III. PRINCIPALES OBSERVATIONS
1. La diminution des crédits de la coopération n'est pas illégitime
Dans le contexte actuel, il ne semble pas illégitime
que les crédits du ministère de la coopération continuent
de décroître. Au demeurant, on observera que la diminution des
crédits pour 1998 est inférieure à celle des années
précédentes (- 7,8 % en 1997).
Deux séries de considérations justifient en effet cette
diminution.
En premier lieu, on constate que la
situation économique de nombreux
pays du champ évolue favorablement
, plusieurs pays africains ayant,
cette année encore, constaté une croissance économique
supérieure à leur croissance démographique.
Par ailleurs, la hausse des cours des matières premières
conjuguées à des politiques économiques pertinentes
favorisant l'apparition d'une nouvelle croissance ont permis une
amélioration sensible des balances de paiements et une réduction
des déficits publics.
L'intégration régionale, dans laquelle la France a joué un
rôle non négligeable, a eu aussi un effet favorable dans la mesure
où elle sécurise l'investissement grâce à
l'amélioration du cadre institutionnel et de l'environnement juridique
et financier.
Enfin, la production agricole, que ce soit pour le coton, le cacao ou les
cultures vivrières, connaît des progrès très
significatifs et la dévaluation du franc CFA semble avoir
dynamisé la commercialisation des produits de l'élevage.
De ce fait, les programmes d'ajustement structurels peuvent continuer à
être réduits, même s'il convient de
rester attentif
aux difficultés sociales que connaissent les pays en phase d'ajustement.
Il convient de garder présent à l'esprit qu'une
coopération réussie est une coopération qui
disparaît.
En second lieu,
les difficultés budgétaires françaises
justifient également une diminution des crédits de la
coopération.
Dans un contexte marqué par la volonté de diminuer les
dépenses publiques, il semble légitime que le budget de la
coopération, comme la grande majorité des autres budgets, apporte
sa contribution à l'effort de redressement de nos comptes publics. Au
demeurant, le tassement des crédits de la coopération ne semble
pas compromettre les efforts de la France en faveur des pays du champ.
Pour autant, il convient de ne pas limiter par excès des crédits
qui engagent l'action internationale de la France. C'est pourquoi :
2. Il reste essentiel que la France maintienne son aide publique au développement à un niveau significatif
La dépense de coopération est d'abord utile
pour les pays qui en sont les destinataires.
Elle a sans doute beaucoup contribué à l'amélioration de
l'état sanitaire des populations africaines, amélioration
constatée aussi bien par le Centre international de l'enfance, que par
l'organisation mondiale de la santé (OMS) et le programme des Nations
Unies en faveur du développement (PNUD).
Ainsi, pour ne prendre que quelques exemples, l'espérance de vie
à la naissance est passée de 36 ans dans les années
1950-1955 à 44 ans dans les années 1970-1975 pour atteindre 50
ans dans les années 1990-1995. Ces progrès s'expliquent par une
couverture vaccinale plus étendue, l'efficacité accrue des
systèmes de santé et une transition démographique bien
engagée.
Le rapport mondial du PNUD sur le développement humain (1997) note des
progrès importants pour l'accès à l'eau potable et la
diminution du taux d'analphabétisme chez les adultes. Dans chacun des
cas analysés, l'aide extérieure et l'aide française en
particulier, ont eu un effet bénéfique. La production
cotonnière associée aux cultures vivrières en fournit la
meilleure preuve, tout comme les infrastructures de transport. Sans ces apports
de financement et d'expertise, il est probable que la situation aurait
empiré.
Par ailleurs, l'Afrique est plus que jamais présente dans le domaine
culturel. Des artistes et des créateurs africains ont acquis une
renommée internationale dans presque toutes les disciplines. Avec l'aide
de la coopération française, le patrimoine culturel, historique
et archéologique africain est valorisé et porté à
la connaissance des africains. Sa diffusion et sa promotion hors du continent
contribuent à améliorer l'image de l'Afrique.
Malgré l'ampleur des progrès qui restent à accomplir dans
de nombreux secteurs, on peut considérer que l'APD fournie par le
secrétariat d'État à la coopération a
contribué à répondre à des besoins exprimés
par les pays du champ, notamment les pays africains et, au niveau
macro-économique, ses effets sont jugés positifs. L'aide publique
a donc été utile.
Cependant, la persistance de conflits intérieurs affectant certains
États africains, les risques climatiques et sanitaires (VIH-SIDA...) et
l'existence de populations vivant des situations de grande pauvreté
prouvent que nombre de pays dépendent encore dans une large mesure de
l'aide extérieure. L'aide publique reste donc utile.
Mais la dépense en faveur de la coopération est
également riche de retombées pour la France, aussi bien en termes
politiques qu'économiques.
L'aide bilatérale étant en partie liée, on peut
considérer que son taux de retour est au moins égal à un.
Le rapport du Conseil économique et social sur le développement
du Tiers-Monde et la croissance française prouve que l'aide et les
échanges commerciaux avec les pays en développement sont
bénéfiques pour l'économie française aussi bien
pour la balance commerciale que pour les créations d'emploi.
Par ailleurs, selon un rapport du ministère des affaires
étrangères, l'aide française multilatérale
connaît des taux de retour commerciaux "
en rapport avec le rang
économique de la France
".
Les retombées politiques de l'aide multilatérale sont
jugées "
très satisfaisantes dans la mesure où nous
avons jusqu'ici réussi à faire largement prévaloir nos
vues sur la priorité aux pays les moins avancés et en particulier
l'Afrique sub-saharienne
".
Les votes à l'ONU, quand la France a été mise en cause,
par exemple lors de la reprise des essais nucléaires à Mururoa,
ou lorsque notre pays fait des propositions d'action ou encore soutient
certaines positions, prouvent la fidélité de la grande
majorité des pays bénéficiaires de l'aide
bilatérale. La même constatation vaut aussi pour des enjeux
permanents tels que la Francophonie.
La dépense en faveur de la coopération est donc utile pour les
retombées qu'elle apporte à la France et, au-delà de la
fierté légitime que l'on peut éprouver à
l'égard de la générosité de notre pays à
l'égard des pays en voie de développement, il faut
également considérer que la coopération a des
retombées tout à fait bénéfiques pour notre pays.
A cet égard, votre rapporteur se félicite du fait que les
crédits du FAC augmentent. En effet, cet instrument joue un rôle
particulièrement important dans la gestion de l'aide-projet. Or, les
crédits qui lui étaient affectés avaient malheureusement
atteint un niveau en deçà duquel il n'était pas
souhaitable de descendre.
3. Dans un contexte où l'aide publique au développement diminue, tout en restant nécessaire, il semble impératif de continuer de s'efforcer de "faire mieux en dépensant moins".
La nécessité d'accroître
l'efficacité de la dépense de coopération suppose de
réorienter notre aide en privilégiant l'aide-projet par rapport
à l'aide structurelle et l'assistance de conseil par rapport à
l'assistance de substitution
. Il est heureux que ces orientations soient
partagées par l'actuel gouvernement, comme elles l'étaient du
reste par l'ancien.
Mais elle suppose, également, de se pencher à nouveau sur la
question de l'organisation des structures
.
A cet égard, force est de constater que la réforme mise en
oeuvre en 1996 a eu des effets positifs.
Faut-il aller au-delà et fusionner le ministère de la
coopération avec celui des Affaires étrangères ? Faut-il
envisager la création d'une "Agence pour la coopération" ?
Votre rapporteur considère qu'il s'agit là de fausses pistes.
D'une part, le secrétariat d'État à la coopération
doit demeurer distinct de celui des affaires étrangères. Cette
structure ministérielle constitue en effet l'interlocuteur
irremplaçable de nombreux pays africains et contribue, de ce fait, au
maintien de l'influence de la France dans cette partie du monde. Par ailleurs,
les personnels de la "coopération" disposent d'un savoir-faire
distinct
qui complète utilement celui des autres administrations mettant en
oeuvre des actions d'aide publique au développement.
D'autre part, la création d'une "Agence", à l'instar de ce qui
existe aux Etats-Unis, aurait pour effet, du fait de la pluralité de
tutelles dont elle dépendrait immanquablement, d'affaiblir la marge
d'action du gouvernement dans un domaine au coeur des missions
régaliennes de l'État. Elle rendrait plus difficile aussi le
contrôle parlementaire dans un domaine où l'opinion publique exige
de la rigueur. De surcroît, la mise en place d'une telle structure
pourrait avoir des effets inflationnistes. Enfin, une telle modification de
notre dispositif ne semble pas correspondre aux souhaits de nos partenaires
étrangers.
Plus simplement, votre rapporteur suggère que soit approfondi l'effort
de coordination entre tous les acteurs de l'aide publique au
développement et que les procédures d'octroi de l'aide soient
améliorées.
Il serait souhaitable notamment :
1) de
procéder à un examen systématique de la
représentation française dans les pays du champ dans le but de
réduire les double-emplois entre les personnels de la Caisse
française et ceux des missions de coopération
. Il ne semble
pas en effet de bonne gestion d'avoir, pour un même pays, deux experts
compétents dans le même domaine, ce qui arrive très
fréquemment en matière d'agriculture où les
compétences de la CFD et celles des missions de coopération se
recoupent encore trop largement ;
2)
d'élaborer un règlement financier du FAC
- observation
déjà effectuée l'an passé - afin d'assurer une
exécution plus rapide et plus efficace des projets. Votre rapporteur a
pu en effet constater, à l'occasion de contrôles sur pièces
et sur place, les nombreux retards d'exécution intervenant dans les
décisions du FAC ;
3)
de supprimer ou de réduire les moyens administratifs dans des pays
qui ont maintenant assuré leur décollage économique
.
C'est le cas, par exemple, de l'île Maurice et des Seychelles ;
4)
de promouvoir une meilleure coordination entre les services de la
Commission européenne et les représentants des États
membres
;
5)
de préciser la situation de la coopération dans les
nouveaux pays du champ.
Toutefois, votre commission relèvera avec satisfaction
le
rééquilibrage intervenu
entre les crédits du FAC et
ceux de la CFD. Cette orientation semble en effet la bonne, dans la mesure
où, comme a pu le constater votre rapporteur à l'occasion de son
dernier contrôle budgétaire, les projets de la Caisse
française ne sont pas contrôlés aussi strictement que ceux
du FAC et visent parfois à satisfaire davantage les souhaits de la
Direction du Trésor, que ceux du ministre de la coopération.
4. Ne pas laisser se distendre le lien culturel fort qui existe entre la France et certains pays africains
La politique restrictive des visas accordés aux
étudiants, enseignants et chercheurs menée depuis plus d'une
dizaine d'année, conjuguée à la diminution continue des
crédits relatifs aux bourses de formation, ont conduit bon nombre
d'universitaires, notamment africains, à se détourner des
universités de notre pays et à effectuer leurs études
ailleurs, spécialement en Amérique du Nord. Aussi, le nombre de
dirigeants africains qui ne sont pas passés, à un moment ou
à un autre, dans nos filières d'enseignement supérieur,
augmente chaque année.
De ce fait, les conditions du dialogue entre les responsables de haut-niveau
français et africains sont insensiblement en train d'évoluer et
l'on peut craindre que la disparition de ce mélange de complicité
intellectuelle, de compréhension mutuelle, de confiance et d'estime
réciproques qui faisait que les interlocuteurs étaient, sinon
toujours en mesure de s'entendre, du moins de parler un langage commun, soit en
train de disparaître.
Il semble donc souhaitable, d'une part, d'ouvrir plus largement les conditions
d'accès de notre territoire universitaires les plus sérieux de
nos partenaires francophones et, d'autre part, de veiller au maintien des
crédits affectés aux bourses d'étude.
5. Veiller à ne pas laisser l'usage du Français disparaître dans les pays du champ
Force est de constater que la pratique du français
recule dans bon nombre des pays du champ et que son usage est parfois en passe
de disparaître complètement, comme c'est le cas au Vietnam.
Il serait donc nécessaire que soient adressés à ces pays,
les signaux nécessaires, notamment lors du prochain sommet de la
Francophonie, qui se tiendra à Hanoï à la mi-septembre, afin
d'enrayer cette funeste tendance.
6. Encourager la coopération décentralisée
Au moment où les collectivités locales s'investissent de plus en plus dans la coopération, le fait que les crédits affectés à cette action diminuent, (même s'il convient de prendre en compte les crédits affectés à cette action qui transitent par le FAC) ne constitue pas un bon signal.