II. LE CONTENU DU PROJET DE LOI
A. DES DISPOSITION TENDANT À RENFORCER LA RÉPRESSION DU TERRORISME
1. Les dispositions modifiant le code pénal (articles 1 à 5)
a) L'extension de la notion d'actes de terrorisme
Ainsi qu'indiqué précédemment, l'article 421-1 du code pénal énumère une série d'infractions prévues par le droit commun et qui constituent des actes de terrorisme « lorsqu'elles sont en relation avec une entreprise individuelle ou collective ayant pour but de troubler gravement l'ordre public par l'intimidation ou la terreur » .
L'article 1er du projet de loi propose une extension de cette énumération. Il prévoit que pourront désormais constituer des actes de terrorisme (toujours s'ils sont liés à une entreprise ayant pour but de troubler gravement l'ordre public par l'intimidation ou la terreur) :
- les infractions en matière de groupe de combat et de mouvements dessous ;
- le recel de l'auteur d'un crime ;
- le faux et l'usage de faux, ainsi que le recel de faux documents administratifs ;
- l'acquisition, la détention ou la cession illégale d'une arme à feu ;
- l'aide à l'entrée, à la circulation ou au séjour irréguliers d'un étranger.
Cette extension aura pour effet de rendre applicables aux personnes poursuivies l'ensemble des règles de fond et de procédure particulières aux actes de terrorisme : aggravation des peines encourues, durée maximale de la garde à vue portée à 96 heures, possibilité de repentir, délai de prescription allongé, compétence des juridictions parisiennes...
A cette extension de la liste des actes de terrorisme prévus par l'article 421-1 du code pénal viendrait s'ajouter un nouveau délit, l'association de terroristes, créée par l'article 2 du projet de loi. La création d'un tel délit avait été envisagée par le Gouvernement lors du dépôt du projet de loi sur le nouveau code pénal. Elle avait été écartée par l'Assemblée nationale en seconde lecture, au motif que la définition retenue par l'article 450-1 pour le délit général d'association de malfaiteurs (« tout groupement formé ou entente établie en vue de la préparation, caractérisée par un ou plusieurs faits matériels, d'un ou plusieurs crimes ou d'un ou plusieurs délits punis de dix ans d'emprisonnement » ) permettrait d'appréhender l'hypothèse de la participation à un groupement de terroristes.
Vingt mois d'application du nouveau code pénal ont cependant en évidence ce que l'exposé des motifs du présent projet de loi appelle « difficultés d'interprétation » .
Le fait de consacrer un article spécifique à l'association de terroristes, qualifiée expressément d'acte de terrorisme, devrait permet de surmonter ces difficultés.
b) L'extension du champ d'application du délit de recel de criminel
L'article 434-6 du code pénal réprime « le fait de fournir à la personne auteur ou complice d'un crime un logement, un lieu de retraite, des subsides, des moyens d'existence ou tout autre moyen de la soustraire aux recherches ou à l'arrestation » .
Sont néanmoins exceptés de cette disposition les proches du criminel (parents, frères et soeurs, conjoint...).
L'article 5 du projet de loi propose d'élargir le champ d'application de cette infraction, aujourd'hui limité au recel de criminel, au recel de l'auteur ou du complice d'un acte de terrorisme puni d'au moins dix ans d'emprisonnement.
Cette modification devrait permettre de sanctionner le fait d'apporter un support logistique aux terroristes.
Les dispositions modifiant le code de procédure pénale (articles 6 à 7 ter)
S'agissant de la procédure pénale, la principale modification prévue par le projet de loi consiste à autoriser, sous certaines conditions, les visites, perquisitions et saisies effectuées la nuit.
En effet, en vertu de l'article 59 du code de procédure pénale. « sauf réclamation faite de l'intérieur de la maison ou exceptions prévues par la loi, Perquisitions et les visites domiciliaires ne peuvent être commencées avant heures et après 21 heures » . Bien que cette disposition soit relative à préliminaire et de flagrance, ce principe est également applicable à l'enquête préliminaire et à l'instruction, en vertu de l'article 76 pour la première et des articles 95 et 96 pour la seconde.
Une première exception à cette règle avait été apportée par une finance du 25 novembre 1960 qui avait autorisé les visites, perquisitions infractions « à toute heure du jour et de la nuit en vue d'y constater les infractions » en matière de proxénétisme. La même exception a été prévue en matière de trafic de stupéfiants par une loi du 31 décembre 1970.
Ces deux dérogations ont été reprises en substance par la loi du 16 décembre 1992, dite « loi d'adaptation » du nouveau code pénal.
Comme le fait observer l'exposé des motifs du présent projet de loi « il est (...) paradoxal que la législation concernant le terrorisme soit moins élaborée que celle concernant le trafic de drogue » . L'article 7 du projet de autorisant également de remédier à ce que l'on peut considérer comme une anomalie en autorisant également les saisies et perquisitions nocturnes en matière de terrorisme, tout en prévoyant certaines garanties :
- d'une part, elles ne peuvent être opérées que « si les nécessités de l'enquête ou de l'instruction l'exigent ;
- d'autre part, comme en matière de stupéfiants, les perquisitions, visites domiciliaires et saisies effectuées la nuit nécessiteront au préalable l'autorisation d'un magistrat du siège, soit (lorsqu'elles ne seront pas autorisées par le juge d'instruction) du président du tribunal de grande instance ou de son délégué.
A l'initiative du Gouvernement, l'Assemblée nationale a adopté un amendement aux termes duquel chaque autorisation devrait être écrite et motivée, cette exigence est d'ailleurs étendue par l'article 7 ter du projet de loi au trafic de stupéfiants.
B. DES DISPOSITION TENDANT À RENFORCER LA RÉPRESSION DES ATTEINTES AUX PERSONNES DÉPOSITAIRES DE L'AUTORITÉ PUBLIQUE OU CHARGÉES DUNE MISSION DE SERVICE PUBLIC
1. La désignation expresse de certaines personnes en charge d'une mission de service public (article 8)
Plusieurs articles du code pénal érigent en circonstance aggravante le fait que la victime soit une personne dépositaire de l'autorité publique chargée d'une mission de service public. Il en va notamment ainsi en cas meurtre (article 221-4), de violences (articles 222-8 et suivants) ou de certaines atteintes aux biens (article 322-3).
Ces articles désignent certaines personnes comme étant expressément dépositaires de l'autorité publique ou chargées d'une mission de service public (magistrats...).
L'article 8 du projet de loi propose d'étendre la liste de ces personnes expressément désignées aux militaires de la gendarmerie et aux fonctionnaires de la police nationale, des douanes et de l'administration pénitentiaire faisant, il n'apporte pas de modification de fond (ces personnes effectivement chargées d'une mission de service public) mais renforce, F reprendre les termes de l'exposé des motifs, « la fonction expressive nouveau code pénal » .
2. L'aggravation des peines encourues en cas d'infraction contre une personne dépositaire de l'autorité publique ou chargée d'une mission de service public
a) Une modulation des peines encourues en fonction du nombre de circonstances aggravantes.
Le fait que la victime soit une personne dépositaire de l'autorité Publique ou chargée d'une mission de service public n'est pas la seule circonstance aggravante prévue par le code pénal. Celui-ci prévoit également une aggravation des peines encourues :
- lorsque la victime est un mineur de quinze ans, une personne vulnérable, un ascendant ou un témoin ;
- lorsque l'auteur de l'infraction est le conjoint de la victime, une personne chargée d'une mission de service public, ou a agi avec préméditation, avec usage d'une arme ou avec plusieurs personnes.
Toutefois, le code pénal ne prévoit pas de modulation de la peine encourue en fonction du nombre de circonstances aggravantes.
C'est pourquoi le projet de loi prévoit une aggravation des peines encourues lorsque des violences ou des atteintes aux biens auront été commises dans deux ou trois des circonstances précitées.
b) L'aggravation des peines en cas de délit d'outrage
Afin de réprimer plus efficacement le délit d'outrage, l'article 18 du projet de loi prévoit une aggravation des peines lorsque cette infraction est commise en réunion. Dans cette hypothèse, l'outrage sera désormais passible d'une peine d'emprisonnement (fixée à six mois) lorsqu'il sera adressé à une personne chargée d'une mission de service public. S'il est adressé à une passible dépositaire de l'autorité publique l'outrage commis en réunion sera passible d'un an d'emprisonnement et de 100 000 F d'amende (au lieu de six et 50 000 F en l'absence de réunion).
3. La création de délits contre les personnes dépositaires de l'autorité publique ou chargées d'une mission de service public
En l'état actuel du droit, les menaces contre une personne dépositaire de l'autorité publique ou chargée d'une mission de service public ne sont pas en elles-mêmes suffisantes pour donner lieu à des poursuites pénales. Elles doivent pour cela être :
- soit réitérées ou matérialisées par un écrit, une image ou tout autre objet (articles 222-17 et 322-12 du code pénal) ;
- soit proférées avec l'ordre de remplir une condition (articles 222-1° et 322-13) ;
- soit faites dans le but d'obtenir de la victime qu'elle accomplisse ou s'abstienne d'accomplir un acte de sa fonction (article 433-3).
Encore convient-il de préciser que, dès lors qu'elles ne constituent pas des actes d'intimidation au sens de l'article 433-3 du code pénal, les menaces proférées à l'encontre d'une personne dépositaire de l'autorité publique ou chargée d'une mission de service public obéissent aux mêmes règles que les menaces proférées contre une autre personne : les éléments constitutifs et les peines encourues sont identiques.
Le projet de loi propose de remédier à cette situation.
A cette fin, il prévoit de créer de nouveaux délits, à savoir :
- la simple menace de crime ou délit contre une personne dépositaire de l'autorité publique ou chargée d'une mission de service public (article 13),
- la menace d'atteinte aux biens d'une telle personne faite en vue d'influence son comportement (article 16) ;
- la menace d'atteinte aux biens d'une telle personne faite en vue d'influencer son comportement et avec l'ordre de remplir une condition (article 17).
Par ailleurs, le projet de loi érige en circonstance aggravante le fait que la victime d'une menace d'un crime ou d'un délit soit une personne dépositaire de l'autorité publique ou chargée d'une mission de service public.
C. LES DISPOSITION RELATIVES À LA POLICE JUDICIAIRE
Les articles 20 à 22 ter du projet de loi sont relatifs à la police judiciaire.
Pour l'essentiel, ces dispositions procèdent à des terminologiques, destinées à tenir compte des décrets du 9 mai 1995 pris en application de la loi d'orientation et de programmation relative a la sécurité du 21 janvier 1995. Celle-ci ayant posé le principe du regroupement au sein d'un même corps des policiers en civils et des policiers en tenue, lesdits décrets ont notamment créés les corps de commandement et d'encadrement de la police nationale (regroupant les anciens inspecteurs de police, les commandants et officiers de paix, auxquels ont succédé les lieutenants, capitaines et commandants de police) et celui de maîtrise et d'application de la police nationale (regroupant les anciens gardiens de la paix, brigadiers, brigadiers-chefs et enquêteurs, auxquels ont succédé les gardiens de la paix, brigadiers et brigadiers-major de police). Le projet de loi modifie donc en conséquence les appellations utilisées jusqu'à présent par les textes législatifs.
Il propose cependant, au-delà de ces adaptations purement terminologiques, trois modifications de fond :
- l'ancienneté requise pour que les gendarmes puissent acquérir la qualité d'officier de police judiciaire est ramenée de quatre à trois ans ;
- les officiers de paix de la police nationale (devenus depuis les décrets précités lieutenants de police) pourront désormais acquérir la qualité officier de police judiciaire quand bien même ils n'auraient pas deux années services effectifs en qualité de titulaires ;
- la qualité d'agent de police judiciaire est élargie aux fonctionnaires glaires du nouveau corps d'encadrement de la police nationale et aux élèves lieutenants de police.