PRÉSENTATION
" La liberté de la presse ce n'est pas seulement la liberté de dire, mais c'est aussi la liberté de lire "
Georges Clemenceau
Aujourd'hui, dans un monde saturé de messages et
d'images, la presse quotidienne connaît, en France, de grandes
difficultés, en dépit de l'aide que lui apporte l'État au
nom de la défense du pluralisme.
Car, si cette presse n'en a plus le monopole, elle continue d'être le
symbole de la liberté d'expression. Du fait de son rôle historique
et des titres de noblesse que l'on confère heureusement toujours
à l'écrit, elle reste le test pour notre société de
sa capacité à concilier la liberté des uns avec les droits
des autres.
Aujourd'hui, face à certains abus et au risque de conformisme dans une
société surinformée, la presse doit définir une
nouvelle éthique et trouver en elle-même les moyens d'une
autorégulation.
Mais le défi pour la presse et la démocratie n'est pas
simplement éthique ou politique, il est également
économique.
Certes, comme l'a déclaré M. Lionel Jospin, Premier ministre,
dans sa déclaration de politique générale du 19 juin
1997, "
les oeuvres de l'esprit, les fruits de la création ne
peuvent être assimilés à des marchandises ou à des
produits comme les autres
". Faut-il pour autant faire de la
presse un
secteur à part, soustrait aux règles de l'économie et, en
particulier, à l'impératif de rentabilité ?
Comment ne pas reconnaître la nature ambiguë de l'entreprise de
presse, dont l'objet est d'offrir un produit, l'information, à la fois
bien collectif et marchandise ? On se trouve au confluent de deux
logiques : la première, longtemps privilégiée en
France, tend à soumettre la presse à un mode de régulation
politique, faisant prévaloir les considérations
d'égalité et de pluralité sur celles d'efficacité
économique ; la seconde, dominante dans les pays anglo-saxons, est une
logique de marché, fondamentalement libérale, où le bien
public résulte non de l'intervention de l'État mais du libre jeu
des initiatives individuelles.
En fait, la situation a évolué depuis qu'après la seconde
guerre mondiale, ont été définies les conditions dans
lesquelles les entreprises de presse exercent leur activité. Le cadre
initial, relativement dirigiste, a eu tendance à donner une place accrue
aux mécanismes du marché : "
Que la rentabilité
soit, sinon l'objectif central de l'entreprise de presse, du moins la condition
nécessaire de son indépendance, voilà une évidence
qui s'est imposée fort récemment aux journalistes. Et encore pas
à tous
", observait un journaliste, aujourd'hui responsable de
l'information d'une chaîne de télévision.
Mais en dépit de cette évolution des mentalités,
l'ambiguïté persiste ; elle se transforme même en
contradiction, ou du moins en décalage entre la réalité
économique et une idéologie ambiante toujours interventionniste.
Le modèle libéral anglo-saxon est désormais dominant dans
le monde. Notre pays va-t-il devoir, au moment où l'on assiste à
des concentrations d'entreprises sans précédent, persister
à revendiquer l'exception française ?
A cet égard, le projet de budget pour 1998, tel qu'il arrive de
l'Assemblée nationale, n'est pas rassurant. Au delà des
déclarations d'intention, il y a les faits. La presse continue de se
développer sous perfusion budgétaire : plus de 8 milliards
de francs d'aides publiques en tous genres, sans que l'efficacité en
soit vraiment garantie. Rien que cette année et pour des raisons que
l'on comprend même lorsqu'on ne les approuve pas complètement, on
constate que deux nouveaux fonds s'ajoutent aux cinq fonds existants,
accroissant encore l'impression d'émiettement de l'action de
l'État.
Il existe bien un problème d'efficacité des aides de
l'État.
Les risques du mode de régulation à l'anglo-saxonne sont connus.
Ils résident moins dans la subordination de la presse aux
intérêts économiques que dans un certain appauvrissement
culturel résultant de la loi des grands nombres. Par son accumulation
quasi infinie, l'information résiste mal à la tentation de la
surenchère dans une société en quête de
spectaculaire ; elle tend aussi à instaurer un système de
relativité généralisée, qui finit par estomper la
frontière entre le vrai et le faux, l'important et l'accessoire. Et
c'est ainsi que la démocratie pourrait bien être atteinte par les
difficultés de tous ordres auxquelles la presse doit faire face.
I. LA SITUATION DE LA PRESSE EN 1996/1997
A. LE CHIFFRE D'AFFAIRES DE LA PRESSE
Le chiffre d'affaires de la presse progresse de 1% en 1996.
Ce
résultat d'ensemble traduit un ralentissement après deux
années successives de croissance. Rapprochée de la variation des
prix de la presse qui s'élève à environ 1% pour la
même période, cette croissance modeste des recettes en valeur
correspond à une stagnation en volume. Les deux composantes principales
du chiffre d'affaires suivies dans l'enquête connaissent des variations
faibles: les recettes des ventes progressent de 1,5%, et les recettes de
publicité de 0,3% seulement, au lieu de respectivement 3,6% et 4,9% en
1995.
A la différence des deux années précédentes, deux
catégories de presse ont une évolution négative, la presse
nationale d'information générale et politique (-2,9%) et la
presse gratuite (-1,4%). Deux autres catégories connaissent une
légère croissance avec +1,9% pour la presse locale d'information
générale et politique et +2% pour la presse
spécialisée grand public. Enfin, c'est la presse
spécialisée technique et professionnelle qui a le résultat
le plus favorable avec +3,1%.
Presse Nationale d'Information Générale et
Politique
(évolution en pourcentage)
|
1994 |
1995 |
1996* |
|||
Chiffre d'affaires total** |
9,98 |
+ 3,6 |
10,29 |
+ 3,1 |
10,00 |
- 2,9 |
Ventes au numéro |
4,12 |
- 1,4 |
4,29 |
+ 4,0 |
4,13 |
- 3,8 |
Ventes par abonnement |
1,86 |
+ 3,1 |
1,94 |
+ 4,3 |
2,00 |
+ 2,7 |
Total ventes |
5,98 |
+ 0,0 |
6,23 |
+ 4,1 |
6,13 |
- 1,8 |
Publicité commerciale |
3,22 |
+ 12,7 |
3,22 |
+ 0,0 |
3,04 |
- 5,7 |
Petites annonces |
0,78 |
- 1,3 |
0,84 |
+ 8,1 |
0,83 |
- 0,2 |
Total publicité |
4,00 |
+ 9,7 |
4,06 |
+ 1,6 |
3,87 |
- 4,6 |
* Résultat provisoire
** En milliards de francs
Presse Locale d'Infomation Générale et
Politique - Données détaillées
(évolution
en pourcentage)
|
1994 |
1995 |
1996 |
|||
Chiffre d'affaires total** |
15,20 |
+ 2,4 |
15,91 |
+ 4,7 |
16,22 |
+ 1,9 |
Ventes au numéro |
6,84 |
+ 1,4 |
7,04 |
+ 2,9 |
7,07 |
+ 0,4 |
Ventes par abonnement |
2,28 |
+ 3,0 |
2,39 |
+ 4,9 |
2,54 |
+ 6,0 |
Total ventes |
9,12 |
+ 1,8 |
9,43 |
+ 3,4 |
9,61 |
+ 1,8 |
Publicité commerciale |
4,50 |
+ 5,1 |
4,69 |
+ 4,3 |
4,85 |
+ 3,4 |
Petites annonces |
1,58 |
- 1,0 |
1,79 |
+ 12,9 |
1,76 |
- 1,5 |
Total publicité |
6,08 |
+ 3,5 |
6,48 |
+ 6,5 |
6,61 |
+ 2,1 |
* Résultat provisoire
** En milliards de francs
Les recettes des abonnements croissent de 3,7%, celles des ventes au
numéro de 0,4%. Les ventes par abonnement et ventes au numéro
représentent les deux-tiers du chiffre d'affaires presse. Ces recettes
progressent de 1,5% en 1996, soit moitié moins qu'en 1995; ce
ralentissement est dû essentiellement à un net
fléchissement de la croissance des ventes au numéro qui ne
progresse que de 0,4% au lieu de 3,2% pour l'année
précédente. Les évolutions sont assez différentes
selon les catégories: la presse spécialisée technique et
professionnelle connaît la plus forte progression, avec +5,7%, et la
presse nationale d'information générale et politique, la plus
forte baisse avec -3,8%. Les recettes des ventes par abonnement continuent de
progresser régulièrement (+3,7%).
Les recettes de publicité sont stables
. Après un net
redressement en 1994 et 1995, les recettes de publicité sont proches de
la stagnation en 1996 (+0,3%). La publicité commerciale dont la
croissance s'était déjà ralentie en 1995, connaît
une quasi-stagnation en 1996 (+0,1%).
Un ralentissement est également observé pour d'autres
médias comme la télévision et la radio. Les petites
annonces, après avoir fortement progressé en 1995, voient leur
rythme de croissance s'infléchir à 1,2%; c'est un poste dont
l'évolution est particulièrement sensible à la conjoncture
du marché du travail et de l'immobilier.
La presse spécialisée grand public, presse TV, presse
féminine, presse sportive, etc. dont le chiffre d'affaires
représente 38% de la presse éditeur, connaît une
progression de 2% pour son chiffre d'affaires global; les ventes au
numéro et les abonnements augmentent dans des proportions voisines, soit
1,8% pour l'ensemble; on note que les prix des magazines ont très
légèrement diminué pendant cette période.
La presse locale d 'information générale et politique,
constituée à 90% par les quotidiens locaux, et qui
représente 27% de la presse éditeur voit son chiffre d'affaires
progresser de +1,9%, avec des variations très semblables pour les
recettes de vente et de publicité. L'augmentation des recettes de vente
est principalement due à la croissance des recettes d'abonnement (+6%),
alors que l'évolution des ventes au numéro est faible (+0,4%) .
Le chiffre d'affaires de la presse nationale d'information
générale et politique est en diminution de -2,9%.
Cette
catégorie de presse représente 17% de l'ensemble de la presse
éditeur. Les ventes reculent de -1,8% en raison d'une forte baisse des
ventes au numéro (-3,8%) et malgré une progression non
négligeable des ventes par abonnement. Cependant, les prix des
quotidiens qui représentent environ 60% de cette catégorie de
presse, ont augmenté en moyenne de +3,6% en 1996; la baisse des ventes
en volume devrait donc être encore plus importante. Les recettes de
publicité reculent de -4,6% en raison principalement de la diminution
sensible de la publicité commerciale. Pour la presse quotidienne
nationale, principale composante de cette catégorie, on observe une
diminution des recettes de ventes, l'accroissement des ventes par abonnement ne
suffisant pas à compenser la diminution des ventes au numéro. Les
recettes de publicité sont également en baisse.
Les magazines d'information générale et politique ont aussi
une évolution nettement négative avec une forte baisse de la
publicité commerciale, mais également un recul des recettes de
ventes provoqué, ici également, par le fléchissement des
ventes au numéro.
La presse spécialisée technique et professionnelle est la
catégorie qui enregistre la plus forte progression en 1996 avec +3,1%
pour représenter 11% de la presse éditeur. Cette
amélioration provient essentiellement du bon comportement des ventes.
Les recettes de publicité ne progressent que faiblement en raison d'une
stagnation de la publicité commerciale et malgré une
amélioration sensible des petites annonces.
La presse gratuite, dont le chiffre d'affaires représente 7% de
l'ensemble de la presse
, connaît pour cette année, un
fléchissement de ses recettes de -1,4% directement lié au recul
du financement publicitaire, tandis que son tirage total annuel progresse de
+2.6%.