Rapport n° 71 - Proposition de Résolution tendant à créer une commission d'enquête afin de recueillir les éléments relatifs aux conditions d élaboration de la politique énergétique de la France et aux conséquences économiques, sociales et financières
M. Henri REVOL
Commission des Affaires économiques et du Plan - Rapport n°71 - 1997/1998
Table des matières
N° 71
SÉNAT
SESSION ORDINAIRE DE 1997-1998
Annexe au procès-verbal de la séance du 5 novembre 1997
RAPPORT
FAIT
au nom de la commission des Affaires économiques et du Plan (1) sur la proposition de résolution de MM. Maurice BLIN, Henri de Raincourt, Josselin de ROHAN, Jacques VALADE et Henri REVOL, tendant à créer une commission d'enquête afin de recueillir les éléments relatifs aux conditions d'élaboration de la politique énergétique de la France et aux conséquences économiques, sociales et financières des choix effectués,
Par M. Henri REVOL,
Sénateur.
(1) Cette commission est composée de :
MM. Jean
François-Poncet,
président
; Philippe François,
Henri Revol, Jean Huchon, Fernand Tardy, Gérard César, Louis
Minetti,
vice-présidents
; Georges Berchet, William Chervy,
Jean-Paul Émin, Louis Moinard,
secrétaires
; Louis
Althapé, Alphonse Arzel, Mme Janine Bardou, MM. Michel Barnier, Bernard
Barraux, Michel Bécot, Jean Besson, Jean Bizet, Marcel Bony, Jean Boyer,
Jacques Braconnier, Gérard Braun, Dominique Braye, Michel Charzat,
Marcel-Pierre Cleach, Roland Courteau, Désiré Debavelaere,
Gérard Delfau, Fernand Demilly, Marcel Deneux, Rodolphe
Désiré, Michel Doublet, Mme Josette Durrieu, MM. Bernard
Dussaut
,
Jean-Paul Emorine, Léon Fatous, Hilaire Flandre, Aubert
Garcia, François Gerbaud, Charles Ginésy, Jean Grandon, Francis
Grignon, Georges Gruillot, Mme Anne Heinis, MM. Pierre Hérisson,
Rémi Herment, Bernard Hugo, Bernard Joly, Gérard Larcher, Edmond
Lauret, Pierre Lefebvre, Jean-François Le Grand, Kléber
Malécot, Jacques de Menou, Louis Mercier, Jean-Baptiste Motroni,
Jean-Marc Pastor, Jean Pépin, Daniel Percheron, Jean Peyrafitte, Bernard
Piras, Alain Pluchet, Jean Pourchet, Jean Puech, Jean-Pierre Raffarin, Paul
Raoult, Jean-Marie Rausch, Charles Revet, Roger Rigaudière, Roger
Rinchet, Jean-Jacques Robert, Jacques Rocca Serra, Josselin de Rohan,
Raymond Soucaret, Michel Souplet, Mme Odette Terrade, M. Henri Weber.
Voir les numéros :
Sénat
:
34
et
63
(1997-1998).
Energie. |
Mesdames, Messieurs,
La proposition de résolution qui vous est soumise tend à la
création d'une commission d'enquête relative à la politique
énergétique française.
Les auteurs de cette proposition lui assignent la mission de
"
procéder à un examen approfondi des conséquences
économiques, sociales et financières de la politique
énergétique française et de ses éventuelles
modifications
".
La Commission des Lois, saisie pour avis, a estimé que cette proposition
était conforme à l'article 6 de l'ordonnance
n° 58-1100 du 17 novembre 1958 modifiée, relative au
fonctionnement des assemblées parlementaires
1(
*
)
.
Il appartient à votre Commission des Affaires économiques, saisie
au fond, de juger de l'opportunité de la création d'une telle
commission d'enquête.
L'énergie n'est pas une marchandise comme une autre. Elle
présente des spécificités qui justifient tout
l'intérêt que doit lui consacrer la Haute Assemblée,
notamment :
- il n'est pas de développement socio-économique sans
énergie ;
- l'énergie relève d'un secteur très capitalistique,
dont les investissements s'inscrivent dans le long terme. Les décisions
prises aujourd'hui en ce domaine conditionnent donc fortement l'avenir du
secteur et, au-delà, les conditions de la compétitivité de
notre économie ;
- ces décisions sont d'autant plus essentielles que la France,
disposant de très peu de ressources naturelles, dépend
très largement de l'extérieur pour son approvisionnement en
énergie, à l'exception de l'électricité pour
laquelle elle a, grâce à son programme
électro-nucléaire, acquis une forte autonomie.
Or, le Gouvernement vient de prendre certaines décisions, notamment
la "
décision irrévocable
"
2(
*
)
de fermer le surgénérateur
Superphénix, qui pourraient hypothéquer l'avenir de la
filière électro-nucléaire française
. En effet,
la résolution des problèmes liés à l'aval du cycle
nucléaire, en particulier au traitement des déchets, conditionne
les développements futurs de l'énergie nucléaire tant en
France qu'à l'étranger.
Cette décision, contestée tant par les élus que par les
industriels et les personnels concernés, a été prise sans
aucune concertation avec les représentants de la Nation
. Elle
s'inscrit, par ailleurs, dans un contexte de mise en cause par certains des
conditions dans lesquelles la COGEMA exerce son activité de retraitement
des déchets.
Dans ces conditions, un volet essentiel de la politique
énergétique française menée depuis plus de
vingt ans ne risque-t-il pas de voir son avenir peu ou prou
hypothéqué,
à l'heure où l'avancée
française en ce domaine pourrait être menacée par un
renforcement de l'engagement d'autres pays dans cette filière ? Tel
est le cas, notamment, au Japon. Les Etats-Unis viennent, quant à eux,
de lever l'interdiction frappant, depuis 1985, la fourniture -par les
industriels américains- de centrales nucléaires à la
Chine. Enfin, dans une communication du 25 septembre dernier, la
Commission européenne a affirmé que l'énergie
nucléaire constituait un des moyens permettant de produire
économiquement de grandes quantités d'électricité
sans épuiser les ressources en combustibles fossiles de la
planète, alors que celle-ci est de plus en plus confrontée
à des problèmes d'environnement liés à la
consommation d'énergie.
La demande totale d'énergie dans le monde pourrait s'accroître
d'environ 50 % d'ici à l'an 2020 ; elle devra être satisfaite
dans un souci de développement durable et de respect de l'environnement.
Dans cette perspective, l'énergie nucléaire n'est-elle pas
amenée à occuper une place essentielle, et par là
même la technologie française, à condition que l'on
poursuive les efforts entrepris en matière de recherche et de
développement, notamment concernant l'aval du cycle ?
Tous ces éléments
militent en faveur d'un contrôle par
la Haute-Assemblée des conditions dans lesquelles les récentes
décisions en matière de politique énergétique ont
été arrêtées ainsi qu'une étude de leurs
conséquences économiques, sociales et financières
.
Au-delà, quelles seront les solutions alternatives susceptibles
d'être éventuellement mises en place ? La création
d'une commission d'enquête permettrait au Sénat d'examiner tous
les aspects de la politique énergétique française
(électricité, gaz, pétrole, charbon, énergies
renouvelables, économies d'énergie, ...), domaine -on l'a dit-
essentiel à la vie économique et sociale de notre pays, mais dont
la définition a, jusqu'ici, trop largement échappé
à l'examen et au contrôle du Parlement.
S'inscrivant dans le long terme, la politique énergétique doit
aussi s'adapter en permanence aux évolutions technologiques et
environnementales ainsi qu'à celles du marché et de la
concurrence mondiale.
Dans cette perspective, l'environnement juridique, économique, fiscal,
doit permettre à chaque source d'énergie d'occuper une place
adéquate dans le paysage énergétique français de
demain. La politique en matière d'économies d'énergie et
de maîtrise de l'énergie doit retrouver également toute son
actualité, quand on sait que la dépendance
énergétique de l'Union européenne, de l'ordre de 50 %
actuellement, devrait se dégrader fortement pour passer à
60 % en 2010 et à 70% en 2020.
La commission d'enquête pourra, en outre, étudier
l'évolution de la réglementation communautaire et celle des
politiques énergétiques de nos principaux partenaires ou
concurrents en ce domaine, afin de permettre à la représentation
nationale de disposer des éléments d'information lui permettant
de participer pleinement à la définition et au contrôle de
la politique énergétique française.
Dans cette perspective, suivant les conclusions de son rapporteur et compte
tenu de l'avis émis par la Commission des Lois sur la conformité
de la proposition de résolution n° 34 avec l'ordonnance de
1958 précitée, votre Commission des Affaires économiques
vous propose la mise en place de cette commission d'enquête,
conformément aux dispositions de l'article 6 de cette ordonnance et
de l'article 11 du Règlement du Sénat.
En conséquence, elle propose au Sénat
d'adopter la proposition
ci-après.
PROPOSITION DE RÉSOLUTION TENDANT À LA CRÉATION D'UNE COMMISSION D'ENQUÊTE SUR LA POLITIQUE ÉNERGÉTIQUE DE LA FRANCE
(Texte adopté par la commission)
Article unique
Conformément à l'article 11 du Règlement du Sénat, il est créé une commission d'enquête de vingt-et-un membres, afin de recueillir les éléments relatifs aux conditions d'élaboration de la politique énergétique de la France et aux conséquences économiques, sociales et financières des choix effectués.
1
Voir rapport n°
présenté par M. André Bohl, au nom de la Commission
des Lois.
2
Selon les termes mêmes de M. Christian Pierret,
Secrétaire d'Etat à l'industrie, auditionné devant votre
Commission des Affaires économiques, le mardi 28 octobre dernier.