Article 49 ter (nouveau) - Création d'une commission de la transparence de l'assurance catastrophe naturelle
Commentaire : le présent article, adopté par l'Assemblée nationale à l'initiative de MM. Philippe Mathot et Thierry Mariani, tend à créer auprès du Conseil national des assurances une commission chargée de la transparence de l'assurance catastrophe naturelle.
Nos collègues députés Philippe Mathot et Thierry Mariani ont été, en 1994, respectivement président et rapporteur de la commission d'enquête de l'Assemblée nationale sur les inondations qui a donné lieu à un remarquable rapport, publié le 4 novembre 1994 (9 ( * )) .
Par la suite, M. Thierry Mariani a déposé, le 6 novembre 1995, une proposition de loi dont l'objet est très proche du présent article. Cette proposition fait état d'une inquiétude légitime. Mais le moyen choisi pour y remédier n'est peut-être pas le plus approprié.
I. UNE INQUIÉTUDE LÉGITIME
L'objectif essentiel de notre collègue est de mieux cerner les frais généraux et les coûts d'intermédiation du régime d'indemnisation des catastrophes naturelles, dont le montant (plus de 25 % des primes collectées) lui apparaît difficilement justifiable, dans la mesure où les surprimes relatives aux catastrophes naturelles constituent une tarification accessoire applicable à un contrat principal et qu'elles sont obligatoirement incluses dans les contrats d'assurance-dommage.
Organisé de façon à permettre la couverture de l'ensemble des assurés, le régime d'indemnisation des victimes de catastrophes naturelles est fondé sur le principe de solidarité. Pour ce faire, la loi prévoit que la garantie catastrophes naturelles est couverte par une surprime uniforme par catégorie de contrats, fixée par arrêté du ministre de l'économie et des finances. Le taux de droit commun est actuellement de 9 %.
Le principe de solidarité sur lequel repose le régime d'indemnisation des victimes de catastrophes naturelles est mis en oeuvre grâce à la garantie financière de l'État, par le biais de la caisse centrale de réassurances (CCR).
Lorsque les pouvoirs publics reconnaissent l'état de catastrophe naturelle, les entreprises d'assurance procèdent à l'indemnisation directe des victimes, en contrepartie de la collecte de la surprime.
Les commissions versées aux intermédiaires et les frais de fonctionnement à la charge des entreprises d'assurance pour la gestion du régime d'indemnisation des victimes de catastrophes naturelles s'élèvent à 10,9 milliards sur la période 1982-1994, soit 25,6 % des primes acquises cumulées. L'examen de ce taux année par année à partir des états comptables agrégés par la commission de contrôle des assurances témoigne de faibles fluctuations autour de cette valeur moyenne. Le ratio sinistres/primes, qui permet de calculer la part des primes consacrées au règlement des sinistres, s'élève à 55,4 %, selon la direction du Trésor, et à 46 % selon la proposition de loi.
Notre collègue Mariani paraît donc fondé à juger élevés les frais de gestion de cette branche d'assurance, du fait de son caractère accessoire ; même s'il est vrai que d'autres branches connaissent des niveaux de frais également élevés : 40 % pour la multirisque habitation ; 23 % pour l'automobile.
II. UNE SOLUTION EXCESSIVEMENT LOURDE
Le ministère de l'économie et des finances s'est penché sur le coût de la branche catastrophes naturelles à l'occasion du rapport qui doit être remis prochainement au Parlement en application de la loi sur l'environnement dite "loi Barnier".
Il apparaît que le coût de commercialisation spécifique de l'assurance catastrophes naturelles est faible en raison du caractère accessoire de cette dernière. En particulier, la commission versée aux intermédiaires ne peut, en ce qui concerne la garantie contre les risques de catastrophes naturelles, excéder 8 % du montant de la prime (article A 335-19 du code des assurances).
S'agissant des frais de fonctionnement, les entreprises d'assurance reconnaissent que les frais exposés pour l'acquisition des contrats sont très faibles (sinon nuls) et ceux de production (frais d'informatique essentiellement) relativement réduits. Elles soulignent toutefois que les coûts de gestion des sinistres sont particulièrement élevés. Les frais induits par la mobilisation d'équipes envoyées sur place en cas de survenance d'une catastrophe, le coût des expertises ou bien encore une gestion plus longue des dossiers liés à des sinistres complexes peuvent expliquer le taux constaté de 25,6 %.
Le ministère de l'économie et des finances conclut à la difficulté de porter aujourd'hui un jugement plus précis sur le montant des commissions et frais de fonctionnement, en l'absence de chiffres donnant le détail de la répartition des coûts. Il note toutefois que l'entrée en vigueur le 1 er janvier 1995 du nouveau plan comptable de l'assurance, facilitant l'emploi de la comptabilité analytique, pourrait permettre de disposer d'éléments supplémentaires en vue de l'analyse de ces commissions et frais.
Compte tenu des lacunes que reconnaît le ministère, la nécessité d'approfondir la connaissance du dossier paraît justifier la démarche souhaitée par l'Assemblée nationale. Cependant la solution retenue paraît Particulièrement lourde.
La commission se verrait confier des pouvoirs d'investigation qui permettraient à ses membres d'accéder à tout document ou élément d'information détenu par les personnes morales chargées de la gestion des primes.
Ces pouvoirs d'investigation sont exorbitants du droit commun. A l'heure actuelle, seule la commission de contrôle des assurances dispose de ce type de pouvoirs.
Mais, malgré ses pouvoirs, cette commission ne serait pas nécessairement très efficace. Il faudrait pour cela qu'elle dispose de services ; or l'administration n'y est pas représentée. Qu'elle soit composée de personnes directement intéressées par le problème posé n'est pas un gage d'efficacité.
Il existe en revanche une instance compétente pour traiter de ce type de dossier : le Conseil National des Assurances, prévu à l'article L 411-1 du code des assurances, et qui comprend notamment deux parlementaires et huit représentants des assurés.
Par ailleurs, la commission de contrôle des assurances effectue d'ores et déjà un contrôle comptable aussi précis que possible, et traite de la branche catastrophe naturelle dans son rapport annuel.
A ce stade, votre rapporteur observe que les députés n'avaient pas proposé, dans les conclusions de leur commission d'enquête, la création d'une telle commission.
Aussi, même si votre commission n'exclut pas que ce soit finalement la solution à retenir, elle considère qu'il convient de réfléchir de façon approfondie auparavant : il faut atteindre le but qu'a fixé l'Assemblée nationale de la manière la plus efficace.
C'est pourquoi votre commission propose de confier au gouvernement un rapport chargé d'explorer les voies d'un renforcement de la transparence du régime d'indemnisation des catastrophes naturelles, et ce avant le 1 er octobre 1996. Par la suite, et notamment si le rapport ne donnait pas satisfaction, il conviendra de statuer sur une solution éventuelle.
Décision de la commission : votre commission des finances vous propose d'adopter cet article ainsi amendé.
* 9 "Inondations : une réflexion pour demain" - n° 2641 - 1994 -