II. PRINCIPALES OBSERVATIONS
Première observation
Les crédits affectés à la section transports terrestres du
ministère de l'équipement, du logement et des transports
évoluent modérément : + 0,8 % en moyens de
paiement, à 44,9 milliards de francs.
En réalité,
l'effort de l'Etat en faveur des transports
terrestres est le plus important jamais réalisé
, avec
57,3 milliards de francs. Il faut en effet ajouter aux 44,9 milliards
de francs de la section, 1,6 milliard de francs en provenance des comptes
spéciaux du trésor (FITTVN et FARIF) et la dotation en capital
à Réseau ferré de France, de 10 milliards de francs.
A périmètre constant, cet effort croît de 5,6 % par
rapport à 1997, mais c'est lors de cet exercice qu'une évolution
sensible s'est produite, puisque l'effort total n'était que de
46 milliards de francs en 1995. A cette époque, votre rapporteur
annonçait que la dette de la SNCF laissait se profiler un alourdissement
de la charge de l'Etat de l'ordre de 10 milliards de francs. Ce pronostic
se vérifie aujourd'hui.
L'analyse de ces crédits dégage trois facteurs de hausse : les
besoins en capital de Réseau ferré de France, chargé de la
dette et du financement des infrastructures ferroviaires
(+ 2 milliards de francs) ; la construction du TGV
Méditerranée (+ 0,3 milliard de francs sur le FITTVN) ;
les frais de fonctionnement et le déficit d'exploitation des transports
franciliens (+ 160 millions de francs).
Deuxième observation
Votre rapporteur ne peut qu'exprimer sa satisfaction devant le
ralliement du
Gouvernement à la réforme de la SNCF
. Celle-ci se
révèle en effet le seul moyen d'opérer un redressement
durable de l'entreprise publique.
La mise en oeuvre dans six régions de l'expérience de
régionalisation des services régionaux de voyageurs ne suscite
pas de critiques. Au contraire, de nouvelles régions sont candidates, en
particulier le Limousin.
Le coeur de la réforme, à savoir la création d'un
établissement public nouveau, Réseau ferré de France
(RFF), propriétaire et financeur des infrastructures, était plus
controversé. Le Gouvernement a finalement admis le bien-fondé de
la réforme, en concédant la nécessité de
séparer la maîtrise d'oeuvre de la maîtrise d'ouvrage pour
la construction et l'entretien des lignes de chemin de fer. Bien qu'elle ne
garantisse pas de façon absolue le redressement de la SNCF, cette
réforme supprime le principal facteur de ses difficultés
financières. En effet, la dette accumulée par l'entreprise
résultait principalement du financement des infrastructures.
Le Gouvernement n'apporte à ce sujet que des aménagements
mineurs : dans l'immédiat, la SNCF se voit allégée de
20 milliards de francs de dette supplémentaires ; à terme,
une structure de coordination entre la SNCF et RFF devrait voir le jour. De son
côté, la SNCF doit procéder à la création de
deux mille emplois, dont mille postes de cheminots et mille
"emplois-jeunes",
ayant vocation à bénéficier à terme du statut de
cheminot. Ces personnes seront affectées prioritairement au contact avec
la clientèle. Le coût pour l'entreprise serait de l'ordre de
300 millions de francs en 1998.
La balle est désormais dans le camp de la SNCF et de son personnel. Avec
une dette allégée de 155 milliards de francs et
l'allégement du fardeau de l'infrastructure, l'entreprise doit
rapidement retrouver l'équilibre. Avec deux mille emplois
supplémentaires, un régime de retraite et de
sécurité sociale sensiblement plus favorable que dans le secteur
privé
33(
*
)
, et la
garantie de l'emploi, les cheminots devraient être motivés pour
réussir. L'effort de la Nation en faveur des chemins de fer
exploités par la SNCF atteindra en 1998 le montant sans
précédent de plus de 64 milliards de francs
34(
*
)
. Le pays est en droit d'attendre de
cet effort un véritable renouveau du transport ferroviaire.
Troisième observation
La
contribution aux transports collectifs d'Ile-de-France
augmente
sensiblement. Mais il ne s'agit pas, malgré les apparences, d'un effort
pour soulager une région congestionnée par la circulation
routière, asphyxiée par la pollution. Il s'agit essentiellement
de combler l'écart entre les charges de fonctionnement et les recettes
d'exploitation d'un service qui souffre de la désaffection de ses
clients.
La situation des transports franciliens est en effet paradoxale. Un sondage
réalisé récemment pour le compte du comité de
promotion des transports publics montre que 64 % des sondés pensent
que la limitation de la circulation automobile en zone urbaine est
inévitable, et que 62 % pensent que les transports publics seront
utilisés de plus en plus. Pourtant, le trafic voyageurs sur le
réseau d'Ile-de-France reste, en 1997, inférieur à celui
de 1989, alors même que la capacité de transport a augmenté
de 7 % dans la période. Depuis 1986, le prix du billet a
augmenté de 33 % de plus que l'inflation, et cette hausse n'est
peut-être pas étrangère à la désaffection du
public. Mais cette augmentation du coût répercuté sur
l'usager n'a pas empêché une sollicitation accrue des
collectivités publiques et des entreprises, via le versement de
transport. Celui-ci devrait rapporter 12 milliards de francs en 1998, soit
850 millions de francs de plus qu'en 1996, et il est affecté pour
l'essentiel au fonctionnement de la RATP et de la SNCF Ile-de-France. Cela
n'empêche pas la contribution de l'Etat à ce titre d'augmenter
fortement.
Peut-on admettre de faire peser sur le contribuable le poids toujours croissant
d'un service rejeté par ceux auxquels il est destiné, et qui
pourtant en ressentent un besoin impérieux ? Il y a là une
inadaptation, et même un profond malaise, que le syndicat des transports
parisiens, la SNCF et la RATP se doivent de résoudre au plus vite.
Quatrième observation
Les
subventions d'investissement aux transports collectifs de province
retrouvent le chemin de la croissance, avec 646 millions de francs
d'autorisations de programme (+ 11 %).
Cette dotation permettra d'apporter une aide financière aux
métros ou VAL de Lille, Lyon et Rennes, aux tramways de Rouen,
Montpellier, Grenoble, Orléans, Strasbourg et Nantes, aux bus de
Saint-Denis-de-La-Réunion et Rennes.
La réussite des travaux déjà réalisés,
notamment le tramway de Strasbourg, qui déplace 68.000 voyageurs
par jour (25 % de plus que l'objectif initial) encourage à
poursuivre dans cette voie.
Cinquième observation
L'action opiniâtre des élus membres du comité de gestion
du fonds d'investissement des transports terrestres et des voies navigables a
permis d'augmenter sensiblement la
dotation destinée aux voies
fluviales
pour 1998. Toutefois, avec 430 millions de francs, celle-ci
reste très inférieure au produit attendu de la taxe sur les
ouvrages hydroélectriques concédés, dont le tarif est
doublé par l'article 22 du présent projet de loi de
finances, et qui sera d'un montant de 1,69 milliard de francs pesant sur
EDF.
La situation en matière de grands projets est désormais
clarifiée : la mise à grand gabarit du canal
Rhin-Rhône est abandonnée, la priorité est désormais
clairement donnée à la voie fluviale Seine-Nord. Celle-ci, qui
permettra de relier l'Ile-de-France au bassin de l'estuaire du Rhin, a une
pertinence économique incontestable, en reliant, sur une distance
relativement brève, deux zones très denses en population et en
activités.
Néanmoins, il est encore trop tôt pour prétendre que la
liaison Rhin-Rhône est abandonnée pour toujours. Son coût
financier, ses inconvénients environnementaux, paraissent aujourd'hui
supérieurs aux avantages qu'il serait possible d'en retirer. Sera-ce
encore le cas dans trente ou soixante ans ?
Sixième observation
Le montant des
dotations affectées aux transport routier
est
désormais significatif : 144,5 millions de francs, plus du double
de celui de l'exercice 1997.
Cette évolution est essentiellement liée aux accords tripartites
Etat-conducteurs-entreprises de novembre 1996, et qui ont mis fin à une
importante grève des conducteurs. Afin de subventionner la cessation
d'activité à 55 ans des chauffeurs routiers, l'Etat versera
79 millions de francs à la caisse autonome de retraites
complémentaires et de prévoyance des transports en 1998.