II. LES PRINCIPALES DISPOSITIONS DE L'ACCORD INTERGOUVERNEMENTAL DU 27 MARS 1995
A. LE RÉGIME D'OCTROI DES DIVERSES AUTORISATIONS
La réalisation, la mise en oeuvre et l'exploitation du gazoduc et du terminal requièrent l'obtention de nombreuses autorisations administratives. Le texte en distingue deux groupes : les autorisations liées à la pose et à l'exploitation du gazoduc et du terminal ; les autorisations préalables à la mise en service des deux ouvrages et celles de mise en service elle-même.
1. Les autorisations liées à la pose et à l'exploitation du gazoduc
a) Procédure d'octroi des autorisations
L'article 3 prévoit en la matière un double dispositif d'autorisation :
- une autorisation donnée par le gouvernement norvégien pour l'intégralité de l'ouvrage , d'ailleurs propriété exclusivement norvégienne ;
- une autorisation donnée par la France en application de la législation française : loi du 24 décembre 1971 créant la mer territoriale française et loi du 11 mai 1977 définissant le régime juridique du plateau continental. Le rôle reconnu aux autorités françaises dans cette procédure d'autorisation par l'alinéa 2 de cet article 3 est d'ailleurs conforme à la convention sur le droit de la mer ; la mer territoriale est un espace de souveraineté au sens de l'article 2 de cet instrument, son article 79 rappelle que le tracé d'un pipeline doit être agréé par l'Etat côtier, et que ce dernier peut poser des conditions applicables à un pipe-line pénétrant sur son territoire.
b) Suspension ou retrait d'autorisation
L'article 5 précise que la suspension ou le retrait d'une autorisation accordée en application de l'article 3 n'est possible, par un des Etats parties, qu'en cas de « contravention grave ou répétée aux conditions de l'autorisation » et après consultation de l'autre Partie.
Enfin, toute modification ou transfert à un autre bénéficiaire de l'autorisation requiert au préalable une consultation entre les États.
c) Résiliation et expiration des autorisations
L'article 12 prévoit qu'en cas de résiliation ou d'expiration d'autorisation accordée en application de l'article 3, l'État norvégien peut, après consultation avec les autorités françaises, soit en accorder une nouvelle, soit s'approprier le gazoduc.
2. Les autorisations liées à la mise en oeuvre de l'ouvrage
L'approbation finale du projet ne sera accordée que si la société exploitante est en mesure de prouver que le gazoduc répond aux exigences d'ordre technique, de sécurité et d'environnement exigées par les législations française et norvégienne.
Pour la mise en oeuvre du gazoduc, le principe est que l'autorisation est donnée par le gouvernement norvégien. Cependant, pour la partie de l'ouvrage située sur le territoire où la France est en droit d'exercer sa souveraineté ou sa juridiction, l'autorisation est donnée par le gouvernement norvégien, sous réserve que les autorités françaises consultées n'aient pas émis d'objections fondées sur les seuls critères d'ordre technique, de sécurité ou d'environnement.
Pour la mise en oeuvre du terminal, situé en territoire français, la démarche est inverse : la France accorde les autorisations après consultation du gouvernement norvégien.
B. LES RÈGLES D'INSPECTION ET DE SURVEILLANCE DE L'OUVRAGE
1. Modalités d'inspection et de surveillance
Pour veiller au respect des règles de sécurité et d'environnement, ainsi que pour recueillir des données à fins fiscales, l'accord prévoit, en son article 11, la possibilité, pour les parties, de procéder à des inspections lors des différentes phases du projet : construction, pose et exploitation.
Le gouvernement norvégien peut ainsi, de son propre chef ou sur demande française, procéder à des inspections sur la partie du gazoduc hors souveraineté française. De même, pour la partie de l'ouvrage sous juridiction française, les autorités compétentes des deux pays peuvent exercer une surveillance à tout moment.
L'initiative est prise par l'un des deux pays, notifiée aux autorités compétentes de l'autre Partie, qui peuvent prendre part à la surveillance.
2. Demandes de modifications ou injonctions aux exploitants du gazoduc
Ces demandes de modifications ou injonctions sont destinées à assurer la sécurité de l'ouvrage, son innocuité sur l'environnement. Si les deux gouvernements décident conjointement de telles mesures, le gouvernement norvégien adresse la demande à l'exploitant norvégien. Si seul l'un des deux pays estime qu'il y a lieu de modifier les conditions de fonctionnement du gazoduc -la France, pour la partie située sur le territoire où elle exerce sa souveraineté-, il consulte l'autre Partie et demande à l'exploitant d'exécuter les mesures correspondantes.
C'est donc l'autorité norvégienne qui, le plus souvent, transmet la demande à l'opérateur, l'accord de la partie française étant requis dans le cas où les mesures préconisées par le gouvernement norvégien risqueraient d'avoir une incidence sur le niveau de sécurité du gazoduc.
3. Mesures d'urgence
En cas de danger imminent menaçant la vie des personnes ou l'environnement, les autorités compétentes de chacune des Parties peuvent imposer l'arrêt immédiat du gazoduc.
Dans la même hypothèse, s'agissant du terminal, l'autorité norvégienne ne peut ordonner l'arrêt de l'exploitation qu'après autorisation française.
C. LES RÈGLES RELATIVES À LA COMPÉTENCE JURIDICTIONNELLE
En cas de contentieux civil ou pénal concernant le gazoduc (article 6), voire dans l'hypothèse de dommages causés par la pollution, y compris les coûts liés aux mesures curatives ou préventives (article 13), l'accord pose le principe de la compétence des juridictions norvégiennes, à l'exception du terminal, des installations de réception, réchauffage et compression de gaz situées sur des zones de souveraineté française.
La compétence de juridiction ainsi reconnue à la Norvège sur la partie du gazoduc située sur le plateau continental relevant de la souveraineté française en vertu de l'article 79, § 2 de la convention sur le droit de la mer, n'exclut pas pour autant la compétence des juridictions françaises, comme le précise le deuxième alinéa de l'article 6. De même, le troisième paragraphe du même article établit que la reconnaissance de principe de la compétence des juridictions et du droit norvégiens n'empêche pas la France d'exercer sa souveraineté juridictionnelle sur ses territoires, eaux territoriales ou plateau continental.
En fait, le critère légal d'application territoriale de la loi pénale française, qui ne prévoit aucune dérogation, entraînera la compétence des juridictions françaises pour une infraction, pénale par exemple, commise sur le territoire français. Certes, la compétence norvégienne sera envisageable, mais tout conflit de compétence qui pourrait alors survenir sera réglé sur la base des principes généraux du droit international.
D. LE RÉGIME FISCAL APPLICABLE AU GAZODUC ET AU TERMINAL
Un régime particulier est prévu en la matière puisqu'il reposera sur la convention fiscale du 19 décembre 1980, modifiée par un avenant en date du 7 avril 1995, prochainement soumis à notre examen. Il est prévu que les bénéfices où les gains tirés de l'exploitation, de la possession ou de la cession de la totalité ou des parties de gazoducs et de leurs terminaux situés en France ne sont imposables qu'en Norvège lorsque -ce qui est le cas en totalité pour le gazoduc- ils reviennent à l'Etat norvégien, à une société norvégienne ou à une société d'un Etat tiers qui possède un établissement stable en Norvège auquel la participation dans le gazoduc se rattache effectivement. Pour le terminal, le droit d'imposer reconnu à la France sera proportionnel à la part détenue par Gaz de France (35 %).
Le renoncement de la France à imposer à l'impôt sur les sociétés l'ensemble des revenus résultant de l'exploitation de la fraction du gazoduc située dans ses eaux territoriales a, d'après les informations transmises à votre rapporteur, été la condition sine qua non pour que la décision soit prise de l'atterrage à Dunkerque, compte tenu des offres concurrentes déposées par l'Allemagne et la Belgique.
E. LES CONDITIONS D'UTILISATION DES GAZODUC
Deux articles contribuent à diversifier tant l'origine que la destination du gaz acheminé par le gazoduc.
L'article 7 de l'accord permet d'acheminer du gaz provenant d'autres gisements que ceux de Norvège, dans l'hypothèse où de nouveaux gisements seraient découverts à l'avenir.
En outre, l'article 15 de l'accord permet de conférer à Norfra le même type de possibilité, déjà reconnue aux « grands réseaux européens », c'est-à-dire d'acheminer du gaz destiné à un pays tiers.
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