B. LES NOUVELLES ATTRIBUTIONS DU C.S.M.
La réforme constitutionnelle de 1993 a conforté les deux champs de compétence essentiel du conseil supérieur : les nominations de magistrats et leur discipline. Mais désormais, dans ces deux domaines, il importe de distinguer les pouvoirs de la formation du siège de ceux de la formation du parquet.
1. Les nominations de magistrats.
S'agissant de la nomination des magistrats du siège, la formation du siège dispose de deux types de pouvoirs distincts.
Elle propose les nominations des magistrats du siège de la Cour de cassation, des premiers présidents de cours d'appel et des présidents de tribunaux de grande instance. Pour ces quelque 350 postes, elle dispose donc d'un pouvoir d'initiative, recense les candidatures, étudie les dossiers des candidats, les reçoit, et arrête les propositions qu'elle soumet au Président de la République, sur le rapport d'un de ses membres, lors d'une séance du conseil tenue au Palais de l'Elysée.
Pour toutes les autres nominations de magistrats du siège, la formation dispose d'un pouvoir d'avis conforme. Le garde des sceaux conserve l'initiative, et propose les nominations ; la formation étudie les dossiers des magistrats proposés, ceux des candidats qui n'ont pas été retenus par la Chancellerie et spécialement des magistrats qui ont formulé des observations sur les projets de nomination, puis elle donne, lors d'une séance tenue au Palais de l'Alma, un avis qui lie le garde des sceaux.
S'agissant de la nomination des magistrats du parquet, la formation du parquet dispose d'un pouvoir d'avis simple qui ne lie pas le ministre pour toutes les nominations à des postes du parquet proposées par le garde des sceaux, à l'exception des postes de procureurs généraux qui sont nommés en Conseil des ministres. Elle donne cet avis dans les mêmes conditions que la formation du siège, après examen des dossiers et rapport, en séance au Palais de l'Alma.
Il convient de souligner que les recommandations du conseil sont suivies. Depuis le 10 juin 1994, date de l'installation du conseil, aucune délibération n'a été remise en cause par le Président de la République ou le Garde des sceaux. Au terme de la première année de fonctionnement de l'institution dans ses attributions nouvelles, aucune nomination entrant dans sa compétence n'est intervenue dans la magistrature contre son avis.
A l'issue de ses dix huit premiers mois d'activité (puisqu'il s'est installé au début du mois de juin 1994), le nouveau CSM a publié un rapport conformément à l'article 20 de la loi organique du 5 février 1994.
Dans cette étude, il a mis en lumière les principales difficultés rencontrées dans la mise en oeuvre des mouvements de magistrats :
• l'insuffisante mobilité des
magistrats ;
• une cadence accélérée de
rotation des magistrats dans certains tribunaux pour lesquels les candidats
sont peu nombreux, voire inexistants, y compris à des postes de chefs de
juridiction (ressorts du Nord et de l'Est de la France notamment) ;
• la troisième difficulté
résultait de la
suppression de la "transparence".
La "transparence" est un document contenant en réalité deux éléments bien distincts : l'état établi par la direction des services judiciaires des projets de nomination aux fonctions du premier et second grade et à certaines fonctions hors hiérarchie, ainsi que la liste des candidats à ces mêmes fonctions. Après avoir été diffusée dans l'ensemble du corps judiciaire, la "transparence" communiquée aux magistrats ne contenait plus que l'état des projets de nominations établi par la direction des services judiciaires. Le CSM disposait certes de la "transparence" complète, c'est à dire l'état des projets de nomination et la liste des candidats, mais le corps judiciaire n'en avait plus connaissance.
Le candidat non retenu par la Chancellerie ne pouvait connaître l'état de la concurrence sur le poste recherché, et connaître exactement sa situation. La suppression de la "transparence" a provoqué d'ailleurs un certain nombre recours formés, non pas tant pour contester un projet de nomination que pour obtenir des informations.
Le conseil supérieur s'est ainsi félicité du rétablissement de la pratique ancienne au cours de l'année 1995 :
• le phénomène des "fausses
candidatures"(caractère "fictif de certains desiderata exprimés
par des magistrats ; maintien sur les listes de candidats à
certains emplois alors que ces candidats ont obtenu l'un des postes
sollicités ; maintien de desiderata dépassés ou
retirés par leurs auteurs) ;
Le CSM souhaiterait que ne soient examinées pour chacune des propositions du garde des sceaux, que les requêtes et desiderata de magistrats parvenus à la Chancellerie à des dates précises, déterminées par circulaire, et connues de tous, afin d'assurer la sincérité des desiderata et l'égalité de tous les postulants ;
• enfin, l'absence fréquente
d'évaluation pour les magistrats classés hors hiérarchie.
Cette situation rend malaisé l'appréciation par le conseil
supérieur de la valeur respective des candidats aux plus hautes
fonctions de la magistrature.