EXAMEN EN COMMISSION
AUDITION DE M. JEAN ARTHUIS, INISTRE DE L'ÉCONOMIE ET DES FINANCES
Réunie le mardi 12 mars 1996, sous la présidence de M. Christian Poncelet, président, la commission a procédé à l'audition de M. Jean Arthuis, ministre de l'économie et des finances, sur le projet de loi n° 259 (1995-1996), portant diverses dispositions d'ordre économique et financier (DDOEF).
M. Jean Arthuis, ministre de l'économie et des finances, a déclaré qu'à l'instar de tous les projets portant diverses dispositions d'ordre économique et financier, le présent projet de loi comportait des mesures diverses et de portée inégale, s'inscrivant toutefois dans une logique d'ensemble, celle de la lutte pour l'emploi et de la relance de la croissance. Sur ce point, le ministre a indiqué que la croissance s'était établie à 2,4 % en 1995, alors que les experts avaient prévu un taux de 3,1 %. Toutefois, a-t-il ajouté, l'année 1995 s'est caractérisée par un excédent record du commerce extérieur de 104,5 milliards de francs, tandis que le déficit public était maîtrisé" à hauteur d'environ 323 milliards de francs. Après avoir insisté sur la baisse sans précédent des taux d'intérêt, M. Jean Arthuis, ministre de ''économie et des finances, a souligné que l'ensemble des mesures du DDOEF tendait à réduire le délai d'attente de la reprise de la croissance envisagée par la plupart des experts pour le second semestre 1996.
Les principales dispositions du projet de loi s'articulent, a-t-il Précisé, autour de trois axes :
- l'application du plan relatif aux petites et moyennes entreprises annoncé, à Bordeaux, le 27 novembre 1995 ;
- la mise en oeuvre des décisions tendant à rendre les fonds d'épargne plus liquides, annoncées à l'issue du sommet social de Matignon, le 21 décembre 1995 ;
enfin, le plan complémentaire de soutien à l'activité décidé par le Gouvernement, le 30 janvier 1996.
S'agissant des mesures relatives aux petites et moyennes entreprises, M. Jean Arthuis, ministre de l'économie et des finances, a indiqué qu'elles tendaient à favoriser la création, le développement et la mobilité de celles-ci. Il a relevé, en particulier :
- la suppression du quasi totalité des formalités administratives pour les très petites entreprises ;
- le nouveau dispositif de délai de réponse de l'administration par accord tacite après trois mois pour le bénéfice de régimes fiscaux d'amortissements exceptionnels ou propres aux entreprises nouvelles ;
- la modernisation du statut des fonds communs de placement à risque ;
- l'adaptation du statut de l'épargne de proximité ;
- les mesures destinées au lissage des effets de seuil d'effectifs pour les petites entreprises.
Abordant enfin la question de la transmission des entreprises, M. Jean Arthuis, ministre de l'économie et des finances, a indiqué qu'à la suite de la décision du Conseil constitutionnel, le ministère de l'économie et des finances réfléchissait sur un nouveau dispositif qui encouragerait des transferts de patrimoines, afin de faciliter la relève des générations dans nos entreprises.
S'agissant des mesures relatives à l'épargne, le ministre a déclaré qu'elles avaient pour objet de favoriser la consommation et l'investissement des ménages. Il en est ainsi des dispositions relatives au retrait anticipé de fonds d'épargne par les titulaires de plans d'épargne populaire, de celles qui ont trait au déblocage anticipé d'une partie des fonds déposés sur certains plans d'épargne logement, de l'extension temporaire de l'objet des prêts sur plans d'épargne logement, enfin de l'exonération des plus-values de cession de titres d'organismes de placements collectifs en valeurs mobilières (OPCVM) monétaires de capitalisation en cas de réinvestissement dans l'immobilier d'habitation ou l'acquisition d'équipement ménager.
S'agissant, en troisième lieu, du plan complémentaire de soutien à l'activité décidé le 30 janvier dernier, M. Jean Arthuis, ministre de l'économie et des finances, a plus particulièrement relevé les mesures tendant à relancer la construction immobilière et celles qui concernent la consommation. Il a ainsi signalé le dispositif relatif à l'amortissement accéléré des investissements dans les immeubles locatifs (10 % pendant quatre ans et 2 % les autres années), le relèvement du plafond de cotisation d'impôt sur le revenu pour pouvoir ouvrir un livret d'épargne populaire, le dispositif tendant à faciliter la conversion de bureaux en logements locatifs, l'accélération du rythme des amortissements dégressifs pour les biens d'équipement et la réduction d'impôt accordée au titre des intérêts des prêts à la consommation. Enfin, le ministre a mentionné les mesures tendant à un renforcement de l'efficacité des contrôles administratifs, notamment par les agents des douanes, et la disposition sur les "prix de transfert" destinée à mieux lutter contre les délocalisations d'assiette fiscale.
M. Alain Lambert, rapporteur général, a interrogé le ministre sur le coût des mesures de relance incluses dans le projet de loi, avant d'appeler de ses voeux une modernisation du statut des entreprises publiques. Il a salué les mesures prises en faveur du logement, tout en se demandant si l'habitat ancien n'allait pas être pénalisé. Il a enfin souhaité une plus grande flexibilité des taux administrés.
En réponse, M. Jean Arthuis, ministre de l'économie et des finances, a indiqué que les mesures relatives au crédit à la consommation n'auraient pas d'incidence budgétaire en 1996 et qu'il s'agissait, en tout état de cause, de dispositions transitoires destinées à anticiper la relance attendue au second semestre 1996. Il a ajouté que les dirigeants d'entreprises publiques recevraient désormais des lettres de missions, leur enjoignant notamment de mettre en place des tableaux de bord mensuels avec indicateur de gestion. Par ailleurs, a-t-il souligné, les comptes de consolidation des entreprises Publiques, en cours de mise au point, seront portés à la connaissance du Parlement. Le ministre de l'économie et des finances a, par ailleurs, précisé Rue les bailleurs pourraient opter pour l'amortissement accéléré de leurs °opérations de réhabilitation d'immeubles anciens, avant de mettre l'accent sur le caractère coûteux des fonds d'épargne déposés sur le nouveau "livret jeune" à 4,75 %.
Mme Maryse Bergé-Lavigne a estimé que la politique économique du Gouvernement relevait, à la fois, de "l'économie administrée" et du "libéralisme échevelé". Elle s'est aussi émue de la libéralisation totale des investissements étrangers en France.
M. Claude Belot s'est demandé si les caisses d'épargne répercutaient effectivement les baisses de taux de "l'épargne administrée" décidées par le Gouvernement. Il a ensuite affiché son scepticisme sur "les mesures de soutien artificiel" à la consommation.
M. Denis Badré a regretté la suppression du régime d'assurance Propre à la régie autonome des transports parisiens (RATP).
M. Philippe Marini a jugé que les mesures décidées par le Gouvernement allaient dans le bon sens. Il a constaté que la suppression de l'aide à l'entrée dans les contrats d'assurance-vie n'avait pas empêché ce Produit de connaître une forte impulsion au début de l'année 1996 et que la baisse du taux de rémunération du livret A n'avait pas provoqué de mouvement massif de décollecte. Il a enfin appelé de ses voeux un redéploiement de la fiscalité de l'épargne afin de favoriser l'épargne retraite.
Mme Marie-Claude Beaudeau a jugé que le Gouvernement faisait preuve de beaucoup d'optimisme en ce qui concerne la reprise de la croissance. Elle a, par ailleurs, souhaité le renforcement de la lutte contre les fraudes (notamment par l'attribution de la qualité d'officier de police judiciaire aux agents des douanes) d'une part, et la mise en place d'aides d'urgence aux petits commerces en grande difficulté, d'autre part. Elle s'est enfin, elle aussi, interrogée sur la suppression du régime d'assurance de la RATP.
M. Joël Bourdin a estimé que l'épargne des ménages était une épargne de précaution insensible à la variation des taux d'intérêt. Il a, par ailleurs, jugé que ces derniers demeuraient encore très élevés.
M. Maurice Schumann s'est ému du gel des crédits du ministère de la culture. Il a ensuite estimé que les dévaluations compétitives constituaient l'origine principale de la crise de l'industrie textile française. Il s'est enfin inquiété de la baisse des moyens d'investissement des collectivités territoriales.
M. Michel Charasse s'est demandé si certaines collectivités locales ne seraient pas en droit de réclamer à l'État, en application de la responsabilité du fait des lois, une indemnisation des incidences négatives pour leurs zones d'aménagement concerté (ZAC), de la mesure de gel des grandes surfaces commerciales.
M. Christian Poncelet, président, s'est inquiété des hausses de salaires annoncées pour 1996 par certaines entreprises publiques. Il s'est ensuite interrogé sur les possibilités de reversement des aides accordées dans le cadre des conventions conclues avec les entreprises textiles en cas de non-respect par celles-ci des obligations figurant dans les contrats. Il a enfin, lui aussi, mis l'accent sur la baisse considérable des moyens d'investissement des collectivités territoriales.
En réponse aux intervenants, M. Jean Arthuis, ministre de l'économie et des finances a notamment déclaré :
- s'agissant des entreprises publiques, que la société française de production (SFP) serait privatisée ;
- que les barrières artificielles à l'investissement étranger telle que la règle des 20 %, étaient devenues sans signification ;
- que le coût total du projet de loi était difficile à mesurer même s'il était établi que son incidence budgétaire serait négligeable en 1996 ;
- que la RATP bénéficiait, jusqu'à présent, d'un sursis pour son régime spécifique d'assurance mais que rien ne justifiait le maintien de cette dérogation ;
- qu'il appelait, lui aussi, de ses voeux une réforme fiscale privilégiant les placements à risque dans l'économie de production ;
- que la baisse du taux de rémunération du livret A devrait permettre de doubler l'aide publique pour la construction et la rénovation des HLM ;
- enfin, que les moyens d'investissement des collectivités territoriales, mais aussi de l'État, connaissaient en effet une réduction préoccupante.
Puis, M. Jean Arthuis, ministre de l'économie et des finances, a communiqué un certain nombre d'éléments d'information sur l'exécution du budget de 1995 ainsi que sur les mesures de régulation budgétaire décidées par le Gouvernement pour le budget de 1996.
S'agissant du budget 1995, le ministre a confirmé que le déficit d'exécution final du budget 1995 s'établissait à 322,96 milliards de francs, soit un chiffre proche de l'objectif du projet de loi de finances rectificative voté à l'automne (321,6 milliards de francs).
Les recettes fiscales ont, quant à elles, augmenté de + 1,7 % après + 2,2 % en 1994 (pour une croissance du PIB total en valeur de 4,1 % en 1994 et de 5,1 % en 1995).
L'exécution budgétaire fait ainsi apparaître une moins-value de recettes fiscales de près de 13 milliards de francs par rapport au dernier collectif.
M. Jean Arthuis, ministre de l'économie et des finances, a ajouté que les charges du budget avaient progressé de 2,1 % par rapport à leur niveau constaté en 1994, cette évolution marquant un ralentissement notable Par rapport à 1994 où la croissance des dépenses avait atteint 4,6 % par rapport à l'année précédente.
Au total, 43 milliards de francs auront été annulés lors des deux collectifs pour permettre notamment de financer des dépenses exceptionnelles a raison de 3,8 milliards de francs pour la dotation d'aide personnelle en faveur du logement, de 3,1 milliards de francs pour le financement des opérations extérieures, de 4,8 milliards de francs pour les minima sociaux, et de 4,6 milliards de francs pour la reconduction du triplement de l'allocation de rentrée scolaire.
Le ministre a aussi précisé que près de 18 milliards de francs de recettes de privatisation avaient été affectés à des dotations en capital, et pour la première fois depuis 1987, plus de 6 milliards de francs au désendettement.
Il a souligné que les recettes fiscales de l'année 1995 ont, pour leur part, connu une baisse de 13 milliards de francs par rapport aux prévisions du dernier collectif 1995, y compris les moins-values sur impôts locaux. La TVA est principalement à l'origine de cette situation : ses recettes se sont, en effet, établies à 9,9 milliards de francs en dessous du niveau prévu en raison du brusque ralentissement de la consommation constatée en fin d'année.
Le ministre a relevé en revanche une plus-value de 1,3 milliard de francs sur l'impôt sur les sociétés, l'échéance de décembre étant mieux rentrée que prévu.
Au total, la perte de recettes fiscales cumulée par rapport à la loi de finances initiale a été de près de 46 milliards de francs.
Abordant, en second lieu, les mesures de régulation budgétaire décidées par le Gouvernement sur le budget 1996, M. Jean Arthuis, ministre de l'économie et des finances, a rappelé que le Premier ministre avait adressé le 13 février aux différents ministères des lettres de mise en réserve de crédits.
Il a souligné, à cet égard, la grande rigidité du budget : en effet, si l'on exclut les dépenses incompressibles (dette, crédits de rémunération...) les montants susceptibles de "gel" apparaissent très modestes par rapport aux 1.541 milliards de francs qui représentent le total des charges du budget général en 1996.
S'agissant des crédits civils, "la base taxable" s'élève ainsi à 83,15 milliards de francs en dépenses ordinaires et en crédits de paiement sur les budgets civils et à 57,5 milliards de francs en autorisations de programme.
Le ministre de l'économie et des finances a déclaré que le "gel" portait sur 20 milliards de francs, dont 14 milliards de francs pour les crédits civils. Les taux de mise en réserve sont de 15 % pour les dépenses ordinaires hors crédits de personnel, crédits évaluatifs et crédits correspondants à des engagements législatifs ou réglementaires de l'Etat et de 25 % pour les autorisations de programmes et les crédits de paiement y afférent.
M. Jean Arthuis, ministre de l'économie et des finances, a, enfin, rappelé que le taux de 15 % de mise en réserve sur les dépenses ordinaires avait déjà été retenu pour les régulations de 1992 et 1993 et que le taux de mise en réserve de 25 % sur les dépenses en capital avait été mis en oeuvre en 1992 et 1995.