B. LE PROJET DE LOI : UNE APPROCHE PLUS CONFORME À L'ÉTAT ACTUEL DE DÉVELOPPEMENT DE NOTRE PLACE FINANCIÈRE
Le projet de loi qui vous est présenté a fait l'objet d'un processus de maturation particulièrement long. Trois ministres de l'économie ont eu à en connaître et ses dispositions ont été largement concertées avec les Professionnels de la place dont, au demeurant, certains n'ont pas hésité à interpeller le législateur pour qu'il ne modifie en rien un équilibre aussi difficilement trouve... En réalité, ce projet a considérablement évolué depuis sa première version, soumise à la "concertation de place" en août 1994. Le mérite en revient essentiellement à l'actuel ministre de l'économie et les finances, M. Jean Arthuis, cosignataire par ailleurs de la proposition de loi de la commission des finances du Sénat.
Initialement, le projet de loi procédait par simple intégration des entreprises d'investissement dans la loi bancaire, alors que désormais les entreprises d'investissement sont définies dans la loi financière et les principales dispositions les concernant, les obligations déontologiques notamment, ont été reprises dans le corps même du projet. Sa qualité juridique s'est, de ce fait, considérablement améliorée.
Par ailleurs, la procédure d'agrément a été substantiellement revue et le projet institue un système dit de "double clef dans lequel l'autorité professionnelle en charge des métiers du titre conserve un pouvoir décisionnel important, y compris à l'égard des établissements de crédit.
La composition de la COB a été significativement revue en s'inspirant du mode de désignation prôné par la proposition de loi, à l'image de ce qui existe pour le Conseil de la politique monétaire. Désormais la COB comprendra neuf membres, divisés en trois groupes : les représentants des trois juridictions françaises - Cour de cassation, Conseil d'ÉTAT, Cour des comptes - les représentants de l'autorité publique et des autorités professionnelles directement intéressées dans le contrôle de l'épargne publique - la Banque de France, le Conseil des marchés financiers, le Conseil national de la comptabilité - enfin trois personnalités qualifiées désignées par les présidents des assemblées parlementaires et le président du Conseil économique et social et qui ont vocation à représenter les trois mondes que sont les investisseurs, les émetteurs et les intermédiaires.
Enfin, la compétence réglementaire de la COB apparaît beaucoup mieux définie. Sa qualité d'autorité administrative indépendante, déjà reconnue par le juge, est consacrée par le législateur.
Néanmoins ce projet reste empreint d'un préjugé très favorable à l'hégémonie des établissements de crédit, davantage fondé sur l'idée de l'unicité des métiers du crédit et ceux du titre que sur une autonomie véritable des uns par rapport aux autres. Cette idée se retrouve aussi bien dans le volet statutaire que dans le volet institutionnel.
1. La survivance des anciens statuts
Là où la proposition de loi fusionnait, le projet de loi empile, puisque, d'une part, à l'exception des sociétés de bourse et, d'autre part, des agents des marchés interbancaires à qui le projet initial ne prévoyait pas d'accorder le statut d'entreprise d'investissement, les statuts de maisons de titres et de sociétés de gestion de portefeuille demeurent.
Par ailleurs, le statut des entreprises d'investissement correspond, à peu prés, à l'actuel statut des sociétés de bourse. En effet, le projet de loi ne prévoit pas de donner aux entreprises d'investissement l'accès au marché interbancaire dans les mêmes conditions que les maisons de titres. Dès lors, les droits conférés aux entreprises d'investissement de faire du placement ou de la prise ferme à l'émission, risquent fort de n'être que virtuels.
2. Le schéma de contrôle : bancarisation et dyarchie
En dépit de son exposé des motifs qui déclare que "les entreprises investissement disposeront d'autorités d'agrément, de réglementation et de contrôle adaptées à leur spécificité", le projet de loi prévoit une bancarisation quasi-complète des entreprises d'investissement puisque la réglementation prudentielle est assurée par le Comité de la réglementation bancaire (CRB) (article 33), le contrôle prudentiel est assuré par la Commission bancaire (CB) (article 44) et enfin l'agrément relève, en dernier ressort, du Comité des établissements de crédit (CEC) (article 9 troisième alinéa).
Par ailleurs, le projet de loi laisse inchangé le rapport entre l'autorité publique en charge de la protection des investisseurs, disposant d'une compétence de principe et de larges pouvoirs d'élaboration de la règle, de Police de la règle et de sanction de la règle, et l'autorité professionnelle à qui est confiée l'élaboration des règles de bonne conduite (limitativement définie) et le contrôle des intermédiaires. Ainsi, la loi consacrera, d'une part, la dissociation entre la protection des investisseurs et le contrôle des intermédiaires, et d'autre part, la forte asymétrie de légitimité et de pouvoirs des autorités en charge de ces missions.
L'avenir dira si un tel schéma est viable.
Un tel projet a pour avantage de conforter la position dominante des établissements de crédit, sans bouleverser le schéma institutionnel. Il consacre l'approche, traditionnelle en droit français, par statut et non par métier. Enfin » il procède à un nombre considérable de modifications de la loi bancaire. A cet égard, l'article 59 du projet de loi restera sans doute dans les annales de la législation par référence puisqu'il ne contient pas moins de 24 séries de modifications de cette loi, certaines séries modifiant jusqu'à 5 articles à la fois de la loi bancaire.
Témoin de cette vision dégradée de l'entreprise d'investissement, la grande répugnance de certains représentants des maisons de titres à entrer dans la catégorie des entreprises d'investissement et leur farouche détermination à conserver le statut d'établissement de crédit.
Depuis la publication de ce projet de loi, votre commission a beaucoup consulté ( ( * )5) . De nouvelles pistes de réflexions ont été explorées. Respectant la logique de nos institutions, votre commission a travaillé en étroite collaboration avec les services techniques du ministère de l'économie et des finances, dont la grande disponibilité a permis d'esquisser des voies de compromis acceptables par l'ensemble de la profession, sans éviter pour autant de heurter certaines susceptibilités. Telle n'est pas du reste la vocation du Parlement.
Par ailleurs, les positions de votre commission ont notablement évolué. Dans la mesure, par exemple, où la subordination du CMF à la COB n'était pas acceptable par le Gouvernement, la dévolution au CMF d'un Pouvoir d'agrément n'était plus légitime. Vouloir maintenir à tout prix cette Position aurait fait courir un risque plus grand que le malthusianisme public : le corporatisme privé. Votre commission ne vous demandera donc pas de bouleverser le schéma de contrôle proposé par le Gouvernement, pour revenir au schéma initialement proposé.
Le Gouvernement pour sa part a su prendre en considération les Préoccupations, les craintes et les désirs de votre commission et l'essentiel des propositions qui vous seront faites devraient, en principe, recueillir son assentiment.
Si bien qu'aujourd'hui, votre commission est en mesure de vous faire une série de propositions qui aboutissent à dégager une nouvelle synthèse.
* (5) Voir en annexe la liste des auditions.