III. DES INTERROGATIONS NOMBREUSES EN DÉBUT DE LÉGISLATURE
Votre rapporteur considère que les avancées opérées par le gouvernement précédent sur la réforme de l'Etat ont été remarquables, même si elles ont suscité peu de publicité. Elles nécessitent incontestablement d'être poursuivies, mais le nouveau gouvernement n'a pas encore donné d'assurances véritables à ce sujet.
A. IL FAUT ALLER PLUS LOIN
1. La gestion de la fonction publique doit absolument être modernisée
En ce qui concerne la gestion de la fonction publique, trois chantiers au moins doivent absolument être poursuivis : les fusions de corps administratifs (il en existe à peu près 1.000), l'enrichissement de la procédure de notation, l'élargissement de la mobilité des fonctionnaires qui pourrait conduire à l'avènement de "métiers" dans la fonction publique.
2. La négociation salariale doit changer de cadre
Une étape supplémentaire vers la modernisation de la fonction publique pourrait permettre de sortir d'une gestion salariale à la fois rigide et à courte vue : le Parlement pourrait fixer une enveloppe salariale maximale pour la fonction publique (sur plusieurs années), la direction du budget répartirait cette enveloppe entre les différents ministères selon les modalités actuellement retenues pour le contrat pluriannuel avec le ministère de l'équipement, et enfin des contrats de service pourraient être conclus par les ministères avec leurs services déconcentrés. Mais cette évolution devrait s'inscrire dans le contexte plus général de la révision, à l'évidence indispensable, de l'ordonnance du 2 janvier 1959 portant loi organique sur les finances publiques.
3. L'Etat doit prendre conscience qu'il gère un patrimoine
A cet égard, le livre blanc annoncé sur la
gestion patrimoniale de l'Etat devrait pouvoir permettre de soumettre au
Parlement les bases d'un nouveau plan comptable.
Face à l'ensemble de ces questions, les orientations du nouveau
gouvernement ne paraissent pas claires.
B. LES INTENTIONS DU NOUVEAU GOUVERNEMENT N'APPARAISSENT PAS CLAIREMENT
1. L'abandon de la réduction des effectifs
Une seule option apparaît hélas de manière incontestée, qui est celle de l'abandon de la réduction des effectifs : votre rapporteur ne peut que déplorer ce revirement, car la modernisation de l'Etat va bien évidemment de pair non seulement avec une redéfinition de ses missions -sur laquelle aucun débat public n'a pu encore avoir lieu- mais aussi, à tout le moins, avec une plus grande efficacité de ses méthodes qui implique un allégement des structures.
2. Une absence de volonté politique
La communication présentée sur la réforme de l'Etat au Conseil des Ministres par le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de la décentralisation, le 5 novembre dernier, laisse des problèmes essentiels en suspens.
a) Des références dépassées
Le gouvernement, plutôt que de reconnaître les aspects novateurs de la circulaire du 26 juillet 1995, se réfère à des concepts beaucoup plus anciens, et qui précisément n'ont pas fait leurs preuves : la décentralisation de 1982, le renouveau du service public en 1989, l'effort de déconcentration de 1992.
b) Des objectifs réduits
Plutôt que d'engager la réflexion sur le
rôle de l'Etat, vis-à-vis du secteur privé, des
collectivités locales, et de l'Union Européenne, ou même
d'approfondir les résultats obtenus en matière de modernisation
des structures (services à compétence nationale,, contrats de
service), le gouvernement s'attache à poursuivre des objectifs aussi
vagues et inconsistants que "
la simplification des procédures"
ou
"
de nouvelles modalités de fonctionnement des services
déconcentrés
".
Par ailleurs, il renvoie la suite de la réforme à un futur
débat d'orientation au printemps prochain, puis à des assises
programmées pour l'automne 1998, enfin à l'élaboration
-d'ici à l'année prochaine- de programmes pluriannuels par les
ministères...
Au total, le contenu de la réforme de l'Etat semble réduit,
dans l'immédiat, à une approbation du bout des lèvres des
acquis du précédent gouvernement, en abandonnant en fait les
chantiers essentiels tels que la rénovation en profondeur de la gestion
de la fonction publique.
Au nom de la concertation, les sujets "qui fâchent" sont ainsi remis
sine die.
Votre rapporteur estime que le coup d'arrêt donné à
l'impulsion de réformes aussi fondamentales est préjudiciable aux
citoyens autant qu'aux fonctionnaires, qui ne peuvent plus se satisfaire d'une
gestion totalement périmée. Plus grave encore, la
réflexion sur le rôle de l'Etat s'arrête, alors que son
environnement évolue tous les jours : l'obstacle de cette remise en
question ne pourra pas indéfiniment être esquivé au nom du
retour au "renouveau du service public".