N° 85
SÉNAT
SESSION ORDINAIRE DE 1997-1998
Annexe au procès verbal de la séance du 20 novembre 1997.
RAPPORT GÉNÉRAL
FAIT
au nom de la commission des Finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la Nation (1) sur le projet de loi de finances pour 1998 , ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE ,
Par M. Alain LAMBERT,
Sénateur,
Rapporteur général.
TOME III
LES MOYENS DES SERVICES ET LES DISPOSITIONS SPÉCIALES
(Deuxième partie de la loi de finances)
ANNEXE N° 29
INTÉRIEUR ET DÉCENTRALISATION :
·
SÉCURITÉ
Rapporteur spécial
: M. Guy CABANEL
(1) Cette commission est composée de :
MM.
Christian Poncelet,
président
; Jean Cluzel, Henri Collard,
Roland du Luart, Mme Marie-Claude Beaudeau, MM. Philippe Marini,
René Régnault,
vice-présidents
; Emmanuel
Hamel, Gérard Miquel, Michel Sergent, François Trucy,
secrétaires
; Alain Lambert,
rapporteur
général
; Philippe Adnot, Bernard Angels, Denis Badré,
René Ballayer, Bernard Barbier, Jacques Baudot, Claude Belot,
Mme Maryse Bergé-Lavigne, MM. Roger Besse, Maurice Blin, Joël
Bourdin, Guy Cabanel, Auguste Cazalet, Michel Charasse, Jacques Chaumont, Yvon
Collin, Jacques Delong, Yann Gaillard, Hubert Haenel, Claude Haut,
Jean-Philippe Lachenaud, Claude Lise, Paul Loridant, Marc Massion, Michel
Mercier, Michel Moreigne, Joseph Ostermann, Jacques Oudin, Maurice Schumann,
Henri Torre, René Trégouët.
Voir les numéros
:
Assemblée nationale
(
11
ème législ.) :
230
,
305
à
310
et T.A.
24
.
Sénat
:
84
(1997-1998).
Lois de finances. |
PRINCIPALES OBSERVATIONS DU RAPPORTEUR
Un budget 1998 marqué par des redéploiements de crédits
Les crédits consacrés à la
sécurité augmenteront de 3,58 %, en 1998, pour
s'établir à 52,4 milliards de francs. Ce taux de progression
tient compte de l'augmentation importante des dépenses liées
à l'organisation des nombreux scrutins qui se dérouleront en
1998. Hors dépenses électorales, les crédits de la
sécurité augmentent de 1,06 %, soit une quasi
stabilité en francs constants.
Au sein de cette enveloppe contenue, le ministère de l'intérieur
a procédé à des redéploiements de crédits,
qui permettent de privilégier certaines actions, de financer des
opérations nouvelles et de réorganiser la présentation
budgétaire dans un but de bonne gestion. Ces mouvements ont pour effet
de relativiser la signification des pourcentages d'évolution des
différentes enveloppes.
Les ajustements consistent, entre autres, en :
- la suppression d'emplois budgétaires non pourvus, de policiers
auxiliaires ou dans l'administration des cultes par exemple, qui permet, d'une
part, de financer la création de nouveaux emplois (d'ingénieurs,
de psychologues ou d'attachés de police) et, d'autre part, de
revaloriser les régimes indemnitaires des fonctionnaires du
ministère de l'intérieur afin de réduire les écarts
avec les agents d'autres ministères et les fonctionnaires territoriaux ;
- la réduction des moyens de fonctionnement de la police nationale, qui
s'explique, dans le cadre de la réforme des régimes
indemnitaires, par le transfert de certains crédits vers d'autres
chapitres ;
- la diminution des crédits affectés au logement social des
policiers, qui masque le développement par le ministère de
l'intérieur d'une politique novatrice de partenariat avec les
associations de propriétaires immobiliers ;
- la réduction des moyens de fonctionnement des préfectures, qui
permet au ministère de faire des économies sans pénaliser
les services de l'administration territoriale, dont les crédits avaient
été augmentés en 1997 (en compensation de la suppression
de la franchise postale) dans des proportions supérieures aux besoins ;
- la diminution des crédits d'investissement qui s'explique par
l'achèvement de programmes pluriannuels, particulièrement le
programme de renouvellement des Canadairs, et par la prise en compte de
l'existence de crédits reportés permettant de réduire le
montant des crédits de paiement dans la loi de finances, et donc de
dégager des marges de manoeuvre.
Ces ajustements sont complétés par la définition
d'orientations nouvelles positives telles que la mise en oeuvre du projet
d'apurement de la dette à l'égard de France Télécom
et la poursuite de l'effort en faveur du soutien médical et
psychologique aux policiers. Le recrutement des adjoints de
sécurité fait l'objet d'une mesure nouvelle d'un montant de 200
millions de francs.
La démarche qui consiste à ajuster les crédits au plus
près des besoins s'impose compte tenu des contraintes budgétaires
du ministère de l'intérieur. Cependant, elle comporte le risque
de provoquer des tendances lourdes difficiles à renverser lorsque
l'enveloppe des reports sera épuisée, notamment en matière
de crédits d'investissement qui diminuent de 18 %. A l'avenir, il
faudra veiller au maintien du niveau des investissements du ministère de
l'intérieur.
La réorganisation des crédits au sein d'une enveloppe stable est
un exercice qui comporte des limites. Ces limites semblent atteintes dans le
cas de la sécurité civile, qui repousse depuis plusieurs
années le renouvellement de certains matériels malgré,
parfois, l'existence de risques importants. Ainsi, les véhicules
destinés au transport de munitions rouleraient au delà du seuil
de sécurité.
En outre, la direction de la sécurité et de la défense
civiles doit financer par redéploiement de crédits son programme
de modernisation du service de déminage. Dans l'attente de la
rénovation des sites et de l'ouverture de nouveaux dépôts,
les munitions (à l'exception des armes chimiques) ne sont plus
ramassées dans le nord et en Picardie. Ces contraintes s'accompagnent de
la perte récente d'un avion Canadair récemment acquis. Au
coût budgétaire de cet accident, 120 millions de francs, s'ajoute
le drame que constitue le décès du pilote.
L'objectif de maîtrise de dépenses publiques s'applique à
tous les ministères. Du fait de son caractère régalien, le
ministère de l'intérieur est relativement épargné.
Néanmoins, selon les informations recueillies par votre rapporteur, il
semblerait que ce ministère ne soit pas particulièrement
favorisé par les arbitrages budgétaires rendus par le
ministère des finances, notamment en matière de dépenses
immobilières et de moyens de fonctionnement.
La police de proximité : de la LOPS aux adjoints de sécurité
Le Premier ministre et le ministre de l'intérieur,
à Villepinte le 25 octobre 1997, ont placé le droit à
la sécurité pour chaque citoyen, et particulièrement
l'amélioration de la sécurité de proximité, au
premier rang des priorités gouvernementales.. En cela, ils se situent
dans le droit fil des orientations définies par la loi d'orientation et
de programmation pour la sécurité de 1995, la LOPS, et par le
pacte de relance pour la ville de 1996.
La LOPS avait envisagé des redéploiements d'effectifs sur la voie
publique, objectifs chiffrés par le pacte de relance pour la ville, et
le recrutement de personnels administratifs et techniques destinés
à décharger les policiers des tâches administratives. Ces
dispositions n'ont pas entièrement obtenu le succès
escompté. En revanche, trois réformes prévues par la loi
ont permis non seulement d'améliorer le fonctionnement de la police et
la gestion du personnel, mais également d'accroître la
présence policière sur le terrain :
- la réforme des corps et des carrières apporte plus de souplesse
et de capacité d'adaptation à la police tout en accroissant les
effectifs de terrain du fait du repyramidage des effectifs qu'elle
prévoit ;
- la réformes des horaires conduit à la fois à
l'amélioration des conditions de travail des policiers et à
l'augmentation des effectifs grâce à la réduction du nombre
de brigades ;
- la mise en oeuvre progressive des transferts de compétence du
ministère de l'intérieur vers les administrations dont
relèveraient logiquement certaines activités permet de clarifier
le champ de compétences de la police nationale tout en libérant
les effectifs de la réalisation de tâches indues.
Dans le cadre de la loi du 16 octobre 1997 sur l'emploi des jeunes, 35.000
emplois seront créés dans le secteur de la sécurité
dans les cinq années à venir. Cette donnée modifie
considérablement les termes du débat sur le redéploiement
des effectifs. Les 15.000 agents locaux de médiation seront
recrutés par les collectivités ou les grands organismes de
service public. Les 20.000 adjoints de sécurité, dont 8.250
recrutés avant la fin de 1998, seront spécifiques à la
police nationale.
Votre rapporteur considère que, si les textes réglementaires
relatifs à leur recrutement sont appliqués, et leur esprit
respecté sur le terrain, ces adjoints constituent une chance pour la
police nationale et remplaceront avantageusement les policiers auxiliaires
appelés à disparaître. A terme, ils fourniront des
candidats de qualité aux concours de recrutement de la police nationale
et pourront apporter aux polices municipales et aux sociétés de
surveillance privées le savoir faire et la déontologie
hérités de leur passage dans la police nationale.
Accélérer la réalisation du programme ACROPOL
L'accélération de la mise en place du
réseau de transmissions analogique ACROPOL est une
nécessité au regard de l'efficacité de la police nationale
comme de la sécurité des fonctionnaires.
Les systèmes de transmissions numériques qui équipent
encore la police nationale sur l'ensemble du territoire, à l'exception
des six départements couverts par ACROPOL, sont obsolètes. Ils
datent des années soixante-dix et ne correspondent plus aux normes de
maintenance. Souvent, les pièces de rechange ne sont plus
commercialisées. Le coût de l'entretien de ces matériels
est appelé à s'accroître.
De plus, les transmissions sont de mauvaise qualité et ne sont pas
cryptées, ce qui permet à des particuliers de les intercepter. La
sécurité des policiers n'est plus assurée.
Le système ACROPOL répond aux problèmes de
confidentialité des transmissions et améliore la gestion des
effectifs grâce aux multiples fonctions dont il est équipé.
Les terminaux embarqué sur ACROPOL (TESA) servent à interroger
les fichiers depuis le véhicule et, à terme, permettront aux
fonctionnaires de rédiger les comptes-rendus de leurs opérations
sans avoir à retourner au commissariat, accroissant ainsi la
présence policière sur le terrain.
Si l'intensité de l'effort budgétaire en faveur d'ACROPOL
n'augmente pas substantiellement dans les années à venir, la
couverture intégrale du territoire ne sera pas assurée avant l'an
2015. A cette date, la première génération de terminaux
ACROPOL sera déjà obsolète.
Le gouvernement consacre 214 millions de francs à ce programme dans la
loi de finances pour 1998, qui seront complétés par 46 millions
de francs dans la loi de finances rectificative pour 1997. Grâce à
divers transferts internes, il espère atteindre 315 millions de francs
en 1998, puis 450 en 1999. L'effort consenti par l'Etat en faveur des
transmissions de la police nationale rejoindrait alors le montant
accordé à la gendarmerie nationale pour le développement
du système Rubis, qui est comparable à ACROPOL.
La gendarmerie disposera de Rubis sur l'ensemble du territoire en l'an 2000. En
soutenant un effort de 450 millions de francs par an, le programme ACROPOL
s'achèverait en 2008. C'est un défi qu'il faut relever dans
l'intérêt de la sécurité.