses quarante-neufpresque cinquante membres,
comme en 1993 lors des négociations du du combat au GATT pour
" l'exception culturelle " au sein -cette fois- de l'OMC,
pour
promouvoir ses intérêts propres et ceux de ses membres. On peut de
même imaginer des politiques visant àPar exemple,
précisément, pour favoriser une meilleure circulation en son sein
des biens et services culturels ou à créer un environnement
juridique favorable aux échanges économiques et commerciaux ou
encore pour appuyer les intégrations et coopérations
régionales entre ses membres. et développer le partenariat
d'entreprises.
3. La programmation de la coopération francophone pour le biennum 1998-1999les années 1997-1998
La programmation de la coopération francophone des
principaux opérateurs de la francophonie s'articulera pour le biennum
1998-1999 autour de 5 programmes définis à Hanoi :
- espace de liberté, de démocratie et de
développement ;
- espace de culture et de communication ;
- espace de savoir et de progrès ;
- espace francophonie, économie et développement ;
- la francophonie dans le monde.
La date tardive du Sommet de Hanoi a conduit à repousser la tenue de la
conférence ministérielle chargée d'arbitrer la
répartition des engagements financiers des Etats contributeurs entre les
différents programmes et contre les opérateurs. Aussi, ne
disposons-nous que de l'évaluation effectuée par chaque
opérateur sur sa programmation.
L'Agence de la francophonie prévoit pour l'ensemble de la
programmation annuelle du biennum 1998-1999, 156 millions de francs, en
augmentation de 11 % par rapport au budget du biennum
précédent
:
- programme " Espace de savoir et de progrès " :
28 millions de francs destinés notamment à des actions en
faveur de l'éducation de base (12 millions de francs), de l'usage
du français dans le monde (7 millions de francs), de la formation
professionnelle et technique (5 millions de francs) et de la refondation
des systèmes éducatifs (0,5 million de francs) ;
- programme " Espace de culture et de communication " :
79 millions de francs dont 58,5 millions de francs pour les actions
culturelles et audiovisuelles et 20,5 millions de francs pour les
inforoutes et technologies de l'information ;
- programme " Espace francophonie, économie et
développementdéveloppeemnt " 23,5 millions de francs
consacrés à la création et au développement
d'entreprises (10 millions de francs)et , aux secteurs de l'énergie
(8,5 millions de francs) et de l'environnement (5 millions de
francs) ;
- programme " Espace de liberté, démocratie et
développement " : (20 millions de francs)
destinés à des actions en faveur de l'appui au système
judiciaireà la justice, la collecte, gestion et diffusion du droit deet
la coopération interparlementaire et des droits de l'Homme
(3 millions de francs), à l'accompagnement des processus
électoraux (2,5 millions de francs) et à la
prévention des conflits. Il est, en outre, prévu de financer la
création d'un e l'observatoire de la démocratie. Cet observatoire
placé sous l'autorité du secrétaire général
de la francophonie serait principalement chargé de l'élaboration
de rapports périodiques sur la situation dans certaines régions,
de la diffusion d'informations relatives à la démocratie et aux
droits de l'Homme, de la mise en place des formations destinées aux
personnels judiciaires ou aux responsables de la gestion locale, de
l'organisation de missions d'observation d'élections, de
médiation ou de bons offices, à la demande des Etats ;
- programme " La francophonie dans le monde " :
(5,5 millions de francs) affectés à l'aide à la
traduction et à la formation de fonctionnaires internationaux.
Les propositions budgétaires de l'AUPELF-UREF pour le biennum
1998-1999 s'élèvent à 290 millions de francs pour
1998 contre 166 millions de francs en 1997, soit une progression de 74,6
%. Ces crédits se répartiraient de la façon
suivante :
- fonds francophone de la recherche : 67,5 millions de francs pour
1998 contre 45,6 millions de francs en 1997 ;
- fonds régional pour l'enseignement supérieur :
15,35 millions de francs pour 1998 ;
- fonds francophone universitaire de la formation : 117,1 millions de
francs pour 1998, contre 64,4 millions de francs en 1997, destinés
aux classes bilingues et filières universitaires francophones au
Vietnam, Laos et Cambodge, et à la mise à niveau linguistique au
Liban, en Moldavie et au Vanuatu ;
- fonds francophone universitaire de l'information : 53,7 millions de
francs contre 1998 contre 29,4 millions de francs en 1997 destinés
au réseau électronique francophone, à l'université
virtuelle francophone, et à la médiathèque
francophone ;
- " La francophonie au quotidien " : 4 millions
de francs
pour 1998 contre 2,35 millions de francs en 1997 ;
- " Le français dans le monde " : 3,5 millions de
francs pour 1998 contre 1,6 million de francs en 1997 ;
L'université Senghor d'Alexandrie prévoit un budget, pour deux
promotions de 85 auditeurs chacune, de 20,6 millions de francs.
TV5 a défini un projet de budget pour le biennum 1998-1999 d'un montant
de 18,5 millions de francs qui se décompose ainsicomme
suit :
- 8,5 millions de francs MF pour TV5 Afrique ;
- 9 millions de francs MF consacrés à une s
Série d'émissions " d'enseignement du
français ; "
- 1 million de francs MFaffectés à des actions en faveur de
l'usage du français sur les inforoutes.
Le programme de coopération francophone présenté par
l'AIMF pour le biennum à venir s'élève à
21 millions de francs et porte sur 3 types de projets :
- formation des élus, cadres et agents municipaux : 4 millions
de francs par année ;
- informatisation des états civils : 7,5 millions de francs
par an ;
- projets urbains : réhabilitation de voirie, construction de centres de
santé et de marchés, assainissement et traitement des
déchets : 9,5 millions de francs.
Alors que ces programmations sont en cours d'examen, votre rapporteur
s'étonne que l'on ne dispose pas d'un bilan des actions menées
pendant le dernier biennum ni même du degré de consommation des
crédits qui y ont été affectés.
Il serait
souhaitable qu'une évaluation systématique des projets
menés par les opérateurs soit effectuée. Il ne s'agit
nullement de jeter le soupçon sur les opérations
menées ; bien au contraire, une évaluation
indépendante permettrait d'asseoir la crédibilité des
opérateurs et de mieux orienter les financements.
B. LA FRANCOPHONIE DU QUOTIDIEN
Quelques jours après le Sommet de Hanoi, il importe de rappeler que la francophonie n'est pas seulement un domaine réservé des chefs d'Etat et de gouvernement et des grandes réunions internationales. Il y a, en effet, à côté de la francophonie institutionnelle, une francophonie du quotidien, celle des multiples associations qui militent pour la langue française, celle des collectivités territoriales, de plus en plus présentes dans les projets de coopération francophone, celle enfin des étudiants étrangers qui apprennent notre langue. Cette francophonie de terrain, votre rapporteur voudrait lui rendre hommage, montrer à quel point elle est nécessaire et mérite le soutien des pouvoirs publics.
1. Un réseau associatif actif
De façon discrète mais avec
opiniâtreté et dévouement, de nombreuses associations
agissent inlassablement pour la promotion de la francophonie.
Ces
associations sont souvent plus anciennes que les structures institutionnelles
de la francophonie
. Avant d'être une préoccupation des
pouvoirs publics, la promotion de la francophonie a, en effet, souvent
été l'oeuvre d'organismes privés conduits, par des hommes
et des femmes soucieux de diffuser la langue et la culture françaises.
Certaines de ces associations ont ainsi été créées
avant la seconde guerre mondiale, en particulier : :l'Alliance
française fondée en 1883 qui depuis est restée au premier
rang pour l'enseignement du français aux étrangers ; la
Mission laïque française créée en 1902 ; le
Comité catholique des amitiés françaises à
l'étranger fondé en 1915 ; la Fédération des
professeurs français résidant à l'étranger (FPFRE)
créée en 1932.
D'autres, aujourd'hui très actives ont été
créées dans les années cinquante et soixante
notamment : l'Association internationale des journalistes de langue
française, fondée à Paris en 1953 ; l'association
Défense de la langue française, créée en
1959 ; l'Association des écrivains de langue française
(ADELF), créée en 1965.
La mobilisation des associations en faveur de la francophonie n'est donc pas
nouvelle. Elle a pris cependant de l'ampleur à partir des années
quatre-vingt avec le développement par les pouvoirs publics d'une
véritable politique francophone et d'une plus grande prise de conscience
des enjeux linguistiques qui a abouti en particulier à l'adoption de la
loi Toubon.
Le mouvement associatif francophone représente aujourd'hui plus de
350 associations de défense de la langue française et de
promotion de la francophonie qui interviennent dans des
secteurs
d'activités très variés.
On recense naturellement un grand nombre d'associations dans le domaine
culturel et éducatif telles que les associations d'étudiants,
d'enseignants, de professeurs de lettres, d'écrivains, de journalistes,
d'éditeurs, d'amateurs de littérature, de théâtre et
autres expressions artistiques francophones. Il existe également de
nombreuses associations dans des secteurs a priori plus éloignés
des enjeux linguistiques tels que l'informatique, l'électricité,
l'ingénierie, la médecine, et la comptabilité.
Parmi ces associations, seules la moitié sont françaises, les
autres proviennent d'Afrique, d'Amérique du nord, et d'Europe. On compte
en particulier une cinquantaine d'associations pour le seul Canada. Les
associations sont ainsi implantées dans la totalité des
49 pays membres de la communauté francophone.
·
Ces associations jouent un rôle incontournable en
matière de coopération francophone.
Grâce à la
mobilisation de personnes essentiellement bénévoles, elles
mettent en place des projets de coopération dans des secteurs
très variés.
Ainsi, l'Association générale des intervenants retraités
pour l'action de bénévoles pour la coopération et le
développement (AGIR-abcd) qui rassemble des anciens instituteurs et
professeurs met en place des structures d'enseignement et de loisirs culturels
francophones dans une trentaine de pays dans le monde. De 1994 à 1996,
les adhérents d'AGIR ont ainsi assuré 336 missions
d'enseignement en français représentant
33.750 journées de présence sur le terrain.
De même, les animateurs du Conseil francophone de la chanson (CFC) et les
pédagogues de l'Association francophone internationale des directeurs
d'établissements scolaires (AFIDES) ont-ils, avec l'aide de l'Agence de
la francophonie, réalisé et diffusé en milieu scolaire des
chansons francophones. Dans le secteur de l'édition, il faut citer
également l'action de l'Association pour la diffusion internationale
francophone de livres, ouvrages et revues (ADIFLOR) qui, grâce aux dons
de nombreux éditeurs, envoie chaque année plus d'une centaine de
tonnes de livres français dans plus de 40 pays.
La majorité des projets soutenus par les associations de promotion de la
francophonie concerne des projets culturels, ils ne se limitent cependant pas
à ce secteur. Les associations jouent un rôle actif en
matière de développement en particulier dans le domaine de la
scolarisation des enfants. Certaines associations se sont également
engagées dans des actions en faveur de la promotion des droits de
l'homme et de la démocratie : ainsi le Comité syndical
francophone de l'éducation et de la formation (CSFEF) a organisé
en juin 1997 au Burkina-Faso, une session de formation sur " la
didactique
des droits de l'homme " destinée à des enseignants de
13 pays de la zone subsaharienne et en juillet 1997, au Vietnam, un
séminaire destiné aux enseignants vietnamiens sur la
nécessaire adaptation de l'éducation dans un pays qui s'ouvre
à l'économie de marché.
·
Les associations de promotion de la francophonie et de la langue
française constituent également des interlocuteurs
incontournables dans la mise en oeuvre d'une politique pour la langue
française.
Par leur mobilisation et leur vigilance et grâce
à l'information recueillie par leurs adhérents,
les
associations constituent des relais précieux pour l'application de la
législation relative à l'emploi de la langue française.
C'est pourquoi la loi du 4 août 1994 a prévu que des
associations bénéficiant d'un agrément puissent exercer
les droits reconnus à la partie civile dans certains litiges concernant
l'information du consommateur (articles 2, 3 et 4), les colloques
internationaux organisés en France (article 6), les publications,
revues et communications diffusées en France par les services publics
(article 7), les offres d'emploi (article 10).
Par un arrêté du 3 mai 1995, signé conjointement
par le ministre de la justice et le ministre de la culture et de la
francophonie, cet agrément a été donné, pour trois
ans, à cinq associations choisies en raison de leur vocation
générale à défendre la langue française ou
du rôle qu'elle jouent dans des secteurs particulièrement
sensibles : l'Association francophone d'amitié et de liaison
(AFAL) ; Avenir de la langue française (ALF) ; l'Association
des informaticiens de langue française (AILF) ; le Conseil
international de la langue française (CILF), association reconnue
d'utilité publique en 1972 ; Défense de la langue
française (DLF). Quatre des cinq associations agréées se
sont regroupées dans l'association Droit de comprendre, afin de
fédérer et coordonner les efforts du secteur associatif dans le
domaine de l'application des dispositions législatives relatives
à l'emploi de la langue française.
Ces associations interviennent de façon graduelle en fonction de la
gravité des manquements à la loi, soit par des rappels oraux et
écrits aux professionnels concernés, soit par des recours
contentieux. Ainsi, l'association Défense de la langue française
a procédé en 1996 à plusieurs milliers de rappels oraux et
écrits. Quant à l'association Droit de comprendre, elle a
enregistré 380 signalements d'infractions, envoyé
162 courriers ainsi que 89 relances. Les associations
agréées ont également utilisé le droit de se porter
partie civile dans les litiges relatifs à certains articles de la loi du
4 août 1994. Ainsi, l'association Défense de la langue
française a signalé plusieurs affaires aux directions
départementales de la concurrence, de la consommation et de la
répression des fraudes dont une a abouti à une action conjointe
avec le ministère public et à une condamnation par le tribunal de
police de Paris d'une entreprise commerciale pour manquement à
l'obligation de traduction en français des informations relatives
à un produit.
·
Les associations de promotion de la francophonie
participent également à des actions de sensibilisation et
d'information sur les enjeux linguistiques
aussi bien au niveau
international qu'au niveau national.
Au niveau international, l'AFAL joue notamment un rôle de trait d'union
entre toutes ses associations membres, fournissant un support logistique aux
moins pourvues et assurant la représentation dans les organisations
internationales des associations qui ne peuvent y participer. Son bulletin
trimestriel,
Liaisons, revue des associations ayant le français en
partage
, édité à 800 exemplaires, diffuse des
informations sur la situation de notre langue et la politique menée par
la France et la communauté francophone.
Pour sa part, Avenir de la langue française a envoyé à
plus de deux cents personnalités un dossier sur les problèmes
linguistiques et culturels posés au sein de l'Union européenne,
dossier dont ont été saisis les négociateurs de la
Conférence intergouvernementale (CIG) et dont a été
tiré le texte d'un appel paru dans la presse en mars 1997.
Avenir de la langue française est également intervenue à
de nombreuses reprises auprès du gouvernement français et
d'organisations internationales afin que soit pleinement respecté le
statut du français, langue officielle et de travail, notamment dans les
institutions de l'Union européenne et à l'OCDE.
Sur le territoire national, les associations s'emploient à faire mieux
connaître au grand public les enjeux linguistiques. Grâce à
ses sections de province, Défense de la langue française dispose
d'un réseau permettant d'animer partout en France des manifestations de
promotion de la langue française. Tout au long de l'année, la
revue trimestrielle
Défense de la langue française
,
diffusée à 3.600 exemplaires, s'est
régulièrement fait l'écho auprès des
adhérents des travaux des commissions de terminologie, des
manifestations organisées autour de la langue et du bilan de
l'application de la loi du 4 août 1994.
Avenir de la langue française et Défense de la langue
française contribuent enfin à l'amélioration de l'emploi
du français dans les médias. Avenir de la langue française
intervient auprès du Conseil supérieur de l'audiovisuel sur des
émissions précises (titres, contenu) et les adhérents de
la section parisienne de Défense de la langue française
accomplissent bénévolement pour le CSA une observation
linguistique des chaînes télévisées.
Les associations oeuvrant pour la défense de la langue française
et la promotion de la francophonie exercent l'essentiel de leurs
activités grâce au concours bénévole de leurs
membres. Seule une petite minorité reçoit des subventions de la
part de la Délégation générale à la langue
française, du service des affaires francophones du ministère des
affaires étrangères, ou du secrétariat d'Etat à la
coopération qui permettent de financer des opérations
coûteuses telles que, par exemple, l'envoi de livres dans les pays en
voie de développement, le recours contentieux pour l'application de la
loi Toubon, ou la publication de revues d'information.
Or, force est de constater que le montant de ces subventions, au demeurant
modeste, ne cesse de diminuer suite à la baisse régulière
des budgets consacrés à la promotion de la francophonie. Ainsi le
budget consacré par le service des affaires francophones aux
associations a diminué depuis 1994 de plus de 60 %.
En outre, les budgets affectés aux subventions de ces associations sont
chaque année victimes des mesures de régulation
budgétaire. Ainsi, l'annulation en juillet dernier de 2,7 millions
de francs sur les crédits du service des affaires francophones a-t-il
entraîné la suppression des subventions de plus de
25 associations. Ces mesures de régulation qui frappent le budget
des associations sans qu'elles puissent à l'avance s'y préparer,
conduisent dans de nombreux cas à la cessation de leurs
activités.
Votre rapporteur pourrait admettre que dans certains cas, ces mesures soient
une occasion pour les services de l'Etat de supprimer ou diminuer la subvention
d'associations qui n'ont pas rempli les objectifs sur lesquels elles
s'étaient engagées. La suppression des subventions d'associations
aussi anciennes et actives que les Amitiés acadiennes ou
France-Louisiane montre cependant que ces mesures sont le plus souvent aveugles
et touchent parfois des associations parmi les plus dynamiques. Certes, ces
associations doivent en cette période participer à l'effort de
rigueur qui s'impose à l'ensemble des organismes subventionnés
comme aux services de l'Etat. Mais on peut toutefois douter que la suppression
de dotations qui s'élèvent en moyenne à 50.000 francs
par an permette de réduire les déficits publics. En outre, dans
le domaine de la francophonie, comme dans d'autres, les associations, avec peu
de moyens, prolongent et démultiplient l'action de l'Etat.
2. Des collectivités territoriales de plus en plus mobilisées
Au côté et souvent avec les associations, les
collectivités territoriales mènent à travers la
coopération décentralisée une action de plus en plus
importante en faveur de la francophonie.
Depuis des décennies, de nombreuses villes ont engagé avec des
communes de pays ou de régions francophones des opérations de
jumelage. Il a toutefois fallu attendre la loi du 6 février 1992
relative à l'organisation territoriale de la République pour que
la coopération décentralisée ait un fondement juridique et
soit véritablement encouragée.
L'action extérieure des collectivités territoriales constitue
depuis un complément substantiel à celle de l'Etat, en
particulier vis-à-vis des pays francophones du Sud. Cette politique de
coopération s'exerce soit directement par le biais de conventions entre
collectivités territoriales sur des projets précis, soit
indirectement à travers des organisations non gouvernementales. Les
crédits affectés à ces opérations
s'élèveraient, selon le délégué pour
l'action extérieure du ministère des affaires
étrangères, à plus d'un milliard de francs. Cela
représente, à l'échelle des crédits
consacrés par l'Etat à la coopération francophone, un
montant considérable qui illustre le dynamisme des collectivités
territoriales dans ce domaine.
Certes, ces projets ne concernent pas tous directement la francophonie. Seuls
44 % des projets relèvent, en effet, de l'action culturelle ou
éducative, la majorité étant des projets humanitaires,
sanitaires ou économiques. Mais tous concourent cependant d'une
façon ou d'une autre à l'image de la France et du
français. Ces projets s'orientent, en outre, majoritairement vers des
pays francophones. Une étude menée par le Haut conseil de la
francophonie a dénombrés 43 pays dans lesquels des actions
de coopération décentralisée se sont
déroulées. Les Etats où ont été
recensées le plus grand nombre d'actions sont des pays francophones tels
que le Burkina Faso, le Bénin, le Sénégal, la Côte
d'Ivoire, la Tunisie, le Maroc, le Togo, la Mauritanie et le Mali.
L'enquête menée par le Haut conseil de la francophonie souligne
certaines initiatives particulièrement intéressantes. En
matière éducative, l'association " San Mali " du
département de Haute-Marne a mené au Mali plusieurs
opérations visant à augmenter les structures d'accueil scolaire
et à améliorer les conditions de vie des élèves
maliens.
Dans le domaine culturel, la région Alsace a organisé des
tournées théâtrales au Vietnam, au Canada et dans plusieurs
pays d'Afrique. Le département du Bas-Rhin a, quant à lui, mis en
place au Cameroun une formation destinée aux artisans travaillant dans
les filières menuiserie métal et menuiserie bois pour
l'acquisition de nouvelles techniques de fabrication adaptées au
marché. Ce département s'est également engagé dans
la formation de fromagers au Niger ainsi que dans la formation
pédagogique en alternance de deux professionnels de la filière
menuiserie bois au Sénégal.
D'autres départements ou associations mènent un travail
exemplaire dans le domaine sanitaire. L'association Le Pélican,
d'Ille-et-Vilaine, a ainsi mis en place une action au Vietnam qui s'articule
autour de trois axes principaux : la formation des hygiénistes
locaux, l'éducation de la population aux problèmes liés
à l'eau, à l'hygiène et enfin aux soins primaires, et
l'approvisionnement en médicaments des cinq dispensaires construits dans
les villages. En 1993, Le Pélican a également pris en charge
120 enfants diabétiques du Kazakhstan en leur fournissant de
l'insuline.
Certaines actions de coopération décentralisée rassemblent
plusieurs partenaires. Le programme franco-palestinien de Cités Unies
France fédère par exemple plusieurs villes françaises qui
ont décidé de se grouper afin d'augmenter leurs moyens. Seize
collectivités françaises (Belfort, Béziers, Chartres,
Clichy, Eybens, Gennevilliers, Gières, Hérouville Saint-Clair, La
Roche-sur-Yon, Montataire, Montreuil, Romans-sur-Isère, Saint-Nazaire,
Saint-Ouen, Saint-Priest) sont liées dans ce programmes à huit
collectivités palestiniennes étrangères (Jéricho,
Béthléem, Beït-Jala, Beït-Sahour, Hébron,
Naplouse, Tulkarem, Jennine). L'objectif principal de ce programme est le
développement de l'autonomie et de la démocratie locale et le
renforcement des municipalités palestiniennes.
L'ensemble de ces actions contribue à développer dans les pays
francophones le sentiment d'appartenance à une même
communauté ; en cela elles constituent un élément
important de la politique francophone et du rayonnement culturel de la France.
Le ministère des affaires étrangères et le
secrétariat d'Etat à la coopération cofinancent un nombre
croissant de projets. Ainsi, le montant des crédits alloués
à la coopération décentralisée par le
ministère des affaires étrangères a augmenté de
30 % de 1993 à 1996 puis a subi un léger tassement en 1997,
à l'image des crédits alloués à la direction
générale des relations culturelles scientifiques et techniques.
ÉVOLUTION DES CRÉDITS AFFECTÉS PAR LE MINISTÈRE DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES À LA COOPÉRATION DÉCENTRALISÉE
Année budgétaire |
1993 |
1994 |
1995 |
1996 |
1997 |
20,7 | 24,6 | 26 | 26,8 | 26,3 |
(en millions de francs)
De même, le ministère de la coopération,
à travers le bureau des collectivités territoriales et du
développement urbain, cofinance près de 160 projets par an
pour un montant total de près de 48 millions de francs.
Votre rapporteur se félicite que le développement de cette
solidarité entre les collectivités francophones puisse ainsi
recevoir l'aide des pouvoirs publics. Il engage le gouvernement à
poursuivre et à développer ces efforts.
3. Des échanges universitaires intenses
La vitalité de la francophonie s'illustre
également par le nombre important d'étudiants étrangers
qui chaque année viennent se former en France ou dans les
filières francophones à l'étranger.
D'après les chiffres dont dispose le ministère des affaires
étrangères, 130.000 étudiants étrangers sont ainsi
inscrits dans des universités françaises. En comptant ceux qui
sont inscrits dans des écoles ou des établissements
privés, ils sont 150.000 pour 1.456.000 étudiants inscrits
dans les établissements d'enseignement supérieur. Ce chiffre
place la France au second rang des pays d'accueil, en nombre total
d'étudiants étrangers, derrière les Etats-Unis, et au
premier rang en pourcentage total d'étudiants étrangers
(10 %). Dans certains établissements universitaires, ils
représentent près du quart de la population totale.
De ce point de vue, la France, contrairement aux idées reçues, ne
manque pas d'atouts : enseignement de qualité, prix très
compétitifs par rapport aux universités américaines,
tradition d'accueil d'étudiants étrangers.
Les pouvoirs publics favorisent la formation des étudiants francophones
de plusieurs façons. Ils soutiennent l'initiation à la langue
française dans les pays francophones par une action auprès des
jeunes générations, soit dans le cadre d'un enseignement national
francophone, soit dans des établissements tels que les écoles
françaises à l'étranger ou des établissements
étrangers partiellement francophones de type bilingue où un
enseignement disciplinaire en français peut être mis en place dans
le cadre de notre coopération linguistique et éducative.
On estime à 100.000 le nombre d'élèves étrangers
accueillis dans le réseau des établissements français et
à 100.000 également le nombre d'élèves
étrangers suivant une scolarité partiellement en langue
française dans des établissements bilingues francophones, hors
des pays francophones proprement dits.
Les administrations françaises favorisent ensuite la formation
universitaire des étudiants étrangers en leur facilitant
l'accès aux formations universitaires en France notamment grâce
à un système de bourses, ou aux filières universitaires
francophones implantées au sein d'établissements d'enseignement
supérieur locaux.
Dans ce domaine les moyens d'intervention attribués au ministère
des affaires étrangères et au secrétariat d'Etat à
la coopération sont toutefois limités et d'une efficacité
inégale. En matière de bourses pour les étudiants
étrangers en particulier, la baisse continue des crédits
d'intervention a conduit le ministère des affaires
étrangères à une plus grande sélectivité et
à une diminution de la durée des séjours financés
par une bourse. Ainsi le nombre de mois financés par une bourse est-il
passé, de 1992 à 1996, de 90.702 à 70.212 soit une
diminution de 22,6 %.
En outre, les moyens existants sont utilisés avec une efficacité
incertaine. Comme le souligne le rapport du député Michèle
Alliot-Marie sur les boursiers étrangers en France
2(
*
)
, les actions menées en leur faveur souffrent
d'un manque de coordination entre les services ministériels
chargés de leur suivi, de l'absence d'objectifs clairement
définis et d'une certaine inadaptation de l'offre de formation aux
besoins des étudiants étrangers. Dans ces conditions, il
apparaît nécessaire de revoir le dispositif de soutien à la
formation des étudiants francophones.
Il ne faut pas, en effet, oublier que l'accueil de ces étudiants qui
pour une partie non négligeable, formeront l'élite de leur pays
d'origine, constitue un atout important pour le rayonnement de la France et
conditionne notre capacité à maintenir une influence et des
relais dans le monde.
*
* *
La francophonie s'affirme progressivement dans les relations
internationales au même titre que le Commonwealth. Dotée
d'institutions rénovées, elle doit aujourd'hui manifester sa
capacité à fédérer une communauté
hétérogène, à contribuer au développement
économique et à la consolidation de l'Etat de droit dans les pays
francophones. C'est, en effet, en poursuivant ces objectifs que la francophonie
acquerra une dimension politique.
A coté de la francophonie institutionnelle, la francophonie du
quotidien, celle des associations, des collectivités locales et des
étudiants francophones mérite un soutien accru des pouvoirs
publics. Cette francophonie du terrain est, en effet, essentielle. Elle permet,
avec peu de moyens, d'accompagner et souvent de démultiplier l'action de
l'Etat
Enfin, la place de la langue française, patrimoine commun de la
communauté francophone, élément de notre identité
nationale et vecteur de rayonnement de notre pays, doit être
défendue, en France, dans l'Union européenne et dans le monde.
Dans cette perpective votre rapporteur invite le gouvernement à :
- favoriser une pleine efficacité de l'action francophone en confiant
à un ministre délégué auprès du ministre des
affaires étrangères la charge des dossiers de la francophonie,
des relations culturelles extérieures et de l'audiovisuel
extérieur ;
- développer une politique volontariste en faveur de la langue
française et du plurilinguisme dans les institutions communautaires et
internationales ;
- accroître les moyens affectés aux associations francophones ;
- encourager les collectivités locales à s'investir dans des
projets de coopération décentralisée ;
- favoriser l'accueil des étudiants étrangers en France.
Le rapporteur, approuvé par la commission des affaires culturelles,
confirme enfin solennellement son opposition absolue à toute mesure de
régulation budgétaire qui amputerait cette année encore
une partie du budget de la francophonie. De telles mesures remettent en cause
le principe même de l'autorisation budgétaire et risqueraient
surtout d'altérer la crédibilité de notre politique
francophone.
EXAMEN EN COMMISSION
La commission a examiné le
rapport pour avis
de
M. Jacques Legendre
sur
les crédits de la
francophonie
inscrits dans le projet de loi de finances pour 1998, au cours
d'une séance tenue le mercredi 19 novembre 1997, sous la
présidence de son président M. Adrien Gouteyron
.
Un débat a suivi l'exposé du rapporteur pour avis.
Evoquant la place du français dans les organisations internationales,
M. Franck Sérusclat
a regretté que certains
représentants de l'Etat s'expriment parfois en public dans une autre
langue que le français. Il s'est interrogé sur
l'opportunité de créer un ministère chargé de la
francophonie, observant que l'augmentation du nombre de ministères avait
un coût. Il a enfin demandé si le contexte dans lequel
l'élection de Boutros Boutros-Ghali s'était
déroulée ne manifestait pas un mécontentement profond des
pays africains à l'égard de la francophonie.
Evoquant la place du français dans les institutions européennes,
M. Pierre Laffitte
a regretté que dans le domaine de la
recherche les réponses aux appels d'offre correspondant aux actions
prévues par le programme-cadre de recherche et de développement
(PCRD), que la France finance à hauteur de 17 %, doivent
impérativement être formulées en anglais. Il a
estimé que face à cette situation, les pouvoirs publics
français devaient faire preuve de fermeté et
éventuellement conditionner leur contribution financière au
respect du statut de la langue française.
M. Ivan Renar
a fait observer que la politique française en
faveur de la francophonie manquait de lisibilité et a souhaité la
création d'un secrétariat d'Etat à la francophonie. Il a
demandé des précisions sur le rôle, le fonctionnement et le
financement du secrétariat général de la francophonie. Il
a fait observer qu'il était aujourd'hui difficile de considérer
l'Afrique comme la seule zone de développement de la francophonie. Il a
enfin regretté que le ministre de l'éducation nationale ait
déclaré que l'anglais ne devait plus être
considéré comme une langue étrangère,
déclaration qui pourrait être mal comprise.
Mme Danièle Pourtaud
s'est demandée s'il ne serait pas
possible, pour clarifier la répartition des responsabilités
gouvernementales en matière de francophonie, de confier ce secteur
à un délégué interministériel. Après
avoir souligné la nécessité de poursuivre la
restructuration du secteur de l'audiovisuel extérieur, elle a
jugé qu'il serait souhaitable de développer sur les chaînes
de télévision francophones la diffusion d'émissions
d'enseignement du français. Elle a souligné l'insuffisance du
nombre de places dans les écoles et lycées français
à l'étranger ainsi que le coût élevé des
frais de scolarité dans ces établissements. Elle a insisté
sur la nécessité de promouvoir la francophonie dans les nouveaux
médias, observant que 80 % des logiciels éducatifs et
culturels étaient en anglais. Evoquant la place du français en
Europe, elle a relevé que l'Institut Monétaire Européen
travaillait presque exclusivement en anglais.
M. Albert Vecten
s'est félicité du volontarisme du rapport
en soulignant que la promotion de la francophonie exigeait non seulement des
crédits mais également une réelle mobilisation.
M. André Maman
a souhaité que les établissements
scolaires à l'étranger reviennent sous la responsabilité
du ministère de l'éducation nationale. Il a regretté que
les universités françaises ne se fassent pas connaître
davantage à l'étranger. Il a souligné que les
difficultés à obtenir un visa constituaient un frein à la
venue d'étudiants étrangers en France. Il a estimé
nécessaire de faciliter l'accueil des étudiants étrangers
en France, et réciproquement de promouvoir la formation
d'étudiants français à l'étranger. Il s'est ensuite
interrogé sur les motivations réelles des pays d'Europe de l'Est
à adhérer aux institutions francophones. Evoquant le statut de la
langue française comme langue de communication internationale, il a
souligné la situation difficile des chercheurs scientifiques qui sont
condamnés à publier en anglais s'ils veulent être reconnus.
Il s'est enfin enquis des raisons qui ont conduit à choisir Moncton, au
Nouveau-Brunswick, comme lieu du prochain Sommet des chefs d'Etat et de
gouvernement ayant le française en partage.
M. André Egu
a déploré la diminution des
crédits consacrés aux associations francophones. Il a
indiqué qu'il y avait une forte demande de projets de coopération
décentralisée, à laquelle les collectivités locales
françaises ne répondaient que partiellement. Evoquant l'exemple
de quarante députés ukrainiens qui apprenaient le
français, il a fait observer qu'il existait dans les pays de l'Est de
nombreux francophiles. Il a enfin regretté que l'accueil des
étudiants étrangers ne soit pas davantage facilité.
Répondant aux différents intervenants,
M. Jacques
Legendre, rapporteur pour avis
, a apporté les précisions
suivantes :
- la création d'un secrétariat d'Etat ou d'un ministère
délégué à la francophonie, aux relations
culturelles extérieures et à l'audiovisuel extérieur
n'augmenterait pas le nombre des structures administratives mais permettrait
d'assurer, sous l'autorité d'un seul responsable politique, une
meilleure coordination et une plus grande efficacité des nombreux
services qui concourent aujourd'hui à l'action francophone. Compte tenu
de la dimension internationale de la francophonie, il ne paraît pas
possible de confier cette responsabilité à un
délégué interministériel ;
- il est inadmissible qu'un représentant de la France s'adresse en
public dans une autre langue que le français. Ce type de comportement
est d'ailleurs contraire à la circulaire du 12 avril 1994 relative
à l'emploi de la langue française qui rappelle que les agents
publics ont des obligations particulières pour assurer l'usage et le
rayonnement de la langue française ;
- le mécontentement qui s'est manifesté chez certains
représentants africains à l'occasion du Sommet de Hanoi ne doit
pas être surestimé. Il est essentiellement lié à la
politique menée par le nouveau Président du
Congo-Zaïre ;
- le secrétaire général de la francophonie sera le
représentant officiel de la francophonie, l'ordonnateur des
décisions prises par les chefs d'Etat et le premier responsable de
l'Agence de la francophonie. M. Boutros Boutros-Ghali sera secondé
à ce poste par M. Dehaybe qui a été nommé
administrateur de l'Agence. La contribution de la France à la mise en
place du secrétariat général de la francophonie
s'élèvera pour 1998 à 4 millions de francs,
dépense dont on peut penser qu'elle sera compensée par l'effort
de rationalisation des dépenses de l'Agence qui devrait accompagner la
mise en place de ses nouvelles structures ;
- le nombre de locuteurs francophones dans le monde dépend encore
largement de l'Afrique, dont la croissance démographique reste
très élevée. Cependant, il faut veiller à enrayer
la crise que connaît le système éducatif de certains pays
africains, car le français disparaîtra si la scolarisation
régresse ;
- la volonté des pays de l'Europe de l'Est d'adhérer aux
institutions francophones peut tenir en partie au désir d'obtenir une
reconnaissance internationale, voire une aide financière, mais elle
procède aussi d'un réel attachement à la culture
française. Leur adhésion devrait néanmoins être
conditionnée à un certain nombre d'engagements à
l'égard de la francophonie ;
- une clarification des structures de l'action audiovisuelle extérieure
française s'impose effectivement ;
- la situation du français dans l'Union européenne et au Conseil
de l'Europe constitue un enjeu majeur pour la francophonie. La langue
française perdrait beaucoup de son influence si l'anglais devenait la
langue des relations extérieures de l'Union européenne ;
- le Nouveau Brunswick comprend une importante population francophone en Acadie
qui fêtera l'année prochaine le tricentenaire de la
présence française en Amérique du Nord. C'est pourquoi la
tenue du prochain Sommet de la francophonie à Moncton n'apparaît
pas injustifiée.
A l'issue de ce débat,
la commission, suivant la proposition de son
rapporteur, a décidé à l'unanimité de donner un
avis favorable à l'adoption des crédits de la francophonie pour
1998
.
1
Sénat, rapport n° 73
(1995-1996) - Vers un nouveau contrat pour l'enseignement des langues vivantes.
2
Assemblée nationale, Rapport n°384 (19971998)-
Les boursiers étrangers en France : errements et
potentialités.