C. LES CONSÉQUENCES D'UNE LIGNE MONTPELLIER-LE PERTHUS POUR LES OPÉRATEURS FRANÇAIS EN MATIÈRE D'INFRASTRUCTURES FERROVIAIRES
La " section internationale " qui sera édifiée en application de l'accord de Madrid sera le premier maillon, en France, de la ligne à grande vitesse " Languedoc-Roussillon ".
Le projet global de TGV " Languedoc-Roussillon " s'inscrit dans le cadre du schéma directeur national des liaisons ferroviaires à grande vitesse adopté, par le comité interministériel d'aménagement du territoire du 14 mai 1991 et approuvé par décret du 1er avril 1992. Le schéma prévoit la mise en oeuvre, en France, d'un réseau de lignes à grande vitesse construites sur les axes importants. Ces lignes nouvelles sont compatibles avec le réseau existant qui peut être parcouru par les rames TGV, ce qui leur permet de desservir, directement, un grand nombre de villes et, grâce à l'accroissement du trafic, d'augmenter la fréquence des dessertes.
Un avant-projet a été approuvé le 9 mai 1995 par décret.
Pour éclairer les conséquences de l'accord de Madrid sur Réseau Ferré de France et la SNCF et sur l'Etat, il apparaît nécessaire d'examiner, dans sa globalité, le projet " Languedoc-Roussillon ".
1. Les fonctionnalités du projet
Les principales fonctionnalités du projet global entre Montpellier et Le Perthus, ainsi que le fuseau de tracé retenu pour la ligne nouvelle sont ceux définis dans le rapport " Querrien " au ministre chargé des transports qui l'a approuvé par lettre du 8 août 1991.
C'est sur la base de ce fuseau de tracé qu'a été conduite la consultation.
Les principes de desserte ont été complétés par des dispositions résultant : des accords franco-espagnol d'Albi, de Tolède et de Foix, des dessertes du TGV " Méditerranée " et des orientations souhaitées par le comité de pilotage des études de la ligne TGV " Languedoc-Roussillon ".
Un point essentiel à prendre en considération lors de la conception d'une infrastructure ferroviaire nouvelle est de lui conférer une grande adaptabilité à l'évolution des besoins qui ne manquera pas de se faire jour au cours de sa longue existence, notamment en matière de rythme de desserte qu'elle sera capable d'accueillir et de compatibilité avec les progrès et innovations techniques.
L'établissement d'une voie nouvelle, de Montpellier au Perthus, ne doit pas masquer la structure arborescente de la desserte grâce aux nombreux raccordements et à l'emprunt, terminal, du réseau classique.
Ainsi, il est possible de faire valoir les possibilités suivantes :
• dès la première phase de mise en service Perpignan-Le Perthus
- Les dessertes par TGV ou trains à grandes vitesses inter-régionaux, des gares centre ville de Nîmes, Montpellier, Sète, Béziers, Narbonne, Perpignan, Carcassonne, Toulouse.
- La complémentarité de desserte vers les Cévennes ou le littoral gardois (Le Grau du Roi) depuis la gare actuelle de Nîmes.
- La desserte du littoral Audois (Port la Nouvelle, Leucate) et de Carcassonne et Toulouse, depuis la gare actuelle de Narbonne.
- La desserte de Carcassonne et de Toulouse par le raccordement actuel de Narbonne depuis Barcelone et Perpignan.
- La complémentarité de desserte du Sud Aveyron et de La Lozère en gare centre ville de Béziers.
- La desserte fret du marché Saint-Charles et de la gare fret Perpignan-Roussillon, grâce à la section de ligne nouvelle Perpignan-Barcelone mixte voyageurs et fret et au raccordement de Toulouges-le Soler.
- La complémentarité de la desserte de la Côte Vermeille (Argelès, Cerbère, Port-Bou) de Villefranche et de Cerdagne depuis la gare actuelle de Perpignan.
• A partir de la mise en service de la totalité de la ligne
- La multimodalité en gare nouvelle de Montpellier et de Perpignan (routes, autoroute, aéroport...).
- La multimodalité en gare nouvelle de la Plaine de l'Aude (TGV, TER, RN9, Canal du Midi, autoroutes A9 et A75) ou à hauteur de Narbonne ;
- La possibilité de desserte ultérieure de l'autoport du Boulou par la réservation d'un branchement sur la ligne nouvelle.
- La complémentarité de la desserte de la côte Vermeille (Argelès, Cerbère, Port Bou) de Villefranche et de la Cerdagne, par le raccordement de Rivesaltes, la gare actuelle de Perpignan et la gare nouvelle.
Enfin, une attention particulière a été exprimée pour les dessertes sur le réseau classique et pour une mise à l'étude d'une complémentarité étroite entre la desserte TGV et le réseau des trains régionaux (TER). Les installations de la ligne nouvelle ont recherché le maximum de complémentarité de ce point de vue, afin qu'un maximum de territoire, littoral et hauts cantons, bénéficie des gains de temps dus à la grande vitesse.
Toutes ces potentialités ont été exposées lors des concertations, ainsi que les possibilités d'utiliser des TGV pour des jonctions internationales, nationales, voire régionales, lorsque le trafic et l'économie le justifieront.
• Il est à noter que la ligne TGV a une vocation " voyageurs " de Montpellier à Perpignan et " mixte ", c'est-à-dire voyageurs et fret, de Perpignan au Perthus, jusqu'à Barcelone.
Le transport de fret, à l'exception éventuellement du fret à haute valeur ajoutée, continuera de circuler sur la ligne classique existante.
Votre rapporteur souligne que la mise à écartement européen du réseau ferré espagnol devrait accroître considérablement le transport ferroviaire fret, évalué en 1995, à la frontière à, seulement, quelque 2 millions de tonnes, dans les deux sens confondus.
En effet, selon les prévisions françaises, datant de 1992, le trafic fret ferroviaire pourrait être de l'ordre de 5 à 6 millions de tonnes, à l'horizon 2002-2005.
Dans ces conditions, on peut, dès lors, envisager des incidences nettement favorables en matière de développement des différents sites ferroviaires actuels entre Perpignan, Narbonne et Montpellier.
Incidences qui seront loin d'être neutres, en termes d'activité économique liée au fonctionnement de plates-formes multi-modales (PO) ou de l'aire muti-modale en devenir de la Narbonnaise.
• Les emplacements des raccordements à Saint-Brès, à Lattes, à Rivesaltes, à Toulouges - Le Soler (ainsi que l'emplacement réservé pour un raccordement vers le Boulou) n'ont jamais varié. Ils permettent les entrées et sorties des gares actuelles de Montpellier et de Perpignan, ainsi que la mise en service graduelle de la ligne.
La problématique des raccordements " grand sud " et Toulouse - Carcassonne - Barcelone a fait l'objet de débats puis de choix, par le comité de pilotage en cours d'étude d'avant projet sommaire.
Le raccordement Toulouse - Carcassonne - Barcelone a été implanté, sur les communes de Montredon et de Narbonne.
Le raccordement grand sud Toulouse - Carcassonne - Montpellier pouvait a priori être implanté :
- soit à l'ouest de Narbonne, auquel cas il ne servait ni le littoral audois, ni le centre ville de Narbonne, passait mal dans l'environnement actuel et coûtait fort cher (• 1,2 milliard de francs) ;
- soit à l'est de Narbonne, auquel cas il pouvait servir le littoral audois et le centre de Narbonne confortait la gare future de la Plaine de l'Aude, pour un coût nettement moins élevé (0,3 milliard de francs). Cette solution a été unanimement choisie par le comité de pilotage. Il serait toutefois possible, à terme, d'implanter un appareil de voie, pour un raccordement ultérieur ouest.
2. La question des gares
• L'emplacement de la gare nouvelle de Montpellier n'a jamais varié. Sa fonctionnalité et les données économiques (gare internationale pour la région Languedoc-Roussillon et le sud Aveyron) et les contraintes techniques de tracé (alignement, dégagement des cônes d'envol de l'aéroport, urbanisme, hydraulique, ...) ont déterminé une seule possibilité d'emplacement, bien desservi.
• L'emplacement de la gare nouvelle desservant Béziers et Narbonne et conciliant le potentiel de trafic, l'environnement, l'hydraulique, et la multimodalité a été fixé dans le site de la " Plaine de l'Aude ", au lieu dit Periès, à mi-chemin entre ces deux villes. Deux variantes ont été étudiées à la demande des collectivités, dans le but de déplacer la gare de 2 km vers l'Ouest : l'une consistait à déplacer le tracé de la ligne nouvelle pour le faire passer entre Nissan et Lespignan Vendres ; l'autre consistait à déplacer la ligne actuelle et la RN9. Les conséquences sur l'environnement et sur les raccordements, les suppléments de coûts comparés à l'absence de gain de trafic, ont fait revenir à la solution " Plaine de l'Aude ".
Votre rapporteur souligne que la création de la gare de " Plaine de l'Aude " doit être assortie de raccordements véritablement structurants :
- sur la voie ferrée actuelle, de manière que les TGV puissent accéder rapidement, non seulement aux gares centrales de Béziers comme de Narbonne, mais aussi au littoral touristique de ces dernières villes ;
- sur la voirie routière, par la création de routes ou rocades, pour lesquelles un concours financier de l'Etat pourrait paraître légitime.
L'objectif est, en effet, de rapprocher dans le temps la gare nouvelle des agglomérations de Narbonne et Béziers. Dès lors, des créations de zones d'activités artisanales ou industrielles, mais aussi des pôles touristiques pourront apparaître et favoriser, par là, un développement du territoire.
• Bien que la gare actuelle au centre ville de Perpignan, avec les réserves de terrains et une possibilité d'amélioration de l'urbanisme, ait encore de longues années de service prévisible, il a semblé nécessaire, pour l'avenir, de réserver l'emplacement d'une gare, assurant la possibilité de liaison vers la Côte Vermeille et vers Villefranche, et qui soit proche de l'autoroute et de l'aéroport. Son emplacement, à l'ouest du Camp Joffre en limite des communes de Rivesaltes et de Salses, répond à ces objectifs et a reçu un accord des collectivités et organismes socio-économiques.
3. La description et les caractéristiques principales du projet
Pour des raisons d'efficacité et de coût, le projet retenu de Montpellier à la frontière doit être le plus direct possible, tout en respectant les contraintes topographiques et d'environnement. Il comporte environ 195 km de plate-forme à double voie et, pour les raccordements de la ligne nouvelle au réseau classique, 28 km de plate-forme à voie unique et 3 km à double voie. Les grandes agglomérations sont desservies en centre ville.
Trois gares nouvelles ont été étudiées et pourront, le moment venu, compléter la desserte. Elles sont situées sur le barreau sud de Montpellier, à Montpellier ; sur la ligne nouvelle et la ligne existante, entre Narbonne et Béziers, pour la gare de la Plaine de l'Aude ; sur la ligne nouvelle juste avant le débranchement entre le barreau de Perpignan et le raccordement de Rivesaltes, sur les communes de Rivesaltes et de Salses.
Les circulations pourraient être assurées par des rames " réseaux " de huit remorques encadrées par deux motrices (leur capacité est de 377 passagers). Afin de réserver une vitesse de 350 km/h pour la ligne, le projet doit respecter des caractéristiques géométriques indiquées par ailleurs.
Les longs rails fixés sur traverses béton sont soudés et les bifurcations sont réalisées à partir d'appareils de voie permettant des circulations à vitesse élevée. La ligne et ses raccordements sont alimentés en courant électrique 25 kV 50 Hz. La circulation des trains à grande vitesse nécessite des installations de sécurité adaptées (contrôle d'informations sur l'espacement des rames en cabine de conduite).
La grande vitesse ferroviaire impose de rétablir à niveaux décalés les voies de communication par des ponts-rails ou des ponts-routes. La consultation des services de l'Etat et des élus a permis de débattre de l'implantation et des dimensions des ouvrages assurant le franchissement des principales voiries. Les routes nationales, départementales, quelques chemins communaux ont été étudiés. Dans l'ensemble les études des rétablissements des chemins communaux et d'exploitation ne font pas partie de l'avant-projet. Leur rétablissement sera concerté et étudié dans les études ultérieures de mise au point du projet.
La problématique propre à l'écoulement des eaux a donné lieu d'ores et déjà à un ensemble d'études des précautions à prendre au sein de l'environnement naturel spécifique à la région. En effet, le chevelu hydraulique recoupé par le tracé nécessite la construction de nombreux ouvrages permettant cet écoulement ; ils sont dimensionnés pour une crue centennale (ou historique si celle-ci a un débit supérieur) en tenant compte du caractère spécifique méditerranéen. L'ensemble des réseaux d'alimentation interceptés (eau, gaz, électricité, ...) fait l'objet d'un recensement en vue de son rétablissement.
Votre rapporteur émet le souhait que le tracé choisi et la nature des ouvrages construits permettent, dans toute la mesure du possible, de se prémunir contre le risque d'inondation, mais aussi d'éviter d'en aggraver les conséquences, notamment dans la basse plaine de l'Aude, à hauteur de Cuxac d'Aude. Des viaducs seraient ainsi préférables à des digues en remblai, même assorties de dispositifs d'écoulement (voir carte ci-après).
(• ) Le franchissement des reliefs les plus importants sera réalisé par de grands ouvrages d'art (tunnel, tranchée couverte, viaduc) selon des considérations géologiques et d'insertion paysagère.
Les étapes ultérieures à l'avant-projet permettront d'étudier les différents aménagements pour parvenir à un projet précis donnant aux communes, aux riverains et aux socio-professionnels, le maximum des renseignements souhaités (niveau sonore, emprise et emplacement exacts, rétablissement des chemins, ...).
4. Le montage opérationnel et le tracé
a) L'hypothèse du projet global
Les conditions de réalisation de la ligne nouvelle de Montpellier au Perthus ont été examinées selon un scénario de conduite de projet analogue à celui retenu par la SNCF pour les précédentes lignes TGV. Une mise en service en plusieurs phases serait possible.
Des phases techniques, fonctionnelles, sans préjuger de l'ordre de réalisation, ont été répertoriées :
- de la frontière à la gare centre ville de Perpignan, via le raccordement de Toulouges-Le Soler ;
- de la gare centre ville de Perpignan à la gare nouvelle de la Plaine de l'Aude, via le raccordement de Rivesaltes et le raccordement travaux de Nissan ; ainsi que de la gare centre ville de Perpignan à Toulouse, via le raccordement ;
- de la gare de Plaine de l'Aude à la gare centre ville de Montpellier, via le raccordement Grand Sud et le raccordement de Lattes.
- le barreau sud de Montpellier, entre ses raccordements ouest et est, avec la gare nouvelle de Montpellier ;
- le barreau ouest de Perpignan, entre le raccordement de Toulouges-Le Soler et le raccordement de Rivesaltes, avec la gare nouvelle de Perpignan.
Il a semblé essentiel de prendre en compte :
- des objectifs de desserte des villes intermédiaires au moyen du réseau existant et de raccordements ;
- des objectifs d'irrigation du territoire en profondeur grâce aux lignes ferroviaires régionales et interrégionales (Carcassonne - Castelnaudary - Toulouse ; Carcassonne-Quillan ;Béziers - Millau - Marvejols ; Perpignan - Villefranche ; Perpignan - Cerbère) ;
- des principaux obstacles physiques et environnementaux qui ont contraint à des infléchissements de tracé pour bénéficier de passages plus aisés à franchir.
• De Montpellier à la Plaine de l'Aude
Les trains à grande vitesse partiront de la gare en centre ville de Montpellier, ou emprunteront le barreau de ligne nouvelle (long de 21 km) contournant l'agglomération par le sud et qui comportera une gare nouvelle. Ils atteindront les raccordements à Lattes (lieu dit hameau de la Castelle), soit pour desservir par ligne classique à 160 km/h, en moins de 30 minutes, Sète - Agde - Béziers, soit pour emprunter la ligne nouvelle sur 72 km, dans un fuseau est-ouest parallèle à l'autoroute A9, pour atteindre la gare nouvelle entre Béziers et Narbonne.
Les TGV auront les possibilités : soit de continuer sur ligne nouvelle vers Perpignan et Barcelone ; soit d'emprunter le raccordement " Grand sud ", pour aller vers Narbonne, Carcassonne, Toulouse, ou vers Narbonne, Port La Nouvelle, Leucate.
• De la Plaine de l'Aude à Perpignan
Après Narbonne, vers le sud au passage à Montredon, on trouvera le raccordement pour des TGV en provenance de Toulouse et de Carcassonne.
La ligne nouvelle s'infléchit alors nord-sud parallèlement à la direction de l'autoroute A9, passe dans les Corbières, puis redescend vers la plaine du Roussillon. Après avoir ainsi parcouru 61 km, la ligne nouvelle atteindrait l'emplacement de la gare future de Perpignan vers le camp Joffre puis le raccordement de Rivesaltes.
Les TGV qui desserviront Perpignan par la gare en centre ville emprunteront alors la ligne classique sur 6 km. En fonction des besoins de desserte de l'agglomération de Perpignan et des choix qui seront faits le moment venu, certains trains pourront également continuer par le barreau ouest d'une longueur de 17 km.
- Votre rapporteur tient à faire remarquer que dans l'attente de la réalisation de ces phases, il serait opportun de mettre en place un dispositif administratif et financier, permettant de débloquer les problèmes environnementaux et patrimoniaux sur les sites dits sensibles.
b) De Perpignan à la frontière : l'accord de Madrid en application
Au croisement avec la voie ferrée Perpignan-Villefranche, se trouvent les raccordements qui permettent, via le réseau classique, d'une part aux TGV de relier Barcelonne à la gare centre ville voyageurs de Perpignan, d'autre part, aux trains fret de relier Barcelone à la gare fret de Perpignan Roussillon et au marché Saint-Charles.
Après Toulouges - Le Soler, par un parcours de 24 km, d'abord à l'ouest de l'autoroute A9, puis à l'est compte tenu de l'environnement général et de particularités géologiques, la ligne nouvelle atteint la barrière pyrénéenne. La tête du tunnel transpyrénéen est sur la commune de Montesquieu ; le tunnel de 7 km en France et de 1 km en Espagne , assure la jonction avec la ligne à grande vitesse espagnole vers Barcelone et Madrid.
On notera qu'une telle ligne permettra l'acheminement des TGV, des trains classiques de voyageurs et des trains de fret. Par ailleurs, l'emplacement d'un aiguillage permettant un raccordement avec l'autoport du Boulou a été réservé.