Rapport n° 289 : Association des Etats de la Caraïbe
Mme Lucette MICHAUX-CHEVRY, Sénateur
Commission des Affaires étrangères, de la défense et des forces armées - Rapport n° 289 - 1996/1997
Table des matières
- I.L'INTÉGRATION RÉGIONALE DANS LES CARAÏBES : UN ENJEU DÉCISIF POUR LA FRANCE
- A.UN ESPACE EN QUÊTE DE COHÉSION
- B.LE NÉCESSAIRE RENFORCEMENT DE LA PRÉSENCE FRANÇAISE
- II.L'ASSOCIATION DES ETATS DE LA CARAÏBE : UN CADRE PRIVILÉGIÉ POUR L'ACTION DE LA FRANCE DANS LA RÉGION
- A.UN INSTRUMENT NOUVEAU POUR RENFORCER L'IDENTITÉ RÉGIONALE
- B.LA RECONNAISSANCE DE LA PLACE DE LA FRANCE ET DE SES DFA DANS LA RÉGION
- CONCLUSION
- EXAMEN EN COMMISSION
- PROJET DE LOI
- PROJET DE LOI
-
ANNEXE N° 1 -
ETUDE D'IMPACT10 -
ANNEXE N° 2 -
ETUDE D'IMPACT11
N° 289
SÉNAT
SESSION ORDINAIRE DE 1996-1997
Annexe au procès-verbal de la séance du 26 mars 1997.
RAPPORT
FAIT
au nom de la commission des Affaires étrangères, de la défense et des forces armées (1) sur :
1) le projet de loi autorisant la ratification de la convention créant l'Association des Etats de la Caraïbe (ensemble deux annexes),
2) le projet de loi autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et l'Association des Etats de la Caraïbe définissant les modalités de la participation de la République française à l'Association des Etats de la Caraïbe en tant que membre associé au titre de la Guadeloupe, de la Guyane et de la Martinique,
Par Mme Lucette MICHAUX-CHEVRY,
Sénateur.
(1) Cette commission est composée de : MM. Xavier de Villepin, président ; Yvon Bourges, Guy Penne, Jean Clouet, François Abadie, Mme Danielle Bidard-Reydet, MM. Jacques Genton, vice-présidents ; Michel Alloncle, Jean-Luc Mélenchon, Serge Vinçon, Bertrand Delanoë, secrétaires ; Nicolas About, Jean-Michel Baylet, Jean-Luc Bécart, Mme Monique ben Guiga, MM. Daniel Bernardet, Pierre Biarnès, Didier Borotra, André Boyer, Mme Paulette Brisepierre, MM. Michel Caldaguès, Robert Calmejane, Charles-Henri de Cossé-Brissac, Pierre Croze, Marcel Debarge, Jean-Pierre Demerliat, Xavier Dugoin, André Dulait, Hubert Durand-Chastel, Claude Estier, Hubert Falco, Jean Faure, Philippe de Gaulle, Daniel Goulet , Jacques Habert, Marcel Henry, Roger Husson, Christian de La Malène, Edouard Le Jeune, Maurice Lombard, Philippe Madrelle, Pierre Mauroy, Mme Lucette Michaux-Chevry, MM. Paul d'Ornano, Charles Pasqua, Alain Peyrefitte, Bernard Plasait, Régis Ploton, Guy Robert, Michel Rocard, André Rouvière, André Vallet.
Voir les numéros :
Sénat : 187 et 188 (1996-1997).
Traités et conventions.
Mesdames, Messieurs,
L'influence des Etats-Unis dans le bassin de la Caraïbe apparaît aujourd'hui dominante. La mise en place de l'Association des Etats de la Caraïbe et l'adhésion de la France à cette organisation au titre de ses départements français d'Amérique constituent une chance décisive pour instaurer un contrepoids à la présence du géant américain et assurer le rayonnement de notre pays. Tel est l'enjeu majeur des deux accords sur lesquels le Sénat est appelé à se prononcer.
Les départements et territoires d'outre-mer ont longtemps été liés au territoire métropolitain par une relation marquée du sceau de l'exclusivité ; les liens noués avec leur environnement régional apparaissaient des plus modestes. Depuis plusieurs années, cette situation évolue, sous l'effet, notamment, de la politique de décentralisation. L'intensification des contacts entre les DOM-TOM et leurs voisins apparaît désormais comme un atout à la fois pour le développement économique, social et culturel de ces territoires mais aussi pour notre diplomatie mieux à même, ainsi, de faire valoir les intérêts de la France dans des régions qui peuvent présenter d'importants enjeux pour notre pays.
Aussi la France a-t-elle adhéré par exemple, en 1986, au titre de la Réunion à la Commission de l'Océan indien. L'adhésion de la France à l'Association des Etats de la Caraïbe au titre de la Guadeloupe, de la Guyane et de la Martinique, s'inscrit dans un même mouvement.
Elle suppose, sur le plan juridique, la ratification de deux accords distincts mais complémentaires :
- la convention créant l'Association des Etats de la Caraïbe (AEC) signée par la France le 24 juillet 1994 à Cartagena de Indias ;
- l'accord entre la France et l'Association des Etats de la Caraïbe -signé le 24 mai 1996 à Mexico- définissant les modalités de participation de la France à l'AEC en tant que membre associé au titre des trois départements français d'Amérique (DFA).
L'Association des Etats de la Caraïbe couvre non seulement les Etats ou territoires insulaires de la région mais également les pays continentaux riverains soit, au total, un ensemble de plus de cent millions d'habitants : cet espace qui réunit ainsi des micro-Etats mais aussi le Mexique, la Colombie ou le Vénézuela, se trouve confronté aujourd'hui au défi de la mondialisation des échanges à travers notamment la mise en place de vastes zones de libre-échange tels que l'Accord de libre-échange nord américains (ALENA) ou le Marché commun du Cône sud (MERCOSUR). Trait d'union entre l'Amérique du Nord et l'Amérique du Sud, mais aussi entre l'Europe et les Amériques, il peut devenir un pôle de développement économique.
Les enjeux économiques n'épuisent cependant pas l'intérêt d'une présence française renforcée dans cette région : le rayonnement diplomatique et culturel de notre pays peut tirer parti de l'adhésion à l'AEC, comme votre rapporteur essaiera de le montrer avant d'analyser les deux accords soumis à l'examen de notre Haute Assemblée.
I. L'INTÉGRATION RÉGIONALE DANS LES CARAÏBES : UN ENJEU DÉCISIF POUR LA FRANCE
A. UN ESPACE EN QUÊTE DE COHÉSION
1. Un e région fragmentée
a) Les ferments d'unité
La mer des Caraïbes donne sa cohésion géographique au vaste espace que composent les Grandes Antilles, les Petites Antilles et les pays continentaux -Mexique, Bélize, Guatemala, Honduras, Nicaragua, Costa Rica, Panama, Colombie, Vénézuela.
La mer, mais aussi le climat caractéristique de la zone chaude intertropicale : les cyclones exposent les pays du Bassin caraïbe à une menace permanente. Plusieurs années ont été nécessaires à la Guadeloupe pour se relever du cyclone Hugo de septembre 1989.
L'histoire a également semé des ferments d'unité : l'influence de la colonisation a marqué le peuplement et contribué à créer une société multiraciale ; elle a favorisé la mise en place d'économies de rentes fondées sur de vastes plantations.
Ces facteurs d'unité ne suffisent pas cependant à effacer l'extraordinaire diversité des pays que l'Association des Etats de la Caraïbe a vocation à regrouper.
b) Les lignes de partage
Au-delà même du disparate des superficies et des populations, deux lignes de partage fondamentales, culturelle et politique, traversent la zone.
Si les pays continentaux présentent une certaine unité culturelle, les îles restent marquées par les différentes puissances tutélaires qui avaient fait de la région le champ clos de leurs rivalités. La pluralité des langues apparaît significative à cet égard. Si l'espagnol reste majoritaire dans les Antilles (21 millions de locuteurs), la place du français (6,5 millions), de l'anglais (6 millions) et, dans une moindre mesure, du hollandais (640 000) ne peut être tenue pour négligeable. En outre, le créole (fondé sur une base lexicale européenne et une syntaxe et une grammaire d'origine africaine) conserve sa vitalité : en Haïti il dispose, avec le français, du statut de langue officielle.
Le catholicisme, certes largement majoritaire, doit compter avec le dynamisme des églises protestantes mais aussi l'islam, pratiqué par 16 % de la population à Trinidad et Tobago.
La diversité des statuts politiques traduit, quant à elle, l'héritage du passé, mais elle porte aussi la trace des grands mouvements de l'histoire contemporaine.
· Les îles dotées d'un statut particulier
Les liens tissés avec les métropoles européennes ont connu une pérennité certaine sous plusieurs formes.
- Les départements d'outre-mer français -Guadeloupe, Guyane, Martinique- placés sous souveraineté française depuis le XVIIe siècle, disposent depuis la loi du 19 mars 1946, d'un statut comparable à celui des autres départements français.
- Les colonies de la Couronne britannique -Anguilla, îles Caïmans, Montserrat, Turks et Caïcos, îles Vierges britanniques- ne sont pas intégrées au territoire national britannique et relèvent, dans le cadre du traité de Rome, des pays et territoires d'outre-mer ; l'autorité britannique, représentée par un gouverneur, s'exerce principalement dans les domaines de la défense et des affaires étrangères ; le système politique repose par ailleurs sur un régime parlementaire inspiré des institutions de la Grande-Bretagne.
- Les pays d'outre-mer néerlandais -Aruba, Bonaire, Curaçao, Saint-Martin en partie, Saint-Eustache- bénéficient d'un statut très proche des colonies britanniques et relèvent aussi, au regard du droit européen, des territoires d'outre-mer.
- Les territoires sous souveraineté des Etats-Unis -Porto-Rico (associé aux Etats-Unis depuis 1952) et les îles Vierges- constituent les exemples d'une emprise américaine qui s'est écartée des formes de colonisation traditionnelle.
· Les Etats indépendants
Parmi les pays indépendants, il convient de distinguer ceux dont l'appartenance au groupe ACP -Afrique, Caraïbe, Pacifique- signataire des accords de Lomé en 1975, manifestent la pérennité d'une solidarité avec le Vieux continent et les autres Etats souverains des Caraïbes.
Au sein des pays ACP eux-mêmes, deux ensembles se dégagent :
- Les pays dépendant autrefois de la Couronne britannique qui ont accédé à l'indépendance entre 1962 et 1983 tout en conservant un lien -très lâche- avec l'ancienne puissance tutélaire dans le cadre du Commonwealth : Antigua et Barbuda, Bahamas, Barbade, Bélize, Dominique, Grenade, Jamaïque, Saint-Christophe et Nieves, Sainte-Lucie, Saint-Vincent et les Grenadines ; Trinité et Tobago et Guyana ont opté pour leur part pour le statut de République.
- Les autres pays ACP -Surinam, Haïti, République dominicaine- apportent, pour les deux derniers, une composante hispanophone, paradoxalement minoritaire dans le cadre du regroupement des pays ACP, compte tenu du relatif isolement de Cuba.
A ces lignes de partage, héritées du passé se sont ajoutées en effet les césures liées aux mouvements de l'histoire contemporaine. La révolution castriste a inspiré les expériences de la République de Guyana avec Cheddi Jagan, du Nicaragua et de la Grenade et fournit un modèle pour nombre de partis communistes dans la région. Aujourd'hui cependant ces oppositions ont perdu l'acuité qu'elle revêtait dans un monde bipolaire. Le régime cubain lui-même a accepté de composer avec les règles du libéralisme afin de satisfaire les besoins d'une économie en déshérence.
Le déclin des antagonismes idéologiques a ouvert de nouvelles perspectives pour un rapprochement entre les différents Etats du Bassin caraïbe. La logique d'un rapprochement s'impose d'autant plus que ces pays partagent des préoccupations comparables d'ordre économique et politique.
2. Les risques de la marginalisation
a) Un faisceau de préoccupations communes
Les économies des Caraïbes sont en effet confrontées à des problèmes communs.
En premier lieu, elles souffrent de l'étroitesse de leurs marchés. L'île la plus peuplée, Cuba, compte 11 millions d'habitants ; parmi les iles de l'Avant, seule Trinité et Tobago dépasse le million d'habitants. Elles supportent en outre les charges propres à l'insularité, notamment les frais de transport et de stockage. Par ailleurs, malgré la spécialisation de certaines de leurs productions, les Etats des Caraïbes ne sont guère en mesure de peser sur les marchés de matières premières.
En second lieu, à l'exception des DFA ou des îles placées sous la souveraineté d'un autre Etat, les pays du Bassin Caraïbe appartiennent au monde en développement. Les pays les plus riches (Bahamas, Barbade, Trinité et Tobago) bénéficient d'un revenu par habitant proche de 10.000 dollars ou même supérieur. Mais la majorité des habitants de la zone disposent d'un revenu inférieur à 5.000 dollars (le revenu par habitant de Haïti reste inférieur à 930 dollars et situe ce pays parmi les plus pauvres du monde). Ces économies se caractérisent par une triple dépendance :
- à l'égard d'un nombre limité de produits (banane et canne à sucre pour le secteur agricole, quelques produits énergétiques pour l'industrie -80 % des exportations de Trinité et Tobago et de Curaçao reposent sur le pétrole-) ;
- à l'égard d'un secteur tertiaire très développé qui concentre près de 60 à 80 % de l'emploi (sauf en Haïti) -principalement dans les activités touristiques ;
- à l'égard, enfin, des marchés extérieurs : rapportée au PIB, la part des exportations représente 58 % en Jamaïque, 53 % au Guyana... et 94,3 % à Saint-Vincent.
Ces faiblesses se sont aggravées au cours des années 80, caractérisées par une dégradation des comptes extérieurs . Les exportations ont eu alors tendance à décliner tandis que le niveau des importations paraissait difficilement compressible, compte tenu de la structure des flux commerciaux propre à la région. En conséquence, l'endettement s'est accru : aujourd'hui, le rapport du service de la dette aux exportations dépasse pour plusieurs pays le niveau critique estimé à 15 % (22 % pour la Jamaïque, 19,6 % pour la République dominicaine, 34 % pour Trinité et Tobago -dans ces trois pays, les politiques de rigueur mises en oeuvre ont d'ailleurs, parfois, suscité des troubles sociaux graves).
Ces difficultés économiques ont donné quelque crédit à la crainte d'une marginalisation économique dont les Etats de la région pourraient être les victimes à la suite de la mise en oeuvre de l'Accord de libre échange nord-américain (ALENA) signé le ler janvier 1994 entre le Canada, les Etats-Unis et le Mexique. Grâce à l'ALENA, le Mexique a pu accroître sa compétitivité sur les marchés nord-américains. Il est devenu par ailleurs une terre d'élection pour les investisseurs étrangers, aux dépens parfois des Etats voisins.
La faiblesse des transports inter-îles du Bassin Caraïbe apparaît enfin comme un handicap majeur pour la circulation des hommes et des biens au sein de l'espace Caraïbe.
Les sujets de préoccupation communs ne se manifestent pas seulement dans le domaine économique mais aussi dans l'ordre politique . Quatre thèmes principaux mettent en jeu des intérêts régionaux : la sécurité, la drogue, les migrations, l'environnement.
Si le Bassin des Caraïbes ne constitue plus un enjeu dans une rivalité Est-Ouest à laquelle l'effondrement de l'URSS a enlevé toute actualité, il n'est pas à l'abri de l'instabilité liée à l'évolution intérieure des différents Etats . Les règles du jeu démocratique, à Cuba notamment, connaissent bien des exceptions. L'Etat de droit ne repose pas sur une longue tradition historique. Un coup d'Etat peut le remettre en cause.
Or, ces menaces peuvent affecter une région qui conserve un intérêt géostratégique majeur. En effet, la mer des Caraïbes apparaît aujourd'hui l'un des premiers lieux de circulation des hydrocarbures . En premier lieu, les Etats-Unis, le Mexique, le Vénézuela mais aussi la Colombie, Trinité et Tobago disposent d'importants gisements tandis que de récentes prospections ont décelé des ressources à Cuba et au Guatemala.
En outre, le commerce extérieur nord-américain se concentre principalement dans les ports du golfe du Mexique. Enfin, les grandes voies maritimes du commerce mondial confèrent une importance stratégique aux détroits du Yucatan et de Floride, au canal de Panama ainsi qu'aux passages entre les différentes îles antillaises (notamment entre la Guadeloupe au nord et Sainte-Lucie au sud).
Si la région n'apparaît, à l'avenir, pas à l'abri de l'instabilité politique, elle est aujourd'hui confrontée à un risque immédiat: le développement du trafic de stupéfiants . Les narcotrafics ont su tirer parti de l'émiettement des Caraïbes en micro-Etats. Comme le soulignait un observateur [1] "la configuration géographique de l'espace Caraïbe et sa situation centrale dans l'hémisphère américain font de la région un secteur névralgique de la géographie mondiale de la drogue qu'il s'agisse de la production, du trafic ou du blanchiment des fonds".
Les migrations affectent l'ensemble du Bassin Caraïbe et constituent également un sujet de préoccupation commun. Dans le passé, région d'immigration, les Caraïbes sont devenues terre d'expatriation. Ces flux revêtent parfois un caractère désespéré comme ce fut le cas par exemple au moment des départs massifs d'Haïtiens, ou de Cubains. Ils portent ainsi les germes d'une déstabilisation pour toute la région.
Enfin l'environnement cristallise aussi des inquiétudes communes. Les eaux des Caraïbes représentent un atout inestimable mais menacé. En effet, l'intense activité maritime ne met pas la région à l'abri d'un risque de pollution majeure. De plus, les ressources halieutiques font l'objet d'une exploitation parfois mal maîtrisée de la part de nombreux navires battant pavillon étranger, au premier rang desquels figurent les Japonais.
b) Une coopération régionale encore limitée
L'ensemble des problèmes auxquels les Etats de la région se trouvent, les uns et les autres, confrontés appellent une réponse commune . Comment peut naître une telle initiative ?
Les expériences passées ouvrent une alternative peu satisfaisante : l'intervention des Etats-Unis peut favoriser une unité au risque d'une dépendance étroite par rapport au géant continental ; les regroupements régionaux peuvent à l'inverse mettre en valeur une identité propre ; leur champ géographique était toutefois apparu, avant la création de l'AEC, excessivement borné.
Lancée par les Etats-Unis le ler janvier 1994, peu de temps après l'intervention américaine en Grenade, l'Initiative pour le Bassin Caraïbe (CBI) répondait à des préoccupations principalement politiques. Elle n'en reposait pas moins sur un dispositif économique ouvert à vingt-trois Etats des Caraïbes et d'Amérique centrale : exonération des droits de douane sur le marché américain pour plus de 3 800 produits -dès lors que 35 % de la valeur ajoutée est produite sur place-, aides financières et incitations fiscales.
Toutefois les résultats de la CBI n'ont pas été à la mesure des espérances : sur la période 1983-1990, les exportations américaines vers la région ont cru de 20 % tandis que les ventes de produits de la zone aux Etats-Unis se réduisaient de 18 %. En effet, le mécanisme mis en place ne couvrait pas certaines fabrications essentielles pour les économies concernées telles que les textiles et la confection. En outre, les quotas sucriers accordés ont été par la suite amputés de 70 %. Enfin, la baisse du prix du pétrole et de la bauxite a affecté l'équilibre des échanges.
Certes, les économies ont pu bénéficier d'une diversification à la faveur des investissements américains. Mais elles demeurent à la merci de délocalisations comme lorsqu'une entreprise américaine s'était retirée de la Barbade à la suite d'une hausse des coûts salariaux grevant ce pays de 30 % de ses recettes d'exportation en 1986...
L'Europe n'apparaît pas encore en mesure d'apporter un contrepoids à l'influence américaine. Sans doute la signature de l'Accord de Lomé en 1975 entre la Communauté et quarante-six pays d'Afrique, des Caraïbes et du Pacifique a-t-elle permis de favoriser les échanges commerciaux. Les exportations des Etats ACP de la Caraïbe vers la CEE ont augmenté de plus de 40 % en dix ans. Toutefois la prépondérance américaine n'a pas été vraiment entamée : le marché européen ne représente que 20 % du marché extérieur Caraïbe tandis que le marché nord-américain absorbe plus de 50 % des échanges. L'influence des Etats-Unis se manifeste du reste encore à travers le lien instauré entre la plupart des monnaies Caraïbes et le dollar.
Les regroupements régionaux ont connu également des résultats limités. Crée en 1973, la Communauté Caraïbe (Caribbean Community ou Caricom ) regroupe 14 Etats [2] , tous anglophones à l'exception du Surinam. Dans le domaine politique, les initiatives du Caricom sont demeurées limitées : une participation au sein de la Mission des Nations unies en Haïti (Minuha), une certaine ouverture vis-à-vis de Cuba...
En février 1997, le Caricom a adopté une charte des droits civils. Par ailleurs, il a amendé le traité instituant la Communauté afin de rationaliser l'organisation institutionnelle et d'assouplir les procédures de vote régies jusqu'à présent par le principe de l'unanimité.
L'intégration économique avance à pas comptés : réduction progressive avant 1998 des tarifs douaniers à des niveaux situés entre 5 et 20 % de la valeur des produits industriels (contre 45 % auparavant) et à 40 % pour les produits agricoles. Dix Etats-membres ont, par ailleurs, renoncé en 1995 aux régimes de licences préalables et aux quotas d'importation. Enfin, le ler juillet 1995, un accord a instauré la libre convertibilité des monnaies. Cependant, la part des échanges réalisée au sein du Caricom ne représente que 5 % du commerce extérieur de chacun des Etats-membres.
La coopération régionale, dans son cadre actuel se heurte en fait à plusieurs obstacles d'ordre économique ou politique.
En premier lieu, les économies concernées apparaissent plus concurrentielles que complémentaires. Ensuite le marché, même élargi aux petites et grandes Antilles, présente des perspectives réduites (6 millions d'habitants pour les Etats-membres du Caricom). En outre, les déséquilibres prononcés entre les potentiels économiques des Etats constituent un facteur de fragilité. Ainsi en 1962 le retrait de la Jamaïque de la Fédération des Petites Antilles a entraîné le démantèlement de cette organisation : "dix moins un égale zéro", comme le dira à cette occasion, dans un mot resté célèbre, le premier ministre de Trinité et Tobago.
Enfin, le Caricom exclut la dimension latine si essentielle pourtant pour l'identité de cette région.
Une coopération régionale élargie à l'ensemble des pays insulaires et continentaux, telle qu'elle est prévue dans le cadre de l'AEC, devrait contribuer à surmonter ces obstacles. En premier lieu, sur le plan économique, les échanges au sein de l'ensemble Amérique latine-Caraïbes représente 20 % du commerce extérieur de la zone et pourraient encore se développer à la faveur d'une libéralisation plus poussée. En second lieu, la coopération régionale intègrera la diversité des cultures -hispanophone et francophone et pas seulement anglophone- qui font la richesse de la zone. En effet, la France doit participer à l'Association des Etats de la Caraïbe avec le statut de membre associé au titre des DFA.
B. LE NÉCESSAIRE RENFORCEMENT DE LA PRÉSENCE FRANÇAISE
La participation du DFA à l'Association des Etats de la Caraïbe apparaît doublement bénéfique pour la France comme pour les pays du Bassin Caraïbe.
1. Les mérites pour la France d'une meilleure insertion des départements français d'Amérique dans leur environnement
a) Un enjeu économique
L'accord devrait d'abord favoriser une meilleure insertion économique des DFA dans leur environnement régional. En effet, les DFA, partie intégrante du territoire douanier de la CEE, admettent, au titre de la convention de Lomé, les produits des Etats ACP voisins sans restriction quantitative ni droits de douane -sous réserve de certains critères de contenu local des biens concernés. Les produits agricoles relèvent pour leur part d'une organisation commune de marché ou de protocoles particuliers de la convention de Lomé relatifs au sucre, au rhum et à la banane.
En revanche, en vertu du principe de non réciprocité dans les échanges commerciaux entre la Communauté et les pays ACP (article 25 de la Convention), ces derniers peuvent imposer des restrictions quantitatives ou des droits de douane aux exportations des DOM.
Certes, la Convention de Lomé prévoit dans son Annexe XXXII la possibilité de " mesures spécifiques en faveur des DOM" , "en cas d'accords commerciaux concernant les départements français d'outre-mer".
La perspective d'accords commerciaux pourrait précisément se concrétiser dans le cadre de la présente convention dont l'article 3 envisage notamment "l'intégration économique y compris la libéralisation du commerce". De tels accords pourraient contribuer, en particulier, à éliminer les droits prohibitifs imposés, dans le cadre des " negative lists ", à nombre de produits commercialisés à partir des départements d'outre-mer. De la sorte les DFA pourraient rééquilibrer progressivement leurs échanges, aujourd'hui très déficitaires avec les Etats voisins.
Structure des échanges des DFA avec les pays de la zone Caraïbe (1993)
Amérique centrale Amérique du sud Importations 154 MF 204 MF GUADELOUPE Exportations
5 MF
1 MF
Importations 194MF 237 MF MARTINIQUE Exportations
14 MF
0,9 MF
Importations 84 MF* 67 MF GUYANE Exportations
0,9 MF
2,4 MF
* dont 98 % avec Trinité et Tobago.b) Les enjeux politiques
La participation de la France à l'association des Etats de la Caraïbe présente également plusieurs avantages politiques. Elle contribuera d'abord à renforcer le rôle des DFA dans la région et permettra ensuite de conforter la place de la France dans l'espace Caraïbe .
Les DFA membres à part entière de la République française, ont eu peut être, plus de difficulté, en raison même de ce statut et à la différence des territoires dépendants britanniques et néerlandais, à s'affirmer sur la scène régionale.
Cette fois, cependant, les représentants des DFA ont été très étroitement associés à la négociation de la présente convention. Les délégations françaises aux réunions de l'AEC sont conduites par un responsable de la Guadeloupe, de la Martinique ou de la Guyane. De même, les experts des comités spéciaux chargés d'étudier les questions techniques sont choisis prioritairement au sein de ces trois départements. Cette orientation ne favorise pas seulement une meilleure concertation entre les DFA et l'Etat mais confère aussi une crédibilité renforcée aux DFA dont l'influence sur la politique française dans les Caraïbes peut être mieux reconnue par les pays voisins.
En outre, au-delà de ce seul effet bénéfique pour les DFA, la participation à l'association des Caraïbes conforte la légitimité de la présence française dans la zone . Cette reconnaissance constitue certes, avant tout, un gage de la pérennité du lien entre la France et ces DFA. Mais elle représente un atout supplémentaire pour notre diplomatie. Cette région présente en effet pour la politique étrangère trois enjeux parfois restés inaperçus :
- un appui potentiel pour les orientations françaises sur la scène internationale : dans les enceintes des Nations unies, la voix des micro-Etats représente une aide parfois décisive comme l'a d'ailleurs montré la position très mesurée de la majorité des Etats de la région lors de l'ultime campagne d'essais nucléaires français ;
- une chance pour le développement de la francophonie : les bases d'une présence francophone existent en effet -outre les DFA, trois Etats appartiennent au mouvement de la francophonie (Haïti, Sainte-Lucie et la Dominique) ; par ailleurs, la position du français s'est vue renforcée dans plusieurs pays (la République dominicaine a placé depuis septembre 1995 le français à égalité avec l'anglais à la fin du primaire ; la Jamaïque a intégré depuis 1993 l'enseignement du français dans le cursus des écoles normales ; le Salvador a réintroduit en 1990 l'enseignement obligatoire du français dans le secondaire ; le Nicaragua et le Honduras projettent de suivre cet exemple alors que le Costa Rica a rendu obligatoire notre langue dans les trois premières années du secondaire ; enfin Cuba conduit actuellement une expérience-pilote d'enseignement du français dans le primaire) ; la langue française bénéficie , il faut le souligner, dans le cadre de l'AEC, d'un statut comparable à celui de l'espagnol et de l'anglais ;
- un moyen de conjurer les turbulences : la coopération régionale doit en effet permettre de lutter contre le trafic des stupéfiants qui n'épargne pas les DFA -Ainsi, du fait de son rôle de plaque tournante, le port franc de Saint-Martin apparaît au premier chef concerné par la recrudescence du narcotrafic ;
En outre, la concertation a aussi pour vocation de mieux maîtriser l'immigration clandestine, problème permanent pour le département de la Guyane.
2. Une présence bénéfique pour la région
a) une aide française encore dispersée
L'aide que la France apporte à la région doit être pensée dans cette perspective et s'inscrire comme l'un des instruments du renforcement de la présence française. La France peut fournir en effet une aide précieuse aux pays de la zone. Cette aide repose non seulement sur les instruments classiques de l'aide française, mais aussi depuis 1990 sur un outil plus original, le Fonds interministériel de Coopération Caraïbes-Guyane destiné à financer des actions de coopération impliquant directement des instances publiques ou privées des DFA. Chaque année, ce fonds, doté de crédits de l'ordre de 7 à 8 millions de francs, réalise une trentaine de projets en moyenne -classés en sept rubriques : enseignement-formation, culture, recherche, santé, environnement, entreprises-échanges commerciaux, développement rural.
L'aide française apparaît aujourd'hui cependant limitée et encore trop éparpillée. Elle doit mieux faire valoir encore les secteurs dans lesquels les DFA apparaissent performants afin de promouvoir l'insertion de ces départements dans leur environnement régional.
b) Un large champ offert à la coopération française
Quatre domaines d'excellence se prêtent à une coopération privilégiée.
La formation constitue en premier lieu un champ prioritaire pour l'aide française. L'expérience conduite dans le cadre du centre Trainmar basé en Guadeloupe apparaît exemplaire. Cette institution, créée en 1986 sous les auspices de la CNUCED, assure la formation des professionnels des communautés portuaires et maritimes de la Caraïbe et dispose de correspondants en Jamaïque, à Trinidad, à Cuba et en République dominicaine. Dans le même esprit, les centres de télécommunications des deux Antilles françaises reçoivent chaque année plusieurs stagiaires d'Amérique Latine.
Il reste cependant beaucoup à faire. Ne nous y trompons pas, les pays de la Caraïbe ne possèdent pas les structures scolaires et universitaires à la mesure de leurs besoins. Au moment où la francophonie connaît un regain dans cette région, notre pays se doit de prendre en compte ces nouvelles aspirations à travers la formation et le recyclage des enseignants de français, l'octroi de bourses, l'organisation de stages...
La recherche fournit un autre terrain propice aux actions de coopération. Les principaux instituts de recherche (BRGM, Cirad, l'Ifremer, l'IRA, l'Institut Pasteur et l'ORSTOM) sont présents dans les trois départements français. L'Ifremer et l'ORSTOM ont constitué avec le concours de l'institution universitaire un pôle de recherche océanographique et halieutique. Les contrats de plan Etat-région prévoient d'ailleurs au titre de la recherche scientifique un volet consacré à la valorisation et au transfert de techniques dans les pays voisins.
Un soutien pourrait être également apporté dans le secteur sanitaire où nombre de pays apparaissent démunis alors que les équipements et le savoir-faire réunis à Fort-de-France comme à Pointe-à-Pitre se placent au meilleur niveau.
Enfin, l'expérience acquise par la France dans le domaine de la sécurité civile peut être utilement mise au service des Etats voisins -comme du reste ce fut déjà le cas à plusieurs reprises, notamment lors des interventions rapides de l'armée et de l'aide sanitaire françaises après les cyclones qui ravagèrent certaines des îles des Caraïbes.
Les différents domaines de coopération évoqués n'épuisent certes pas le champ du possible mais ils ouvrent quelques voies prometteuses pour la coopération régionale.
La présence française dans la région représente, enfin, un dernier atout pour les pays de la zone : notre pays compte parmi les meilleurs intercesseurs des intérêts de la Caraïbe auprès des instances communautaires. Or, on le sait, Bruxelles apporte une aide considérable aux pays ACP. Ce soutien se traduit notamment par le régime préférentiel accordé aux producteurs de bananes auxquels 30 % du marché européen sont réservés. En outre les arrangements bilatéraux avec d'autres Etats comme le Costa-Rica, le Nicaragua, le Vénézuela et la Colombie concèdent des facilités comparables.
II. L'ASSOCIATION DES ETATS DE LA CARAÏBE : UN CADRE PRIVILÉGIÉ POUR L'ACTION DE LA FRANCE DANS LA RÉGION
Votre rapporteur présentera le dispositif de la convention Association des Etats de la Caraïbe avant d'analyser les modalités particulières de la participation française à la nouvelle organisation.
A. UN INSTRUMENT NOUVEAU POUR RENFORCER L'IDENTITÉ RÉGIONALE
Quels sont les objectifs poursuivis par l'Association des Etats de la Caraïbe ? Quels sont les moyens dont dispose la nouvelle organisation pour répondre aux missions qui lui sont assignées ?
1. Les objectifs : une coopération renforcée
a) Les principes fondateurs
La convention le rappelle dans son préambule, la création de l'Association des Etats de la Caraïbe vise à conjurer le spectre d'une marginalisation économique et politique liée, d'une part, à la mise en place de vastes zones de libre échange sur le continent américain et, d'autre part, aux évolutions des relations internationales libérées désormais de la logique de confrontation entre blocs antagonistes.
Le préambule pose également les trois principes fondamentaux qui inspirent l'organisation :
- une intégration régionale soucieuse de dépasser les clivages habituels entre monde anglophone et hispanophone notamment, comme le souligne la référence aux résolutions adoptées lors de la deuxième conférence du Caricom et de l'Amérique centrale ainsi que lors du sommet des présidents du Groupe des trois (Colombie, Mexique, Vénézuela) et des représentants du Caricom en octobre 1993 ;
- le respect des principes de démocratie , de l'Etat de droit , des droits de l'Homme , du droit des peuples à disposer d'eux-mêmes , autant de principes -faut-il le souligner- dont le rappel ne saurait être indifférent dans cette région ;
- la protection de l'environnement de la région et en particulier de la mer des Caraïbes, témoignage d'une volonté de mieux maîtriser l'exploitation des ressources, décisive à la fois pour le développement économique de la zone, mais aussi pour la qualité de vie des " générations actuelles et futures des peuples de la Caraïbe ".
b) Une dimension politique et économique
Dans ce cadre, les Etats membres s'assignent un double objectif :
- la mise en place de politiques ou de programmes communs dans un large éventail de domaines (culture, économie, questions sociales, science et technologie).
- l'intégration économique à travers la libéralisation du commerce, des investissements ou des transports (art. 3).
En outre, lors du sommet inaugural de l'association, en 1991 à Port d'Espagne, les chefs d'Etats et de gouvernements ont rappelé " l'importance des principes de libre accès et d'opportunités égale au transport aérien et maritime à tarifs raisonnables ", conditions indispensables " à l'intégration économique des Etats, pays et territoires " de l'Arc. Ils se sont assigné pour " objectif ultime ", " l'offre de services durables, efficaces, rentables, uniques et de première qualité aux passagers et compagnies de navigation à des tarifs raisonnables ".
2. Les moyens d'une efficacité nouvelle
Dans l'esprit des négociateurs, l'efficacité du nouveau dispositif repose sur deux facteurs : d'une part, un dispositif institutionnel , d'autre part, l' ouverture du traité à un ensemble régional très large quoique précisément déterminé, alors même que le caractère restrictif du nombre des Etats membres des organisations régionales précédentes avait pu affecter leurs capacités d'action.
a) Le dispositif institutionnel
Le dispositif institutionnel s'articule autour de trois entités : le Conseil des ministres, les comités spéciaux, le Secrétariat.
· Le Conseil des ministres
Le Conseil des ministres réunit les représentants des Etats membres au moins une fois par an (art. 11). Il peut également convoquer des réunions extraordinaires du Conseil sur un ordre du jour particulier (art. 8) [3] . Il adopte le budget en deux temps : un vote sur chacune des rubriques budgétaires à la majorité des trois quarts des délégués présents et votant, suivi d'un vote sur l'ensemble du budget par consensus (art. 12). Pour le reste, les décisions sont prises par consensus pour les " questions substantielles " et à la majorité des deux tiers pour les " questions de procédure ", le partage entre l'une ou l'autre de ces catégories relevant d'ailleurs d'un vote à la majorité des deux tiers (art. 11).
Le Conseil des ministres constitue le " principal organe de formulation de politique et d'orientation de l'Association ".
A ce jour il a pris trois initiatives notables :
- une déclaration de principe et un plan d'action sur le tourisme, le commerce et les transports ;
- la création d'un Fonds régional pour le développement du tourisme dans la Caraïbe (FORETU), destiné non pas à recevoir des contributions des Etats membres de l'AEC mais à obtenir des financements auprès d'organismes internationaux ou de sociétés privées ;
- un plan d'action pour l'éducation et la formation dans le domaine du tourisme.
Enfin, un avant-projet d'accord soumis au prochain Conseil des ministres devrait permettre d'établir une " zone de tourisme durable ".
· Les comités spéciaux
La convention prévoit la mise en place de cinq comités spéciaux (commerce, environnement, ressources naturelles, science et culture, budget). Le Conseil des ministres peut par ailleurs créer d'autres comités spéciaux qu'il peut juger utiles : un Comité spécial du tourisme a ainsi été créé en décembre 1996 lors du Conseil des ministres de la Havane.
Les comités spéciaux " originels " ont commencé à se réunir au cours de l'année 1996. Le Comité du commerce a été chargé d'" identifier les barrières au sein de la région qui portent atteinte au commerce et à l'investissement et d'élaborer une méthodologie favorisant la libéralisation progressive du commerce, de l'investissement, des transports et d'autres domaines avec pour objectif l'établissement prochain d'une zone de libre-échange ".
Le Comité de la protection et de la conservation de l'environnement et de la mer des Caraïbes a pour sa part été chargé de confier à un groupe spécifique le suivi des problèmes relatifs aux catastrophes naturelles et de proposer des solutions.
· Le Secrétariat
Le Secrétariat de l'Association des Etats de la Caraïbe assure la préparation des décisions du Conseil des ministres et veille à leur application (art. 15). Il repose sur une structure légère dirigée par un secrétaire général élu par le Conseil des ministres pour quatre ans (art. 14) [4] et comprend huit cadres -trois directeurs (de nationalité dominicaine, guatémaltèque, jamaïcaine), deux " senior professionals " -colombien et guyani-, deux " junior professionals " -cubain et trinidadien. En outre, l'AEC bénéficie de la mise à disposition temporaire par le Conseil régional de la Guadeloupe, d'un expert français.
Le siège de l'AEC est à Port d'Espagne (Trinité et Tobago).
· La question du financement
Le budget prévu au titre de l'article 12 de la convention ne couvre que le fonctionnement de l'Association. La dotation initiale -un montant de 1,5 million de dollars reconduit en 1997- repose sur les contributions des Etats membres [5] .
Les actions décidées par le Conseil des ministres font l'objet d'un financement distinct, en principe dans le cadre du fonds spécial alimenté par les contributions volontaires des Etats membres (art. 13). Compte tenu des délais nécessaires à l'élaboration de son statut, ce fonds institué en décembre 1996 n'a pas encore été utilisé.
b) Un champ géographique élargi
La convention prévoit deux modalités d'adhésion à l'AEC comme membre à part entière, d'une part, et membre associé, d'autre part.
Le premier statut vise les Etats souverains de la région ; le second, les territoires dépendants ou les Etats comme la France, présents dans la région à travers les DFA. Dans l'un ou l'autre cas, la convention fixe une liste limitative des pays concernés.
L'Association se caractérise par l'ampleur du champ géographique couvert où se trouve réuni l'ensemble des pays riverains du Bassin caraïbe -ainsi que les Bahamas, la Guyane, le Surinam et le Salvador-. Tous les Etats ayant vocation à appartenir à l'AEC ont, en fait, signé la convention constitutive de cette organisation dès son adoption en juillet 1994 à Carthagène. Il faut sans doute voir dans ce mouvement d'intérêt la traduction d'un véritable sentiment de solidarité entre les Etats de la Caraïbe.
En outre, l'Association peut admettre des observateurs dans les conditions prévues par le Conseil des ministres [6] .
B. LA RECONNAISSANCE DE LA PLACE DE LA FRANCE ET DE SES DFA DANS LA RÉGION
Votre rapporteur présentera d'abord les modalités de participation de la France à l'AEC avant d'examiner dans ce cadre la répartition des compétences entre l'Etat et les collectivités territoriales.
1. Le statut de membre associé : une large capacité d'initiative pour la France
L'accord pose pour les membres associés le principe d'un droit d'intervention et de vote dans les débats et les réunions du Conseil des ministres et des comités spéciaux sur " les questions les concernant directement et relevant de leur compétence constitutionnelle " (art. 4), mais il renvoie à des accords d'association avec " l'Etat, le pays ou le territoire concerné " les conditions de participation à l'AEC.
La négociation de l'accord définissant les modalités d'association de la France à l'AEC a dû résoudre une série de problèmes liés à la double singularité de la présence française dans le Bassin caraïbe :
- les trois départements français d'Amérique disposent d'un statut juridique distinct de celui de la plupart des territoires dépendants de la zone ;
- à ce titre, les DFA appartiennent à l'Union européenne [7] .
Deux questions principales devaient être tranchées :
- la définition des droits de la France dans le cadre de l'AEC, compte tenu de l'appartenance des DFA à l'espace communautaire ;
- la détermination de la contribution financière française à l'AEC.
a) Un compromis équilibré entre les intérêts des parties
Comme le rappelle l'exposé des motifs sur les modalités de la participation française, l'accord permet de satisfaire une préoccupation symétrique des parties françaises et des Etats de la Caraïbe : le souci français de ne pas lier notre pays dans des domaines relevant des compétences communautaires ; la préoccupation exprimée par les pays de la Caraïbe quant au rôle de " cheval de Troie " potentiel des intérêts européens qui reviendrait à la France.
Dès lors, aux termes de l'article 2 de l'accord entre la France et les Etats de la Caraïbe, notre pays participe comme membre associé " aux réunions du Conseil des ministres dans les mêmes conditions et selon les mêmes modalités que les Etats membres dans les questions qui la concernent directement et ne relèvent pas de la compétence des communautés européennes ".
Les mêmes principes inspirent les conditions de participation de la France aux comités spéciaux, à cette nuance près que la présence française se limite aux " réunions des comités spéciaux où sont étudiés les programmes, les plans et les projets impliquant sa participation ".
La rédaction retenue le montre, la France ne pourrait pas entraver -au niveau relativement technique des comités spéciaux- la mise en oeuvre d'un programme d'action. Elle place dès lors sa participation dans une approche résolument constructive.
b) Une contribution financière raisonnable
A la demande des négociateurs de l'AEC, la contribution française a été fixée à 10 % du budget de fonctionnement de l'organisation. Cette participation dépasse sans doute le niveau de cotisations cumulées qu'auraient dû régler les départements français d'Amérique compte tenu de leurs paramètres économiques et démographiques s'ils avaient dû être assimilés à des Etats indépendants.
A titre de comparaison, les pays du Groupe des trois (Mexique, Vénézuela, Colombie) assument 15 % du budget total. Cependant, en valeur absolue, la contribution française -soit 150 000 dollars- apparaît raisonnable au regard des bénéfices attendus de notre adhésion à l'AEC. En outre, le montant total du budget doit être approuvé par consensus par l'ensemble des délégués présents au Conseil des ministres. La France a donc la faculté d'éviter une augmentation de sa cotisation en s'opposant au vote du budget.
2. La nécessité d'une intervention concertée de l'Etat et des collectivités territoriales
La France a adhéré à l'AEC au titre de ses trois départements français d'Amérique. Si les DFA légitiment la présence française au sein de cette organisation, ils constituent également la raison d'être d'une telle participation ; dès lors les représentants des collectivités outre-Atlantique doivent prendre une part décisive dans la participation française à l'Association.
Le dispositif initial des lois de décentralisation fixait un cadre trop restrictif à l'activité des collectivités. Les adaptations nécessaires ont été apportées. Par ailleurs, une pratique souple, fondée sur une concertation active entre les différents acteurs institutionnels, complète cette évolution juridique.
a) Une évolution progressive du cadre juridique
Aux termes de l'article 65 de la loi du 2 mars 1982, le conseil régional peut " décider avec l'autorisation du gouvernement, d'organiser à des fins de concertation et dans le cadre de la coopération transfrontalière, des contacts réguliers avec des collectivités décentralisées étrangères ayant une frontière commune avec la région ". Une circulaire du Premier ministre du 26 mai 1983 avait toutefois assoupli ce régime, les contacts avec des collectivités locales d'autres pays ne requéraient plus le " consentement du gouvernement " mais simplement son " information systématique régulière ".
Cependant, les départements d'outre-mer disposent dans ce domaine d'une compétence spécifique. En effet, dans le cadre de la loi du 31 décembre 1982 -article 9- les conseils régionaux des DOM peuvent être saisis pour avis de tous projets d'accord concernant la coopération régionale en matière économique, sociale, technique, scientifique, culturelle, de sécurité civile ou d'environnement entre la France et les Etats de leur zone géographique. La consultation des conseils régionaux est devenue obligatoire à la suite de la loi du 2 août 1984 -article 73- pour tout accord avec des Etats des régions concernés relatifs à " l'exploration, l'exploitation, la conservation ou la gestion des ressources naturelles biologiques dans la zone économique exclusive de la République au large des côtes concernées ". Enfin, la loi du 6 février 1992, relative à l'administration territoriale de la République, permet aux collectivités territoriales de conclure des conventions avec des collectivités territoriales étrangères " dans la limite de leurs compétences et dans le respect des engagements internationaux de la France ".
Malgré ces quelques ouvertures, le dispositif législatif ne prenait pas en compte la spécificité des DFA : il ne leur permettait en effet d'entretenir des relations qu'avec les seules collectivités territoriales dans une région qui en compte peu.
Une adaptation apparaissait nécessaire dans le cadre, naturellement, des trois principes essentiels : l'indivisibilité de la République et la souveraineté nationale (articles 2 et 3 de la Constitution), la libre administration des collectivités territoriales (article 72 de la Constitution), le principe de spécialité des collectivités territoriales (article 1er de la loi du 7 janvier 1983).
b) Une meilleure reconnaissance du rôle des DFA
La reconnaissance du rôle international des collectivités d'outre-Atlantique a progressé. La place des DFA a d'ailleurs été consacrée, à l'échelle européenne, par la quatrième Convention de Lomé (Annexe VII) : "les parties contractantes encouragent une plus grande coopération réginale dans les Caraïbes, l'Océan Pacifique et l'Océan Indien, qui impliqueraient les Etats ACP, les pays et territoires d'Outre-Mer et les départements français d'Outre-Mer environnants." En premier lieu, en 1989, le gouvernement a créé, sous les auspices du ministère de la Coopération, une commission nationale de la coopération décentralisée pour le développement, associant aux représentants de l'Etat les représentants des collectivités territoriales. Par ailleurs, à la suite du rapport de Bernard de Gouttes consacré à la " coopération régionale Caraïbes à partir des départements français d'Amérique ", un décret du 18 juillet 1990 relatif à la coopération régionale Caraïbes prévoit l'organisation d'une conférence annuelle de la coopération régionale Caraïbes-Guyane destinée à réunir notamment les " représentants de l'Etat, les députés et les sénateurs élus dans la région, ainsi que des délégués des élus locaux et des organismes socio-professionnels de la région ".
Le décret du 23 mai 1996 a modifié le décret de 1990 : il appartient désormais au préfet de la région Guadeloupe -et non plus à un délégué interministériel- de coordonner les actions de l'Etat dans le domaine de la coopération régionale au sein de la région des Caraïbes et des Guyanes.
L'évolution peut paraître encore limitée mais, dans les faits, le pragmatisme comme la volonté de concertation entre partenaires comptent parfois davantage que la réforme d'un dispositif législatif.
Ainsi, depuis plusieurs années, le Conseil régional de la Guadeloupe développe une coopération décentralisée active au sein de son environnement régional. Elle participe à plusieurs instances de concertation telles que le Comité DFA/OECS (Organisation des Etats de la Caraïbe orientale), le Conseil caraïbien pour l'Europe, la Conférence annuelle de Miami sur les investissements, le commerce et le développement, et désormais, l'Association des Etats de la Caraïbe. Des opérations très diverses ont été réalisées en partenariat avec des pays des grandes Antilles comme Cuba (expertises de réseaux de distribution d'eau) ou Haïti (alimentation en énergie solaire de la citadelle " La Ferrière ") et bien sûr les voisins de la Caraïbe orientale (Saint-Louis, la Dominique...). Elles ont mobilisé sur sept ans quelque treize millions de francs sur la base, le plus souvent, de cofinancements associant la région et un fonds tel que le Fonds européen de développement régional (FDER) ou encore le Fonds interministériel de coopération Caraïbe (FIC).
CONCLUSION
L'Association des Etats de la Caraïbe constitue un défi mais aussi une chance pour l'ensemble des pays de la zone. Un défi, certes, car il faudra surmonter les obstacles de l'insularité, des clivages culturels, d'économies souvent plus concurrentielles que complémentaires. Mais aussi une chance : l'organisation a voulu dépasser les barrières de l'histoire et de la langue pour devenir le creuset d'une identité fondée sur l'unité géographique. Le Bassin caraïbe pourra ainsi, entre la dynamique de l'Alena et du Mercosur, conjurer le spectre de la marginalisation et, peut-être, jouer ce rôle de trait d'union que lui assignent l'histoire et la géographie.
Naturellement, l'Association ne fournit qu'un cadre : il reviendra aux Etats membres de donner corps à la vaste ambition dont elle porte les prémices.
La France doit jouer, dans cette perspective, un rôle moteur. L'adhésion française à l'AEC manifeste, avec force, la volonté de notre pays de participer pleinement à l'avenir de cette partie du monde.
EXAMEN EN COMMISSION
La commission des Affaires étrangères, de la Défense et des Forces armées a procédé à l'examen du présent projet de loi lors de sa séance du 26 mars 1997.
A l'issue de son exposé, Mme Lucette Michaux-Chevry a précisé à M. Maurice Lombard que Cuba était membre de l'AEC. Elle a également indiqué à M. André Boyer, qui s'interrogeait sur les relations entre les départements français d'Amérique (DFA) et Haïti, que la France apportait une importante contribution à ce pays. Elle a cité notamment le programme de vaccination qui avait concerné trois millions d'enfants haïtiens, le développement de l'éclairage à partir de l'utilisation de l'énergie solaire, la coopération judiciaire et, enfin, la réhabilitation de la "Cité Soleil" à laquelle la région de Guadeloupe consacrera près de 20 millions de francs. Elle a relevé l'importance des efforts déployés par les Etats-Unis, en particulier sur le plan militaire, pour développer leur influence en Haïti.
Mme Danielle Bidard-Reydet a alors rappelé qu'une récente mission dans la région lui avait permis de prendre la mesure des différences entre un état de grande pauvreté et la situation de misère qui prévalait dans certains pays comme Haïti. Elle s'est fait l'écho de l'inquiétude manifestée par plusieurs Etats de l'espace caraïbe devant l'influence grandissante des Etats-Unis. Elle s'est étonnée de l'absence d'une chaîne de télévision française en Haïti et s'est interrogée par ailleurs sur les relations entre notre pays et la Jamaïque -où devait être supprimée notre ambassade- ainsi que sur la pérennité du blocus dont Cuba était l'objet et enfin sur la difficulté des liaisons inter-îles.
Mme Lucette Michaux-Chevry a relevé que les difficultés de la présence française dans la région lui paraissaient en partie liées à la multiplicité des acteurs -ministères des Affaires étrangères, de l'outre-mer et de la coopération- qui pouvait, par exemple, entraîner des retards préjudiciables à nos entreprises au moment où celles-ci souhaitaient répondre à des marchés publics étrangers. Elle a souligné que la coopération française dans la région n'avait pas encore porté tous ses fruits dans la mesure où les pays aidés préféraient consommer des produits américains plutôt que développer les importations en provenance de la France ou de ses DFA. S'agissant de Cuba, Mme Lucette Michaux-Chevry a relevé que la France avait contribué à l'ouverture de ce pays par le développement des liaisons aériennes, par l'envoi de techniciens, ainsi que par l'accueil de jeunes Cubains dans les établissements scolaires des DFA. Elle a regretté que le satellite situé à hauteur de Haïti ne permette pas d'assurer la diffusion de programmes français mais elle a souligné toutefois que les échanges linguistiques progressaient dans la région à travers la diffusion de livres scolaires ou de journaux français. Le rapporteur a partagé les préoccupations liées à l'insuffisance des transports entre les Etats de la région, tout en notant que les communications téléphoniques entre les DFA et certains des Etats voisins s'étaient améliorées. Enfin, Mme Lucette Michaux-Chevry a relevé que la présence française dans la région apparaissait pour les Etats du Bassin Caraïbe comme un moyen de contrebalancer l'hégémonie américaine.
M. Bertrand Delanoë s'est interrogé sur les relations entre les Etats de la Caraïbe et l'Union européenne et sur l'opportunité que présentait l'AEC pour permettre aux populations de la région d'obtenir une plus grande reconnaissance de la part des instances communautaires. Pour Mme Lucette Michaux-Chevry, la France devait jouer la carte de l'Europe pour développer son influence dans le bassin Caraïbe. Elle a rappelé que les DFA conféraient à l'Europe sa véritable dimension maritime et lui donnaient notamment une "fenêtre" sur la région Caraïbe.
Le rapporteur a alors précisé à M. Xavier de Villepin, président, que le financement de l'Association reposait sur un budget doté de 1,5 million de dollars, ainsi que sur des programmes spécifiques de financement. Elle a souligné également l'importance du fonds interministériel français pour les Caraïbes dont la contribution s'élevait à près de 7 millions de francs.
M. Xavier de Villepin, président, s'est interrogé sur la place des Caraïbes entre les deux vastes zones de libre-échange représentées par l'ALENA et le Mercosur. Après avoir souligné les antagonismes qui traversaient l'ensemble du continent américain, Mme Lucette Michaux-Chevry a observé que le Brésil, comme l'Argentine, avaient exprimé le souci de se rapprocher de la structure mise en place dans le bassin de la Caraïbe. Elle a estimé que l'Amérique ne constituerait pas un marché commun unifié car les pays d'Amérique Latine se montraient soucieux de préserver leurs racines culturelles et de conserver notamment une entière souveraineté linguistique.
M. Charles-Henri de Cossé-Brissac s'est alors demandé si le Canada francophone ne constituait pas un relais pour l'influence des Etats-Unis dans la région. Mme Lucette Michaux-Chevry lui a répondu que le Canada conduisait vis-à-vis des pays de l'AEC une politique avant tout conforme à ses propres intérêts. Elle a souligné l'importance de la relation franco-canadienne et relevé la présence d' associations franco-canadiennes en Guadeloupe, en Guyane et en Martinique, tout en soulignant que les trois départements accueillaient un grand nombre de touristes canadiens. M. Xavier de Villepin, président, a ajouté que le Canada, à l'instar des pays de l'Union européenne, s'était opposé à la loi Helms-Burton adoptée par le Congrès des Etats-Unis et qui visait à renforcer l'embargo contre Cuba. Le Canada comme le Mexique, qui font plus de 80 % de leurs échanges avec les Etats-Unis, apparaissaient, d'après M. Xavier de Villepin, très sensibles aux risques d'une hégémonie américaine.
La commission a alors approuvé les deux projets de loi qui lui étaient soumis.
PROJET DE LOI
(Texte proposé par le Gouvernement)
Article unique
Est autorisée la ratification de la convention créant l'Association des Etats de la Caraïbe (ensemble deux annexes) faite à Carthagène des Indes le 24 juillet 1994 et dont le texte est annexé à la présente loi [8] .
PROJET DE LOI
(Texte proposé par le Gouvernement)
Article unique
Est autorisée l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et l'Association des Etats de la Caraïbe définissant les modalités de la participation de la République française à l'Association des Etats de la Caraïbe en tant que membre associé au titre de la Guadeloupe, de la Guyane et de la Martinique, signé à Mexico le 24 mai 1996 et dont le texte est annexé à la présente loi [9]
ANNEXE N° 1 -
ETUDE D'IMPACT [10 ]I. Etat de droit et situation de fait de la politique visant à une meilleure insertion des Départements français d'Amérique (DFA) dans la zone caraïbe :
1.a) Politique française de coopération dans les Caraïbes
Cette politique est menée, au niveau national, par des acteurs multiples. Les plus importants sont :
- le ministère des Affaires étrangères
- le ministère de la Coopération
- les collectivités territoriales (des DFA mais aussi de métropole) menant des actions de coopération décentralisée.
La France n'agit pas seulement au niveau national mais dans le cadre européen (25 % environ des dépenses engagées dans le cadre de la convention de Lomé sont prises en charge par notre pays).
Par rapport à d'autres zones où la France n'est pas géographiquement présente, notre politique de coopération poursuit dans les Caraïbes un objectif supplémentaire : une meilleure insertion des DFA dans leur environnement régional. Cet objectif a été reconnu comme une priorité par notre pays depuis 1990, année de création du fonds interministériel de coopération Caraïbes-Guyanes -fonds qui dispose à l'heure actuelle d'un volume annuel de crédits de 7 millions de francs.
Notre pays doit veiller à coordonner les initiatives prises par les différents acteurs concernés et les positions qu'il défend face aux projets préparés par l'Union européenne. Il doit bien entendu prendre particulièrement en compte les préoccupations des DFA, qui doivent être associés à la réflexion engagée pour mieux insérer ces derniers dans leur zone géographique.
1.b) Obstacles à affronter pour permettre une meilleure insertion des DFA dans la zone
1.b.1) Problèmes de fond
- Les DFA sont inclus dans un espace économique extérieur aux Caraïbes : l'Union européenne. Ils effectuent l'essentiel de leurs échanges commerciaux avec la France et l'Union européenne -ce qui n'est pas le cas de la plupart des Etats de la zone, même si ces derniers ne réalisent qu'une faible part de leurs échanges commerciaux à l'intérieur des Caraïbes.
- insuffisance des liaisons aériennes intercaraïbes
- obstacle linguistique.
1.b.2) Image des DFA dans la zone
Les pays de la zone ne savent pas vraiment comment appréhender les Départements français d'Amérique.
Les territoires dépendants britanniques et néerlandais de la zone sont souvent, sur la scène régionale, davantage perçus comme des partenaires potentiels que les DFA : ils disposent de compétences en matière économique, le fait que leur métropole de rattachement ait conservé ses prérogatives en matière de politique étrangère est perçu comme secondaire pour des territoires dotés de dimensions économique et humaine aussi modestes. Ils sont ainsi perçus comme disposant d'une plus grande marge de manoeuvre que les DFA, qui sont des membres à part entière de la République française.
II) Avantages pour la France de l'adhésion à l'AEC
II.a) Incidences en matière d'emploi : impossibles à quantifier.
II.b) Avantages politiques
L'adhésion à l'AEC rendra la France plus présente dans les Caraïbes en associant notre pays aux débats menés au sein de cette association sur les questions d'intérêt régional. Elle contribuera également au développement d'une concertation plus étroite sur le thème de la coopération régionale Caraïbes entre les trois DFA d'une part et entre l'Etat et les DFA d'autre part, ainsi qu'à une meilleure acceptation de la France et des DFA de la part de leurs voisins caraïbes.
Cette adhésion aura en effet des incidences :
- sur le plan national :
- elle souligne auprès des DFA la volonté de l'Etat de les associer aux initiatives prises dans les Caraïbes : la conduite de la délégation française a été systématiquement confiée à un responsable de Guadeloupe, de Martinique ou de Guyane. Les experts participant aux réunions des comités spéciaux chargés d'étudier des questions techniques doivent être choisis prioritairement au sein de ces trois départements ;
- elle incite les DFA à se concerter davantage afin de trouver un dénominateur commun quant aux positions que la délégation française devrait, d'après eux, défendre lors des réunions de l'AEC ;
- elle met en relief auprès des différents acteurs concernés la nécessité d'une meilleure coordination des initiatives prises.
- dans les relations extérieures de la France :
- elle fera apparaître la France comme un acteur légitime dans la zone caraïbe ;
- elle permettra aux Etats de la Caraïbe de mieux comprendre que l'intérêt de la France pour des actions de coopération est en partie fonction des retombées qu'elle peut attendre de celles-ci pour les DFA ;
- elle améliorera l'image des DFA, qui apparaîtront, du fait du rôle joué par leurs responsables désignés pour représenter la France au sein de l'AEC, comme des acteurs non dépourvus d'influence sur la politique française dans les Caraïbes.
III) Autres incidences pour la France de sa participation à l'AEC
III.a) Impact en matière financière
La contribution annuelle de la France au budget de l'association est de 150 000 dollars. Ce montant n'est pas révisable sans l'accord de notre pays.
Le conseil régional de la Guadeloupe a décidé de mettre un de ses agents à la disposition du secrétariat général de l'AEC pour une période temporaire (il mettra cet agent en mesure de faire face aux frais entraînés par cette expatriation).
Les frais de voyage et de mission des membres de la délégation française devront être pris en charge par les instances dont ils dépendent (Etat, collectivités territoriales ou organismes techniques publics ou privés concernés).
En ce qui concerne les projets concrets de coopération susceptibles d'être lancés par l'AEC, la France pourrait y affecter les crédits prévus à l'heure actuelle pour de telles opérations.
III.b) Impact en termes de formalités administratives
Les administrations et organismes administratifs compétents en matière de coopération dans les Caraïbes devront se concerter afin d'arrêter les positions que devront défendre les délégations françaises lors des réunions de l'AEC.
III.c) Conséquences en termes de complexité de l'ordon-nancement juridique
III.c.1) Compatibilité entre l'adhésion à l'Union européenne et à l'AEC
L'accord d'association précise que les décisions de l'AEC dans des domaines relevant en ce qui concerne la France de la compétence des Communautés européennes ne seront pas applicables sur le territoire français.
III.c.1) Modalités spécifiques d'association de la France à l'AEC
La participation de la France à l'AEC en qualité de " membre associé au titre de la Guadeloupe, de la Guyane et de la Martinique " constitue pour la France une modalité nouvelle de participation à une organisation internationale. L'Etat ne se dessaisit pas de la faculté d'arrêter les positions qu'il charge sa délégation au sein de l'AEC de défendre ; il prend toutefois l'engagement implicite d'arrêter ces positions en fonction de paramètres relatifs aux trois DFA.
La participation de la France à l'AEC s'inscrit donc dans un contexte juridique complexe mais est utile pour éviter que les DFA ne restent à l'écart du mouvement général engagé dans le sens d'un renforcement des liens intercaraïbes.
ANNEXE N° 2 -
ETUDE D'IMPACT [11 ]I) Etat de droit et situation de fait de la politique visant à une meilleure insertion des Départements français d'Amérique (DFA) dans la zone caraïbe
I.a.) Politique française de coopération dans les Caraïbes
Cette politique est menée, au niveau national, par des acteurs multiples. Les plus importants sont :
- le ministère des Affaires étrangères
- le ministère de la Coopération
- les collectivités territoriales (des DFA mais aussi de métropole) menant des actions de coopération décentralisée.
La France n'agit pas seulement au niveau national mais dans le cadre européen (25 % environ des dépenses engagées dans le cadre de la convention de Lomé sont prises en charge par notre pays).
Par rapport à d'autres zones où la France n'est pas géographiquement présente, notre politique de coopération poursuit dans les Caraïbes un objectif supplémentaire : une meilleure insertion des DFA dans leur environnement régional. Cet objectif a été reconnu comme une priorité par notre pays depuis 1990, année de création du fonds interministériel de coopération Caraïbes-Guyane -fonds qui dispose à l'heure actuelle d'un volume annuel de crédits de 7 millions de francs.
Notre pays doit veiller à coordonner les initiatives prises par les différents acteurs concernés et les positions qu'il défend face aux projets préparés par l'Union européenne. Il doit bien entendu prendre particulièrement en compte les préoccupations des DFA, qui doivent être associés à la réflexion engagée pour mieux insérer ces derniers dans leur zone géographique.
I.b) Obstacles à affronter pour permettre une meilleure insertion des DFA dans la zone
I.b.1) Problèmes de fond
- les DFA sont inclus dans un espace économique extérieur aux Caraïbes : l'Union européenne. Ils effectuent l'essentiel de leurs échanges commerciaux avec la France et l'Union européenne -ce qui n'est pas le cas de la plupart des Etats de la zone, même si ces derniers ne réalisent qu'une faible part de leurs échanges commerciaux à l'intérieur des Caraïbes ;
- insuffisance des liaisons aériennes intercaraïbes ;
- obstacle linguistique.
I.b.2) Image des DFA dans la zone
Les pays de la zone ne savent pas vraiment comment appréhender les Départements français d'Amérique.
Les territoires dépendants britanniques et néerlandais de la zone sont souvent, sur la scène régionale, davantage perçus comme des partenaires potentiels que les DFA : ils disposent de compétences en matière économique, le fait que leur métropole de rattachement ait conservé ses prérogatives en matière de politique étrangère est perçu comme secondaire pour des territoires dotés de dimensions économique et humaine aussi modestes. Ils sont ainsi perçus comme disposant d'une plus grande marge de manoeuvre que les DFA, qui sont des membres à part entière de la République française.
II) Avantages pour la France de l'adhésion à l'AEC
II.a) Incidences en matière d'emploi : impossibles à quantifier.
II.b) Avantages politiques
L'adhésion à l'AEC rendra la France plus présente dans les Caraïbes en associant notre pays aux débats menés au sein de cette association sur les questions d'intérêt régional. Elle contribuera également au développement d'une concertation plus étroite sur le thème de la coopération régionale Caraïbes entre les trois DFA d'une part et entre l'Etat et les DFA d'autre part, ainsi qu'à une meilleure acceptation de la France et des DFA de la part de leurs voisins caraïbes.
Cette adhésion aura en effet des incidences :
- sur le plan national :
- elle souligne auprès des DFA la volonté de l'Etat de les associer aux initiatives prises dans les Caraïbes : la conduite de la délégation française a été systématiquement confiée à un responsable de Guadeloupe, de Martinique ou de Guyane. Les experts participant aux réunions des comités spéciaux chargés d'étudier des questions techniques doivent être choisis prioritairement au sein de ces trois départements ;
- elle incite les DFA à se concerter davantage afin de trouver un dénominateur commun quant aux positions que la délégation française devrait, d'après eux, défendre lors des réunions de l'AEC ;
- elle met en relief auprès des différents acteurs concernés la nécessité d'une meilleure coordination des initiatives prises.
- dans les relations extérieures de la France :
- elle fera apparaître la France comme un acteur légitime dans la zone caraïbe ;
- elle permettra aux Etats de la Caraïbe de mieux comprendre que l'intérêt de la France pour des actions de coopération est en partie fonction des retombées qu'elle peut attendre de celles-ci pour les DFA ;
- elle améliorera l'image des DFA, qui apparaîtront, du fait du rôle joué par leurs responsables désignés pour représenter la France au sein de l'AEC, comme des acteurs non dépourvus d'influence sur la politique française dans les Caraïbes.
III) Autres incidences pour la France de sa participation à l'AEC
III.a) Impact en matière financière
La contribution annuelle de la France au budget de l'association est de 150.000 dollars. Ce montant n'est pas révisable sans l'accord de notre pays.
Le conseil régional de la Guadeloupe a décidé de mettre un de ses agents à la disposition du secrétariat général de l'AEC pour une période temporaire (il mettra cet agent en mesure de faire face aux frais entraînés par cette expatriation).
Les frais de voyage et de mission des membres de la délégation française devront être pris en charge par les instances dont ils dépendent (Etat, collectivités territoriales ou organismes techniques publics ou privés concernés).
En ce qui concerne les projets concrets de coopération susceptibles d'être lancés par l'AEC, la France pourrait y affecter les crédits prévus à l'heure actuelle pour de telles opérations.
III. b) Impact en termes de formalités administratives
Les administrations et organismes administratifs compétents en matière de coopération dans les Caraïbes devront se concerter afin d'arrêter les positions que devront défendre les délégations françaises lors des réunions de l'AEC.
III.c) Conséquences en termes de complexité de l'ordon-nancement juridique
III.c.1) Compatibilité entre l'adhésion à l'Union européenne et à l'AEC
L'accord d'association précise que les décisions de l'AEC dans des domaines relevant en ce qui concerne la France de la compétence des Communautés européennes ne seront pas applicables sur le territoire français.
III.c.2) Modalités spécifiques d'association de la France à l'AEC
La participation de la France à l'AEC en qualité de " membre associé au titre de la Guadeloupe, de la Guyane et de la Martinique " constitue pour la France une modalité nouvelle de participation à une organisation internationale. L'Etat ne se dessaisit pas de la faculté d'arrêter les positions qu'il charge sa délégation au sein de l'AEC de défendre ; il prend toutefois l'engagement implicite d'arrêter ces positions en fonction de paramètres relatifs aux trois DFA.
La participation de la France à l'AEC s'inscrit donc dans un contexte juridique complexe mais est utile pour éviter que les DFA ne restent à l'écart du mouvement général engagé dans le sens d'un renforcement des liens intercaraïbes.
1 Laurent Adam, Quelle Caraïbe ? Géopolitique contemporaine d'un espace désarticulé in Revue juridique et politique, ler octobre 1994.
2 Antigua et Barbuda, Bahamas, Barbade, Bélize, Dominique, Grenade, Guyana, Jamaïque, St Christophe et Nieves, Ste Lucie, St Vincent et Grenadines, Surinam, Trinité et Tobago et trois membres associés : Montserrat, Turks et Caïcos, les Iles Vierges britanniques.
3 Depuis le sommet des Chefs d'Etat et de gouvernement sur le tourisme, le commerce et les transports à Port d'Espagne (17-18 août 1995), deux Conseils des ministres se sont réunis -à Guatemala Ciudad en décembre 1955, à la Havane en décembre 1996.
4 Le secrétaire général actuel, M. Molina Duarte, francophone et francophile, est de nationalité vénézuélienne.
5 Les clés de répartition sont les suivantes :
- 13,3889 % : Colombie, Mexique, Vénézuela
- 10 % : France
- 4,667 % : Trinité et Tobago (pays hébergeant le siège du secrétariat de l'AEC)
- 2.907 % : Costa-Rica, Cuba, Jamaïque, Bahamas, Panama, République dominicaine, Trinité et Tobago
- 2,389 % : Barbade, Salvador, Guatemala, Honduras
- 1,87 % : Bélize, Surinam
- 0,6276 % : Antigua et Barbuda, Dominique, Grenade, Guyana, Haïti, Nicaragua, Saint-Christophe et Nieves, Saint-Vincent et Grenadines, Sainte-Lucie
6 Plusieurs organisations régionales figurent parmi les " observateurs fondateurs " de l'AEC : le CARICOM, le Système économique latino-américain -SELA-, le Système d'intégration centre-américain - SICA-, le Secrétariat du traité général d'intégration économique centre-américain -SIECA-.
7 Les territoires dépendants ne relèvent pas, il convient de le rappeler, de l'espace communautaire, à l'exception des Antilles néerlandaises et d'Aruba, qui devraient pour leur part se satisfaire du statut d'observateurs.
8 Voir le texte annexé au document Sénat n° 187.
9 Voir le texte annexé au document Sénat n° 188.
10 Texte transmis par le Gouvernement pour l'information des parlementaires.
11 Texte transmis par le Gouvernement pour l'information des parlementaires.