EXAMEN DES ARTICLES
Article premier - Pérennisation et amélioration du dispositif de réduction et d'aménagement conventionnel de la durée du travail (Art. 39 de la loi quinquennale n° 93-1313 du 20 décembre 1993)
L'article premier de la proposition de loi telle qu'elle ressort des travaux de l'Assemblée nationale réécrit partiellement le texte de l'article 39 de la loi quinquennale modifié par la loi du 4 février 1995 portant diverses dispositions d'ordre social sur quatre points majeurs :
- il supprime le caractère expérimental du dispositif et le pérennise ;
- il supprime l'obligation de diminuer les salaires ;
- il transforme l'aide de l'État en une exonération partielle de charges sociales (non compensée) ;
- enfin, il porte de trois à dix ans la durée de l'avantage d'exonération consenti à l'employeur.
Le 1° de l'article réécrit le I de l'article 39. Le nouveau texte ne mentionne désormais plus le caractère expérimental. Il dispose que lorsqu'une convention ou un accord d'entreprise conclu en application de l'article L. 212-2-1 du code du travail (modulation des heures du travail sur tout ou partie de l'année assortie d'une réduction collective de la durée du travail, dite de « type III » 1 ( * ) ), prévoit une réduction de la durée initiale de travail d'au moins 15 % (chiffre inchangé par rapport au droit actuel, ce qui correspond à un peu plus de 33 heures hebdomadaires), les gains et rémunérations des entreprises ou des établissements concernés sont partiellement exonérés de cotisations sociales (actuellement l'État compense une quote-part des charges sociales). Les conditions et les modalités de cette exonération sont déterminées au II de l'article 39. On notera que l'obligation de réduction du salaire concomitante à la baisse de la durée du travail n'est plus exigée et que l'exonération est automatique, dès lors que les conditions en sont remplies, ce qui n'est pas le cas dans la rédaction actuelle (peut ouvrir droit).
Le 2° modifie le II de l'article 39 afin de déterminer les conditions et les modalités de l'exonération de charges sociales. Il fixe à 50 % le taux de l'exonération la première année et à 30 % les années suivantes (a). A la suite d'un large débat consécutif à un amendement du Gouvernement, la durée de l'exonération, qui n'était pas limitée dans la proposition de loi, a été fixée à 10 ans (b). En revanche, le souhait de la commission d'abaisser à deux ans au lieu de trois l'obligation de maintien de l'effectif résultant des embauches compensatrices pour conserver le droit à exonération n'a pas été suivi par l'Assemblée. Le nouvel effectif devra être maintenu pendant trois ans, quitte à l'abaisser ensuite pour tenir compte de la conjoncture économique. En revanche, une hausse de l'horaire ferait tomber l'avantage.
Il résulte des diverses modifications adoptées par l'Assemblée nationale que l'exonération est accordée pour dix ans et que pendant trois ans l'entreprise ou l'établissement doit maintenir un effectif augmenté de 10 % par rapport à l'effectif moyen annuel initial (les embauches sont réalisées de telle sorte qu'elles correspondent au volume d'heures effectuées par l'effectif moyen annuel augmenté de 10 %. Cf. décret n° 94-395 du 18 mai 1994). L'entreprise dispose de six mois pour procéder à ces embauches. Le délai de trois ans est compté à partir du moment où l'entreprise a augmenté son effectif. Le contrôle relève du préfet, ou par délégation du directeur départemental du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle, qui signe une convention avec l'entreprise.
Le 3° confère encore davantage de souplesse au dispositif, d'une part en considérant le cas des entreprises ou des établissements appliquant déjà un horaire inférieur à la durée légale, d'autre part, en autorisant le cumul de l'exonération avec d'autres exonérations de charges à caractère général.
Il est donc prévu de compléter le II de l'article 39 par deux alinéas. Le premier renvoie à la convention conclue avec l'État le soin de déterminer les conditions de la réduction de l'horaire et de l'augmentation de l'effectif, pour les entreprises ou les établissements dont l'horaire de travail est déjà inférieur à 39 heures. Il s'agit de ne pas les pénaliser lorsqu'elles ont d'elles-mêmes réduit la durée de travail. Le second alinéa pose le principe du non-cumul des exonérations de 50 et 30 % présentées ci-dessus avec une autre exonération de cotisations patronales totale ou partielle. Toutefois, le cumul est possible avec l'exonération de cotisations familiales (art. L. 241-6-1 du code de la sécurité sociale pour le cas général, art. L. 241-6-2 pour les zones de revitalisation rurale et art. 7 de la loi quinquennale pour les entreprises nouvelles), avec l'abattement (30 %) de charges sociales pour le temps partiel (art. L. 322-12 du code du travail) et avec la ristourne dégressive de charges sociales instituée par l'article L. 241-13 du code de la sécurité sociale.
Ainsi pour les rémunérations inférieures aux seuils fixés par ces différents articles et pour les emplois à temps partiel, les exonérations de 50 et 30 % se cumulent, donnant à ces entreprises un avantage important en terme de coût du travail.
Le 4°, ajouté par la commission des affaires culturelles, familiales et sociales à la proposition de loi, étend le dispositif aux unités de travail dont l'horaire est réduit dans le cadre d'une convention ou d'un accord conclu en application de l'article L. 212-2-1 du code du travail. L'objectif est le même que pour les entreprises ou établissements pratiquant un horaire inférieur à la durée légale : toutefois, dans le cas présent, c'est le décret d'application de l'article qui déterminera les conditions de mise en oeuvre de la réduction d'horaire et non la convention passée avec l'État, qui n'est évidemment pas exclue pour autant. Le III de l'article 39 est donc modifié en conséquence.
Enfin, le 5° supprime le IV de l'article 39, par coordination avec la suppression du caractère expérimental et la pérennisation du dispositif. Actuellement, la rédaction de l'article ne permet la conclusion d'accords ou de conventions de ce type que jusqu'au 31 décembre 1996. La mention d'un rapport sur le bilan de cette mesure, qui figure dans ce paragraphe, est reprise à l'article 3 ci-après de la proposition de loi.
Votre commission, sur cet article, pour les raisons exposées dans l'introduction générale du présent rapport, vous propose huit amendements.
Trois amendements visent à réduire les ambitions affichées par l'article 39 en 1993 : rares en effet sont les entreprises en mesure d'abaisser la durée du travail de 15 % et de procéder à des embauches à hauteur de 10 % de l'effectif moyen annuel. Par souci de réalisme, il est donc proposé d'abaisser ces deux seuils respectivement à 10 % et à 5 %. En conséquence de la réduction de l'effort demandé, l'avantage d'exonération consenti en contrepartie est limité à cinq ans au lieu de dix.
Un autre amendement réintroduit, parce qu'il n'est pas possible de laisser croire que la diminution du temps de travail peut se faire sans diminution de salaire, et dans le but de favoriser l'articulation du dispositif avec le temps partiel, l'obligation de réduire les salaires. La commission souhaite préciser que cette réduction n'a pas à s'appliquer au cas par cas, mais plutôt en moyenne, ou en terme de masse salariale. Il reviendra donc à l'accord de prévoir une modulation de ces réductions.
Par ailleurs, considérant que l'échec relatif de l'article 39 n'est pas dû au taux de l'allégement de charges, mais aux objectifs trop ambitieux, votre commission a considéré qu'il n'y avait pas lieu de le changer et propose par amendement de revenir au taux initial.
Concernant le délai dans lequel l'entreprise doit procéder aux embauches compensatoires, votre commission a considéré que les six mois impartis ne pouvaient pas être respectés par les grosses entreprises. Aussi, par pragmatisme, elle propose un amendement renvoyant à la convention signée avec l'État la fixation du délai, en précisant cependant que celui-ci ne peut excéder un an.
Par ailleurs, considérant qu'il était excessif de maintenir l'exonération de charges sociales si l'effectif était réduit, elle propose un amendement mettant dans ce cas fin à l'exonération. Néanmoins, pour donner une certaine souplesse au dispositif, il est proposé un délai de régularisation d'un an, délai qui s'appliquera également au cas où l'horaire collectif serait de nouveau augmenté (pour ce cas, dans la rédaction actuelle, la suppression de l'exonération est immédiate).
L'effort consenti par une entreprise qui passe de 35 heures à 33 heures n'est pas le même que celui consenti par une entreprise qui passe de 39 heures à 33 heures. En conséquence, la proposition de loi module la diminution d'horaire et l'augmentation de l'effectif. Cependant, l'exonération reste à 50 (ou 40) et 30 %, ce qui n'est pas logique : il convient donc de renvoyer également à la convention la fixation du taux d'exonération. Tel est l'objet du dernier amendement présenté sur cet article.
Votre commission vous demande d'adopter cet article ainsi modifié.
* 1 Par comparaison aux modulations de type I et II (cf. art. L. 212-8 et suivants institués par la loi du 19 juin 1987).