2. Le projet de loi s'inspire de dispositifs étrangers qui ont fait la preuve de leur efficacité
a) Le dispositif allemand
Le renouvellement de la flotte de commerce allemande s'est appuyé d'une part sur un système d'amortissements dérogatoires au droit commun très incitatif et d'autre part sur un régime fiscal applicable aux associés non indéfiniment responsables des sociétés de personnes. Les principes en sont les suivants :
- les navires de commerce inscrits sur un registre maritime allemand, les navires de pêche et certains avions peuvent, outre l'amortissement linéaire, faire l'objet, au cours de l'exercice d'acquisition ou de construction et des quatre exercices suivants, d'amortissements dérogatoires sous réserve que ces biens ne soient pas cédés dans les huit années après leur acquisition ou construction. Ces amortissements dérogatoires peuvent s'élever jusqu'à 40 % du coût du navire. Ils peuvent être passés massivement au titre du premier exercice, ce qui permet un amortissement très rapide des navires (en cinq ans environ) ;
- les déficits industriels et commerciaux subis par les associés non indéfiniment responsables des sociétés propriétaires de navires de commerce sont imputables, pour la part due aux amortissements dérogatoires, à hauteur de 125 % du capital investi. Le surplus est imputable sur les seuls bénéfices ultérieurs générés par l'activité.
- cette règle concerne les navires de commerce financés à moins de 70 % par emprunt, c'est-à-dire à plus de 30 % par apport personnel :
- des réserves correspondant à 50 % de la plus-value de cession peuvent être constituées hors impôt et sont déduites de la valeur d'un navire neuf livré dans les quatre ans.
Enfin, les KG (Kommanditgesselschaft) sont une caractéristique du shipping allemand grâce à laquelle l'armateur lui-même (ou des sociétés de placement de capitaux par voie de publicité) peut réunir une partie importante des capitaux nécessaires.
Le coût fiscal des deux mesures décrites plus haut s'élève à environ 135 millions de DM par an dont 100 millions de DM pour la seule mesure quirataire.
En 1995, les Allemands ont ainsi investi 7,4 milliards de francs dans 159 navires (dont 126 neufs) représentant une valeur de 20,4 milliards de francs. En 1994, plus de 5,5 milliards de francs de fonds propres avaient été investis pour financer 93 navires de mer neufs et 16 navires d'occasion. Sur ces 109 navires, 77 étaient des porte-conteneurs affrétés et 24 des caboteurs. 43 % des navires neufs ont été construits en Allemagne, soit 40 navires.
Bien que plus de la moitié des navires ont été construits à l'étranger, essentiellement en Pologne, en Corée du Sud et dans l'ancienne Tchécoslovaquie, le dispositif fiscal allemand a considérablement accru l'activité des chantiers allemands. À titre de comparaison, alors qu'en 1995, 72 navires ont été commandés aux chantiers allemands pour être immatriculés sous pavillon allemand, seuls 5 navires étaient inscrits sur les carnets de commande des chantiers français pour battre pavillon français.
Le projet de loi fiscale 1997, arrêté par le gouvernement allemand le 22 mai dernier, prévoit de remettre en cause le régime des amortissements dérogatoires en faveur des bateaux et des avions pour lesquels le contrat d'achat ou de construction a été délivré après le 30 avril 1996. Ces biens devront être livrés avant le 1er janvier 2000. Cette mesure s'inscrit dans le cadre du plan d'économies décidé par le gouvernement allemand en avril dernier.
Il convient cependant de rappeler que le dispositif allemand est vieux de plus de dix ans et qu'il a bien eu l'impact escompté sur la flotte de commerce allemande. D'autre part, les conséquences positives continueront de se faire sentir pendant plusieurs années encore.
b) Le dispositif danois
La flotte danoise est l'une des rares flottes européennes dont le nombre de navires ne cesse de croître. Elle comptait 614 navires en 1994. L'autre point notable est que 83 % des postes à bord sont tenus par des Danois. La création du registre international danois (DIS) auquel sont aujourd'hui inscrits 80 % des navires danois (95 % du tonnage), s'ajoutant à divers autres avantages, dont le système quirataire, entre pour une large part dans cette situation plutôt favorable en Europe.
Dans le système quirataire danois, les propriétaires de parts peuvent amortir leur immobilisations en navires avec des revenus de nature différente de celle des produits de l'exploitation maritime.
Cette faculté a toutefois, depuis 1989, été limitée à 50 %. Par ailleurs, l'avantage fiscal qui était considérable dans un pays où les taux marginaux d'imposition sont très élevés (jusqu'à 68 %) risque d'être bientôt sensiblement réduit, puisqu'il est question de ramener en cinq ans les taux marginaux de 68 à 58 %.
Enfin, des réserves en exonération d'impôts peuvent être constituées sous condition de réinvestissement dans les deux ans. La valeur amortissable du nouveau navire est réduite d'autant.
c) Le dispositif norvégien
Les conséquences très défavorables de la réforme fiscale de 1991 sont venues mettre un terme aux effets très stimulants pour le transport maritime norvégien de la création en 1987 du second registre norvégien dont on a dit qu'il avait été le début d'un nouvel âge d'or. Cette mesure avait en effet permis à la flotte norvégienne tombée à 330 navires en 1987, de repasser quatre ans plus tard à près de 1 000 navires.
A la suite de la réforme fiscale, le taux d'amortissement dégressif pour les navires et les plates-formes a été réduit de 25 à 20 %. Le taux d'amortissement anticipé a été ramené de 25 à 15 %. Enfin, alors que les plus-values en capital bénéficiaient précédemment d'un crédit d'impôt (non imposition) pendant huit ans, elles sont désormais inscrites dans un compte spécial et 20 % du montant de ce compte est réintégré chaque année dans les revenus fiscaux déclarés.
Le régime quirataire a également été réformé dans un sens restrictif. En effet, alors que l'amortissement pouvait avoir lieu jusqu'en 1992 sur l'ensemble des revenus, il doit désormais rester dans les limites du résultat de l'exercice. Ceci a notamment pour effet de réduire fortement l'attrait financier de l'opération et de pénaliser les cessions de parts, d'autant que le taux de l'impôt sur les sociétés est passé de 40 à 28 %.
Le tableau suivant récapitule l'ensemble des aides dont disposent les flottes de nos concurrents européens.
Régime d'aides à la marine marchande
Source : Comité central des armateurs de France
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A l'issue de l'examen de ces différents régimes, il convient de souligner l'impact très sensible des dispositifs fiscaux sur la flotte de commerce de nos principaux concurrents européens. La disparition progressive de ces régimes n'est pas le constat d'un échec, mais au contraire la conséquence de l'efficacité de mesures dont le coût croît avec le succès. L'expérience, réussie de ses voisins, doit conforter la France dans sa décision de dynamiser son régime quirataire.