EXAMEN DES ARTICLES

Article premier A (nouveau)
(article 2 de l'ordonnance n° 86-1243 du 1er décembre 1986)

Modification de la composition du Conseil de la concurrence

A l'initiative de sa commission des lois et de M. Raoul Béteille, l'Assemblée nationale a introduit un article additionnel avant l'article premier, modifiant l'article 2 de l'ordonnance n° 86-1243 du 1er décembre 1986, afin de porter de seize à dix-sept le nombre de membres, et de deux à trois le nombre de vice-présidents du Conseil de la concurrence.

Ce nouveau membre serait nommé parmi les membres ou anciens membres du Conseil d'État, de la Cour de Cassation ou de la Cour des Comptes.

Le dernier alinéa de l'article précise que parmi le président et les vice-présidents, trois au moins sur les quatre sont nommés parmi les huit membres du Conseil issus des juridictions précitées. Seul l'un d'entre eux (« au plus ! ») serait nommé parmi les autres catégories de membres. Rappelons qu'il s'agit :

- des quatre personnalités choisies en raison de leur compétence en matière économique, ou de concurrence et de consommation ;

- des cinq personnalités exerçant ou ayant exercé leurs activités dans les secteurs de la production, de l'artisanat, des services ou des professions libérales.

L'Assemblée nationale a justifié cet amendement par la nécessité de voir la Cour de cassation représentée au sein du Conseil et de la commission permanente, les juridictions de l'ordre judiciaire étant compétentes pour connaître des affaires touchant au droit privé et au droit commercial et 1'appel d'une décision du Conseil étant d'ailleurs interjeté auprès de la Cour d'appel de Paris. Bien qu'étant qualifié d'autorité administrative indépendante par le

Conseil constitutionnel, le Conseil de la concurrence appartiendrait plutôt à la « filière judiciaire », selon M. Raoul Béteille.

Votre commission n'est cependant pas favorable à une telle modification de la composition du Conseil de la concurrence, ceci pour trois raisons principales :

- en premier lieu, elle estime qu'on accroîtrait ainsi davantage la proportion des juristes au sein du Conseil, alors que ces membres bénéficiant d'une bonne connaissance de l'entreprise et des pratiques commerciales y sont très minoritaires. Le Conseil ayant à connaître des pratiques anticoncurrentielles sur le marché, cette disposition n'apparaît pas souhaitable ;

- en second lieu, cet inconvénient serait aggravé s'agissant des affaires portées devant la commission permanente, puisque celle-ci serait composée aux trois-quarts (aux deux-tiers aujourd'hui) de membres issus des juridictions susmentionnées.

Rappelons, en effet, que la commission permanente est composée du président et des vice-présidents et qu'elle statue au nom du Conseil sur les affaires dont son président estime qu'elles doivent être portées devant elle (article 22 de l'ordonnance) ;

- en troisième lieu, elle relève que rien n'empêche qu'au prochain renouvellement du Conseil, un magistrat ou ancien magistrat de l'ordre judiciaire soit nommé vice-président, en application de l'article 2-3 de l'ordonnance ;

- enfin, le Conseil de la concurrence n'a pas tant besoin d'un nouveau vice-président que de rapporteurs supplémentaires pour faire face à la charge de travail que lui occasionnera l'adoption du présent projet de loi.

Ces raisons expliquent que votre commission vous propose de supprimer cet article.

Article premier B (nouveau)
(article 4 de l'ordonnance n° 86-1243 du 1er décembre 1986)

Modification de la composition de la commission permanente

Cet article est le résultat d'un amendement de conséquence adopté par l'Assemblée nationale à la suite du vote de l'article premier A. Il modifie le premier aliéna de l'article 4 de l'ordonnance de 1986, de façon à modifier la composition de la commission permanente du Conseil de la concurrence pour y intégrer un troisième vice-président.

Pour les mêmes raisons que celles exposées à l'article premier A, votre commission vous propose de supprimer cet article.

Article premier C (nouveau)
(article 10 de l'ordonnance n° 86-243 du 1er décembre 1986)

Modification des causes d'exonération des pratiques d'entente

1. Quelques rappels sur le droit en vigueur

Le fait pour des partenaires de s'entendre n'est pas en soi répréhensible. Il est de bonnes et de mauvaises ententes. La distinction fait appel à une analyse plus économique que juridique, car elle repose sur la notion d'atteinte à la concurrence.


• Toutes les ententes ne sont donc pas interdites. Tant l'ordonnance du 1er décembre 1986 que le Traité de Rome ne répriment que les ententes anticoncurrentielles.

Sont anticoncurrentiels, les accords qui portent atteinte aux trois grands principes qui fondent le fonctionnement libre des marchés :

- le principe d'autonomie des entreprises qui doivent déterminer en toute liberté et de façon indépendante leur politique commerciale ;

- le principe d'incertitude, qui permet d'éviter que les entreprises ne coordonnent leurs comportements ;

- le principe de libre accès au marché, qui tend à éviter la constitution de barrières artificielles et conditionne le dynamisme du marché.

En application de cette analyse, beaucoup d'accords, qui sont bien des ententes, ne relèvent pas des dispositions de l'ordonnance ou du Traité.

Il existe, dans la pratique, des milliers de réseaux de franchise, de distribution sélective, de GIE, de groupements d'artisans et jamais ceux-ci n'ont été contestés au regard du droit de la concurrence.

A la différence du droit allemand, qui a créé une présomption générale d'illicéité (avec pour conséquence l'obligation, sous sanction, de notifier tous les accords), le droit français présume que les ententes sont bonnes et qu'elles ne relèvent du droit de la concurrence que si elles affectent le fonctionnement du marché. L'article 7 de l'ordonnance de 1986 prohibe les pratiques concertées « lorsqu'elles ont pour objet ou peuvent avoir pour effet » de fausser le jeu de la concurrence. Il ne suppose pas la preuve d'une intention anticoncurrentielle.

Il cite, à titre d'exemple, l'entente sur les prix, l'entente visant à instituer des barrières à l'entrée sur le marché, le boycott, l'entente de répartition de marchés ou de sources d'approvisionnement et l'entente de quotas. On peut y ajouter l'entente constituant une barrière à la sortie du marché ou au changement de partenaire, sans que la liste soit exhaustive.

Les autorités de contrôle retiennent une application raisonnable de l'article 7, en adoptant une règle de raison que la jurisprudence américaine et, dans une certaine mesure, la jurisprudence communautaire ont développé.

Par le jeu de cette règle de raison, certaines ententes, formellement restrictives de concurrence, ne tombent pas sous le coup de cet article dans la mesure où les restrictions de concurrence sont proportionnées à l'objectif à atteindre. Un bilan concurrentiel est dressé, où le juge met en balance les effets négatifs sur la concurrence et les effets positifs de la clause ou du contrat. Les effets négatifs doivent être raisonnables et indispensables pour atteindre l'objectif recherché, telle l'amélioration de la distribution ou de la production. Des clauses restrictives de concurrence peuvent être validées si la clause apporte un effet positif sur la concurrence. La clause est validée, sans qu'il soit nécessaire de recourir à l'exemption de l'article 10. L'article 7 est déclaré inapplicable par le jeu de la règle de raison.


Par ailleurs, l'article 10 de l'ordonnance de 1986 prévoit des cas dans lesquels, en dépit des effets anticoncurrentiels, aucune sanction n'est prononcée car les ententes sont conformes à l'intérêt général.

Il prévoit trois causes d'exonération des pratiques anticoncurrentielles. Certaines conduisent à une exemption individuelle, d'autres à une exemption collective.

S'agissant des exemptions individuelles, le Conseil de la Concurrence peut être conduit à exempter une pratique anticoncurrentielle qui est imposée par la loi ou par un règlement pris en application de la loi (article 10-1). Il peut également accorder une exemption s'il considère que la pratique apporte une contribution suffisante au progrès économique (premier alinéa de l'article 10-2).

Ainsi la pratique concertée est exonérée lorsqu'elle produit des effets favorables, tels que l'accroissement des investissements par la conclusion d'accords de spécialisation permettant une diminution des prix de revient, l'augmentation des exportations, l'amélioration de la qualité ou de la distribution, l'organisation de recherches coûteuses, la fabrication de produits nécessitant des technologies de pointe...

Pour établir la justification de la contribution au progrès économique, trois conditions doivent être réunies :

- les restrictions à la concurrence doivent être raisonnables, proportionnelles à l'objectif recherché et indispensables ; l'entente doit être le seul moyen d'assurer le progrès ;

- la pratique, ne doit pas éliminer la concurrence pour une partie substantielle des produits ;

- les conséquences bénéfiques doivent profiter à la collectivité.

Les autorités de contrôle doivent donc établir un bilan économique pour apprécier les effets positifs et négatifs de l'entente.

Par ailleurs, le deuxième alinéa de l'article 10-2 de l'ordonnance, s'inspirant du droit communautaire, prévoit une mesure d'exemption a priori par décret, après avis conforme du Conseil de la concurrence.

L'autorisation prend la forme d'une exonération collective en faveur d'accords ayant des conséquences bénéfiques. Mais, à ce jour, aucun décret d'exemption n'a été pris en France (on verra, ci-après, que deux décrets sont, toutefois, en cours d'examen par le Conseil de la Concurrence). Le conseil des Communautés a, en revanche, édicté un nombre important de règlements d'exemption par catégorie.

2. L'Assemblée nationale a modifié les causes d'exonération des pratiques d'entente prévues à l'article 10 de l'ordonnance de 1986

L'Assemblée nationale a, sur la proposition de M. Jean-Paul Charié, rapporteur de la commission de la Production et des échanges et contre l'avis du Gouvernement, introduit un article additionnel avant l'article premier. Il a ainsi modifié le troisième alinéa de l'article 10 de l'ordonnance de 1986 (article 10-2).

Dans cette perspective, le 1° et le 3° de l'article Premier C (nouveau) ont pour objet d'étendre les causes d'exonération, qui visent notamment la participation au progrès économique, la contribution « au maintien ou au développement de l'emploi ».

Une telle notion ne peut être retenue.

En premier lieu, il est toujours extrêmement difficile d'évaluer a priori l'effet réel d'une pratique sur l'emploi.

Il paraît donc pour le moins hasardeux de permettre des pratiques concurrentielles pour sauver ou créer des emplois qui pourraient se révéler très hypothétiques.

En second lieu, les autorités de contrôle peuvent d'ores et déjà intégrer des considérations relatives à l'emploi lorsqu'elles établissent le bilan économique de la pratique concertée. La jurisprudence en la matière est, il est vrai, rare. On peut, cependant, citer l'affaire « Métro-Saba », à l'occasion de laquelle la Cour de justice des Communautés européennes a retenu des considérations sociales pour accorder l'exemption. Elle a ainsi admis que « la conclusion de programmes de livraison pour une durée raisonnable constitue, pour ce qui concerne le maintien de l'emploi, un élément de stabilisation, (...) (qui entre) dans le cadres des objectifs que l'article 85 § 3 permet de viser » 7 ( * ) .

Votre commission est donc défavorable à l'adoption du 1° et du 3° de l'article C. Elle est également opposée à l'adoption du 8° de cet article qui, sous couvert d'illustrer les pratiques pouvant être exonérées de l'application de l'article 7 de l'ordonnance sur les ententes autoriserait celles pouvant « consister à organiser les volumes et la qualité de production ainsi que la politique commerciale y compris en convenant d'un prix de cession commun. ».

Or, les ententes relatives au prix ou à son mode de calcul, les recommandations tarifaires, les accords portant sur des remises cartellisées ou des remises de fidélité indépendamment du chiffre d'affaires réalise, les accords sur des marges minimales, ou ceux portant sur les conditions de paiement, par exemple sur les délais de règlement, sont systématiquement pourchassées.

L'adoption de ce texte serait la « porte ouverte » à toutes les ententes abusives.

C'est pourquoi votre commission vous propose d'adopter une nouvelle rédaction de l'article premier C, totalement différente de celle retenue par l'Assemblée nationale.

Il s'agirait de créer une présomption de respect des conditions édictées à l'article 10-2, permettant de déroger à l'interdiction des ententes, pour certains accords relatifs aux productions agricoles ou alimentaires assurant l'organisation concertée de celles de ces productions qui :

- bénéficient d'une garantie officielle d'origine ou de qualité,

- ou se trouvent en situation de déséquilibre important de l'offre et de la demande.

Il est cependant évident que la loi ne saurait autoriser les accords contre lesquels les autorités de contrôle, tant françaises que communautaires, ont toujours lutté, à savoir les ententes en matière de prix.

C'est pourquoi, l'amendement que votre commission vous propose d'adopter précise que les accords précités ne pourront pas « comporter des dispositions relatives aux prix de cession des produits » .

La possibilité de déroger à l'interdiction des ententes pour les produits agricoles ou alimentaires de qualité se justifie par le fait que la politique de certification de la qualité et de l'origine des produits agricoles et alimentaires est une orientation majeure de la politique agricole. Elle permet d'ancrer des productions dans les terroirs, de dégager de la valeur ajoutée et de faire reconnaître le savoir-faire des agriculteurs.

Rappelons quelles sont les garanties officielles d'origine et de qualité :

- l'appellation d'origine contrôlée,

- le label agricole,

- la certification de conformité,

- les produits reconnus comme issus de l'agriculture biologique,

- l'appellation montagne ou les noms géographiques spécifiques de montagne au sens de la loi de modernisation de l'agriculture du 1er février 1995.

On sait que les filières agro-alimentaires sont marquées par l'atomisation de la production, la mondialisation de la concurrence et la forte concentration des acheteurs.

L'élargissement des possibilités de déroger à l'interdiction des ententes en cas de crise sur ces marchés permettra aux différents opérateurs d'un même secteur de production d'affronter une crise de désajustement structurel entre la production et les marchés, en leur donnant les moyens de s'organiser dans le cadre d'un « cartel de crise » pour restructurer l'offre notamment par la diminution des volumes produits ou présentés sur le marché.

La nouvelle rédaction que votre commission vous propose d'adopter à l'article premier C du projet de loi donnera donc aux opérateurs concernés, les moyens de s'organiser pour adapter leur production aux exigences du marché en termes de qualité et/ou de quantité, mais pas en termes de prix.

Deux décrets d'exemption ont certes été récemment élaborés par le Gouvernement dans le but d'autoriser ce type d'entente dans le secteur agro-alimentaire.

Ils sont en cours d'examen par le Conseil de la concurrence, dont l'avis, on l'a vu, doit être conforme, pour qu'ils soient valides. Cet avis n'étant pas encore connu, votre commission a préféré inscrire ces exemptions dans la loi.

Votre commission vous demande d'adopter l'article premier C dans la nouvelle rédaction qu'elle vous propose.

Article premier D (nouveau)
(Article 12-1 (nouveau) de l'ordonnance n° 86-1243 du 1er décembre 1986)

Offre ou vente aux consommateurs à un prix abusivement bas

A. A L'HEURE ACTUELLE, SEULE LA JURISPRUDENCE SANCTIONNE LES PRIX PRÉDATEURS

1. Le droit en vigueur ne sanctionne pas l'offre de prix de vente abusivement bas

C'est au travers de la réglementation du prix d'appel que les pouvoirs publics ont jusqu'ici tenter de lutter contre l'offre de prix anormalement bas.

Des circulaires sont ainsi intervenues en 1960, 1970 et 1978, qui se sont révélés inefficaces. La dernière en date est la circulaire du 22 septembre 1980 qui, pour la première fois, a défini le prix d'appel.

Il s'agit d'une pratique consistant « à mener une action de promotion par les prix sur un produit déterminé, pour lequel (le distributeur) adopte un niveau de marge si faible et dispose de quantités tellement insuffisantes que les avantages à attendre ne peuvent être en rapport avec l'action de promotion engagée, sauf pour le distributeur à pratiquer la dérive des ventes, c'est-à-dire à inciter, par quelque moyen que ce soit, les clients attires par la publicité à acheter un produit substituable à celui sur lequel la publicité a porté. »

Mais ses modalités et conditions d'application n'ont pas permis de sanctionner sur cette base la plupart des pratiques de prix d'appel.

2. La jurisprudence, tant communautaire que nationale, sanctionne des pratiques de prix inférieurs aux coûts variables

La commission européenne poursuit des prix prédateurs sur le fondement de l'article 86 du traité de Rome lorsqu'ils sont le fait d'entreprises exploitant de façon abusive une position dominante. La Cour de justice des Communautés européennes a établi, pour la première fois, dans un arrêt du 3 juillet 1991 (AKZO Chimie c /Commission), une définition du prix abusivement bas. Il s'agit des prix inférieurs à la moyenne des coûts variables, ou, quand ils ont un but prédateur, inférieurs à la moyenne des coûts totaux mais supérieurs à la moyenne des coûts variables.

Le Conseil de la concurrence (mesures conservatoires du 14 septembre 1994), puis la Cour d'Appel de Paris (arrêt en appel du 3 novembre 1994), ont repris cette définition du prix prédateur. Ils ont ainsi condamné la vente à un prix inférieur au coût variable de production du béton prêt à l'emploi de filiales de grands groupes du ciment et du béton de la région de Toulon. Cette pratique a été analysée comme une présomption d'entente entre des entreprises visant à empêcher l'accès d'une entreprise concurrente sur ce marché.

B. LE PROJET DE LOI CRÉE UNE NOUVELLE INFRACTION : L'OFFRE OU LA PRATIQUE DE PRIX ABUSIVEMENT BAS

L'article 3 du projet de loi initial avait prévu d'insérer cette nouvelle infraction dans le titre IV de l'ordonnance du 1er décembre 1986 relatif aux pratiques restrictives de concurrence. Or, ces pratiques sont prohibées perse, indépendamment de leur effet sur le marché, et sont soumises aux juridictions civiles. L'Assemblée nationale a, très logiquement, décidé d'insérer cette disposition, devenue l'article premier C (nouveau) du projet de loi, dans le titre III de l'ordonnance. Votre commission a retenu cette solution, qui respecte la cohérence interne de l'ordonnance et améliore la lisibilité du texte. Rappelons, en effet, que le titre III concerne les pratiques anticoncurrentielles, pour lesquelles le Conseil de la concurrence à compétence, puisqu'elles sont susceptibles de porter atteinte au marché.

1. Le champ d'application : les produits fabriqués ou transformés et vendus aux consommateurs

a) Le principe

Le nouvel article 12-1 de l'ordonnance prohibe les offres et pratiques de prix de vente abusivement bas à l'égard des consommateurs, susceptibles d'éliminer une entreprise ou un « produit » d'un marche.

Les prix proposés aux acheteurs professionnels pour l'exercice de leur activité ne sont donc pas visés.

M. Yves Galland, ministre délégué aux finances et au commerce extérieur, a précisé au cours de l'examen du projet de loi en première lecture a l'Assemblée nationale, que les prestations de services entraient dans le champ d'application du présent article.

Il s'agit bien des prix de vente, et non pas de revente. En effet, le deuxième alinéa de l'article précité précise qu'il n'est pas applicable aux produits revendus en l'état. Ces derniers sont soumis au dispositif de la revente à perte, modifiée par l'article 2 du présent projet de loi.

Sont donc visés les produits fabriqués ou transformés par les distributeurs, mais aussi par les artisans, associations, etc.

b) L'exception : le texte adopté par l'Assemblée nationale vise également les ventes de carburants au détail

Le principe souffre une exception, introduite par l'Assemblée nationale contre l'avis du Gouvernement, sur une proposition de M. Marc Le Fur, rapporteur pour avis de la commission des Finances, et après un long débat en séance publique.

A l'heure actuelle, les ventes de carburants au détail sont soumises au respect de l'interdiction de la revente à perte. Or, ce disposition n'a, à de rares exceptions près, pas pu être appliqué aux produits pétroliers, dans la mesure où les grandes surfaces ne les revendent pas à perte.

Elles profitent en réalité de la possibilité d'afficher le prix des carburants à l'extérieur du magasin pour en faire des produits d'appel. Cet affichage constitue une excellente vitrine pour l'enseigne, dans le but d'inciter le consommateur à profiter de prix supposés être également avantageux à l'intérieur du magasin.

Or, les moyennes et grandes surfaces vendent bien souvent les carburants 40 ou 50 centimes moins cher que la petite station voisine et imputent leurs frais d'investissement, de personnel et autres frais de commercialisation sur le prix des autres produits proposés aux consommateurs dans le magasin.

Ils recourent ainsi à ce que l'on appelle les marges compensées. Les stations-service de la zone de chalandise qui ne disposent pas de cette faculté, se trouvent en difficulté. Voici l'une des raisons majeures qui expliquent que le nombre de stations-service ait diminué de moitié en vingt ans dans notre pays. 30.000 stations ont ainsi fermé, entraînant la disparition de 70.000 emplois et des conséquences parfois dramatiques pour l'aménagement du territoire. En 1995, 747 stations ont encore disparu. Chacun souffre dans son département de cette situation, qui ne fait qu'accélérer la désertification de nos campagnes.

Il faut donc stopper ce phénomène. Ne nous faisons cependant pas trop d'illusions quant à un possible renversement de tendance.

En effet, d'autres raisons expliquent la situation que nous connaissons aujourd'hui et le fait qu'avec environ 4.000 points de vente de carburants, les moyennes et grandes surfaces réalisent près de 50 % de part de marché.

Il faut bien voir que celle-ci résulte avant tout du développement de l'ère de l'automobile et de l'accroissement de la capacité des réservoirs des véhicules. Plus mobiles, les consommateurs n'hésitent plus à parcourir une certaine distance pour se réapprovisionner en carburant, surtout s'ils peuvent, dans le même temps, procéder à l'ensemble de leurs achats.

En outre, la concurrence des moyennes et grandes surfaces s'est révélée d'autant plus difficile à supporter par les stations-service, que les compagnies pétrolières, dont les marges de raffinage sont très faibles en raison d'une surcapacité européenne dans ce secteur, ont dû se rattraper sur les marges de distribution de leurs réseaux.

Enfin, le coût de ces derniers sont souvent élevés, surtout lorsqu'ils assurent des prestations de haute qualité. Les stations sur autoroutes doivent, en outre, payer de lourdes redevances aux sociétés concessionnaires.

Ceci étant, votre commission estime nécessaire de freiner ce phénomène de fermeture de stations-service, dans un souci d'aménagement du territoire.

Plusieurs solutions sont envisageables :

- soit relever le seuil de la revente à perte, en y incluant l'ensemble des coûts indissociables de la revente. Mais la détermination précise de ces coûts pour l'ensemble des produits semble extrêmement difficile à réaliser ;

- soit, comme l'a proposé à l'Assemblée nationale, M. Yves Galland, ministre délégué aux finances et au commerce extérieur, imposer des normes de sécurité et la présence de pompistes, en particulier dans les stations à fort débit. Mais, cette solution ne modifiera en rien la pratique actuelle des marges compensées ;

- soit élargir le champ d'application de l'article premier D (nouveau) à l'ensemble des produits revendus en l'état, ce qui ne manquerait pas d'entraîner des effets pervers et notamment une hausse des prix. En effet, imposer un prix de revente supérieur aux coûts de production, de transformation et de commercialisation à un distributeur, ce serait risquer de voir réapparaître des pratiques proches de celles des prix imposés, ce qu il faut bien entendu exclure.

L'Assemblée nationale a choisi une quatrième voie, qu'a retenue votre commission et qui consiste à étendre le champ d'application de l'article D (nouveau) aux seuls carburants vendus au détail.

Certes, en résulte une difficulté liée au double régime applicable à ces produits :

- le prix abusivement bas, pour lequel le Conseil de la Concurrence peut être saisi ;

- la revente à perte, de la compétence des tribunaux de l'ordre judiciaire.

Mais cet inconvénient semble mineur au regard des impératifs d'aménagement du territoire.

La solution ainsi retenue imposera donc aux distributeurs de carburants de tenir compte de la quasi-totalité de leurs charges pour fixer leurs prix de vente.

Précisons la diversité de ces coûts :

- coût d'approvisionnement (transport du carburant) ;

- frais de personnel ;

- impôts et taxes ;

- primes d'assurances ;

- loyer (murs et/ou terrain)

- redevances (contrôles délégués et mise en conformité des appareils) ;

- maintenance et réparation ;

- électricité, chauffage ;

- frais postaux et télécommunications ;

- frais bancaires (dont : coût des cartes bancaires) ;

- impayés et contentieux ;

- pertes de carburant par évaporation ou contraction du produit ;

- amortissement pour :

=> distribution (volucompteurs)

=> stockage (cuves)

=> auvent

=> piste

=>poste de paiement

Le présent projet de loi permettra ainsi de résoudre partiellement la situation décrite précédemment. Il faut cependant avoir conscience qu'elle ne changera rien au fait que, à prix d'achat des carburants quasi-identique pour tous, les moyennes et grandes surfaces fixent leurs marges à un niveau beaucoup plus bas que les autres réseaux.

Des solutions complémentaires devront donc être retenues si l'on veut véritablement résoudre le problème de la survie des 5.570 points de vente particulièrement vulnérables, qui assurent la vente de volumes très faibles (inférieurs à 100 m 3 par mois).

C'est ainsi qu'un rapport conjoint de MM. Boisson (Inspecteur général des mines) et Lépine (Inspecteur général des finances) a été remis au Gouvernement, en mars 1995, sur les problèmes de la distribution des carburants en France.

Il dégage, notamment, des pistes possibles en vue d'une amélioration des marges de distribution (ventes de produits annexes, réduction des frais de cartes bancaires, remboursement de la taxe intérieure sur les produits pétroliers (TIPP) sur les impayés, etc.) et aborde leurs conséquences sur le raffinage : 10 c/litre sur la distribution correspondraient a une marge supplémentaires de 60 francs par tonne brut traite.

On pourrait ainsi envisager de moduler la TIPP en fonction du volume de carburant vendu et faire bénéficier les petites stations-service de cette taxe différenciée.

2. Les conditions d'application

a) La référence aux coûts de production, de transformation ou de commercialisation

Le projet de loi initial prévoyait que la notion de prix abusivement s'appréciait par rapport aux coûts de production et de commercialisation. L'Assemblée nationale y a ajouté les coûts de transformation.

Un distributeur achetant, par exemple, des pâtons congelés et qui les cuit pour en faire des baguettes, devra tenir compte du coût de cette transformation pour fixer son prix de vente.

La définition du prix abusivement bas se trouve ainsi très logiquement complétée.

Ces coûts pourront s'apprécier en se reportant aux factures d'achat du distributeur et aux éléments fournis par sa comptabilité ou être établis par rapport aux coûts existant sur le marché, donc en particulier ceux de concurrents ou d'entreprises ayant une activité identique.

b) L'élimination d'une entreprise ou d'un de ses produits du marché

Le texte proposé par l'article premier D pour le nouvel article 12-1 de l'ordonnance vise les pratiques de prix ayant pour objet ou pouvant avoir pour effet d'éliminer d'un marché une entreprise ou l'un de ses produits.

Le projet de loi initial ne visait que l'objet et l'effet et non la simple potentialité d'un effet sur le marché, notion introduite par l'Assemblée nationale, sur la proposition de sa commission de la production et des échanges. Elle a ainsi souhaité se rapprocher de la rédaction des articles 7 et 8 de l'ordonnance sur les pratiques anticoncurrentielles.

Le présent article pourra être appliqué lorsque l'on pourra constater objectivement la disparition d'une entreprise ou d'un produit dans la zone de chalandise.

Ce texte permet de ne pas attendre qu'un concurrent ait effectivement été mis en difficulté pour sanctionner la pratique du prix abusivement bas.

En revanche, il ne vise que l'effet d'éviction vis-à-vis d'entreprises ou de produits déjà présents sur le marché.

C'est pourquoi votre commission vous proposera un amendement au premier alinéa du texte proposé pour l'article 12-1 de l'ordonnance de 1986 tendant à viser également la pratique qui aurait pour objet ou pourrait avoir pour effet d'empêcher l'accès d'une entreprise ou de l'un de ses produits au marché.

c) L Assemblée nationale a supprimé la notion de position de force

L'Assemblée nationale a étendu le champ d'application de l'article 12-1 en ne limitant pas l'interdiction de la vente à un prix abusivement bas au cas où cet usage résulterait d'une position de force d'un professionnel, ce que prévoyait le projet de loi initial.

Votre commission se félicite du renforcement de l'efficacité du texte ainsi permise.

3. La compétence du Conseil de la concurrence

a) Une compétence reconnue

Le projet de loi confie au Conseil de la Concurrence la charge de veiller au respect de cette nouvelle interdiction.

Votre commission se félicite de ce choix. Le Conseil de la Concurrence dispose, en effet, de toute la compétence nécessaire pour procéder aux vérifications des conditions d'application du dispositif.

Contrairement au caractère arithmétique du calcul de la vente à perte, l'évaluation du caractère abusivement bas d'un prix implique une analyse économique et une étude de la comptabilité analytique des entreprises concernées. Le Conseil de la concurrence dispose de cette capacité technique et opérationnelle. Tel n'est pas le cas des tribunaux civils.

En effet, dans l'exercice de ses pouvoirs, le Conseil a eu l'occasion de lutter efficacement contre des prix prédateurs 8 ( * ) , comme on l'a vu précédemment.

En outre, confier l'application de ce texte au juge civil aurait posé des problèmes d'unification de la jurisprudence.

b) Lu nécessité de renforcer les moyens du Conseil

Cependant, la mission du Conseil sera ainsi amenée à changer quelque peu de nature, dans la mesure où il devra s'intéresser davantage aux relations contractuelles entre les parties, alors que l'exercice des pouvoirs qu'il exerce au titre des articles 7 et 8 sur les pratiques anticoncurrentielles le conduisent essentiellement à examiner l'effet d'une pratique sur le marché et sur la concurrence.

Le texte ne s'éloigne toutefois pas des notions traditionnelles du droit de la concurrence que le Conseil applique d'ores et déjà.

C'est surtout à un changement de rythme que le Conseil de la concurrence devra faire face. A l'heure actuelle, il a à connaître de 120 a 140 affaires par an et souffre d'un retard dans le traitement des affaires d'environ deux ans (soit 300 dossiers). Il dispose pour ce faire de 75 personnes, dont 22 rapporteurs.

Il va sans dire que le nouveau dispositif entraînera un volume d'affaires probablement assez important, même s'il est difficile à évaluer, qui nécessitera un accroissement rapide des effectifs du Conseil. Celui-ci estime ainsi à une dizaine, au minimum, le nombre de rapporteurs supplémentaires dont il conviendrait de le doter.

Votre commission demandera au Gouvernement de veiller à ce que les moyens nécessaires au bon fonctionnement du Conseil de la concurrence lui soient donnés, ceci dans un souci d'efficacité du nouveau dispositif mis de la concurrence en place.

c) Une automaticité de la saisine de la commission permanente, qui ne semble pas souhaitable

L'Assemblée nationale a adopté un amendement du Gouvernement, s'inspirant de la position défendue par sa commission des lois, qui a pour objet de porter ces affaires devant la commission permanente, dans un double souci de simplicité et de rapidité. Il fait l'objet du dernier alinéa de l'article premier D (nouveau).

Rappelons 9 ( * ) , en effet, que l'article 22 de l'ordonnance prévoit une procédure simplifiée qui permet au président du Conseil de porter l'affaire devant la commission permanente, composée des trois membres permanents du Conseil, à savoir lui-même et les deux vice-présidents, et qui statue en lieu et place du Conseil.

Ces trois membres permanents conjuguent des compétences juridiques et économiques et allient la diversité de leurs expériences.

La procédure se trouve allégée par le fait qu'elle compte un seul degré de contradictoire écrit (contre deux lorsque la formation plénière statue) et un degré de contradictoire oral. Relevons que les juridictions connaissent généralement deux, et non trois degrés, de contradictoire. Les droits de la défense sont donc respectés.

On peut, cependant, s'interroger sur le caractère automatique de la saisine de la commission permanente, alors même que la jurisprudence devra se former concernant la nouvelle infraction.

Dans ces conditions, votre commission a adopté un amendement de suppression du dernier alinéa de l'article premier D (nouveau), dans la mesure où il lui semble préférable de confier au président du Conseil de la concurrence le soin de choisir -comme le prévoit l'article 22 de l'ordonnance de 1986-, la formation qui lui semble la mieux à même de statuer, en fonction notamment de l'importance de l'affaire et de son degré de complexité ou d'urgence.

Le président pourra ainsi, le cas échéant, décider du renvoi de l'affaire devant la formation plénière pour les premières saisines, de façon à ce qu'elle élabore la jurisprudence dans ce domaine. Les sanctions applicables seront alors celles prévues à l'article 13 de l'ordonnance. Celles-ci s'élèvent à un montant maximum de 5 % du chiffre d'affaires hors taxe réalisé en France au cours du dernier exercice clos lorsque le contrevenant est une entreprise, à 100 millions de francs dans le cas contraire.

Rappelons que la sanction que peut infliger la commission permanente est, quant à elle, plafonnée à 500.000 francs.

Une fois la jurisprudence établie, le président pourra décider que les affaires relevant de l'article 12-1 de l'ordonnance viendront naturellement devant la commission permanente pour des raisons d'efficacité, sauf importance ou complexité notables.

Votre commission vous demande d'adopter l'article premier D (nouveau) ainsi modifié.

Article premier E (nouveau)

Modification de la procédure simplifiée devant le Conseil de la concurrence

L'Assemblée nationale a adopté un amendement déposé par M. Jean-Pierre Philibert, rapporteur pour avis de la commission des Lois, et M. Raoul Béteille, tendant à supprimer la possibilité pour les parties dont l'affaire est portée devant la commission permanente du Conseil de la Concurrence, de s'opposer à cette décision du président du Conseil. Ils peuvent recourir à cette faculté dans les quinze jours suivants la notification de cette décision. Le renvoi au Conseil, devant sa formation plénière, est alors de droit.

Tant la commission de la production et des échanges que le ministre se sont opposés à l'adoption de cet amendement au motif qu'il remettait en cause les droits de la défense et ceci pour l'ensemble des affaires portées devant le Conseil de la concurrence.

On peut cependant faire valoir que la procédure contradictoire est respectée puisque les griefs sont notifiés aux parties par le président et que les parties peuvent y répondre.

On l'a dit ci-avant, la procédure simplifiée supprime en réalité un des trois degrés de contradiction. Il est vrai que, bien souvent, les parties préfèrent que l'affaire soit renvoyée devant la formation plénière pour des raisons dilatoires, le degré de contradictoire écrit supplémentaire leur permettant de gagner quelques mois.

Il faut également souligner que lorsqu'au cours d'une procédure, le président d'un tribunal de l'ordre judiciaire décide le renvoi de l'affaire en formation restreinte, les parties ne peuvent s'y opposer.

Pour toutes ces raisons, votre commission a adopté cet article sans modification.

Article premier F (nouveau)
(Article 28 de l'ordonnance n° 86-1243 du 1er décembre 1986)

Publicité, périodicité et durée des promotions concernant des produits alimentaires périssables

La commission de la Production et des Échanges et la commission des Finances de l'Assemblée nationale avaient déposé des amendements encadrant le recours à des ventes promotionnelles, « diffusées sur tout support ou visible de l'extérieur du lieu de vente », quels que soient les produits concernés. Auraient ainsi été visées et rendues impossibles, des opérations ne posant pas de problème de concurrence déloyale (semaines promotionnelles sur l'ensemble d'un magasin, « Mois du blanc », etc.).

C'est pourquoi, l'Assemblée nationale a adopté un amendement du Gouvernement restreignant le dispositif ainsi envisagé aux seuls produits alimentaires périssables.

Cet article a pour objectif d'éviter des tensions excessives sur les prix qui pourraient déstabiliser des filières de productions.

En effet, des prix d'appel pratiqués au début de la saison sur des produits agricoles peuvent entraîner une chute des prix et des revenus agricoles pour la saison.

Il rétablit l'article 28 de l'ordonnance, qui avait été abrogé et codifié par la loi n° 93-949 du 26 juillet 1993.

Le premier alinéa du texte proposé par l'article premier F (nouveau) pour l'article 28 de l'ordonnance a pour objet d'assurer la transparence des publicités annonçant une réduction de prix ou un prix promotionnel sur les produits alimentaires périssables. Ces publicités, destinées aux consommateurs, devront préciser la nature exacte des produits offerts (qualité, origine) et la période durant laquelle cette offre est proposée.

Si elle a le mérite d'améliorer la transparence des offres promotionnelles, cette disposition risque cependant d'abîmer encore davantage nos villes et entrées de villes.

Votre commission vous propose d'adopter un amendement rédactionnel à cet alinéa.

Le deuxième alinéa punit d'une amende de 100.000 francs toute infraction à cette disposition.

Le troisième alinéa vise à encadrer les opérations promotionnelles lorsqu'elles sont susceptibles de désorganiser les marchés, par leur ampleur ou leur fréquence. Dans ce cas, le texte prévoit que la périodicité et la durée de telles opérations sera fixée par arrêté préfectoral. L'amendement présenté par le Gouvernement renvoyait à un arrêté interministériel.

En effet, l'objectif est de corriger les dysfonctionnements que peuvent connaître des filières agricoles en cas de crises majeures, lesquelles souvent nationales et peuvent être parfois anticipées.

Confier cette mission au préfet offrirait cependant une plus grande souplesse et rapidité.

C'est pourquoi, votre commission vous propose de retenir cette solution.

Le dernier alinéa du texte proposé par cet article pour l'article 28 de l'ordonnance prévoit que lorsque des publicités sont réalisées dans des conditions non conformes au présent article, leur cessation peut être ordonnée dans les conditions prévues à l'article L. 121-3 du code la consommation, c'est-à-dire par le juge d'instruction ou par le tribunal saisi des poursuites, soit sur réquisition du ministère public, soit d'office. Cet article précise, par ailleurs, les conditions dans lesquelles la mainlevée peut être donnée.

Votre commission vous demande d'adopter cet article ainsi modifié.

Article premier
(Article 31 de l'ordonnance n° 86-1243 du 1er décembre 1986)

Clarification des règles de facturation

A. LES RÉDUCTIONS DE PRIX ACQUISES SUR LES FACTURES

Le premier paragraphe de l'article premier du projet de loi modifie partiellement les mentions devant obligatoirement figurer sur la facture. L'objectif est de faciliter l'application de la prohibition du refus de la revente à perte, dont le seuil est calculé à partir du prix effectif d'achat, résultant lui-même du prix porté sur la facture.

A la mention sur la facture « des rabais, remises et ristournes dont le principe est acquis et le montant chiffrable lors de la vente ou de la prestation de service, quelle que soit leur date de règlement », l'Assemblée nationale a substitué l'expression « toutes réductions de prix acquises à la date de la vente ou de la prestation de services et directement liées à l'opération d'achat ou de vente ».

1. Les problèmes posés par la réglementation actuelle

Le droit impose depuis 1941 l'établissement d'une facture, sous peine de sanctions pénales. L'ordonnance de 1986 a maintenu cette obligation en la précisant et en faisant l'élément central du contrôle de la revente à perte.

S'agissant des différentes exigences formelles ainsi requises par l'article 31 de l'ordonnance, telles le nom des parties, leur adresse..., celle relative aux mentions « rabais, remises et ristournes de principe acquis et de montant chiffrable » suscitent de sérieuses difficultés d'interprétation. Elles sont imprécises et controversées.

Or, de cette interprétation résultera la faculté ou non de revendre un produit à un prix donné. D'où le développement de ce que l'on a qualifié de « facturologie », qui a pour objet de déterminer :

- les éléments inhérents ou annexes à l'opération de vente, devant figurer sur la facture et pouvant donc entrer dans le calcul du seuil de revente à perte ;

- les éléments liés à la vente mais soumis à la réalisation d'une condition, qui ne sont souvent pas de principe acquis et n'ont, dans ce cas, pas à figurer sur la facture ;

- les services relevant de la coopération commerciale et qui, en vertu du cinquième alinéa de l'article 33, font l'objet d'une facturation spécifique, adressée cette fois au fournisseur par le distributeur et n'entrent pas dans le calcul du seuil précité.

Il convient de distinguer entre l'avantage inconditionnel et celui qui est conditionnel.


L'avantage inconditionnel

Il n'est pas subordonné à la réalisation d'une condition et il est de toute façon dû, même si son paiement est différé. Il doit donc nécessairement figurer sur la facture.

Tel est le cas des rabais et remises, qui sont immédiatement déductibles du prix d'achat.

Un rabais est une diminution de prix due aux avaries affectant des marchandises.

Une remise est une renonciation par le vendeur à un élément concourant à la détermination du prix d'une transaction. Elle rémunère un avantage quantitatif au qualitatif consenti par l'acheteur.


L'avantage conditionnel

Il est subordonné à la réalisation d'une condition. On parle alors de ristourne. Par exemple, une ristourne consentie à la condition que le distributeur commande telle quantité ou passe une commande portant sur un échantillonnage important de produits, qu'il accroisse son chiffre d'affaires est une ristourne conditionnelle. Mais toutes les ristournes ne sont pas de principe acquis.

Des divergences apparaissent entre l'administration, la doctrine et la jurisprudence sur la notion de « ristourne de principe acquis et de montant chiffrable ». Ce qui est sûr, c'est que les avantages tarifaires doivent être individualisés.

L'administration est méfiante à l'égard des avantages hors facture, en raison de leur opacité. Elle considère qu'un avantage est de principe acquis si la réalisation de la condition dépend de la volonté du distributeur, ce qui conduit à des distinctions parfois byzantines.

La ristourne d'objectifs, subordonnée à la réalisation d'un chiffre d'affaires, est, pour l'administration, de principe acquis, dès lors que les parties étaient antérieurement en relation d'affaires. Puisque l'objectif a été atteint l'année précédente, son principe en est acquis l'année suivante. Sa réalisation dépend essentiellement de la volonté du distributeur : une telle ristourne correspond à un engagement ferme du distributeur. Ceci paraît pourtant discutable. A l'inverse, la « ristourne de progression » de chiffre d'affaires, dite ristourne de potentiel, dépend plus du marché que de la volonté du distributeur. De telles ristournes ne sont pas de principe acquis.

Pour l'administration, les autres ristournes conditionnelles, telles les ristournes de gamme ou d'assortissement (avantage accordé en contre partie de la présence d'un certain nombre d'articles du fournisseur dans les rayons du distributeur), sont toutes de principe acquis, indépendamment du point de savoir si les parties étaient ou non antérieurement en relation d'affaires, car la réalisation de la condition dépend exclusivement du bon vouloir du distributeur.

Une doctrine importante considère qu'en raison des incertitudes qui entourent la réalisation de la condition, les ristournes conditionnelles ne doivent pas apparaître sur la facture. En revanche, une ristourne faussement conditionnelle, c'est-à-dire subordonnée à une condition fictive (le fournisseur ne vérifiant pas si elle est ou non réalisée) doit apparaître sur la facture.

Il semble que pour la jurisprudence, la ristourne est de principe acquis quand il est très probable qu'elle sera versée 10 ( * ) . Le principe en est acquis lorsque le droit est vérifiable lors de l'émission de la facture. En revanche, une ristourne faussement conditionnelle, c'est-à-dire subordonnée à une condition fictive, doit apparaître sur la facture.

La notion de caractère chiffrable de la ristourne est également sujette à controverse.

La ristourne peut être à taux fixe, le taux étant fixé quelque soit l'accroissement ou la diversification des commandes. Elle peut être à taux variable, c'est-à-dire progressive, car dépendante de l'évolution de l'importance ou de la diversification des commandes. Les différents taux progressifs sont fixés par avance et connus des deux parties.

Le contrat peut prévoir, non plusieurs taux différents selon les quantités ou la diversification des commandes, mais un taux unique révisé rétroactivement pour s'adapter à la progression. Les opinions sont alors très partagées. A première vue, on ne peut plus dire que le montant de la ristourne est chiffrable dès lors qu'il est révisé aussitôt qu'un nouveau seuil est atteint. Mais, un jugement s'est prononcé en faveur du caractère chiffrable d'une telle ristourne : « la variabilité avec effet rétroactif du taux de ristourne applicable en fonction du chiffre d'affaires réalisé ne fait aucunement obstacle au calcul du montant chiffré de cette ristourne au taux applicable lors de l'émission de chaque facture ». 11 ( * ) La jurisprudence ne semble pas fixée.

Posant trop de problèmes d'interprétation, la réglementation actuelle est donc source d'insécurité juridique et incite les agents économiques à faire preuve de plus en plus d'imagination...

Cette situation est source de contentieux, d'autant plus que l'on note la part croissante prise par les ristournes conditionnelles dans les négociations commerciales. Ces dernières portent de moins en moins sur le produit concerné, les conditions de vente ou les services apportés, mais sur caractère conditionnel ou inconditionnel des avantages de prix accordés et sur leur présence sur la facture d'achat.

La détermination du prix d'achat effectif, nécessaire à celle du prix de revente à perte, est devenue par conséquent très délicate.

2. La clarification proposée par le projet de loi mérite d'être encore améliorée

Le paragraphe I de l'article premier du présent projet de loi a pour ambition de clarifier le texte de l'article 31 de l'ordonnance, en visant « les réductions de prix acquises à la date de la vente ou de la prestation de service et directement liées à l'opération d'achat ou de vente ».


La notion de réduction de prix a été retenue par l'Assemblée nationale, sur proposition de sa commission de la production et des échanges, dans le but de viser, outre les rabais, remises et ristournes, les escomptes pour paiement anticipé.

Votre commission ne partage pas ce point de vue. Afin de favoriser les paiements rapides, la loi du 31 décembre 1992 sur les délais de paiement entre entreprises a certes exigé que l'escompte apparaisse sur la facture. Il n'en demeure pas moins que l'escompte est un avantage conditionnel, qui n'est acquis par l'acheteur qu'à la condition qu'il paye son fournisseur « à une date antérieure à celle résultant de l'application des conditions générales de vente. » Or, au moment de la vente, il est certes souhaitable mais pas certain qu'il respectera son éventuel engagement en ce sens.

C'est pourquoi, votre commission préfère revenir aux notions de « rabais, remises et ristournes », ce qu'elle vous propose dans un amendement au paragraphe I de l'article premier du présent projet de loi.


• Le caractère « acquis » à la date de la vente
ou de la prestation de service.

La notion d' » acquis » est préférable à celle de « principe acquis », puisqu'on a vu qu'un avantage de principe acquis n'était pas nécessairement acquis.

Une ristourne peut être certaine, car acceptée formellement par les parties (l'acheteur acceptant cette réduction différée), mais la créance qu'elle représente ne sera acquise, c'est-à-dire exigible, qu'au terme d'une période convenue. A cette date, le fournisseur pourra constater que les conditions d'octroi de la ristourne ont été remplies (progression des ventes, présence conforme des articles dans les rayons, etc.) et sera donc en mesure de liquider la créance.

L'acquisition des avantages financiers correspondant aux rabais, remises ou ristournes, c'est-à-dire leur incorporation effective et définitive dans le patrimoine de l'acheteur, sera appréciée à la date de la vente.

Cette rédaction est cohérente avec la 6ème directive du 17 mai 1977 d'harmonisation des législations des États membres relatives aux taxes sur le chiffre d'affaires, qui fixe les règles de détermination d'une assiette de TVA commune aux États membres et a autorisé ces derniers à exclure de la base d'imposition « les rabais et ristournes de prix consentis à l'acheteur ou au preneur et acquis au moment où s'effectue l'opération ».

La date de la vente ou de la prestation de service doit figurer sur la facture, en vertu de l'article 31.

Le projet de loi initial faisait référence à la date de réalisation de la vente.

En réalité, il y a très généralement identité entre la date de réalisation de la vente, la date de la vente et celle de la facturation.

En cas d'exécution fractionnée d'une prestation, la facture doit être établie à chaque échéance normale de paiement.

Il existe cependant des cas où l'administration tolère un léger différé, c'est-à-dire un léger décalage entre la date de délivrance de la facture et la réalisation de la vente (exemple du lait livré chaque jour mais facture une fois par semaine).

Il faut également citer le cas des factures récapitulatives, admises à condition que les livraisons soient fréquentes et d'un faible montant. Le délai de facturation ne peut excéder 15 jours, sauf dérogation du directeur des services fiscaux qui peut le porter à 30 jours.

Mais, il s'agit là de cas spécifiques et marginaux.

Votre commission préfère retenir la date de la facture, plus précise et probante.

Dans le même amendement, que celui présenté ci-avant, votre commission vous propose de retenir « la date de la facture afférente à la vente du produit ou service et directement liés à cette opération de vente » .

B. LA RÉALISATION DU RÈGLEMENT

L'Assemblée nationale a introduit un deuxième paragraphe à l'article premier du projet de loi, sur la proposition de M. Jean-Pierre Philibert, rapporteur pour avis de la commission des Lois et contre l'avis du Gouvernement. Cette disposition tend à compléter l'article 31 de l'ordonnance, en précisant que le règlement de la facture « est réalisée à la date à laquelle les fonds sont mis à disposition du bénéficiaire. »

L'objectif est louable, puisqu'il s'agit de décourager les manoeuvres dilatoires des débiteurs ne respectant pas leurs délais de paiement.

L'applicabilité de ce texte semble cependant douteuse. En effet, la mise à disposition des fonds ne dépend de la seule bonne volonté du débiteur.

Il vise bien la mise à disposition des fonds et non la remise de moyens de paiement (chèque, traite, effet de commerce).

Or, la date de mise à disposition des fonds ne dépend pas seulement de la diligence du débiteur. Une fois que celui-ci a émis son moyen de règlement, il faut tenir compte du délai d'acheminement du courrier (parfois 3 ou 4 jours), ainsi que du délai de traitement des opérations bancaires (entre 5 et 8 jours) pour que le paiement soit effectivement crédité au compte du créancier.

Le débiteur n'a donc pas entièrement la maîtrise de l'opération.

Par ailleurs, le créancier peut avoir escompté la facture ou fait appel à une société d'affacturage et se trouver ainsi subrogé dans ses droits.

Toutes ces raisons expliquent que votre commission vous propose d'adopter un amendement de suppression du paragraphe II de l'article premier du présent projet de loi.

Elle vous demande d'adopter l'article premier ainsi modifié.

Article 2
(Article 3 de l'ordonnance n° 86-1243 du 1er décembre 1986)

Clarification des critères de la revente à perte

1. Une pratique prohibée car particulièrement déloyale

La revente à perte est une pratique particulièrement déloyale. Elle nuit au producteur en dévalorisant l'image de marque de ses produits. Elle trompe le consommateur : celui-ci par le biais des marges compensées, paye sur d'autres produits l'avantage de prix qu'il a obtenu sur ceux qui font l'objet d'une revente à perte et qui l'attirent dans le magasin concerné. Elle bouleverse les conditions de la concurrence locale entre les différentes formes de commerce. En effet, les magasins commercialisant un nombre réduit de références ou les magasins spécialisés ne peuvent compenser ces « prix cassés » sur certains produits par l'augmentation des marges sur d'autres produits ou gammes de produits.

Cette pratique, proche du dumping, est donc dommageable à la fois pour le producteur, le consommateur et une partie de la distribution.

Ceci d'autant plus que le producteur, dont les marques sont victimes de telles pratiques, ne pouvait jusqu'ici refuser de vendre ses produits (sauf en cas de pratique anticoncurrentielle). La concurrence par les prix est certes essentielle au bon fonctionnement du marché, mais la « guerre des prix » a des effets pervers et peut nuire à l'ordre public économique.

Une enquête réalisée par l'Institut de liaisons et d'études des industries de consommation (ILEC) a montré qu'en 1994, 800 marques étaient revendues à perte en France, contre 100 en 1985. Cette pratique est très limitée en Grande-Bretagne et en Allemagne, puisque la vente à perte n'y est pas prohibée. Ainsi, Outre-Rhin, elle est pratiquée ponctuellement lors de promotions avec, en général, l'accord des fournisseurs. En Grande-Bretagne, Tesco aurait annoncé vendre 100 marques à perte.

Lorsque l'on sait qu'un hypermarché peut commercialiser jusqu'à 100.000 références (contre 2.000 pour un commerce traditionnel), on voit qu'il s'agit pour lui d'un « ilôt de pertes dans un océan de profits. »

C'est pourquoi la prohibition de la revente à perte a été introduite dans le droit français par l'article premier de la loi de finances rectificative pour 1963 n° 63-628 du 2 juillet 1963 portant maintien de la stabilité économique et financière. L'objectif était de protéger les petits commerces de détail traditionnels face à la puissance croissante des supermarchés.

Le dispositif a été modifié par l'ordonnance de 1986, dont l'article 32 punit « d'une amende de 100.000 francs le commerçant qui revend un produit en l'état à un prix d'inférieur à son prix d'achat effectif. Le prix d'achat effectif est présumé être le prix porté sur la facture d'achat, majoré des taxes sur le chiffre d'affaires, des taxes spécifiques afférentes à cette revente et, le cas échéant, du prix du transport ».

L'application de l'article 32 est cependant insatisfaisante et les sanctions prévues insuffisantes. Le projet de loi tend à y remédier.

2. Le champ d'application du dispositif concernant la revente à perte

L'article 32 de l'ordonnance vise la revente de produits en l'état, à l'exclusion donc des produits transformés par le revendeur. Seuls les produits sont concernés, l'interdiction ne visant pas les prestations de service.

On a vu que le cas des prix anormalement bas pratiqués sur les ventes de produits transformés ou fabriqués était réglé par l'article premier D (nouveau) du projet de loi.

Le projet ne modifie donc pas le champ d'application de l'article 32.

Toutefois, il prohibe non seulement la revente à perte mais également son annonce publicitaire. Votre commission se félicite de cette disposition qui tend à éviter le détournement de clientèle provoqué par l'impact publicitaire d'une telle annonce.

3. Les critères de la revente à perte


• L'article 32
retient comme base de calcul la facture d'achat délivrée par le fournisseur. Rappelons que celle-ci mentionne, en application de l'article 31, « le prix unitaire hors taxe des produits vendus et les rabais, remises ou ristournes dont le principe est acquis et le montant chiffrable lors de la vente, quelle que soit la date de règlement » de ces avantages. La somme est présumée être le prix d'achat effectif. Cette présomption n'est cependant pas irréfragable, un prix d'achat effectif différent pouvant être retenu si le revendeur démontre que le prix figurant sur la facture n'est pas représentatif de la réalité de la transaction commerciale.

L'étendue des avantages tarifaires déductibles est controversée.

Trois principes semblent acquis :

- seules les ristournes et remises affectées à un produit ou à un service déterminé peuvent être déduites du prix d'achat effectif de ce produit ou service. La jurisprudence refuse d'admettre la déductibilité de remises « lorsque le prévenu ne produit aucun accord écrit mais des factures de participation du fournisseur au budget publicitaire du distributeur (....) ne précisant pas clairement les services rendus » 12 ( * ) ;

- les rabais, remises et ristournes apparaissant sur la facture sont déductibles du prix d'achat effectif ;

- les ristournes qui ne sont pas inscrites sur la facture, alors qu'elles auraient dû l'être, peuvent être déduites du prix d'achat effectif.

La difficulté porte sur les ristournes conditionnelles, non portées sur la facture, et sur le problème de la date à laquelle la déductibilité peut éventuellement jouer.

Le principe est que seule la ristourne liée à une opération d'achat est déductible, tandis que celle qui rémunère un « service spécifique » au sens de l'article 33 (alinéa 5) ne l'est pas.

Cet alinéa dispose que : « Les conditions dans lesquelles un distributeur ou un prestataire de services se fait rémunérer par ses fournisseurs, en contrepartie de services spécifiques, doivent faire l'objet d'un contrat écrit en double exemplaire détenu par chacune des deux parties » .

Ces services spécifiques correspondent à ce que l'on qualifie également d'accords de coopération commerciale. De tels accords sont définis par la circulaire Delors du 18 mars 1984 comme des « accords contractuels conclus entre un fournisseur et un distributeur qui, dans le cadre de leurs politiques respectives, décident de collaborer pour augmenter à un moindre coût leur efficacité commerciale » .

Ils justifient, en contrepartie, une rémunération spéciale et restent confidentiels. Largement pratiqués par la distribution, ils constituent le dernier îlot de liberté dans la négociation contractuelle. Exception libérale au sein d'un système rigoureux, elle est particulièrement surveillée par les autorités de contrôle. Administration et doctrine en ont une conception restrictive, tandis que la pratique s'avère beaucoup plus confuse et complexe.

L'administration et les tribunaux considèrent que ne relèvent pas de la coopération commerciale, les services inhérents à la fonction du distributeur et directement destinés à la vente du produit concerné (telles que les remises subordonnées à un volume d'achat ou a une progression de chiffre d'affaires, les remises liées à l'importance de la gamme offerte au consommateur ou au groupement des commandes).

Sont considérés comme spécifiques, les services qui ne se rattachent pas directement à l'achat du revendeur. Il peut s'agir, par exemple, d'une participation générale aux actions publicitaires du revendeur.

Mais, la coopération commerciale est parfois déductible. C'est le cas lorsque la prestation peut être directement affectée à la promotion du produit concerné (action publicitaire ciblée ou tête de gondole par exemple), car il s'agit alors de remises déguisées.

On voit donc que la détermination du prix d'achat effectif facturé peut s'avérer pour le moins délicate.

L'article 32 de l'ordonnance dispose qu'il convient d'y ajouter, en outre :

- les taxes sur le chiffre d'affaires et les taxes afférentes à la revente. Il s'agit, en particulier des cotisations de sécurité sociale perçues sur le tabac et les boissons alcooliques et des droits attachés à la vente des alcools visés à l'article 403 du code général des impôts (droits de consommation) ;

- le cas échéant, le prix du transport facturé par le fournisseur, lorsqu'il assure lui-même ce service.

En résumé, le seuil de revente à perte est calculé ainsi à l'heure actuelle :

Seuil de revente à perte = = prix hors taxe facturé

- remises ou ristournes de principe acquis et de montant chiffrable lors de la vente ou de la prestation de service

- ristournes conditionnelles chiffrables au jour de la revente aux consommateurs

- prestations de coopération commerciale destinée formellement à la revente du produit (constituant ainsi des remises déguisées)

+ TVA et taxes afférentes à la vente

+ prix du transport


• Le premier alinéa du paragraphe I du texte proposé pour l'article 32 de l'ordonnance améliore la définition de ce seuil, en s'appuyant
-comme on l'a vu à l'article premier- sur une clarification des règles de facturation.

Il supprime le régime de la présomption simple et prévoit que le prix d'achat effectif constitue, aux termes de la loi, le seuil en deçà duquel il y a revente à perte.

Il s'agit du prix unitaire figurant sur la facture (précision très utilement apportée par l'Assemblée nationale), majoré -comme le prévoyait l'ordonnance de 1986- des taxes sur le chiffre d'affaires, des taxes spécifiques à la revente et du prix de transport.

Seules les remises et ristournes acquises pourront abaisser le prix facturé, donc le seuil de revente à perte. Sont, par conséquent, exclues du calcul de ce seuil les ristournes conditionnelles, les remises hors factures d'achat ou la rémunération de services de coopération commerciale.

Relevons que le projet de loi mentionne toujours le prix de transport, et non pas le coût de transport. Il aurait pu sembler logique de permettre également l'imputation du coût, pour le revendeur de sa flotte de camions lorsque, procédant à une intégration verticale, il préfère assurer même le transport des marchandises.

L'efficacité du dispositif en eût cependant été amoindrie. L'objectif du projet de loi est, en effet, de simplifier le calcul du seuil de revente à perte et de le rendre en quelque sorte automatique. Or, la détermination du coût du transport implique une analyse des comptes d'exploitation du revendeur, qui compliquerait et retarderait la tâche du juge pénal.

C'est pourquoi, votre commission a décidé de retenir cette notion de prix du transport.

La définition du seuil de revente à perte reste certes toujours éloignée de celle de prix de revient. Elle ne tient, par exemple, pas compte des coûts logistiques (frais de livraison, de déchargement, de mise en rayon, des frais de personnel, de l'amortissement des matériels, de la rémunération du capital investi...).

Un long débat s'est déroulé à l'Assemblée nationale pour savoir s'il convenait d'intégrer l'ensemble de ces coûts, regroupés sous l'expression « coûts additionnels indissociables » de la revente d'un produit, dans le seuil de revente à perte.

Ni l'Assemblée nationale, ni votre commission n'ont retenu une telle solution, qui présenterait deux inconvénients majeurs :

- en premier lieu, elle serait inapplicable. Il est, en effet, beaucoup trop complexe d'imputer tous ces types de coûts sur le prix unitaire des milliers de produits référencés dans les moyennes et grandes surfaces ;

- en second lieu, en aboutissant à un relèvement du seuil de revente à perte, elle risquerait d'avoir un effet à la hausse des prix préjudiciable aux consommateurs.

4. Les sanctions applicables

L'ensemble des autres alinéas du paragraphe I du texte proposé par l'article 2 pour l'article 32 de l'ordonnance ont pour objet de renforcer le régime des sanctions applicables à la revente à perte et de prévoir des sanctions en cas d'annonce publicitaire d'une telle pratique.

La revente à perte demeure un délit et son annonce devient une infraction pénale. Le montant maximal de l'amende encourue par tout commerçant contrevenant passe de 100.000 francs à 500.000 francs, ce montant pouvant être porté à 50 % des dépenses de publicité pour une annonce faisant état d'un prix constituant une revente à perte, ceci quelque soient les supports publicitaires employés. Le juge pourra également ordonner l'affichage de sa décision.

En outre, comme pour les infractions aux articles 31 (facturation) et 33 de l'ordonnance (communication des conditions de vente, mention des pénalités en cas de dépassement de la date de paiement prévue, coopération commerciale), les personnes morales peuvent être déclarées pénalement responsables et encourir une amende de 2.500.000 francs et l'affichage de la décision de justice ou la diffusion de celle-ci par la presse écrite ou par tout moyen de communication audiovisuelle.

En outre, le dispositif est complété par la faculté, pour le juge d'instruction ou le tribunal saisi des poursuites pour annonce publicitaire comportant un prix constitutif d'une revente à perte, de recourir à la procédure de l'article 121-3 du code de la consommation prévue pour mettre fin à une publicité trompeuse, afin d'ordonner la cessation des annonces publicitaires.

La cessation de l'annonce peut être ordonnée soit d'office, soit sur réquisition du ministère public.

Comme à l'article 121-3 précité, la décision de justice est exécutoire nonobstant toutes voies de recours. Une mainlevée peut être donnée sur la mesure de cessation de l'annonce publicitaire par la juridiction qui a ordonné la cessation ou qui est saisie du dossier.

Un appel peut être formé devant la chambre d'accusation ou la cour d'appel contre les décisions du juge d'instruction ou du tribunal correctionnel. La juridiction d'appel doit statuer dans un délai de 10 jours a compter de la réception des pièces.

5. Les dérogations à l'interdiction de revente à perte

L'Assemblée nationale a décidé de réintégrer dans l'article 32 de l'ordonnance (en introduisant un paragraphe II à cet article) -sous réserve de certains aménagements- les exceptions à l'interdiction de la revente à perte figurant à l'article premier de la loi de finances rectificative pour 1963 du 2 juillet 1963.

Elle a, par voie de conséquence, abrogé cet article. Cette abrogation est l'objet du paragraphe I (nouveau) de l'article 2 du projet de loi, auquel votre commission a adopté un amendement rédactionnel.

Les dérogations prévues par l'article premier de la loi de 1963 précitée rendaient le dispositif d'interdiction de la revente à perte inapplicable :

« Aux produits périssables à partir du moment où ils sont menacés d altération rapide ;

Aux ventes volontaires ou forcées motivées par la cessation ou le changement d'une activité commerciale ;

Aux produits dont la vente présente un caractère saisonnier marqué, p endant la période terminale de la saison des ventes et dans l'intervalle compris entre deux saisons de vente ;

Aux produits qui ne répondent plus à la demande générale en raison de l'évolution de la mode ou de l'apparition de perfectionnements techniques ;

Aux produits dont le prix de revente est aligné sur le prix légalement pratiqué pour les mêmes produits par un autre commerçant dans la même zone d'activité. »

Ces exceptions à l'interdiction de revente à perte prenaient en compte les cas où cette revente n'avait pas pour objectif de détourner la clientèle des commerces concurrents, mais d'éviter la perte pure et simple d'une marchandise qui, sans prix attractif, ne serait pas vendue et devrait être éliminée. Il était donc, à juste titre, paru inopportun de limiter la liberté du commerce dès lors que la revente à perte était compatible avec les règles de loyauté et d'effectivité de la concurrence.

Il paraît toujours justifié de maintenir ces exceptions. On peut cependant souhaiter que les ventes dites de liquidations et les ventes saisonnières fassent l'objet d'un encadrement plus strict, car on constate de nombreux abus dans ce domaine.

Les règles en vigueur devraient d'ailleurs être réformées prochainement.

Sur la proposition de sa commission de la Production et des Échanges, l'Assemblée nationale a aménagé cette liste des exceptions en vigueur :

- en autorisant la revente à perte pour les produits périssables menacés d'altération rapide et les ventes saisonnières, mais à la condition que cette opération ne fasse l'objet d'aucune publicité à l'extérieur des magasins. En effet, les opérations publicitaires sur ces produits peuvent avoir des effets désastreux sur les productions concernées 13 ( * ) ;

- en appuyant l'exception justifiée par la baisse des prix constatée lors du réapprovisionnement sur le prix résultant de la seule nouvelle facture d'achat, excluant ainsi la référence à la valeur de réapprovisionnement.

Cette exception vise à ne pas pénaliser un commerçant vis-à-vis de ses concurrents dont les dates de réapprovisionnement ne sont pas les mêmes et qui profiteraient de ce fait d'avantages compétitifs liés à la baisse des cours.

L'article premier de la loi de 1963 précitée prévoit une dernière dérogation à l'interdiction du refus de vente : l'exception d'alignement.

Le deuxième alinéa de cet article dispose que cette interdiction ne s'applique pas « aux produits dont le prix de vente est aligné sur le prix légalement pratiqué pour les mêmes produits par un autre commerçant dans la même zone d'activité . »

Il est ainsi possible de lutter contre la concurrence sauvage d'un commerçant vendant à perte un produit dans le but de perturber le marché local et d'en tirer un gain financier ou d'amoindrir la concurrence, avant que la justice ait pu intervenir en cas d'infraction à la législation sur la revente perte.

L'appréciation de la licéité de ces pratiques d'alignement des prix est certes délicate à réaliser.

Par un revirement de jurisprudence, la Cour de Cassation a décidé qu'il suffisait au prévenu de prouver qu'il s'aligne sur le prix de son concurrent sans qu'il soit nécessaire pour lui de prouver sa licéité ; il appartient à la personne poursuivante d'établir, le cas échéant, le caractère illégal du prix de référence sur lequel le vendeur démontre s'être aligné 14 ( * ) .

Dans le paragraphe II de l'article 32 de l'ordonnance, l'Assemblée nationale a décidé de limiter ce droit d'alignement aux magasins non visés par les articles 29 et 29-1 de la loi n° 73-1193 du 27 décembre 1973, dite loi Royer, c'est-à-dire non soumis à autorisation. Rappelons qu'en vertu de l'article 89 de la loi n° 96-314 du 12 avril 1996 portant diverses dispositions d'ordre économique et financier, ce seuil a été porté à 300 m2 , ceci pour une période temporaire de six mois.

L'Assemblée nationale a ainsi réservé l'exception d'alignement aux petits commerçants.

Une telle position est cependant critiquable. En effet, en premier lieu, on peut penser que les « hard discounts » (dont la moitié sont possédés par des sociétés étrangères) en seront les premiers bénéficiaires. On peut, par ailleurs, douter que les petits commerçants que l'on espère ainsi sauver d'une concurrence déloyale aient réellement les moyens d'aligner leur prix, alors qu'eux-mêmes obtiennent des conditions d'achat généralement moins avantageuses que les magasins procédant à ce type de pratique.

De plus, en évoquant un seuil de 300 m2, l'Assemblée nationale fait état d'une disposition temporaire de la loi Royer. Cette dernière doit faire l'objet d'une réforme de fond dans les semaines à venir, à l'occasion de l'examen du projet de loi portant diverses dispositions relatives au commerce et à l'artisanat. N'est-il pas alors choquant d'anticiper sur les travaux du Parlement ?

Enfin, il paraît dangereux de priver les commerçants de ce moyen de défense qui permet à des commerces de taille modeste, mais également par exemple à des grandes surfaces spécialisées, de ne pas être contraints à l'immobilisme quand leur survie peut être enjeu.

Pour toutes ces raisons, votre commission vous propose d'adopter un amendement au sixième alinéa du texte proposé pour le paragraphe II de l'article 32 de l'ordonnance, de façon à autoriser l'exception d'alignement pour l'ensemble des commerces et de retenir, par voie de conséquence, la rédaction prévue à cet effet dans la loi de 1963 précitée.

Enfin, l'Assemblée nationale a introduit un paragraphe III au texte proposé pour l'article 32 de l'ordonnance. Celui-ci prévoit que les exceptions exposées ci-dessus ne faisaient pas obstacle à l'application des dispositions de la loi n° 85-98 du 25 janvier 1985 relative au redressement et à la liquidation judiciaire des entreprises (au 2 de l'article 189 et au 1 de l'article 197). Il s'agit de la faculté pour le tribunal, lorsqu'une procédure de redressement judiciaire ou de liquidation judiciaire est ouverte, de prononcer la faillite personnelle ou la banqueroute à l'encontre des personnes ayant, dans l'intention d'éviter ou de retarder une telle procédure, « fait des achats en vue d'une revente au-dessous du cours ou employé des moyens ruineux pour se procurer des fonds ».

Votre commission vous demande d'adopter l'article 2 ainsi modifié.

Article 3 bis (nouveau)
(Article 33 de l'ordonnance n° 86-1243 du 1er décembre 1986)

Point de départ du délai de paiement et barème des escomptes

L'Assemblée nationale a adopté un amendement de sa commission de la Production et des Échanges, assorti d'un sous-amendement du Gouvernement, tendant à compléter le deuxième alinéa de 1 article 33 de l'ordonnance qui indique les mentions que doivent obligatoirement comporter les conditions de règlement, comprises dans les conditions générales de vente.

Cette disposition prévoit que ces conditions de règlement doivent préciser le point de départ pour le calcul du délai de paiement et le barème des escomptes.

Il s'agit, en règle générale, de la date de la commande. Mais, l'entreprise peut choisir de faire courir les délais de paiement a compter de la date de la livraison, voire plus tard. Dans certains secteurs (notamment celui de bâtiment, mais c'est également le cas pour certaines prestations de services), le paiement peut être fractionné.

La rédaction proposée va dans le sens de la précision et de la clarification des relations commerciales.

Votre commission vous propose d'adopter cet article sans modification.

Article 3 ter (nouveau)
(Article 35 de l'ordonnance n° 86-1243 du 1er décembre 1986)

Délais de paiement de certains produits alimentaires congelés et surgelés

L'Assemblée nationale a adopté un amendement du Gouvernement tendant à élargir le champ d'application de l'article 35 de l'ordonnance, modifié par la loi n° 92-1442 du 31 décembre 1992 sur les délais de paiement entre entreprises.

Elle a ainsi décidé de fixer à vingt jours après le jour de livraison les achats de viandes congelées ou surgelées ainsi que de poissons surgelés, dont les délais de paiement sont, à l'heure actuelle, laissés à la libre négociation des parties.

Les délais fixés par les professionnels du surgelé sont d'environ 60 jours. Il paraît donc difficile d'imposer à tout un secteur d'activité de diminuer brutalement de 40 jours en moyenne ses délais de paiement, alors que ces derniers sont aujourd'hui négociés en même temps que les prix des produits concernés.

Il est vrai que les entreprises de transformation souffrent du décalage existant entre les délais légaux qu'ils sont tenus de respecter et les délais contractuels qu'ils négocient avec leur clients. Mais, il faut également prendre garde de ne pas risquer de mettre les professionnels assujettis à ces nouveaux délais dans la difficulté. Ainsi, si les ventes de viandes et poissons surgelés ne constituent qu'une faible part du chiffre d'affaires réalisé par une moyenne ou grande surface, ils représentent un quart des ventes totales des détaillants spécialisés.

En 1992, le législateur est intervenu pour inciter les professionnels à réduire des délais de paiement qui, on le sait, sont trop longs dans notre pays. Mais, on ne peut totalement déconnecter un délai fixé par la loi de la durée de vie du produit concerné. Rappelons qu'à cette date, le délai de 20 jours qui avait été fixé pour les achats de bétail sur pied et les viandes fraîches dérivées était cohérent avec le délai de 6 à 12 jours qui s'écoule entre l'abattage du bétail et la consommation de la viande fraîche. En outre, il rappelait un usage professionnel qui tendait à se perdre.

De même, le délai fixé pour les achats de produits alimentaires périssables à 30 jours après la fin de la décade de livraison -c'est-à-dire de 35 jours en moyenne et de 40 jours maximum- était cohérent avec la durée de vie de ces produits qui varie de quelques jours (fruits et légumes, volailles) à quelques semaines (produits laitiers frais, etc.).

La durée de vie des surgelés et congelés est beaucoup plus longue que celle des viandes fraîches auxquels on les assimilerait, puisqu'elle est de plusieurs mois.

Un délai de 20 jours créerait également des difficultés de trésorerie aux hôteliers et restaurateurs, pour lesquels l'utilisation de surgelés représente en moyenne 10 à 15 % des produits employés.

Si l'on veut faire un pas supplémentaire dans le direction d'une réduction souhaitable des délais de paiement, il paraît beaucoup plus logique et raisonnable de fixer les délais de paiement des viandes congelées et surgelées et de poissons surgelés à 30 jours après la fin de la décade de livraison, comme pour les services alimentaires périssables. Tel est l'objet de l'amendement que votre commission vous propose d'adopter à 1'article 3 ter.

Elle vous propose, par conséquent, d'adopter une nouvelle rédaction de cet article.

Article 4
(Article 36 de l'ordonnance n° 86-1243 du 1er décembre 1986)

Moraliser les rapports entre fournisseurs et clients : refus de vente ou de prestation de services, vente ou prestation liée, conditions abusives sans engagement proportionne, menace de rupture brutale des relations commerciales et rupture des relations commerciales sans préavis.

Cet article comporte un certain nombre de dispositions, qui viennent modifier l'article 36 de l'ordonnance de 1986, et sont destinées à moraliser les relations commerciales.

A. L'AUTORISATION DU REFUS DE VENTE

1. Le droit en vigueur est difficilement applicable

La prohibition du refus de vente est historiquement liée à une économie de pénurie visant à protéger les consommateurs contre 1es Professionnels pratiquant des stockages abusifs dans le but de majorer les prix (loi du 21 décembre 1940).

Après plusieurs modifications du dispositif, l'ordonnance du 1er décembre 1986 a transformé l'infraction pénale en délit civil. C'est-à-dire que la personne commettant une faute constitutive de refus de vente ou de prestation de service engage sa responsabilité et, en cas de plainte, doit réparer les préjudices ainsi causés.


• Le refus de vente ou de prestation de services suppose un refus non justifié. L'article 36 de l'ordonnance, prévoit trois séries de faits justificatifs, tenant au caractère anormal de la demande, à la mauvaise foi du demandeur ou à l'existence d'un réseau de distribution exempté par application de l'article 10 de l'ordonnance.

- La demande est considérée comme anormale dès lors qu'elle n'est pas conforme aux conditions de vente ou de prestation de services habituellement proposées par le vendeur ou le prestataire de services. L'anormalité de la demande s'apprécie donc en comparant les conditions habituellement pratiquées par ce dernier avec les propositions de l'acheteur.

Si les propositions de l'acheteur ne sont pas conformes aux exigences normales du vendeur, la demande est anormale. Il en de même si la quantité demandée ou ses modalités sont anormales ou si le demandeur présente des qualifications professionnelles ou des installations insuffisantes ou enfin si son comportement est illicite.

Une demande est ainsi présumée anormale lorsqu'il est établi que l'acheteur use de procédés illicites visés aux articles 32 à 37 (revente à perte, facturation irrégulière, pratiques discriminatoires...).

- S'agissant de la justification tenant à la mauvaise foi du demandeur, cette dernière peut procéder de l'intention de nuire : le demandeur entend, par exemple, dénigrer les produits ou recourir à une politique de prix d'appel. L'administration admet le refus de vente « lorsqu'il s'agit pour une entreprise de résister aux exigences discriminatoires d'acheteurs puissants » 15 ( * ) .

La mauvaise foi peut résulter d'un simple comportement fautif : ainsi, le vendeur peut-il refuser de livrer ou d'accorder des délais de paiement (habituellement accordés) quand le client lui doit des factures antérieures ou a tardé à les lui payer, alors que demeurent encore certains différends 16 ( * ) . De même lorsque le demandeur a déjà fait imprimer des catalogues où figure le produit avant que le contrat ne soit conclu.

- Enfin, lorsqu'il existe un réseau de distribution sélective ou exclusive, un refus de vente peut être valablement opposé à l'acheteur, sans engager la responsabilité du vendeur puisque ce refus résulte alors de l'existence d'une entente ou d'un abus de position dominante ou de dépendance économique couvert par les exceptions prévues à l'article 10 de l'ordonnance.


Il est cependant très malaisé d'apporter la preuve de la licéité du refus de vente. Celui-ci est donc très difficile à opposer dans la pratique.

En 1995, sur 75 dossiers concernant la mise en oeuvre des actions devant le juge civil ou commercial, 38 étaient des affaires de refus de vente (dont 12 par assignation ministérielle). La demande a été rejetée dans 6 cas, une décision favorable ayant été prise dans 23 autres cas et 8 étant en instance.


• Lorsque le refus de vente n'est pas justifié, des sanctions civiles sont alors prononcées.

L'article 36 de l'ordonnance organise un régime dérogatoire au droit commun. Outre le droit d'action reconnu à toute personne justifiant d'un intérêt, peuvent introduire une action en réparation devant les juridictions civiles ou commerciales, « le Parquet, le ministre de l'économie ou le président du Conseil de la concurrence lorsque ce dernier constate, à l'occasion des affaires qui révèlent de sa compétence, une pratique mentionnée au présent article. »

La victime peut également, sans avoir à effectuer préalablement une saisine au fond, faire adopter par le juge des mesures conservatoires au moyen de la procédure spéciale du référé qui permet au juge « d'enjoindre la cessation des agissements en cause et d'ordonner toute autre mesure provisoire ».

2. Le projet de loi initial tendait à libéraliser le refus de vente

La difficulté de prouver la licéité le refus de vente, alliée au fait que la France est le seul pays posant l'interdiction du refus de vente comme principe et faisant porter la charge de la preuve sur le fournisseur, à incité le Gouvernement à libéraliser le refus de vente. C'est ainsi que l'article 4 du projet de loi initial prévoyait de renverser la charge de la preuve du caractère illicite du refus de vente, dans le but de rééquilibrer la relation producteur -distributeur. Cette charge devait incomber à 1'acheteur et non plus au producteur.

3. L'Assemblée nationale a totalement autorisé le refus de vente

Sur la proposition de sa commission de la Production et des Échanges et de sa commission des lois, l'Assemblée nationale a décidé d'abroger les troisième et quatrième alinéas de l'article 36 et donc d'autoriser purement et simplement le refus de vente.

4. Votre commission retient cette dernière solution

Votre commission est favorable à cette suppression de l'interdiction du refus de vente, qui perd de son sens dans une économie d'abondance et libérale. Elle estime que le rééquilibrage des relations producteurs-distributeurs sera ainsi mieux garanti.

Votre commission estime légitime que le producteur puisse choisir, pour chacun de ses produits, son circuit de distribution et dispose d'un moyen de lutter contre les comportements déloyaux de certains distributeurs.

Certains craignent que des commerces de taille modeste n'aient à en pâtir. Mais, il faut bien voir que l'intérêt d'un producteur réside dans le fait à la fois de maximiser ses ventes, sans porter atteinte à l'image de son produit, et de diversifier celles-ci, de façon à ne pas accroître sa dépendance à l'égard de tel ou tel type de commerce.

En outre, le droit français se rapprochera ainsi de celui de ses partenaires européens et du droit communautaire, en effet, ce dernier ne prohibe le refus de vente qu'au titre de la prohibition des ententes et de l'abus de position dominante.

Désormais, seuls les cas de refus de vente abusifs seront illicites et ils pourront être appréhendés par diverses autres dispositions des titres III et IV de l'ordonnance, ainsi que par le code civil :


• Le refus de vente peut être sanctionné en tant que manifestation d'une entente illicite au titre de l'article 7 de l'ordonnance, qui interdit expressément les pratiques qui « tendent à limiter l'accès au marché ».

Un exemple : supposons qu'un GIE de taxis monte un système de radio-téléphone et refuse à un taxi son adhésion pour des raisons anticoncurrentielles, telles que le souhait de l'obliger à cesser son activité : il s'agit d'un refus de vente résultant d'une entente.


• Il peut, en tant qu'abus de position dominante ou de dépendance économique, être sanctionné au titre de l'article 8 de l'ordonnance. Celui-ci stipule que ces « abus peuvent notamment consister en refus de vente, en ventes liées ou en conditions de vente discriminatoires... ».

Un certain nombre de décisions du Conseil de la concurrence ont d'ailleurs été prises sur ce fondement.


• Le refus de vente peut être sanctionné par le droit commun de la responsabilité civile.

Rappelons que l'article 1382 du code civil permet à toute personne victime du comportement fautif d'autrui d'obtenir réparation du préjudice qui lui est causé.


• Il peut également être sanctionné en tant que discrimination abusive.

En effet, l'article 36-1 de l'ordonnance sanctionne ce type de discrimination. Or, le refus de vente peut être considéré comme une forme de discrimination pour un fournisseur.

Prenons l'exemple d'une entreprise qui commercialise des bijoux sous contrat de dépositaire agréé avec un producteur et ne voit pas son contrat renouvelé à terme, au motif que son « standing » et sa surface en vitrines sont insuffisants. S'il est établi que d'autres entreprises continuent d'être livrées alors même qu'elles exercent leur activité commerciale dans les mêmes conditions qu'elle, il y a discrimination abusive se traduisant par un refus de vente.


• Enfin, comme on le verra ci-dessous, le 5 nouveau de l'article 36 sur la rupture abusive des relations commerciales permet d'interdire des formes abusives de refus de vente.

B. LA SUPPRESSION DE L'INTERDICTION DE LA VENTE DU PRODUIT OU LA PRESTATION DE SERVICES LIÉE

La subordination de vente consiste à obliger le distributeur, qui souhaite acquérir un certain produit, à acheter également d'autres produits ou services. Par exemple, si un distributeur souhaite distribuer un alcool de marque célèbre, il s'agit de l'obliger à acquérir également un autre alcool de marque peu connue et donc plus difficile à vendre et qu'il n'aurait pas de lui-même souhaité commercialiser.

L'article 36-3 de l'ordonnance de 1986 rend passibles d'une condamnation civile trois pratiques de subordination de vente :

- la vente ou la prestation conditionnelle pour laquelle un fournisseur impose à un client d'acheter un produit ou un service qu'il ne désire pas, pour que sa commande de produits ou de services soit satisfaite ;

- la vente par lots, par laquelle un fournisseur regroupe en un même ensemble indissociable des produits ou des services différents et non complémentaires aux fins de l'offrir à la vente, même à un prix inférieur à la somme des prix unitaires des produits et des services composant l'ensemble ;

- la vente par quantité imposée, par laquelle un fournisseur impose l'acquisition d'une quantité minimale de produits, sauf si ces produits font l'objet d'un conditionnement unique conforme aux usages commerciaux.

Le maintien, en 1986, de cette disposition datant de 1945, n'était justifié que pour éviter de contourner l'interdiction du refus de vente : un producteur aurait pu, en jumelant deux produits, refuser la vente sans tomber sous les dispositifs d'interdiction si les ventes liées avaient été licites.

L'autorisation du refus de vente faisant perdre tout objet à cette disposition, le projet de loi propose de supprimer cette disposition en proposant une nouvelle rédaction de l'article 36-3 (comme on le verra ci-après).

C. LA LUTTE CONTRE LES ABUS DE DÉPENDANCE ÉCONOMIQUE

La répression de l'abus de dépendance économique est certes déjà prévue dans la législation (article 8-2 de l'ordonnance), mais sa mise en oeuvre suppose qu'il y ait un effet sur le marché, ce qui est rarement le cas lorsque la victime est une petite ou moyenne entreprise.

Le concept de dépendance est difficile à cerner, sauf cas de relations contractuelles étroites (sous-traitance ou réseaux intégrés), ce qui explique que l'on ait préféré isoler certaines pratiques particulièrement abusives qui sont en fait révélatrices de la dépendance économique, pour faciliter l'établissement de la preuve devant le juge.

Le projet de loi identifie donc certaines pratiques révélatrices d'un abus de dépendance économique et les traite en tant que telles, avec un dispositif de responsabilité civile.

Dans le but de rééquilibrer les relations producteurs-distributeurs, l'article 4 du projet de loi prévoit ainsi trois nouveaux cas susceptibles d'engager la responsabilité de l'entreprise qui serait à l'origine de l'une des pratiques suivantes :

- la tentative d'obtention ou l'obtention de conditions d'achat abusives (article 36-3) ;

- la menace de rupture abusive des relations commerciales (article 36-4) ;

- la rupture abusive des relations commerciales établies (article 36-5).

1. La tentative d'obtention ou l'obtention de conditions d'achat abusives (article 36-3)

Le référencement est un contrat par lequel une centrale d'achat ou de référencement représentant plusieurs revendeurs (distributeurs, détaillants ou grossistes) autorise un fournisseur, en contrepartie de conditions de vente ou d'avantages financiers particuliers, à proposer ses produits a la revente chez ses affiliés.

Ces « primes de référencement » (lorsqu'il s'agit de contreparties financières) peuvent atteindre des sommes considérables.

L'Institut de liaisons et d'études des industries de consommation (ILEC) évalue ainsi entre 1 à 3 millions de francs le budget de référencement moyen par enseigne en France pour un produit de marque nationale. Ce même budget ne s'élève en moyenne qu'à 800 à 900.000 francs en Allemagne et 120 à 200.000 francs en Grande-Bretagne.

Il arrive que des fournisseurs, pour avoir une chance de voir leurs produits proposés à la vente par une enseigne, versent de telles primes sans aucune contrepartie ou avec une contrepartie insuffisante, et s'aperçoivent au bout d'un an que le volume des commandes passées par l'enseigne concernée n'a même pas atteint le montant de la prime !

Or, les producteurs sont rarement en mesure de résister aux conditions imposées par les distributeurs.

Ces, pourquoi, il convient de sanctionner ce type d'abus de dépendance économique.

Le projet de loi initial prévoyait de sanctionner la subordination du référencement d'un fournisseur à l'octroi d'avantages sans contrepartie suffisante. L'expérience de l'octroi de tels avantages, posé comme condition préalable à la passation de commandes, devait être assorti d'un « engagement sur un volume d'achat proportionné ou un service demandé par le fournisseur et ayant fait l'objet d'un accord ».

L'Assemblée nationale a modifié le texte et visé le fait d'obtenir ou de tenter d'obtenir de tels avantages sans les assortir d'un engagement écrit. Elle a précisé que le service éventuellement demandé par le fournisseur devait également faire l'objet d'un accord écrit.

Si elle estime souhaitable cette exigence d'un écrit, votre commission vous propose cependant d'adopter une nouvelle rédaction de l'article 36-3 de façon, notamment, à réintroduire la précision selon laquelle il s'agit d'une « condition préalable à la passation de commandes » . L'Assemblée nationale l'avait supprimée, ne faisant plus aucune référence au fait que l'on souhaite ici lutter contre les chantages au référencement.

2. Menace de rupture abusive des relations commerciales (article 36-4)

Le texte proposé pour l'article 364 de l'ordonnance propose de ranger au nombre des pratiques restrictives ou déloyales l'emploi de la menace de rupture brutale des relations commerciales pour tenter d'obtenir des prix, des délais de paiement, des modalités de ventes ou des conditions de coopération commerciale qui sont manifestement exorbitants des conditions générales de vente.

Contrairement à l'article 36-3 nouveau, qui vise spécifiquement une pratique des revendeurs, l'article 36-4 nouveau concerne aussi bien des pratiques des acheteurs que celles des vendeurs.

En effet, deux types de déséquilibres des relations commerciales existent : celui qui se fait au détriment des producteurs, en situation de dépendance économique à l'égard des distributeurs ; mais aussi celui des commerçants qui subissent des pratiques abusives des grands producteurs.

Sur la proposition de sa commission de la Production et des Échanges, l'Assemblée nationale a sensiblement modifié le projet de loi initial, par le biais de ce qu'on peut qualifier d' » amendement virgule », consistant à modifier la place d'une virgule, afin d'empêcher l'obtention de conditions de vente exorbitantes des conditions générales de vente, ceci même en l'absence de menace d'une rupture brutale des relations commerciales.

Une telle disposition interdirait de facto toute négociation commerciale, quand on sait que, dans la pratique, les conditions générales de vente constituent le plus souvent la base à partir de laquelle ces négociations peuvent s'engager. A l'heure actuelle, les parties peuvent toujours décider de déroger aux conditions générales de vente et le législateur ne saurait avoir pour objectif de le leur interdire, sauf à renoncer au caractère libéral de notre économie.

C'est pourquoi, votre commission vous demande d'adopter une nouvelle rédaction de l'article 36-4.

En outre, une discussion s'est déroulée à l'Assemblée nationale sur la portée du terme « exorbitant », qui a encore obscurcit le débat. Juridiquement, ce terme signifie : « qui dépasse le cadre habituel », mais dans le langage courant il signifie : « tout à fait excessif ». Pour éviter toute ambiguïté sur ce point, votre commission propose d'y substituer le mot : « dérogatoire ».

Enfin, l'Assemblée nationale a prévu qu'engagerait sa responsabilité une personne effectuant le même type de pratique, même en l'absence de conditions générales de vente, lorsque les conditions obtenues sont manifestement exorbitantes des usages commerciaux.

Cette disposition répond à la situation de nombreux petits producteurs et pourrait d'ailleurs les inciter à établir des conditions générales de vente.

Votre commission estime utile cette disposition.

Rappelons, en effet, que l'article 33 de l'ordonnance de 1986 n'impose pas aux producteurs ou aux prestataires de services d'établir un barème de prix ou un document retraçant leurs conditions de vente. Il les oblige simplement à communiquer ces documents, lorsqu'ils existent, aux acheteurs qui en font la demande.

3. Rupture abusive des relations commerciales établies (article 36-5)

Le texte proposé pour l'article 36-5 de l'ordonnance, comme celui proposé pour l'article 36-4, s'applique aussi bien à l'acheteur qu'au fournisseur, même s'il a surtout pour objet de lutter contre des pratiques abusives de déréférencement.

Le projet de loi initial prévoyait que serait considérée comme déloyale par la loi, la rupture brutale, totale ou partielle, sans motif légitime, des relations commerciales établies avec un fournisseur ou un client.

Il précisait que la menace ou l'existence d'une rupture brutale des relations commerciales serait appréciée par le juge en fonction des relations commerciales antérieures entre les deux partenaires et des usages reconnus par des accords professionnels. Le respect de cette disposition imposait donc d'adresser un préavis de rupture assorti d'une durée « raisonnable ».

Sur la proposition de sa commission de la production et des échanges, l'Assemblée nationale a sensiblement modifié ce dispositif :

- en supprimant la notion de « motif légitime », aux contours flous et variables ;

- en introduisant l'obligation d'établir un préavis écrit « dans un délai conforme aux usages reconnus par des accords interprofessionnels », mais en supprimant la référence aux relations commerciales antérieures.

Votre commission vous propose de réintégrer cette notion, qui est essentielle dans la mesure où il existe en réalité très peu d'accords interprofessionnels en la matière, le texte ayant pour objectif d'inciter les professionnels à en établir.

Elle vous propose, par conséquent, de prévoir qu'engage la responsabilité de son auteur le fait de « rompre brutalement, même partiellement, une relation commerciale établie, sans préavis écrit tenant compte des relations commerciales antérieures ou des usages reconnus par des accords interprofessionnels ».

Votre commission vous demande donc d'adopter un amendement proposant une nouvelle rédaction du 4 et du 5 de l'article 36 de l'ordonnance de 1986.

4. Limitation à l'atteinte à l'ordre public économique de l'action en justice du Parquet, du ministre chargé de l'économie et du président du Conseil de la concurrence

L'article 36 de l'ordonnance de 1986 organise un régime dérogatoire au droit commun s'agissant des titulaires de l'action devant la justice. Outre le droit d'action reconnu à toute personne justifiant d'un intérêt, il permet au parquet, au ministre chargé de l'économie et au président du Conseil de la concurrence d'introduire l'action devant une juridiction civile ou commerciale pour l'une des pratiques restrictives visées (pratiques discriminatoires, refus de vente ou de prestation de services, vente ou prestation liée).

En effet, ces pratiques résultent le plus souvent d'un abus de puissance. La victime n'ose donc pas porter plainte en justice et ne peut d'ailleurs pas se le permettre, sauf à courir le risque de subir des représailles économiques causant un dommage supérieur à la réparation qu'elle pourrait obtenir du juge. Or, ces pratiques ne sont pas conformes à l'ordre public économique voulu par le législateur.

En outre, il est souhaitable que le parquet, le ministre chargé de l'économie et le Conseil de la concurrence puissent saisir le juge lorsqu'ils ont connaissance de l'existence de telles pratiques, à l'occasion des plaintes dont ils sont saisis, des enquêtes auxquelles ils font procéder, des procès-verbaux qu'ils reçoivent ou des instructions qu'ils conduisent.

Le paragraphe III de l'article 4 du présent projet de loi propose de préciser ce que doit être la finalité de l'action civile ou commerciale en justice du parquet, du ministre chargé de l'économie et du président du Conseil de la concurrence, à savoir la poursuite des atteintes à l'ordre public économique. Il ne s'agit pas pour eux d'obtenir une réparation pécuniaire, mais de faire disparaître une pratique déloyale. C'est pourquoi, il restreint aux personnes j ustifiant d'un intérêt à agir le droit de demander le versement d'une indemnité. Ceci correspond bien entendu à la pratique. Ainsi, selon la jurisprudence, le ministre est appelé à occuper, devant les juridictions de l'ordre judiciaire, une place qui ne permet pas de l'assimiler à celle occupée par un justiciable dépendant des intérêts particuliers. Si le ministre est seul, il ne peut donc logiquement réclamer que la cessation des pratiques illicites.

Votre commission vous propose d'adopter l'article 4 ainsi modifié.

Article 5
(article 37 de l'ordonnance n° 86-1243 du 1er décembre 1986)

Renforcement des sanctions applicables aux ventes à la sauvette sur le domaine public


• Les ventes à la sauvette, ou « ventes sauvages », représentent une forme de concurrence déloyale à l'égard du commerce sédentaire car, pour une même activité, ceux qui s'y livrent ne supportent pas les mêmes charges. Elles sont susceptibles, en outre, de peser sur l'hygiène et la sécurité des consommateurs. Le premier alinéa de l'article 37 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 a donc organisé la répression de ce type de pratiques.

Il dispose qu' » il est interdit à toute personne d'offrir à la vente des produits ou de proposer des services en utilisant, dans des conditions irrégulières, le domaine public de l'État, des collectivités locales et de leurs établissements publics. »

Rappelons que la jurisprudence administrative considère comme appartenant au domaine public, les biens affectés à l'usage direct du public, tels que les rivages de la mer ou la voirie terrestre (routes, rues et places des villes), ainsi que les biens affectés à un service public et faisant l'objet d'un aménagement spécial (aérodromes, voies ferrées, stations du métro, gares avec leurs dépendances).

L'exercice d'une activité commerciale sur le domaine public est soumis au respect d'un certain nombre de règles.

Il suppose :

- que la personne envisageant une telle activité ait la capacité requise pour être commerçant et satisfasse aux obligations pesant sur ceux effectuant professionnellement des actes de commerces ;

- qu'elle soit titulaire d'une autorisation : permission de voirie, accordée par l'autorité chargée de la gestion du domaine, s'il s'agit d'une occupation privative avec emprise (kiosques, étalages permanents, buvettes implantées dans des parcs municipaux) ; permis de stationnement délivré par l'autorité chargée de la police, s'il s'agit d'une occupation sans emprise (vente de souvenirs sur un trottoir ou camion magasin sur le bord des routes, par exemple).


• Le défaut d'autorisation administrative fait l'objet de sanctions
:

- l'article 33 du décret n° 86-1309 du 29 décembre 1986 le sanctionne d'une contravention de cinquième classe (soit 10.000 francs, 20.000 francs en cas de récidive) ;

- par ailleurs, les articles R. 644-2 et R. 644-3 punissent d'une amende de 5.000 francs au plus (contravention de quatrième classe) et d'une confiscation, le fait de contrevenir aux dispositions réglementaires concernant l'occupation des lieux publics.

Ce dispositif n'a pas enrayé la multiplication des ventes à la sauvette sur le domaine public.

C'est pourquoi, l'article 5 du présent projet de loi tend à renforcer les sanctions applicables.

A cet effet, il insère dans l'ordonnance un nouvel article 37-1 qui reprend intégralement les dispositions du premier alinéa de 1'article 37, puis il prévoit que les infractions à ces dispositions sont recherchées et constatées dans les conditions prévues aux articles 45 à 47 et à 1'article 52 de l'ordonnance.

Ainsi, les agents de la direction de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes, mais aussi les officiers de police judiciaire (en application des pouvoirs généraux qu'ils détiennent du code de procédure pénale), pourront désormais procéder à des enquêtes et dresser des procès-verbaux, recevoir des commissions rogatoires des juges d'instruction, accéder aux locaux et diligenter des expertises.

En outre, ils pourront retenir pendant un mois les marchandises offertes à la vente, ainsi que les biens ayant permis la vente ou l'offre de services, ce qui constitue une nouveauté apportée par le texte.

Les procès-verbaux seront communiqués au procureur de la République, qui pourra saisir le tribunal.

Ce dernier aura la possibilité de décider la confiscation des produits offerts à la vente ou des biens ayant permis la vente des produits ou l'offre de services.


• L'article 5 du projet de loi ne modifie pas le second alinéa de l'article 37 de l'ordonnance, qui interdit aux associations ou coopératives d'entreprise ou d'administration de vendre de façon habituelle des produits ou des services, si ces activités ne sont pas prévues par leurs statuts.

Il conviendrait de veiller à une plus stricte application de ces règles.

Une réflexion est en cours concernant la concurrence déloyale que certaines associations exerceraient au détriment des professionnels du commerce. Il convient toutefois d'être prudent en la matière, dans la mesure où il est également souhaitable d'encourager la vie associative dans notre pays.

Dans ce contexte, votre commission vous propose d'adopter un amendement demandant au Gouvernement de déposer sur le bureau des Assemblées parlementaires, avant le 1er janvier 1997, « un rapport sur les activités exercées par les associations en concurrence avec des commerçants ainsi que les problèmes posés par cette concurrence », et présentant le cas échéant des propositions de nature à y remédier.

Votre commission vous propose d'adopter cet article ainsi complété.

Article 6
(nouveau) (Article 56 ter de l'ordonnance n° 86-1243 du 1er décembre 1986)

Action en justice des organisations consulaires ou représentatives des consommateurs

La loi n° 95-95 du 1er février 1995, de modernisation de l'agriculture, a introduit un article 56 ter dans l'ordonnance du 1er décembre 1986, qui permet aux organisations professionnelles « d'introduire l'action devant le juge civil ou commercial pour les faits portant un préjudice direct ou indirect à l'intérêt collectif de la profession ou de secteur qu'elles représentent, ou à la loyauté de concurrence ».

Sur la proposition de sa commission de la Production et des Échanges, et contre l'avis du Gouvernement, l'Assemblée nationale a décidé d'étendre les dispositions de l'article 56 ter aux organisations consulaires, c'est-à-dire aux chambres de métiers, d'agriculture et de commerce et d'industrie, ainsi qu'aux organisations représentatives des consommateurs.

Votre commission estime cette disposition à la fois peu souhaitable et inutile.

Peu souhaitable, car le fait d'ester en justice pour des faits relatifs à la concurrence n'entre manifestement pas dans les missions des chambres consulaires.

En effet, ces dernières sont des établissements publics qui ont pour attribution de donner au Gouvernement des avis et des renseignements sur des questions industrielles et commerciales, de présenter leur point de vue sur les moyens d'accroître la prospérité de l'industrie et du commerce, et d'assurer l'exécution des travaux et l'administration des services dont elles ont la garde.

Inutile, dans la mesure où les organisations représentatives des consommateurs ont déjà le droit d'ester en justice, en vertu des dispositions du code de la consommation (articles L.421-1 et L.421-2).

Par voie de conséquence, votre commission vous propose de supprimer cet article.

Article additionnel après l'article 6
(paragraphe X de l'article 60 de l'ordonnance n° 86-1243 du 1er décembre 1986)

Prix abusivement bas offerts ou pratiqués par les prestataires de transport routier de marchandises

Votre commission s'est penchée sur le problème spécifique des prix abusivement bas pratiqués dans le secteur du transport routier de marchandises.

Ce secteur souffre aujourd'hui d'une certaine fragilité, dans la mesure où les entreprises sont simultanément confrontées à un effondrement de leurs prix de vente et à un renchérissement de leurs charges, entraînant la réduction, voire la suppression de leurs marges.

Dans ce contexte et dans le but de moderniser et de réguler leurs activités, les professionnels du secteur ont engagé, depuis un an, une démarche dite du « contrat de progrès ».

Très positive, cette démarche est aussi source de coûts pour les transporteurs, qui ont créé 4.000 emplois nets depuis un an. Elle doit donc être encouragée.

Or, certaines pratiques de prix abusivement bas exercent un effet néfaste sur la profession.

Comment, en effet, supporter une accentuation des charges liées à la nécessaire amélioration des conditions de travail des transporteurs ou au renforcement de la sécurité routière, si, dans le même temps, certains prix « prédateurs » évincent du marché les entreprises engagées dans cette démarche de progrès ?

Or, le droit en vigueur n'est pas efficace :

- La question des prix anormalement bas est traitée par l'article 3 de la loi n°°92-1445 de décembre 1992 relative aux relations de sous-traitance dans le transport routier de marchandises.

Cet article permet de punir d'une amende de 600.000 francs le donneur d'ordres qui rémunère le transporteur à un prix ne permettant pas de couvrir les charges entraînées par les obligations légales et réglementaires, notamment en matière sociale et de sécurité.

Mais il ne vise que les donneurs d'ordres professionnels du transport (il s'agit de la sous-traitance) et il n'incrimine que ces derniers, à l'exclusion donc des prestataires de services qui offriraient ou pratiqueraient de tels prix.

- Le décret du 23 juillet 1992 (dit décret « donneurs d'ordres ») permet de sanctionner tout donneur d'ordres ayant donné des instructions à un transporteur qui son incompatibles avec le respect des réglementations sociales et de sécurité. Il ne le sanctionne que d'une amende de 10.000 francs (contravention de cinquième classe).

- La loi du 1er février 1995 n° 95-96 du 1er février 1996 redéfinit le cadre juridique des contrats de transport en vue de rééquilibrer les relations entre donneur d'ordres et transporteur : elle impose la rémunération de toutes les prestations accomplies par le transporteur en fonction des durées réelles pour leur réalisation.

Ces deux textes ont essentiellement pour mérite de faciliter les investigations des contrôleurs, pour leur permettre d'établir l'infraction en matière de couverture des coûts.

A l'occasion de l'examen de la loi de 1992 précitée sur la sous-traitance, M. Jean-Paul Emin, rapporteur au nom de la Commission des Affaires économiques, avait déjà fait part de son scepticisme quant à l'efficacité de cette loi et avait souhaité que cette reforme soit intégrée dans l'ordonnance du 1er décembre 1986 17 ( * ) . La commission des Affaires économiques avait donc « tiré la sonnette d'alarme », mais elle n'a pas entendue.

Aujourd'hui, force est de constater que ses prédictions étaient, malheureusement pour la profession, justes.

C'est pourquoi votre commission juge nécessaire de remédier aux deux lacunes essentielles des textes en vigueur, qui :

- ne visent pas le cas du prestataire de transport qui offrirait, ou pratiquerait, des prix abusivement bas ;

- ne prévoient pas d'infraction pénale pour le donneur d'ordres qui n'est pas un professionnel du transport, sauf si la complicité est établie. Il sera seulement jugé par le tribunal de commerce pour non respect du contrat qui doit prévoir la rémunération de toutes les prestations et des durées réelles.

Votre commission vous propose d'adopter un article additionnel après l'article premier 6 de façon à interdire à tout prestataire de transport public 18 ( * ) routier de marchandises (notamment aux transporteurs publics routiers de marchandises, commissionnaires de transport ou loueurs de

véhicules industriels) « d'offrir ou de pratiquer un prix abusivement bas par rapport au coût de la prestation, dès lors que ces offres ou pratiques ont pour objet ou pour effet d'éliminer d'un marche ou d'empêcher l'accès à un marché d'un autre prestataire de transport routier de marchandises » .

Cet article précise que le prix abusivement bas s'évalue par rapport au coût de la prestation et il le définit comme étant « celui qui notamment ne permet pas de couvrir les charges entraînées par les obligations légales et réglementaires » .

Sur le plan formel, cet article additionnel propose une nouvelle rédaction du paragraphe X de l'article 60 de l'ordonnance du 1er décembre 1986.

Il est, en effet, souhaitable de ne pas introduire une disposition spécifique à un secteur dans l'article premier D (nouveau), qui traite du prix abusivement bas de l'ensemble des produits fabriqués ou transformés et qui ne vise que les prix à l'égard des consommateurs, et non les relations entre professionnels.

En outre, le paragraphe X de l'article 60 de l'ordonnance fixe les modalités de répression de l'article premier de la loi de finances n° 63-628 du 2 juillet 1963 sur la revente à perte, article supprimé par le paragraphe I de l'article 2 du présent projet de loi.

Le paragraphe X de l'article 60 de l'ordonnance, qui modifie l'article 4 de la loi de 1963 précitée, est donc caduc. C'est pourquoi votre commission vous en propose une nouvelle rédaction, de façon à introduire la disposition qu'elle vous a exposée ci-dessus. Cette dernière étant spécifique à un secteur, il lui a, en effet, semblé qu'elle trouvait sa place au titre VII de l'ordonnance comportant des dispositions diverses.

En conséquence, elle vous propose, dans un second paragraphe, d'abroger l'article 4 de la loi n° 63-628 du 2 juillet 1963 de finances rectificative pour 1963 portant maintien de la stabilité économique et financière, devenu lui aussi caduc.

Votre commission vous propose d'adopter cet article additionnel dans la rédaction qu'elle vous soumet.

Article additionnel après l'article 6
(Article 11 de l'ordonnance n° 86-1243 du 1er décembre 1986)

Domaine de compétence du Conseil de la concurrence

L'article 11 prévoit les conditions dans lesquelles le Conseil de la concurrence exerce son contrôle pour l'application des articles 7 et 8, portant respectivement sur les ententes et sur les abus de position dominante et de dépendance économique.

Il est nécessaire d'étendre son champ d'application au contrôle des deux nouvelles infractions créées par le projet de loi :

- à l'article 12-1, sur l'offre ou la pratique de prix abusivement bas, de produits fabriqués ou transformés ;

- au paragraphe X de l'article 60, sur la même pratique, mais concernant la prestation de services routiers de marchandises.

Votre commission vous propose d'adopter cet article additionnel dans la rédaction qu'elle vous soumet.

Article 7 (nouveau)

Missions des commissaires aux comptes

Sur la proposition de M. Jean-Paul Charié, rapporteur de la commission de la Production et des Échanges, et contre l'avis du Gouvernement, l'Assemblée nationale a complété le troisième alinéa de l'article 228 de la loi n° 66-537 du 24 juillet 1966 sur les sociétés commerciales. Elle a ainsi souhaité confier aux commissaires aux comptes la mission de veiller au respect des dispositions des articles 31 et 35 de l'ordonnance du 1er décembre 1986, relatifs respectivement facturation et aux délais de paiement légaux.

Deux analyses, pourtant différentes, des missions des commissaires aux comptes, permettent d'aboutir à la même conclusion : cet article doit être supprimé. Il s'avère, en effet, soit inopportun, soit inutile.

On peut considérer que le fait de confier une responsabilité spécifique aux commissaires aux comptes en matière de facturation et de délais de paiement réglementés changerait la nature de leur intervention. Ces professionnels ont pour mission de certifier la régularité et la sincérité des comptes des entreprises.

Ils n'ont pas, en revanche, à assurer une sorte de « police économique » (qui ressortit des missions de 1'État), ceci -qui plus est- aux frais de l'entreprise, d'autant plus que les honoraires des commissaires aux comptes auraient alors toutes les chances d'augmenter.

En outre, ce « contrôle » ne serait -par définition- effectué que dans les entreprises soumises à leur intervention. Y échapperaient donc la majorité des SARL, ainsi que les entreprises individuelles...

Mais, on pourrait aussi considérer que l'article 7 du projet de loi est inutile. En effet, le troisième alinéa de l'article 228 de la loi de 1966 précitée ne confie-t-elle pas aux commissaires aux comptes pour « mission permanente (...) de vérifier (...) les documents comptables de la société et de contrôler la conformité de sa comptabilité aux règles en vigueur » ?

Pour toutes ces raisons, votre commission vous propose de supprimer cet article.

Article 8 (nouveau)

Entrée en vigueur de la loi

Le projet de loi ne contenant aucune disposition particulière sur l'entrée en vigueur de la loi, ses dispositions devraient toutes être applicables le jour de sa promulgation.

Or, un délai s'avère nécessaire pour l'application de certaines d'entre elles.

C'est pourquoi, sur la proposition de sa commission de la Production et des Échanges, l'Assemblée nationale a prévu un délai de six mois avant l'entrée en vigueur des articles premier (règles de facturation) et 2 (calcul du seuil de revente à perte).

Tenant compte du fait que la périodicité mensuelle est la base de la plupart des relations commerciales, l'article 8 dispose que l'entrée en vigueur de ces articles s'effectuera la premier jour du sixième mois suivant la publication de la loi.

Votre commission estime nécessaire un tel délai et vous propose de l'étendre aux dispositions de l'article 3 bis, qui imposera une modification des conditions générales de vente des entreprises (de manière à préciser le point de départ pour le calcul du délai de paiement et le barème d'escompte) et de l'article 3 ter relatif aux délais de paiement de certains produits congelés et surgelés.

Elle vous demande d'adopter cet article ainsi modifié.

Article 9 (nouveau)

Rapport au Gouvernement

Des entreprises publiques ont développé, au cours de ces dernières années, une stratégie d'intervention dans un certain nombre de secteurs économiques ouverts à la concurrence.

Celle-ci a suscité des réflexions et une concertation, qui ont débouché sur des décisions que l'ont peut juger équilibrées.

Il faut rappeler que cet important dossier avait donné lieu à :

- un rapport de l'inspection générale de l'industrie et du commerce, en février 1994 (rapport Guillet) ;

- un avis du Conseil de la concurrence, du 10 mai 1994, précisant les principes à respecter -notamment la transparence- par les entreprises publiques, pour que la diversification de leurs activités n'altère pas le jeu normal de la concurrence ;

- un avis du Conseil d'État du 7 juillet 1994 sur la conformité des activités en cause avec le principe de spécialité 19 ( * ) .

Un certain nombre règles ont ainsi été clarifiées et affirmées.

La réflexion mérite cependant d'être poursuivie dans ce domaine. On oppose souvent secteur public et secteur privé, mais n'existe-t-il pas des terrains sur lesquels l'un et l'autre ont intérêt à coopérer, ceci pour le plus grand bénéfice des consommateurs ?

L'Assemblée nationale a adopté, sur la proposition de M. Jean-Paul Charié, rapporteur de la commission de la Production et des Échanges, un article 9 (nouveau) destiné à favoriser les réflexions dans ce domaine. Votre commission y est favorable.

Cet article demande au Gouvernement de déposer sur le bureau des Assemblées parlementaires, « avant le 1er octobre 1997, un rapport faisant le bilan des possibilités de coopération entre les entreprises du secteur public et celles du secteur privé dans les différents domaines d'activités économiques et sociales où elles sont en situation de concurrence ».

Votre commission vous propose d'adopter cet article sans modification.

* 7 CJCE - 25 octobre 1977 « Métro-Saba »

* 8 Conseil de la concurrence, septembre 1994

* 9 Voir l'encadré dans l'exposé général.

* 10 Paris, 9 mars 1993. TGI Reims, 25 octobre 1993.

* 11 TGI Bobigny, 26 avril 1993.

* 12 Cass. crim. 4 février 1991.

* 13 Il s'agit, en vertu de la circulaire Scrivener du 10 janvier 1978, des produits suivants : « Viandes et abats frais ou réfrigérés. Jambon et épaule cuits, produits de charcuterie fraîche. Volailles et leurs abats comestibles, lapins domestiques et gibiers, réfrigérés ou frais. Poissons, coquillages, crustacés et mollusques, frais ou réfrigérés. Laits crus et pasteurisés. Laits stérilisés. Produits laitiers frais tels que : yaourts, desserts (laits gélifiés), crème fraîche, fromages frais, fromage à pâte molle ou à pâte pressée, cuite ou non, fromage à pâte persillée, beurre frais. Glaces, sorbets, crèmes glacées , oeufs frais ou réfrigérés. Pain frais, produits frais de boulangerie, viennoiserie et pâtisserie fraîche. Levure de panification. Plantes vivantes et produits de la floriculture. Fleurs et boutons de fleurs coupés frais. »

* 14 Cass. crim. - 7 mai 1991.

* 15 DGCCRF Rapport d'activité 1993.

* 16 Cass. Com. 9 mai 1990.

* 17 Voir l'excellent rapport de notre collègue M. Jea-Paul Emin, au nom de la commission des Affaires économiques (n° 91 - 1ère session ordinaire 1992-1993).

* 18 Public, au sens travaillant pour le compte d'autrui.

* 19 Pour plus de détails, voir l'excellent rapport pour avis de notre collègue M. Jean Besson, au nom de la commission des Affaires économiques sur le budget de l'énergie pour 1996 (n° 79-Tome VI)

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