CHAPITRE IV - LES TRAVAUX DE LA COMMISSION

I. AUDITION DE M. PHILIPPE VASSEUR, MINISTRE DE L'AGRICULTURE, DE LA PÊCHE ET DE L'ALIMENTATION, LE MARDI 22 OCTOBRE 1996, DEVANT LA COMMISSION

M. Philippe Vasseur a effectué deux commentaires avant de préciser les grands axes du projet de loi d'orientation. Il a rappelé les caractéristiques de la crise de 1993-1994 liée aux problèmes de ressources et à la chute brutale des prix. Cette dernière était elle-même en partie due à l'internationalisation de la production, à la stagnation de la consommation de produits de la pêche et au développement des grandes et moyennes surfaces.

Il a souligné que cette crise avait été ressentie de manière plus aiguë en France en raison, d'une part, du poids des charges financières pesant sur la flottille artisanale modernisée dans les années 1980-1990 et, d'autre part, de la grande dépendance de la production française vis-à-vis des marchés du sud de l'Europe bénéficiant de dévaluations compétitives.

M. Philippe Vasseur, ministre de l'agriculture, de la pêche et de l'alimentation, après avoir indiqué les principales mesures d'urgence mises en oeuvre pour faire face à ces événements -réduction des cotisations sociales, plan de restructuration...- a précisé les idées forces de ce projet de loi.

Il a fait observer que la recherche d'un meilleur ajustement de la production aux besoins du marché, l'amélioration de la gestion des entreprises, des relations sociales et la consolidation des activités de cultures marines constituaient les principales pistes de réflexion, à la suite de la crise des années 90.

Il a, ensuite, insisté sur l'insertion de ce projet de loi dans la politique de pêche au niveau communautaire.

Après avoir regretté l'insuffisance des mécanismes mis en place par l'organisation commune des marchés (OCM) et constaté la diversité des pratiques des organisations de producteurs (OP), il a exprimé le souhait de voir réviser cette OCM, la Commission européenne devant déposer un rapport d'analyse sur ce point avant la fin de l'année, a-t-il ajouté.

Il a, enfin, précisé que la France avait globalement respecté les exigences du troisième programme d'orientation pluriannuel (POP III) et a déclaré le POP IV inacceptable en l'état actuel des choses. Il a souhaité, par ailleurs, un aménagement des mesures techniques communautaires.

Après avoir rappelé la forte mobilisation de la profession durant la phase préparatoire, il a indiqué que le projet de loi était un texte relativement consensuel.

Il a, ensuite, énuméré les cinq orientations du projet de loi. En consacrant le caractère collectif de la ressource (titre II), le ministre a précisé que ce texte réaffirmait l'incessibilité des droits à produire et la responsabilité particulière de l'État en matière de fixation des conditions d'accès à la ressource. Il a ajouté que les OP pourraient se voir confier la gestion de certains quotas dans le cadre d'un plan qu'elles auraient élaboré.

Il a exprimé son regret de ne plus voir figurer dans ce projet de loi -à la suite de son passage devant le Conseil d'État- l'engagement du Gouvernement de présenter un rapport sur la bande côtière.

M. Philippe Vasseur a ensuite mis l'accent sur le second axe du projet de loi, l'organisation de la filière (titres I et II). Après avoir rappelé les limites de l'organisation actuelle du marché des produits de la pêche en France dues à l'atomisation de l'offre et à l'insuffisante prise en compte des données du marché, il a considéré que le pilotage de la production par le marché était devenu un objectif incontournable. Il a évoqué, à cette occasion, la transformation du fonds d'intervention et d'organisation des marchés pour les produits de la mer (FIOM), en office de type agricole (OFIMER), favorisant ainsi, d'une part, le dialogue jusqu'ici insuffisant entre la production et l'aval et la vocation purement économique de ce nouvel organisme, d'autre part.

Il a également fait allusion au Conseil supérieur d'orientation des politiques halieutiques, aquacole et haléoalimentaire. Il a indiqué que cette instance consultative, présidée par le ministre, devait avoir pour objectif de rechercher la cohérence des différents aspects de la politique des pêches et des cultures marines.

Le ministre a ajouté que d'autres dispositions -rationalisation des points de débarquement, redéfinition du mareyage...- rejoignaient cette même orientation, visant à mieux structurer la filière.

M. Philippe Vasseur a ensuite insisté sur la modernisation de l'entreprise de pêche qui constituait le troisième axe de ce projet (titre III).

Après avoir rappelé les objectifs du texte en la matière, il a indiqué que cette modernisation passait par la création d'une forme originale de société, la société de pêche artisanale, comparable au groupement d'aide à l'exploitation en commun (GAEC) en agriculture.

Il a énuméré les dispositions visant à envisager le passage en société afin d'assurer la stricte neutralité sur le plan fiscal et social entre le patron-pêcheur artisan et la société de pêche. Il a indiqué, à cet égard, que l'étalement des plus-values de cession attendu par la profession et accepté par la Commission, constituait une mesure essentielle du dispositif du projet de loi.

Il a, enfin, mis l'accent sur les dispositions favorables à l'installation des jeunes et à la pluriactivité.

M. Philippe Vasseur, ministre de l'agriculture, de la pêche et de l'alimentation a tenu à souligner l'importance du volet social du projet de loi et, notamment, l'amélioration des conditions de vie et de travail des marins-pêcheurs avec la fin du dérôlement abusif, le clarification des engagements à la pêche et l'application de la réglementation sur le salaire minimum de croissance (SMIC) combinée à une harmonisation du régime de rémunération « à la part .

Il a ensuite fait état de la création d'un fonds national d'aide à la préretraite et de l'engagement du Gouvernement de présenter un rapport sur l'importance du chômage à la pêche et le choix d'un régime de protection contre le chômage.

Il a indiqué que ce dernier point avait suscité un très large débat dans la profession, loin d'être consensuel, les clivages dépassant très largement les oppositions syndicales classiques.

Le ministre, après avoir précisé la dernière orientation relative aux cultures marines, consacrant le caractère agricole de cette activité, a reconnu que ce texte était attendu par la profession et s'est réjoui que le Sénat l'examine en priorité.

M. Josselin de Rohan, rapporteur, après avoir rappelé que la politique française de la pêche s'inscrivait dans une politique commune de la pêche fortement intégrée au niveau européen, s'est interrogé sur le bien-fondé des positions de Mme Emma Bonino, commissaire européen qui, considérant l'état de surpêche permanent, prônait ainsi une réduction drastique des flottilles. Il a indiqué, d'une part, que la vision de Mme Bonino se révélait très malthusienne et que, d'autre part, l'Europe s'orientait peu à peu vers une politique consumériste par l'importation, à droits nuls, d'espèces venant du reste du monde. Il a interrogé ensuite le ministre sur l'insuffisance de l'OCM pêche en indiquant que les OP souhaitaient un marché mieux organisé.

M. Philippe Vasseur a indiqué qu'il partageait l'analyse du rapporteur et exprimé son désaccord avec la politique de Mme Bonino. Il a affirmé que la France se devait de rester un pays producteur et donc pêcheur. Il a souhaité que les contrôles soient renforcés au niveau communautaire. Il a ensuite fait état du paradoxe qui consistait à considérer peu à peu le retrait comme un débouché pour des espèces importées du reste du monde, estimant ainsi nécessaire la réforme de l'OCM pêche.

Répondant à M. Bernard Seillier, qui s'exprimait au nom de la commission des Affaires sociales, sur les dispositifs mis en place aux articles 33 et 34 du projet de loi d'orientation, le ministre a précisé que l'article 34, prévoyant l'affiliation à la mutualité sociale agricole (MSA) pour les pêcheurs à pied professionnels, était neutre pour l'établissement national des Invalides de la marine (ENIM). Il a, ensuite, indiqué que le bénéfice de la préretraite était ouvert à toutes les catégories de marins, sous certaines conditions précisées dans le texte du projet de loi. Il a ajouté que ce mécanisme concernait quelques dizaines de marins-pêcheurs et que le fonds national, cofinancé par l'Europe, ne pouvait pas verser d'indemnités de cessation d'activité.

M. Josselin de Rohan, rapporteur, après avoir rappelé les mécanismes de l'étalement des plus-values de cession, a demandé au ministre si la question de l'investissement initial des jeunes pêcheurs avait été envisagée.

Le ministre a rappelé que, compte tenu du contexte budgétaire, la profession avait opté pour l'étalement des plus values de cession au détriment, par exemple, des « quirats . Il a indiqué que pour l'installation des jeunes était prévu un abattement fiscal, sans pour autant que soit résolu le problème de l'investissement initial.

En réponse à Mme Anne Heinis, M. Philippe Vasseur a distingué l'allocation des autorisations de pêche de l'attribution de quotas. Il a reconnu que si la France ne pêchait que 70 % de ces quotas, elle était souvent en dépassement sur certaines espèces comme le cabillaud, le maquereau ou la sole.

M. Félix Leyzour, après s'être inquiété du danger que constituait la trop forte réduction de la flottille française, a demandé au ministre la présentation d'un bilan pour l'application du POP III en Europe.

Le ministre s'est engagé à effectuer ce bilan lors de l'examen par le Sénat du projet de loi d'orientation sur la pêche, au mois de novembre prochain.

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