II COMPARAISON ENTRE LA PROPOSITION DE LOI ADOPTÉE PAR VOTRE COMMISSION DES FINANCES ET LE PROJET DE LOI DU GOUVERNEMENT
Les deux approches normatives retenues étaient et restent substantiellement différentes. En effet, la proposition de loi de votre commission traduisait une vision structurante de long terme de la place financière. Le projet de loi reflète en revanche une approche plus conforme à la réalité juridique et économique française d'aujourd'hui et plus proche des préoccupations des grands établissements de crédit. Une synthèse entre les deux textes semble néanmoins possible.
A. LA PROPOSITION DE LOI : UNE VISION STRUCTURANTE DE LONG TERME
Il est possible de distinguer deux volets dans la proposition de loi : un v olet statutaire qui concerne les conditions d'accès à la profession et les obligations auxquelles sont soumis les intermédiaires ; un volet institutionnel relatif aux autorités de contrôle. Sur ces deux points, la proposition faisait, selon l'expression d'un haut responsable de la place, "oeuvre d'imagination", Puisqu'elle proposait une fusion radicale des statuts et une simplification du schéma d'agrément, de réglementation et de contrôle.
1. Une fusion radicale des statuts
Sans exclure l'intervention directe des établissements de crédit, ni imposer la filialisation de leurs activités, la proposition de loi, fidèle en cela à l'approche retenue par la directive, était tout entière construite autour de la notion d'entreprise d'investissement (article premier).
Elle permettait ainsi la disparition par fusion-absorption des différents statuts qui existent aujourd'hui : les sociétés de bourse, les maisons de titre, les sociétés de gestion de portefeuille, les agents des marchés interbancaires, les sociétés d'investissement, les sociétés de gestion d'OPCVM...
Elle structurait par ailleurs le statut d'entreprise d'investissement autour de trois grands métiers : les gestionnaires d'instruments financiers, les négociateurs et les placeurs.
La ligne de partage passait ainsi entre les établissements de crédit et les entreprises d'investissement :
2. Une simplification du schéma de contrôle
En application du principe de l'autonomie des métiers du titre, la proposition de loi prévoyait d'instituer des autorités spécifiques de contrôle, de réglementation et d'agrément pour les entreprises d'investissement.
Elle prévoyait ainsi de mettre en place une autorité professionnelle forte, le Conseil des marchés financiers (CMF), par fusion du Conseil des bourses de valeurs, du Conseil du marché à terme et du Conseil de discipline des OPCVM. Cette autorité aurait eu vocation à exercer l'agrément, le contrôle déontologique et la réglementation des opérations. Seul le contrôle prudentiel demeurait lié à la Commission bancaire.
Partant du postulat qu'il est impossible de dissocier la protection des investisseurs du contrôle des intermédiaires, elle substituait à l'actuelle relation fonctionnelle entre l'autorité publique (la COB) et l'autorité professionnelle (CBV, CMT) une relation hiérarchique souple s'exprimant au travers du pouvoir de nomination conféré à la COB, et l'institution d'un pouvoir d'évocation, permettant à l'autorité publique de reprendre à chaque instant les compétences déléguées par la loi à l'autorité professionnelle.
Elle s'inscrivait ainsi dans une logique paneuropéenne de constitution d'une autorité nationale de supervision des contrôles des marchés financiers européens.
A cela, il convient d'ajouter, d'une part, que la proposition de loi optait le parti pris d'un instrument juridique unique, lisible aussi bien par la veuve de Carpentras que par le gestionnaire de Singapour, abrogeant et codifiant les nombreuses lois financières antérieures (loi boursière de 1988 ; 01 sur les marchés à terme de 1885, loi sur la transparence des marchés de 1989, etc.) et d'autre part, qu'elle embrassait l'ensemble des métiers du titre, y compris les métiers auxiliaires, au premier rang desquels le démarchage financier pour lequel elle créait une nouvelle catégorie - les intermédiaires en services d'investissement - dont le régime juridique était en partie calqué sur celui des intermédiaires en opérations de banque prévu par les articles 65 et suivants de la loi bancaire.
Mais la part réservée aux entreprises d'investissement était sans doute trop grande et ne prenait pas suffisamment en compte les aspirations de la place financière. D'autre part, l'heure n'était sans doute pas encore venue de simplifier et de rationaliser substantiellement le paysage institutionnel.
Si bien qu'en dépit d'échos favorables, cette proposition de loi ne fit pas consensus. Du reste, tel n'était pas son objet.
Cet objet était, pour reprendre l'expression de M. Christian Poncelet, Président de la commission des finances du Sénat, lors de sa présentation à la presse en février 1995, de jouer le rôle d'un "aiguillon" dans le débat en cours, Cet objectif semble avoir été atteint.