CONCLUSION
L'Association des Etats de la Caraïbe constitue un défi mais aussi une chance pour l'ensemble des pays de la zone. Un défi, certes, car il faudra surmonter les obstacles de l'insularité, des clivages culturels, d'économies souvent plus concurrentielles que complémentaires. Mais aussi une chance : l'organisation a voulu dépasser les barrières de l'histoire et de la langue pour devenir le creuset d'une identité fondée sur l'unité géographique. Le Bassin caraïbe pourra ainsi, entre la dynamique de l'Alena et du Mercosur, conjurer le spectre de la marginalisation et, peut-être, jouer ce rôle de trait d'union que lui assignent l'histoire et la géographie.
Naturellement, l'Association ne fournit qu'un cadre : il reviendra aux Etats membres de donner corps à la vaste ambition dont elle porte les prémices.
La France doit jouer, dans cette perspective, un rôle moteur. L'adhésion française à l'AEC manifeste, avec force, la volonté de notre pays de participer pleinement à l'avenir de cette partie du monde.
EXAMEN EN COMMISSION
La commission des Affaires étrangères, de la Défense et des Forces armées a procédé à l'examen du présent projet de loi lors de sa séance du 26 mars 1997.
A l'issue de son exposé, Mme Lucette Michaux-Chevry a précisé à M. Maurice Lombard que Cuba était membre de l'AEC. Elle a également indiqué à M. André Boyer, qui s'interrogeait sur les relations entre les départements français d'Amérique (DFA) et Haïti, que la France apportait une importante contribution à ce pays. Elle a cité notamment le programme de vaccination qui avait concerné trois millions d'enfants haïtiens, le développement de l'éclairage à partir de l'utilisation de l'énergie solaire, la coopération judiciaire et, enfin, la réhabilitation de la "Cité Soleil" à laquelle la région de Guadeloupe consacrera près de 20 millions de francs. Elle a relevé l'importance des efforts déployés par les Etats-Unis, en particulier sur le plan militaire, pour développer leur influence en Haïti.
Mme Danielle Bidard-Reydet a alors rappelé qu'une récente mission dans la région lui avait permis de prendre la mesure des différences entre un état de grande pauvreté et la situation de misère qui prévalait dans certains pays comme Haïti. Elle s'est fait l'écho de l'inquiétude manifestée par plusieurs Etats de l'espace caraïbe devant l'influence grandissante des Etats-Unis. Elle s'est étonnée de l'absence d'une chaîne de télévision française en Haïti et s'est interrogée par ailleurs sur les relations entre notre pays et la Jamaïque -où devait être supprimée notre ambassade- ainsi que sur la pérennité du blocus dont Cuba était l'objet et enfin sur la difficulté des liaisons inter-îles.
Mme Lucette Michaux-Chevry a relevé que les difficultés de la présence française dans la région lui paraissaient en partie liées à la multiplicité des acteurs -ministères des Affaires étrangères, de l'outre-mer et de la coopération- qui pouvait, par exemple, entraîner des retards préjudiciables à nos entreprises au moment où celles-ci souhaitaient répondre à des marchés publics étrangers. Elle a souligné que la coopération française dans la région n'avait pas encore porté tous ses fruits dans la mesure où les pays aidés préféraient consommer des produits américains plutôt que développer les importations en provenance de la France ou de ses DFA. S'agissant de Cuba, Mme Lucette Michaux-Chevry a relevé que la France avait contribué à l'ouverture de ce pays par le développement des liaisons aériennes, par l'envoi de techniciens, ainsi que par l'accueil de jeunes Cubains dans les établissements scolaires des DFA. Elle a regretté que le satellite situé à hauteur de Haïti ne permette pas d'assurer la diffusion de programmes français mais elle a souligné toutefois que les échanges linguistiques progressaient dans la région à travers la diffusion de livres scolaires ou de journaux français. Le rapporteur a partagé les préoccupations liées à l'insuffisance des transports entre les Etats de la région, tout en notant que les communications téléphoniques entre les DFA et certains des Etats voisins s'étaient améliorées. Enfin, Mme Lucette Michaux-Chevry a relevé que la présence française dans la région apparaissait pour les Etats du Bassin Caraïbe comme un moyen de contrebalancer l'hégémonie américaine.
M. Bertrand Delanoë s'est interrogé sur les relations entre les Etats de la Caraïbe et l'Union européenne et sur l'opportunité que présentait l'AEC pour permettre aux populations de la région d'obtenir une plus grande reconnaissance de la part des instances communautaires. Pour Mme Lucette Michaux-Chevry, la France devait jouer la carte de l'Europe pour développer son influence dans le bassin Caraïbe. Elle a rappelé que les DFA conféraient à l'Europe sa véritable dimension maritime et lui donnaient notamment une "fenêtre" sur la région Caraïbe.
Le rapporteur a alors précisé à M. Xavier de Villepin, président, que le financement de l'Association reposait sur un budget doté de 1,5 million de dollars, ainsi que sur des programmes spécifiques de financement. Elle a souligné également l'importance du fonds interministériel français pour les Caraïbes dont la contribution s'élevait à près de 7 millions de francs.
M. Xavier de Villepin, président, s'est interrogé sur la place des Caraïbes entre les deux vastes zones de libre-échange représentées par l'ALENA et le Mercosur. Après avoir souligné les antagonismes qui traversaient l'ensemble du continent américain, Mme Lucette Michaux-Chevry a observé que le Brésil, comme l'Argentine, avaient exprimé le souci de se rapprocher de la structure mise en place dans le bassin de la Caraïbe. Elle a estimé que l'Amérique ne constituerait pas un marché commun unifié car les pays d'Amérique Latine se montraient soucieux de préserver leurs racines culturelles et de conserver notamment une entière souveraineté linguistique.
M. Charles-Henri de Cossé-Brissac s'est alors demandé si le Canada francophone ne constituait pas un relais pour l'influence des Etats-Unis dans la région. Mme Lucette Michaux-Chevry lui a répondu que le Canada conduisait vis-à-vis des pays de l'AEC une politique avant tout conforme à ses propres intérêts. Elle a souligné l'importance de la relation franco-canadienne et relevé la présence d' associations franco-canadiennes en Guadeloupe, en Guyane et en Martinique, tout en soulignant que les trois départements accueillaient un grand nombre de touristes canadiens. M. Xavier de Villepin, président, a ajouté que le Canada, à l'instar des pays de l'Union européenne, s'était opposé à la loi Helms-Burton adoptée par le Congrès des Etats-Unis et qui visait à renforcer l'embargo contre Cuba. Le Canada comme le Mexique, qui font plus de 80 % de leurs échanges avec les Etats-Unis, apparaissaient, d'après M. Xavier de Villepin, très sensibles aux risques d'une hégémonie américaine.
La commission a alors approuvé les deux projets de loi qui lui étaient soumis.