II. LA PERSISTANCE DES DIFFICULTÉS DE FINANCEMENT

Quoique contesté par les chaînes privées, le principe d'un financement mixte combinant ressources publiques et privées ne peut pas être remis en cause.

En revanche, ce qui perturbe le développement du secteur public, c'est un certain nombre de déficiences structurelles qui affectent le mode et le volume du financement public de l'audiovisuel.

Le secteur public pâtit, d'une part, de l'insuffisance de l'assiette de la redevance et du manque de prévisibilité des fonds publics affectés aux chaînes et, d'autre part, de la part excessive des recettes publicitaires dans les ressources des chaînes.

A. L'INSUFFISANCE DE L'ASSIETTE DE LA REDEVANCE

L'étroitesse de l'assiette de la taxe parafiscale finançant l'audiovisuel public est l'une des caractéristiques les plus singulières de notre pays. Aucun autre pays démocratique ne compte autant de foyers de téléspectateurs exonérés. Il s'agit de la conséquence d'un décret " télécide " datant de novembre 1982, dont il était alors convenu de considérer qu'il s'agissait d'un geste de solidarité sociale.

Un correctif est intervenu en décembre 1996, qui, tout en étant contestable au regard de l'égalité entre les citoyens, ne fait pas disparaître le besoin d'une adaptation du régime d'exonération de la redevance.

1. Le décret " télécide " de novembre 1992 et ses conséquences

Il faut, en effet, rappeler que, si le principe des exonérations est confirmé par l'ordonnance du 14 février 1959, leur champ d'application s'est trouvé considérablement étendu par le décret n° 92-971 du 17 novembre 1982.

En application de ce décret, repris et complété par le décret n° 92-304 du 30 mars 1992, sont exonérés :

1°) les personnes physiques remplissant les conditions suivantes :

- avoir 60 ans révolus au 1er janvier de l'année en cours,

- ou bien

- être infirme ou invalide au taux minimum de 80 %,

- ne pas être passible de l'impôt sur le revenu, c'est-à-dire avoir une cotisation d'impôt sur le revenu inférieure au minimum de recouvrement. Cette limite est appréciée, après réintégration des avoirs fiscaux ou crédits d'impôts, des réductions d'impôts et de certains revenus exonérés en France,

- ne pas être passible de l'impôt de solidarité sur la fortune,

- vivre seul ou avec son conjoint et, éventuellement, avec des personnes à charge ou avec d'autres personnes non passibles de l'impôt sur le revenu, avec une tierce personne chargée d'une assistance permanente, ou avec ses parents en ligne directe, si ceux-ci ne sont pas eux-mêmes passibles de l'impôt sur le revenu.

2°) les établissements hospitaliers, sous réserve de ne pas être assujettis à la TVA, habilités à recevoir les bénéficiaires de l'aide sociale, et les établissements hospitaliers ou de soins, à l'exception des appareils destinés à l'usage privatif des personnels de ces établissements.

Ainsi, comme permet de le constater le tableau ci-joint, le nombre des comptes de redevance exonérés est passé de 1 054 000 en 1983 à 4 335 000 en 1992.

Ce quadruplement, qui aboutit à ne pas faire payer la redevance par presque un Français sur cinq
, résulte des critères, essentiellement d'âge et de revenus, à partir desquels sont définies les conditions d'exonération.

Or une telle définition est lourde de conséquences pour le rendement de la redevance en raison du vieillissement de la population et de l'augmentation des personnes non imposables.

Certes, on s'est efforcé de réagir mais de façon trop timide.

Ainsi, le décret, n° 93-1314 du 20 décembre 1993, a prévu de faire passer progressivement l'âge requis pour pouvoir bénéficier de l'exonération de la redevance de 60 à 65 ans dans les conditions suivantes :

- relèvement de l'âge minimal de 60 à 61 ans en 1994,

- de 61 à 62 ans en 1995,

- de 62 à 63 ans en 1996,

- de 63 à 64 ans en 1997,

- de 64 à 65 ans en 1998.

Mais, après les deux premières années de mise en oeuvre, il s'avère que l'effet de cette mesure sur l'évolution du nombre de comptes exonérés n'a pas été celui escompté. En effet, les comptes exonérés n'ont diminué que de 8 483 unités en 1994 et 28 660 unités en 1995.

Une étude réalisée par le service de la redevance au premier semestre 1996 permet d'expliquer les résultats relativement décevants de cette mesure.

Il apparaît, en effet, que les " entrées " en exonération se font très majoritairement au-delà de 65 ans ; près de 90 % des nouveaux exonérés recensés par l'enquête portant sur 2 400 dossiers reçus en avril-mai 1996, sont en effet nés avant 1931.

Dans plus de la moitié des cas, le caractère tardif de demandes d'exonération trouve son origine dans la mise en jeu de dispositifs fiscaux spécifiques ou concernant naturellement plus les personnes âgées :

- soit que ces dispositifs leur bénéficient directement : abattement accordé aux personnes de plus de 65 ans, abattement pour les veufs ou veuves de plus 75 ans ayant une carte d'ancien combattant ou une pension militaire d'invalide...,

- soit qu'ils intéressent plus particulièrement les personnes âgées du fait que certaines situations sont plus fréquentes dans cette catégorie de la population (baisse des revenus, décès du conjoint...).

En définitive, la nouvelle mesure relative à la condition d'âge a évité jusqu'en 1995 une réduction du produit de la redevance liée à l'exonération, mais n'a pas apporté véritablement de ressources nouvelles.

Ce n'est qu'à partir de l'année 1996 qu'elle a véritablement commencé à avoir des effets significatifs sur l'évolution du nombre de comptes exonérés : au 31 décembre 1996, celui-ci a baissé de 116 000 par rapport à la fin 1995 et si l'on compare le niveau des comptes exonérés au 30 juin 1997 par rapport à celui au 30 juin 1996, la baisse est encore plus nette sur ces 12 derniers mois, puisqu'elle est voisine de 168 000 unités.

2. Le décret n° 96-1220 du 30 décembre 1996 et ses inconséquences

Pour votre rapporteur, il était clair que le décret de 1993 n'avait pas stoppé la dynamique des exonérations.

Telle est la raison pour laquelle il a déposé lors de la discussion du projet de loi de finances pour 1997 un amendement restreignant le bénéfice d'exonération en ce qui concerne les personnes âgées, aux seules titulaires de l'allocation supplémentaire du Fonds national de solidarité.

L'initiative n'obtint guère de soutien, ni du Sénat, ni du ministre de la Culture et de la Communication de l'époque, soucieux, déclare-t-il de ne pas aggraver la " fracture sociale ". Mais, miraculeusement, elle se " réincarna ", en partie du moins, dans le décret n° 96-1220 du 30 décembre 1996.

A partir de 1998, pour être exonéré de la redevance, il conviendra , pour les personnes remplissant la condition d'âge (avoir 65 ans au 1er janvier 1998), d'être titulaire de l'allocation supplémentaire définie aux articles L 815-2 et suivants du code de la sécurité sociale . Les conditions de revenus resteront toutefois inchangées pour les invalides.

Cette mesure ne s'appliquant qu'aux nouvelles demandes d'exonérations, le service de la redevance devra, à compter de 1998, gérer deux fichiers d'exonérés au titre des personnes âgées : le premier concernant toutes les demandes acceptées avant le 1er janvier 1998 (les " droits acquis " devant continuer à être soumis à la condition de revenu antérieure, - être non imposable - pour être renouvelés) et le second s'appliquant aux demandes présentées à compter du 1er janvier 1998 et soumises à la condition de revenu nouvellement définie, le bénéfice de l'allocation supplémentaire du Fonds national de solidarité.

Loin de se satisfaire de ce qui n'est qu'une demi-mesure, votre rapporteur considère que ce nouveau décret, critiquable au regard de l'égalité des citoyens, n'est pas à la hauteur des problèmes de financement du secteur public.

Le correctif apporté par le décret de décembre 1996 est, en effet, non seulement injuste - peut-on vraiment parler de " droits acquis " pour certains et créer deux régimes différents pour des personnes placées dans des situations identiques - mais insuffisant car il ne règle pas le problème de fond qui est la structure du financement de l'audiovisuel public.

La situation française reste profondément malsaine. Non seulement le taux de la redevance est plus faible qu'ailleurs. Le poids de ces exonérations 8( * ) pèse de toute façon sur les contribuables-téléspectateurs-consommateurs par le biais du remboursement d'une partie, via le budget de l'État et, pour le reste, via le marché publicitaire.

3. La suppression de l'automaticité des exonérations de redevance : une mesure nécessaire à l'assainissement du financement de l'audiovisuel public.

Les dispositions du décret de décembre 1996 doivent donc être étendues à tous, sans qu'il soit tenu compte des situations acquises. Il s'agit d'une mesure conforme à l'équité, mais également aux intérêts du secteur public.

Le montant annuel des pertes de recettes dues aux exonérations de redevance est estimé à 2 614 millions de francs en 1997.

L'application intégrale, sans " droits acquis ", du nouveau régime institué par le décret de 1996 devrait rapporter presque 1,7 milliard de francs. En effet, sachant qu'il y a actuellement 3 190 000 comptes exonérés " personnes âgées " et que le nombre de ces comptes correspondant à des bénéficiaires du Fonds national de solidarité peut être estimé à 900 000, la mesure proposée par votre rapporteur devrait a priori rapporter (3 190 000 - 900 000) x 735 francs, soit 1 683 millions de francs 9( * ) .

Le dispositif actuel a, au surplus, l'inconvénient d'accroître les frais de perception puisque le service de la redevance doit maintenant gérer une catégorie de redevables supplémentaire.

4. La lutte contre l'évasion : un complément nécessaire

Même si l'évolution du produit de la redevance fait apparaître d'année en année une augmentation supérieure à celle de la taxe, traduisant les efforts entrepris par le service de la redevance, l'évasion reste un phénomène considérable, de l'ordre de 7 à 8 % des ménages équipés.

L'évaluation de ce qu'il est convenu d'appeler la fraude à la redevance recouvre en fait plusieurs situations :

- la non déclaration d'appareils récepteurs,

- la non déclaration de la détention d'un appareil " couleur ", pour un ménage titulaire d'un compte " noir et blanc ", situation qui devient marginale,

- la non déclaration d'une modification dans la situation d'un ménage, pouvant conduire à suspendre le bénéfice de l'exonération et à remettre le compte exonéré en catégorie payante,

- la non déclaration d'un changement d'adresse qui, temporairement ou définitivement, peut conduire à l'arrêt du fonctionnement du compte.

Les cas de non déclaration de détention d'appareils récepteurs correspondent eux-mêmes à diverses situations, dont la fraude véritable ne représente qu'une partie : réelle volonté d'échapper à la redevance, ou à l'opposé, méconnaissance de la réglementation ou bien encore négligence.

C'est pourquoi le terme " évasion ", de sens plus large, paraît plus approprié que celui de fraude pour évoquer ces divers types de situation, que l'on estime de la façon suivante :

A partir de l'estimation annuelle du nombre de ménages (INSEE) et du taux de premier équipement en appareils de télévision (INSEE, Médiamétrie ; ce taux semble maintenant stabilisé à 95 %), le service de la redevance compare le nombre de ménages statistiquement équipés au nombre de comptes redevance ouverts dans ses fichiers au titre des résidences principales (après déduction des comptes de redevance ouverts au titre d'une activité professionnelle et des comptes de résidence secondaire). Cette différence donne une estimation des ménages équipés ne figurant pas dans le fichier redevance.

Ainsi, la dernière évaluation effectuée en juin 1997 a fait apparaître un nombre de comptes manquants égal à 1,7 million correspondant à un taux d'évasion de 7,7 %. Ce calcul 10( * ) permet d'approcher assez précisément (avec une fourchette de 1 %) le taux d'évasion à la taxe, apprécié en importance et en pourcentage du nombre de comptes manquants. Ce taux représente, bien entendu, la valeur de référence moyenne pour l'ensemble du territoire, avec des variations selon les secteurs géographiques.

Ces chiffres doivent néanmoins être remis dans leur contexte, si l'on veut apprécier les gains à escompter d'un renforcement des contrôles.

D'une part, le fait qu'il y ait un nombre plus important de ménages 11( * ) ne signifie pas pour autant qu'il y ait un nombre plus important de redevables, au regard de la " notion de foyer " retenue par l'assiette de la redevance (ainsi plusieurs ménages, au sens fiscal, vivant sous le même toit, ne sont redevables que d'une redevance par foyer).

D'autre part, dans les 1,7 million de comptes manquants, existe une part d'évasion incompressible en raison de son constant renouvellement dû aux mouvements de population, à l'arrivée de nouveaux détenteurs et au renouvellement permanent du fichier.

Cette évasion incompressible est estimée par le service de la redevance à 4 % du nombre de détenteurs d'appareils.

L'enjeu des contrôles porte donc sur 3 à 4 % des ménages équipés, soit près de 800 000 comptes à ouvrir, correspondant à environ 500 millions de recettes supplémentaires.


Des mesures ont déjà été prises pour réduire cette évasion. En particulier à l'initiative de votre rapporteur, la loi n° 96-314 du 12 avril 1996 permet la communication du fichier de la taxe d'habitation au service de la redevance de l'audiovisuel.

En effet, il a fallu tenir compte de l'avis de la Commission nationale de l'informatique et des libertés - délibération n° 93-058 et avis n° 95-154 - selon lequel " l'utilisation par un service, qui n'est pas chargé du recouvrement d'un impôt ou d'un droit, d'informations couvertes par le secret fiscal doit être autorisée par une disposition législative levant expressément le secret professionnel ".

Cette mesure, opérationnelle dès 1997, a pour effet d'accroître la productivité du service puisque le rapprochement des fichiers redevance et taxe d'habitation permet, à moyens en personnels équivalents, d'augmenter sensiblement les ouvertures de comptes et d'élargir dans les meilleures conditions de rendement, l'assiette de la taxe.

Maintenant, des progrès pourraient encore être faits dans la lutte contre l'évasion. Si l'on peut comprendre qu'on ne puisse avoir accès aux fichiers des sociétés qui commercialisent les abonnements au câble et au satellite, il devrait être possible d'exiger des vendeurs qu'ils demandent aux souscripteurs de fournir nom et adresse, voire le numéro de compte redevance, et qu'ils satisfassent aux mêmes types d'obligation que celles imposées pour la vente des téléviseurs. Dans le même ordre d'idée, la vente de paraboles pourrait être soumise au même régime administratif - tenue d'un registre - que les appareils de télévision

Situation au 31 juillet 1997

Répartition générale

 

Payants

Non payants

Total

Métropole

16 544 524

3 755 131

20 299 655

Outre-mer

255 772

48 803

304 575

 

16 800 296

3 803 934

20 604 230

Comptes en instance de transfert

34 037

1 139

35 176

Total général

16 834 333

3 805 073

20 639 406

Répartition par région

Région

Payants

Non payants

Total

 

Nord

 
 
 

59

Nord

692 551

164 153

856 704

62

Pas-de-Calais

382 773

118 634

501 407

 
 
1 075 324

282 787

1 358 111
 

Picardie

 
 
 

2

Aisne

152 066

38 801

190 867

60

Oise

216 196

34 511

250 707

80

Somme

155 885

42 947

198 832

 
 

524 147

116 259

640 406

 

Haute-Normandie

 
 
 

27

Eure

154 078

28 359

182 437

76

Seine-Maritime

369 436

74 871

444 307

 
 

523 514

103 230

626 744

 

Basse-Normandie

 
 
 

14

Calvados

181 083

41 265

222 348

50

Manche

132 867

46 383

179 250

61

Orne

79 540

27 510

107 050

 
 

393 490

115 158

508 648

 

Ile-de-France

 
 
 

75

Paris

674 079

82 329

756 408

77

Seine-et-Marne

330 584

36 938

367 522

78

Yvelines

388 080

29 675

417 755

91

Essonne

321 167

26 504

347 671

92

Hauts-de-Seine

431 185

38 973

470 158

93

Seine-Saint-Denis

357 610

51 167

408 777

94

Val-de-Marne

358 604

39 842

396 446

95

Val d'Oise

304 765

31 115

335 880

 
 
3 166 074

336 543

3 502 617
 

Champagne

 
 
 

8

Ardennes

83 082

22 305

105 387

10

Aube

91 712

19 069

110 781

51

Marne

172 222

27 992

200 214

52

Haute-Marne

58 085

16 790

74 875

 
 

405 101

86 156

491 257

Région

Payants

Non payants

Total

 

Lorraine

 
 
 

54

Mthe et Melle

207 148

44 066

251 214

55

Meuse

56 602

16 765

73 367

57

Moselle

287 816

64 122

351 838

88

Vosges

109 952

30 459

140 411

 
 

661 518

155 412

816 930

 

Alsace

 
 
 

67

Bas-Rhin

293 411

48 161

341 582

68

Haut-Rhin

214 303

33 026

247 329

 

Bretagne

 
 
 

22

Côtes d'Armor

156 158

57 343

213 501

29

Finistère

243 453

77 311

320 764

35

Ille-et-Vilaine

233 464

61 643

295 107

56

Morbihan

181 977

55 790

237 767

 
 

815 052

252 087

1 067 139

 

Pays de la Loire

 
 
 

44

Loire-Atlantique

322 805

68 107

390 912

49

Maine et Loire

194 665

52 684

247 249

53

Mayenne

76 338

26 227

102 565

72

Sarthe

157 780

38 983

196 763

85

Vendée

147 860

47 274

195 763

 
 

899 448

233 175

1 132 623

 

Centre

 
 
 

18

Cher

97 499

26 440

123 939

28

Eure-et-Loir

120 705

22 625

143 330

36

Indre

69 653

24 235

93 888

37

Indre-et-Loire

163 468

36 949

200 417

41

Loir-et-Cher

94 916

24 015

118 931

45

Loiret

186 242

31 775

218 020

 
 

732 483

166 042

898 525

 

Bourgogne

 
 
 

21

Côte d'Or

149 918

28 911

178 829

58

Nièvre

71 664

20 245

91 909

71

Saône-et-Loire

163 143

46 778

209 921

89

Yonne

104 177

23 331

127 508

 
 

488 902

119 265

608 167

B. LA PART EXCESSIVE DES RECETTES PUBLICITAIRES

L'année dernière notre rapport tirait une fois de plus la sonnette d'alarme : il y a trois fois plus de messages publicitaires à la télévision qu'il y a 10 ans !

Trois fois plus de messages publicitaires à la télévision en dix ans

 

1986

1987*

1988

1989

1990

1991

1992**

1993

1994

1995

1996

Nombre de spots

140 317

174 819

167 964

228 381

252 164

294 221

307 216

329 432

374 105

429 928

 
Durée annuelle (1)

52 970

62 806

57 962

78 743

89 306

102 127

106 261

110 271

126 646

148 540

 
Nombre de marques

1 746

2 049

2 023

2 221

2 436

2 567

2 731

3 059

3 423

3 577

 

* Début de M6

** Arrêt de La 5

(1) En minutes


Les excès de publicité sur les écrans publics sont responsables de cette course à l'audience qui ont pu faire dériver France Télévision mais ils pourraient également faire déraper l'ensemble du secteur car trop de pub tue la pub !

Il faut rétrospectivement comprendre qu'il n'est pas possible d'accorder de généreuses exonérations, de créer de nouvelles chaînes sans donner au secteur public les ressources dont il a besoin .

Faire reposer le financement du secteur public sur la publicité, c'est changer les règles du jeu et substituer une logique commerciale à celle du service public.

Dépasser le seuil de 50% de recettes publicitaires et de parrainage, ce qui s'est produit pour la première fois en 1997 pour France 2, c'est franchir une ligne au-delà de laquelle on est sûr de changer la nature du système.


De ce point de vue, votre rapporteur attire l'attention sur le fait que l'engouement actuel pour le format de 52 minutes par opposition à celui de 90 minutes qui caractérise traditionnellement la fiction française, doit être remis dans son contexte.

Certes, le choix de ce format qui domine le marché international est une bonne chose du point de vue des exportations et votre rapporteur s'en félicite. Mais, derrière les affirmations du type " la télévision doit revenir à une écriture qui lui soit propre ", il y a des réalités commerciales : passer des formats de 52 minutes en prime time permet de multiplier les écrans publicitaires aux moments les plus rentables de la soirée .

L'engagement pour le 52 minutes, voire le 26 minutes, tient tout autant à la nécessité de faire des séries plus vivantes qu'à des arrière-pensées commerciales.

Bien avant le seuil de 50 % de recettes d'origine publicitaire, il est clair que les impératifs d'audience prennent le pas sur ceux résultant des missions de service public : l'affaire dite des animateurs-producteurs en est la manifestation la plus caricaturale mais d'autres, en elles-mêmes non critiquables comme celle des provisions pour dépréciation de programmes, montrent que c'est l'audimat qui dicte sa loi indépendamment des considérations de qualité des programmes.

Il est clair que, depuis cinq ans, c'est sur les écrans publics que la publicité a le plus augmenté tant en termes de durée que de nombre de spots.

Ensemble de la journée

Minutes/Jour

1992

1993

1994

1995

1996

TF1

92,7

102,2

107,8

118,2

122,1

M6

72,5

71,6

87,6

101,9

101

France 2

58,7

68,9

80,0

95,5

97,6

France 3

33,9

44,7

56,1

74,6

69,2

France Télévision


92,6


113,6


136,1


170,1


166,8

Tranche 19 heures - 24 heures

Minutes/Jour

1992

1993

1994

1995

1996

Différence 96-92

TF1

30,0

33,6

34,7

37,8

39,7

9,7

M6

29,8

31,0

33,7

36,3

36,1

6,3

France 2

22,6

23,9

26,9

26,9

32,9

10,3

France 3

19,3

25,2

27,5

31,6

30,2

10,9

France Télévision

41,9

49,1

54,4

58,5

63,1

21,2

En nombre de messages, l'évolution est la suivante :

Messages diffusés (milliers)

1992

1993

1994

1995

1996

Différence 96-92

TF1

100,5

112,5

115,6

125,7

126,0

25,5

M6

74,1

76,8

95,7

107,0

100,1

26,0

France 2

62,5

74,4

83,3

98,4

98,4

35,9

France 3*

36,6

50,2

62,8

81,1

73,3

36,7

France Télévision

99,1

124,6

146,1

179,5

171,7

72,3

* Spots à diffusion nationale

C'est ce constat qui conduit votre rapporteur à prendre une initiative tendant de stopper l'inflation publicitaire sur les chaînes publiques .

Ainsi, la suppression des exonérations proposées au paragraphe précédent permettrait de réduire de 1/4 d'heures sur chaque chaîne publique la durée des écrans publicitaires en 1996 . Encore faut-il remarquer que cet effort important soit 1,4 milliards de francs ne nous ramènerait guère en deçà de la situation de 1992. De 1992 à 1996, la durée des écrans publicitaires sur France Télévision est passée entre 19 heures et 24 heures de 41,9 minutes à 63,1 minutes, soit un accroissement de plus de 21 minutes pour l'ensemble des deux chaînes.

C. L'INSTABILITÉ DES RESSOURCES DES CHAÎNES PUBLIQUES

Il n'est pas normal que le secteur public ne bénéficie pas d'un horizon financier relativement stable, qu'il ne sache pas à peu près sur quels revenus il peut compter.

Or, actuellement, et même s'il l'on peut comprendre que l'on ne puisse rigidifier à l'excès le budget de l'Etat, il faut bien reconnaître que beaucoup de facteurs concourent à rendre incertaines les perspectives du financement des opérateurs.

On ne connaît à l'avance ni le montant de la redevance, ni sa répartition entre les organismes. Celle-ci peut d'ailleurs être modifiée par des lois de finances rectificatives comme en 1996.

Quant aux crédits budgétaires, ils sont non seulement incertains et variables au niveau de la loi de finances mais également précaires dans la mesure où ils sont très facilement visés par les annulations de crédits en cours d'année.


Tout cela contribue à susciter avant chaque loi de finances une agitation fébrile, voire un climat malsain, fait de rumeurs et de craintes, peu propice à une gestion sereine.

Certes, cette fébrilité avait été largement démontrée par les tentatives du précédent Gouvernement pour imposer des efforts d'économies trop brutaux pour être vraiment efficaces et ne pas affaiblir les entreprises.

L'anlyse rétrospective des dotations démontrerait cette variabilité de ressources aussi bien pour celles tirées de la redevance que pour celles provenant de sources budgétaires, même si c'est pour ces dernières que l'instabilité est la plus chronique.

On ne peut à cet égard qu'approuver les déclarations faites sur le sujet devant notre commission des finances par Madame Catherine Trautmann, ministre de la culture et de la communication (cf annexe ) :

" D'abord, assurer la pérennité des ressources. J'ai pleinement conscience du fait que ce budget n'est qu'une étape, et qu'il faudra poursuivre nos efforts. L'audiovisuel sort d'une période de récession, qui a fragilisé les entreprises. J'ai souhaité sécuriser leurs ressources, leur donner une visibilité à long terme, qui leur permette de mettre en place une stratégie dépassant les douze mois. En effet, une partie de l'augmentation de la redevance va servir à compenser une diminution des crédits budgétaires. Mais soyons clairs : ces crédits ont diminué de 798 millions en 96 et de 386 millions en 97. Il est très peu probable qu'ils atteignent à nouveau le montant initial d'1,4 milliard.

Dans ces conditions, et pour parler franchement, je préfère la pérennité d'une ressource affectée à des crédits toujours susceptibles d'une régulation budgétaire, encore à l'heure où nous parlons.
"

Le secteur public ne peut pas se développer sous la menace permanente de l'épée de Damoclès des mesures de régulations budgétaires .

Or, aujourd'hui, alors que le Gouvernement affiche une priorité pour la culture et la communication, le risque n'est pas écarté de l'aveu même du Ministre.

Telle est la raison pour laquelle, il s'oppose à l'initiative de son homologue de la commission des finances de l'Assemblée nationale, M. Le Guen, lorsqu'il tend à supprimer la redevance dont bénéficie RFI pour lui substituer des crédits budgétaires.

Sur le fond, l'argumentation de M. Le Guen n'est pas dépourvue de logique dans la mesure où la redevance ayant un caractère de service rendu, il n'est pas normal de la faire servir au financement de RFI, qui en principe du moins, émet vers l'étranger. Mais la raison pratique étant parfois préférable à la raison pure, il faut reconnaître que cela expose inutilement RFI à des risques dont on a compris qu'ils n'étaient pas définitivement écartés.

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