D. L'HARMONISATION FISCALE
1. Des distorsions handicapant l'offre touristique française
La variété des taux de TVA a des conséquences importantes sur les écarts de prix entre les produits et sur la concurrence au sein des pays de l'Union européenne.
Le passage de la taxation à l'importation à la taxation à l'exportation -qui est réalisé pour tous les biens échangés au sein de l'Union européenne depuis le 1er janvier 1993- était déjà effectif pour les produits touristiques. Lorsqu'un touriste étranger consomme une prestation touristique en France (hôtellerie ou restauration, par exemple), ce sont les taux français qui lui sont appliqués bien que l'on soit en présence d'une exportation de services. Par ailleurs, la taxation à l'exportation pour les agents de voyages s'applique déjà à l'intérieur de la CEE depuis 1985. Il en résulte que les différentiels du taux de TVA faussent les conditions de la concurrence entre les pays de l'Union européenne. Or, ces différentiels sont importants.
Certes, depuis le 22 juillet 1988, la situation de certaines entreprises touristiques s'est améliorée.
Le taux de la TVA perçue sur les hôtels (hors les quatre étoiles luxe) a été abaissé à 5,5 %, celui des locations de voitures de tourisme à 22 % et est passé à 18,6 % le 13 avril 1992 (et à 20,6% le 1er août 1995). Mais le mouvement de baisse n'est pas généralisé.
L'hôtellerie de luxe a, par exemple, vu en octobre 1981 son taux passer de 7 à 17,6 % et, en juillet 1982, à 18,6 %, taux qui s'est maintenu pour les quatre étoiles luxe jusqu'au 1er janvier 1994, date à partir de laquelle l'ensemble de l'hôtellerie a été imposé à 5,5 %. L'écart est d'autant plus important avec nos concurrents que l'Espagne a ramené de 12 à 6 % le taux de TVA applicable aux hôtels de luxe. Cette discrimination a conduit certains hôtels de luxe à refuser de se classer afin d'obliger l'administration fiscale à leur appliquer le taux de TVA de l'hébergement, c'est-à-dire 7 %.
Par ailleurs, entre fin 1981 et début 1988, 230 établissements (sur un parc de 487) avaient demandé le déclassement pour échapper au taux de 18,6 % (notamment tous les hôtels de la chaîne Sofitel). En outre, des hausses ne sont pas exclues, comme l'a montré l'initiative prise en mai 1991 par le Gouvernement Cresson de porter de 7 à 18,6 % (soit le taux normal) la TVA frappant les agences de voyages, profession que le précédent Gouvernement s'était efforcé d'aider par des mesures fiscales au sortir de la guerre du Golfe. Ce taux est passé à 20,6 % le 1er août 1995.
2. L'exemple de la TVA dans le secteur de la restauration : le rapport Salustro
Le rapport de M. Edouard Salustro, membre du Conseil économique et social, a analysé l'ampleur des distorsions de taxation sur la valeur ajoutée et a proposé certaines solutions pour y remédier. Il lui a été commandé par le ministre de l'Economie et des Finances afin d'éclairer les débats qui ont porté sur cette question lors de l'examen du projet de loi de finances pour 1996, tant à l'Assemblée nationale qu'au Sénat (amendement de notre collègue M. Bernard Joly et des membres du groupe RDSE).
Les disparités de régime en matière de TVA dans le secteur hôtelier soulèvent de nombreuses critiques. En effet, ce système engendre des distorsions économiques, entre les établissements français et leurs concurrents européens, entre les traditionnels "classiques" et les "nouveaux" traditionnels, la restauration rapide ou la livraison à domicile. La logique même des différents taux est à redéfinir.
Si, pour des raisons budgétaires, européennes ou sociales, l'abaissement global du taux de la TVA à 5,5 %, la création d'un taux intermédiaire de 12,5 % ou la ventilation de l'assiette de la TVA sur les opérations de restauration entre service et nourriture ne peuvent être retenus, des améliorations sont toutefois envisageables, comme la redéfinition des critères retenus pour les prestations de service, le maintien de la spécificité de la restauration collective tout en renforçant sa vocation sociale ou la réduction du problème de la concurrence indue dans la restauration paracommerciale.
Un plan de soutien à la restauration traditionnelle est indispensable pour venir en aide à ce secteur car l'outil fiscal est insuffisant. Il devrait faciliter la modernisation des installations en procédant au classement officiel des restaurants, en rédigeant une charte de qualité et en créant un fonds de modernisation, qui pourrait prendre la forme d'un compte d'affectation spéciale financé par un prélèvement sur le chiffre d'affaires des exploitants de cantines concédées au-delà d'un certain seuil.
Votre rapporteur souhaite donc que la discussion budgétaire donne lieu à un débat sur les suites données à ce rapport.
3. Une mise en oeuvre difficile
Lors du débat budgétaire à l'Assemblée nationale, lors du débat du 19 octobre 1996, ce problème de distorsion de concurrence dans le secteur de la restauration a de nouveau été examiné. Plusieurs amendements de nos collègues députés ont, en effet, visé à ne plus appliquer le tarif réduit de TVA aux établissements de restauration rapide.
En matière de restauration, il convient de distinguer ce qui relève de la fourniture de denrées alimentaires -y compris les boissons, à l'exclusion des boissons alcooliques- de ce qui relève de la fourniture d'une prestation de restauration -aliments compris.
La fourniture de denrées alimentaires, c'est-à-dire la vente de repas à emporter, fait l'objet d'un taux réduit de TVA, comme le permet l'annexe H de la directive de 1992 relative à l'harmonisation des taux de TVA.
La prestation de services fournie par les restaurants est assujettie au taux normal de TVA, soit 20,6 %.
Les États membres de l'Union européenne se sont accordés pour assujettir au taux normal de TVA les activités de restauration commerciale. Un taux homogène dans l'ensemble des pays européens doit ainsi prévaloir.
Toutefois, les États membres qui appliquaient un taux réduit à la restauration commerciale au moment de l'entrée en vigueur de ces dispositions ont obtenu de continuer d'appliquer ce taux jusqu'en 1996. Au-delà, des mesures transitoires d'harmonisation sont prévues.
Si, en l'état actuel de la réglementation, le secteur de la restauration commerciale de certains pays européens bénéficie d'un taux réduit de TVA, cette situation est donc provisoire.
Mais le débat a révélé la difficulté de déterminer un critère objectif et incontestable.
La législation fiscale actuelle encourage les ventes à emporter, quel que soit l'établissement qui les propose. Puisque les directives communautaires ne permettent pas d'appliquer le taux réduit de TVA aux services de restauration rapide, la seule solution juridiquement incontestable serait d'aligner le taux de TVA vers le haut, les ventes à emporter étant taxées, comme la restauration sur place, au taux normal de 20,6 %.
Or, cette évolution pénaliserait les commerçants, boulangers, pâtissiers, charcutiers-traiteurs, qui ont considérablement développé ce type de vente, notamment pour répondre à la demande de la clientèle touristique étrangère.
Ces propositions n'ont donc pas été retenues par l'Assemblée nationale.