2. Les limites du phénomène
Selon le gouvernement , ces évolutions devraient permettre la création de 150.000 à 190.000 emplois en 1997, ce qui, compte tenu de l'évolution de la population active, serait insuffisant pour stabiliser le taux de chômage 3 ( * ) .
Mais, l'évaluation précise de la croissance du taux de chômage, qui est fonction de la déformation des taux d'activité, dépend aussi de la poursuite du processus d'enrichissement de la croissance en emplois.
Celle-ci pourrait rencontrer plusieurs obstacles :
• la baisse des créations nettes d'emplois
publics ;
• l'arrivée à maturité d'un
certain nombre de dispositifs d'aide à l'emploi ;
• les réticences de plus en plus grandes
exprimées par les personnes employées à temps partiel qui
ressortent de l'enquête de l'INSEE sur l'emploi de mars 1996 ;
Personnes travaillant à temps partiel
recherchant un emploi à temps complet
ou un temps partiel
supplémentaire
(en milliers)
• l'insuffisance du travail qualifié en
France, à propos duquel il convient d'observer qu'à la fin des
années 80, malgré un taux de chômage de 9 %, la
reprise de l'emploi avait provoqué des tensions salariales dues, pour
l'essentiel, à des pénuries de main d'oeuvre qualifiée.
Pour conclure sur l'emploi, si les effets de "l'écart de croissance" sur son évolution étaient atténués grâce à l'enrichissement de la croissance en emplois, il y a lieu de souligner que celui-ci correspond à un processus de créations d'emplois fragmentés plutôt qu'à une capacité retrouvée de notre économie à créer un volume d'emplois supérieur.
Quelle que soit la pérennité de cette situation, il y a lieu d'éclairer ses conséquences.
La baisse de la productivité des facteurs de
production :
Évolution de la productivité horaire du travail par branche Valeur ajoutée en volume par heure de travail en % par rapport à l'année précédente
L'inflexion des gains de la productivité des facteurs de production suit une tendance continue depuis les années 70. Entre 1959 et 1973, la productivité apparente du travail croissait de 5,5 % par an. Après le premier choc pétrolier, ce rythme s'est ralenti à 2,4 % l'an puis, après s'être redressé entre 1983 et 1989 (+ 3,6 % en moyenne), s'est à nouveau infléchi (+ 1,8 % depuis 6 ans). La productivité apparente du capital a plus fortement baissé, de faibles gains de productivité succédant à des années de perte de productivité. Dans une période de chômage, le ralentissement des gains de productivité du travail est parfois considéré comme une évolution souhaitable. Le raisonnement qui sous-tend cette appréciation consiste à faire valoir qu'à production donnée un ralentissement des gains de productivité du travail permet d'employer davantage de personnes. Il y a "enrichissement de la croissance en emplois". Les limites de ce raisonnement doivent être mises en évidence. Tout d'abord, il faut souligner que le ralentissement des gains de productivité est synonyme d'infléchissement du rythme de croissance et donc de création de richesses. Le surplus de productivité partageable s'étiole avec toutes les conséquences de ce phénomène en termes de revenu et donc d'entretien de la croissance. Ensuite, il faut indiquer que le ralentissement des gains de productivité s'accompagne d'une réduction d'efficacité des facteurs employés. Celle-ci ne peut être jugée favorable que pour autant qu'on pose comme hypothèse qu'elle est inéluctable. Il faudra alors considérer que les emplois susceptibles d'être créés dans l'économie ne peuvent être en l'état que peu productifs ou que l'efficacité de l'investissement est durablement moindre qu'auparavant. Enfin, il faut observer que le ralentissement de la productivité horaire du travail n'est évidemment pas le seul remède au sous-emploi. La diminution de la durée du travail a les mêmes effets. |
* 3 L'évolution de la population active est difficile à prévoir. L'an dernier on avait souligné le risque d'une accélération de la population active en France sous l'effet du très faible niveau des taux d'activité aux deux extrémités de la vie active dans notre pays. Ce risque s'est réalisé puisque la population active s'est accrue de 312.000 personnes entre mars 1995 et mars 1996 contre 150 000 personnes dans la période antérieure.