M.
JEAN-FRANÇOIS DENIAU,
ANCIEN MINISTRE,
PRÉSIDENT DU HAUT
COMITÉ CONSULTATIF
SUR LA PROCÉDURE DE JUGEMENT
EN
MATIÈRE CRIMINELLE
Au sujet de l'âge minimal des jurés, M. Jean-François Deniau a tout d'abord considéré qu'il faudrait prendre en compte l'âge exigé pour l'éligibilité à une fonction plutôt que l'âge du droit de vote.
Abordant ensuite la question fondamentale du double degré de juridiction, il a estimé que l'institution d'un second degré permettrait de " faire officiellement ce que fait honteusement la Cour de cassation ". Il s'est interrogé sur l'existence actuelle de deux degrés de juridiction pour les affaires qui ne sont pas graves -les délits et les contraventions- et d'un seul degré pour les affaires qui le sont -les crimes-.
Rappelant que le Haut Comité qu'il avait présidé s'était longuement interrogé sur la nature du jury populaire : il a considéré que celui-ci, pour être populaire, n'était pas nécessairement infaillible et que l'organisation d'un second degré de juridiction relevait de la logique et pas seulement des exigences du droit international.
A propos du tirage au sort des jurés, il a indiqué que le Haut Comité avait écarté l'idée de faire du jury un rassemblement d'experts, tout en admettant la nécessité d'une " petite vérification " du président pour éviter, par exemple, la participation d'un juré ne comprenant pas, ou difficilement, le français, ou d'un juré sourd-muet.
M. Jean-François Deniau a relevé que le principe de l'échevinage n'avait pas été critiqué au sein du Haut Comité, sous la réserve que le jury populaire ne puisse à aucun niveau être mis en minorité et, qu'après avoir étudié toutes les hypothèses possibles, il avait jugé nécessaire la présence de jurés au premier comme au second degré de juridiction.
Il a estimé qu'un système de " cours d'assises tournantes ", inspiré de l'exemple de l'Italie, aurait l'inconvénient de renforcer le caractère aléatoire des décisions et l'effet de " loterie ". Il a expliqué qu'en conséquence le Haut Comité avait essayé de prévoir une gradation entre les deux degrés de juridiction, fondée sur trois éléments :
- la compétence géographique (le département pour le premier degré et le ressort de la cour d'appel pour le second degré) ;
- un grade ou une ancienneté plus élevés des magistrats en appel ;
- un nombre supérieur de jurés au second degré.
Il a jugé nécessaire l'exigence d'une motivation des décisions au premier degré de juridiction car celle-ci lui est apparue se situer " dans la logique de l'appel " et être indispensable à la lisibilité de la procédure. Il a cependant admis les inconvénients que pourrait susciter la motivation, d'une part, en termes de délais après la publicité du jugement et, d'autre part, en raison du risque que les jurés se déclarent en désaccord avec cette motivation lorsqu'ils en prendraient connaissance. Afin de pallier ces inconvénients, il a suggéré que les questions posées au jury soient affinées le plus possible.
Enfin, il a indiqué qu'il avait formulé des propositions pour réduire les délais de jugement, pour améliorer la police des débats de manière à éviter les débordements médiatiques à la sortie de la salle d'audience, pour améliorer le traitement des victimes et des associations de victimes, pour faciliter le changement de domicile, voire de nom, des condamnés dans les petites villes où tout le monde se connaît et, enfin, de permettre, le cas échéant, une indemnisation rapide après la révision d'un procès.
A l'issue de cet exposé, M. Jean-Marie Girault, rapporteur , a déclaré qu'il avait l'intention de publier en annexe du rapport de la commission le rapport établi par le Haut Comité présidé par M. Jean-François Deniau, lequel a approuvé cette proposition.