EXAMEN EN COMMISSION
Réunie le mercredi 6 mars 1996, sous la présidence de M. Christian Poncelet, président, puis de M. François Trucy, secrétaire, la commission a procédé, sur le rapport de M. Jacques Oudin, à l'examen de la proposition loi n° 179 (1995-1996), adoptée par l'Assemblée nationale, améliorant le financement des associations concourant à l'action humanitaire en vue de leur permettre de participer plus efficacement à la lutte contre l'exclusion.
M. Jacques Oudin, rapporteur, a tout d'abord décrit les grandes caractéristiques du secteur associatif en France. Il a indiqué qu'on estimait à environ 700.000 le nombre d'associations en activité et qu'environ 60.000 associations étaient créées chaque année. Il a toutefois ajouté que très peu d'informations étaient disponibles sur l'ensemble des associations.
Puis, il a indiqué que le nombre de personnes travaillant bénévolement pour des associations était probablement d'environ 7 millions, soit près de 600.000 "équivalent temps plein" et que le nombre de salariés était proche de 1.300.000, soit 850.000 "équivalent temps plein".
M. Jacques Oudin, rapporteur, a ensuite rappelé que les associations intervenaient dans des domaines très variés, et en particulier dans secteurs des services sociaux et de la santé, de l'éducation et de la cherche, de la culture, des sports et des loisirs.
Puis, le rapporteur a souligné que le montant agrégé des budgets des associations était très important puisqu'il atteignait 250 milliards de francs. Il a ajouté que sur ce total 60 % des ressources étaient d'origine publique (État, collectivités locales et sécurité sociale). Il a précisé que les dons des ménages représentaient une part modeste de ces budgets, soit environ 15 milliards de francs par an.
M. Jacques Oudin, rapporteur, a, par ailleurs, rappelé que le secteur associatif était un élément essentiel de la vie démocratique et qu'en raison de sa proximité avec les citoyens il devait être encouragé, de même que la liberté associative, résultant de la loi du 1er juillet 1901, devait être confortée.
M. Jacques Oudin, rapporteur, a ensuite souligné que, parallèlement à l'explosion du phénomène associatif en France au cours des vingt dernières années, étaient apparus un certain nombre de dysfonctionnements. Parmi ceux-ci, il a évoqué le problème des associations para-publiques et para-administratives sur lesquelles un groupe de travail mis en place par le Premier ministre doit prochainement faire des propositions. Il a également regretté la dérive para-commerciale de certaines associations.
Aussi, il a estimé important que des règles nouvelles soient établies pour rénover le monde associatif. C'est pourquoi il s'est félicité des mesures annoncées par le Premier ministre le 15 janvier 1996 : réforme du conseil national de la vie associative, promotion et encouragement du bénévolat, amélioration du financement public et fiscal des associations, soutien à l'emploi associatif. Il s'est également félicité de la mise en place de plusieurs groupes de travail réunissant associations et administrations pour réfléchir aux questions de l'utilité sociale ou de la transparence des associations.
En conséquence, le rapporteur a estimé que les mois à venir devraient permettre la poursuite d'une véritable réforme des associations.
Puis, M. Jacques Oudin, rapporteur, a présenté l'objet de la proposition de loi, rappelant que dans un contexte budgétaire marqué par la diminution des subventions de l'État et des collectivités locales, les dons et le mécénat devaient être encouragés. Il a décrit les trois dispositions essentielles du texte : une augmentation du plafond et du taux de la réduction d'impôt applicables aux dons faits par les particuliers, à l'exception toutefois des dons aux partis politiques, une augmentation du plafond des dépenses déductibles du bénéfice imposable pour les dons effectués par les entreprises et une augmentation du plafond de l'abattement de taxe sur les salaires dont bénéficient les associations.
M. Jacques Oudin, rapporteur, a conclu son propos en indiquant qu'il souhaitait ajouter à cet octroi de nouveaux avantages fiscaux des mesures de contrôle et de renforcement de la transparence des associations.
Un vaste débat s'est alors instauré.
M. Alain Richard a considéré qu'il fallait réfléchir à la recherche d'un équilibre entre l'intervention volontaire des pouvoirs publics et le recours aux dons pour le financement d'actions relevant de l'intérêt général. Il a estimé que le contrôle de l'opportunité et de la cohérence de ces actions relevait avant tout des pouvoirs publics.
Puis, il s'est interrogé sur l'impact des réductions d'impôt sur l'architecture générale de l'impôt sur le revenu, regrettant en particulier le franchissement de la barre des 50 % pour les dons aux associations "Coluche". Il s'est alors demandé s'il ne conviendrait pas de plafonner les avantages fiscaux en fonction des revenus des intéressés.
M. Michel Charasse a estimé préoccupante l'augmentation uniforme des taux des avantages fiscaux, sans différenciation entre la qualité de gestion des associations concernées. Il a ensuite considéré nécessaire de donner à la Cour des comptes les moyens de disposer de toutes les informations utiles à l'exercice de son contrôle sur les associations faisant appel à la générosité publique.
M. Paul Loridant s'est montré inquiet de la médiatisation excessive du monde associatif, regrettant parfois l'absence de solidarité de proximité et de voisinage. Il s'est également élevé contre l'excès des réductions d'impôt qui porte atteinte à la progressivité de l'impôt sur le revenu.
M. Alain Lambert, rapporteur général, a constaté que le taux de prélèvement obligatoire étant particulièrement élevé en France, la part de ressources que le citoyen pouvait affecter librement à d'autres actions était assez faible, ce qui rendait nécessaire l'existence de réductions d'impôt pour favoriser les dons. Il a également insisté sur la nécessité de soutenir le bénévolat qui traduisait le degré de civisme de la société.
M. François Trucy a estimé que le phénomène associatif avait avant tout une dimension humaine, ce qui rendait d'autant plus regrettable les cents scandales intervenus dans ce secteur.
M. Yann Gaillard s'est interrogé sur la manière dont on pouvait concrètement différencier la qualité de gestion des associations.
En réponse aux différents intervenants, M. Jacques Oudin, rapporteur, a d'abord rappelé que le Premier ministre avait mis en place un groupe de travail sur la transparence des associations dans lequel l'ensemble du monde associatif était impliqué. Ce groupe devra remettre son rapport au mois de septembre 1996. Il a ensuite indiqué qu'il était favorable au respect de la liberté et du bénévolat dans le domaine associatif, ce qui signifiait qu'il fallait renforcer la transparence et les contrôles a posteriori, plutôt que de créer mécanismes de contrôles a priori.
Dans ce contexte, il a estimé que l'on pouvait continuer d'encourager les dons des particuliers, puisque ceux-ci ne représentent qu'un dixième du montant des subventions publiques aux associations.
Puis, M. Jacques Oudin, rapporteur, a estimé indispensable la mise au point d'un plan comptable adapté aux associations avant la fin de l'année, dans lequel seraient clairement définis les frais de fonctionnement des associations.
Puis, la commission a procédé à l'examen des articles de la proposition de loi.
A l'article premier (amélioration du régime fiscal des dons effectués par les particuliers), après les interventions de MM. Alain Richard, Maurice Schumann et Michel Charasse, elle a adopté un amendement portant à 8 % du revenu imposable le plafond des sommes pouvant être déduites dans le cas de dons effectués au profit d'associations reconnues d'utilité publique.
Puis, elle a adopté un amendement rédactionnel pour rendre plus lisible l'extension de l'amendement "Coluche" aux associations fournissant des soins gratuits aux personnes en difficulté.
La commission a ensuite adopté sans modification l'article 2 (amélioration du régime fiscal des dons effectués par les entreprises).
Après l'article 2 , elle a adopté 4 amendements portant articles additionnels, dont l'objet est d'effectuer un certain nombre de coordinations à l'intérieur du code général des impôts.
Puis, la commission a adopté sans modification l'article 2 bis (amélioration du régime de déductibilité des dons effectués par les entreprises).
A l'article 2 ter (augmentation du montant de l'abattement de taxe sur les salaires dont bénéficient les associations), elle a adopté, après les interventions de MM. Alain Richard et Michel Charasse, un amendement dont l'objet est d'indexer le montant de l'abattement de taxe sur les salaires sur la première tranche du barème de l'impôt sur le revenu.
Puis, la commission a maintenu la suppression de l'article 3 (compensation des pertes de recettes).
Après l'article 3 , elle a adopté 7 amendements portant articles additionnels. Le premier a pour objet d'étendre le bénéfice de l'exonération de charges sociales patronales pour l'embauche d'un premier salarié aux associations créées après le 1er août 1992. Le deuxième confère un droit de suite à la Cour des comptes dans son contrôle des associations faisant appel à la générosité publique. M. Michel Charasse a alors estimé qu'il faudrait donner à la Cour des comptes un droit de communication sur l'ensemble des comptes des associations faisant appel à la générosité publique et peut-être sous-amender l'amendement de la commission en ce sens. Le troisième et le quatrième amendements ont pour objet de favoriser la transparence des associations faisant appel à la générosité publique en prévoyant la transmission obligatoire du compte d'emploi des ressources collectées par ces associations, d'une part à chaque donateur ou adhérent de l'association, et d'autre part à la préfecture du département du siège social de l'association. Le cinquième a pour objet de demander au Gouvernement un rapport sur les conditions dans lesquelles il pourrait être procédé à un réexamen régulier de la reconnaissance d'utilité publique. Le sixième prévoit le dépôt d'un rapport au Parlement sur la mise en place d'un plan comptable adapté aux associations. Le septième a pour objet d'enrichir le "jaune" budgétaire relatif aux associations en rendant plus lisibles les noms des associations bénéficiant d'un montant élevé de subventions publiques.
Enfin, la commission a adopté un amendement modifiant l'intitulé de la proposition de loi afin de tenir compte de l'ensemble des modifications qu'elle lui a apportées.