2. La discipline des magistrats
En matière disciplinaire, les deux formations du conseil siègent à la Cour de cassation. Le premier président préside alors la formation du siège statuant comme conseil de discipline des magistrats du siège ; le procureur général près la Cour préside la formation compétente à l'égard des magistrats du parquet.
Le garde des sceaux détient seul l'initiative des poursuites disciplinaires contre les magistrats du siège ou du parquet. Pour ce qui concerne les magistrats du siège, les sanctions disciplinaires sont prises, après enquête et rapport d'un des membres, par décision motivée de la formation du siège du conseil.
Pour ce qui concerne les magistrats du parquet, c'est le garde des sceaux qui décide des sanctions, mais après avis, rendu dans les mêmes conditions, de la formation du parquet.
La procédure disciplinaire est régie par un ensemble de dispositions résultant :
• de la Constitution du 4 octobre 1958 (art. 65
modifié par la loi constitutionnelle du 27 juillet 1993 portant
révision de la Constitution),
• de la loi organique n° 94-100 du 5
février 1994 sur le conseil supérieur de la magistrature (art. 18
et 19),
• de l'ordonnance du 22 décembre 1958
modifiée portant loi organique relative au statut de la magistrature
(art. 43 à 66),
• du décret du 9 mars 1994 relative au conseil
supérieur de la magistrature (art. 40 à 44)
Abstraction faite du pouvoir d'avertissement donné aux chefs de cour, aux directeurs d'administration centrale et à l'inspecteur général des services judiciaires, par l'article 44 du statut de la magistrature, deux instances disciplinaires peuvent intervenir :
• la formation du conseil supérieur de la
magistrature compétente à l'égard des magistrats du
siège statue, sous la présidence du premier président de
la Cour de cassation, comme conseil de discipline des magistrats du
siège ;
• celle qui est compétente à
l'égard des magistrats du parquet, présidée par le
procureur général, émet un avis motivé sur la
sanction qui lui paraît appropriée, cet avis étant transmis
au garde des sceaux.
Si celui-ci souhaite prendre une sanction plus grave, la formation compétente, après avoir entendu à nouveau le magistrat en ses observations, émet un nouvel avis versé à son dossier.
Cette formation compétente à l'égard des magistrats du parquet est une composante nouvelle du conseil supérieur de la magistrature qui s'est substituée à l'ancienne commission de discipline du parquet ; elle traduit sur ce point la volonté du Constituant de rapprocher le statut des magistrats du parquet de celui des magistrats du siège.
L'action disciplinaire à l'égard des magistrats du parquet de l'administration centrale du ministère de la justice demeure de la compétence exclusive du garde des sceaux.
En matière disciplinaire, le conseil siège à la Cour de cassation ; le secrétariat est assuré, selon l'appartenance du magistrat intéressé, par le substitut chargé du secrétariat général de la première présidence ou par celui chargé du secrétariat général du parquet général.
La formation disciplinaire compétente est saisie par le garde des sceaux d'une dénonciation des faits retenus au soutien de l'action engagée. Celui-ci transmet également au président de la formation saisie le dossier personnel du magistrat mis en cause ainsi que tous les documents intéressant la poursuite, notamment, le cas échéant, le rapport établi par l'inspection générale des services judiciaires.
Si une action judiciaire est intentée pour des faits entrant dans le champ de l'action disciplinaire, les pièces s'y rapportant sont également versées.
Le président de la formation concernée désigne un rapporteur parmi ses membres et la charge, s'il y a lieu, de procéder à une enquête.
Le rapporteur peut entendre le magistrat intéressé ou le faire entendre par un pair d'un rang au moins égal, ainsi que le plaignant et les témoins si nécessaire.
Dès la saisine du conseil, le magistrat mis en cause peut obtenir communication du dossier.
Au cours de l'enquête il peut se faire assister par l'un de ses pairs, par un avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation ou par un avocat inscrit au barreau.
La procédure doit être tenue à la disposition de l'intéressé ou de son conseil quarante-huit heures au moins avant chaque audition.
La décision de la formation compétente à l'égard des magistrats du siège, motivée, est notifiée au magistrat intéressé en la forme administrative et prend effet le jour de la notification.
A l'égard du magistrat du parquet, la décision du garde des sceaux, est notifiée au magistrat en la forme administrative et prend, elle aussi, effet le jour de cette notification.
Signalons qu'en cas d'urgence et après avis des chefs hiérarchiques, le garde des sceaux a la faculté de proposer à la formation compétente à l'égard des magistrats du siège d'interdire au magistrat faisant l'objet d'une enquête l'exercice de ses fonctions, jusqu'à ce qu'une décision définitive intervienne sur le mérite des poursuites disciplinaires. Pris dans l'intérêt du service, cette décision ne peut être rendue publique.
Après avis de la formation compétente à l'égard des magistrats du parquet, le garde des sceaux peut prononcer la même décision.
L'article 45 de l'ordonnance du 22 décembre 1958 détermine les sanctions disciplinaires applicables aux magistrats :
1) la réprimande avec inscription au dossier,
2) le déplacement d'office,
3) le retrait de certaines fonctions
4) l'abaissement d'échelon
5) la rétrogradation
6) la mise à la retraite d'office ou l'admission à cesser ses fonctions lorsque le magistrat n'a pas droit à une pension de retraite,
7) la révocation avec ou sans suspension des droits à pension
Il importe de rappeler que constitue une faute disciplinaire tout manquement par un magistrat aux devoirs de son état, à l'honneur, à la délicatesse ou à la dignité (art. 43 de l'ordonnance du 22 décembre 1958)
A l'égard des chefs de juridiction, soulignons que le CSM considère que les termes de l'article 43 de l'ordonnance du 22 décembre 1958 "doivent être entendus de manière particulièrement rigoureuse".
Dans son rapport d'activité, le conseil supérieur a relevé, en matière disciplinaire, un certain nombre d'évolutions souhaitables :
• l'amélioration des méthodes
utilisées par l'inspection générale des services
judiciaires, pour accroître les garanties offertes aux magistrats
intéressés lors de l'enquête préalable à la
saisine : par exemple l'énonciation précise des griefs
pouvant être retenus et la transcription sur procès-verbal de
toute audition ;
• la prise en charge sur les frais de justice
criminelle des dépenses engagées au cours de l'instance
disciplinaire : honoraires d'experts, frais de déplacements de
témoins... ;
• l'attribution d'une voix
prépondérante au président de la formation disciplinaire
en cas de partage des voix ;
• la modification de l'échelle et de la nature
des sanctions disciplinaires, notamment par la création de la sanction
de suspension temporaire sans droit à traitement, assortie d'un
déplacement d'office.