AVANT PROPOS

Le budget des charges communes représente 40% du total des dépenses définitives du budget général, soit la plus importante masse financière figurant dans un fascicule budgétaire.

Il n'est toutefois pas significatif d'en analyser l'évolution globale, car ce budget regroupe un ensemble de crédits très disparates dont les évolutions sont sensiblement différentes et nécessitent un examen séparé.

En effet, la plupart de ces crédits ont une importance économique ou politique particulière qui justifie leur inscription à ce budget.

Ainsi en est-il, en premier lieu, de la charge de la dette publique qui constitue le deuxième budget de l'État après l'Éducation nationale. Dans le présent projet de budget, le service de la dette progresse plus fortement que l'ensemble des autres dépenses de l'État et explique, à nouveau pour une large part, l'ampleur du déficit budgétaire annoncé.

Les crédits inscrits au budget des charges communes permettent également de financer certaines dépenses de personnel, en particulier de charges sociales. Y figurent aussi les dotations destinées au fonctionnement des pouvoirs publics.

Les autres crédits servent à financer une multiplicité d'interventions.

Au premier rang de celles-ci viennent les interventions économiques avec, notamment, les mesures pour l'emploi ainsi que la participation de l'État au service d'emprunts à caractère économique et le financement des meures en faveur du logement ; puis les interventions sociales, avec en particulier les crédits en faveur des rapatriés.

Enfin, le budget des charges communes prend en charge une partie importante des crédits afférents à l'action internationale de la France, c'est-à-dire la participation financière de la France à divers fonds et organismes internationaux, une partie des annulations de dettes aux pays les moins avancés, ainsi que les crédits de garantie à l'exportation.

Par ailleurs, le budget des charges communes comporte un poste particulier et important, celui des "dépenses en atténuation de recettes" qui correspondent pour l'essentiel à des dégrèvements et remboursements d'impôts. Ce ne sont pas des "charges" budgétaires comme le sont les autres crédits du budget général, mais elles s'inscrivent bien en réduction de l'équilibre budgétaire final.

Enfin, on soulignera que l'une des principales spécificités du budget des charges communes résulte de la nature provisionnelle ou évaluative d'environ 90 % des crédits, qui, en conséquence, font souvent l'objet de modifications significatives en cours d'exécution ou en loi de règlement. Tel est notamment le cas de la charge de la dette publique.

CHAPITRE PREMIER - PRÉSENTATION GÉNÉRAL DES CRÉDITS

I. DES CRÉDITS VOTÉS AUX DÉPENSES EXÉCUTÉES

Depuis plusieurs années, les crédits inscrits au budget des charges communes augmentent de façon significative, tant en valeur absolue qu'en valeur relative par rapport aux autres dépenses de l'État et par rapport au PIB.

En outre, en cours d'exécution et malgré les régulations budgétaires intervenues au cours des derniers exercices, les dépenses des charges communes augmentent chaque année de près de 30 %.

A. UN BUDGET INITIAL EN PROGRESSION CONSTANTE

L'augmentation importante et continue du budget des charges communes au cours des dernières années ne doit pas être analysée comme celle d'un budget sectoriel. Les charges communes sont en effet un budget de "politique économique" qui rassemble, d'une part, des dépenses à caractère interministériel, principalement financières, et, d'autre part, des crédits d'intervention à caractère politique, économique, social ou international, dont l'importance est le plus souvent liée à l'évolution de la conjoncture ou à une forte volonté politique.

Le tableau ci-après fournit le détail, par titre, de l'évolution du budget des charges communes depuis 1990.

Crédits votés en loi de finances initiale

Au cours de ces années, le budget des charges communes a progressé sensiblement plus vite que le budget de l'État.

(1) Hors remboursements et dégrèvements d'impôts et en loi de finances initiale.

Évolution du PIB en valeur, du budget de l'État et du budget des charges communes depuis 1989

L'essentiel de cette augmentation est dû au titre I relatif à la dette publique et aux dépenses en atténuation de recettes qui a progressé d'environ 10% par an depuis 1988.

Les mouvements importants constatés sur les crédits du titre IV sont liés, pour les diminutions, à différents mouvements de transferts, par exemple vers le budget des affaires sociales pour l'allocation de RMI ou encore vers le Fonds de solidarité vieillesse. Pour les augmentations, les évolutions constatées résultent essentiellement de la progression rapide des mesures pour l'emploi.

Les crédits du titre III sont restés relativement stables au cours de cette période, principalement sous l'effet d'une politique salariale maîtrisée, à l'exception des exercices 1991 et 1992 au cours desquels les dépenses avaient été manifestement sous-évaluées. Toutefois, les charges de pensions se sont sensiblement accrues au cours des plus récentes années.

La forte baisse constatée sur les crédits du titre V à partir de 1992 s'explique par la débudgétisation des concours de l'État aux entreprises publiques.

Enfin, après avoir augmenté plus rapidement que le budget de l'État, les crédits du titre VI connaissent une diminution en 1996. De fait, l'impact budgétaire des décisions prises lors des sommets de la Baule, Toronto et Dakar d'annuler les dettes des pays les moins avancés s'amoindrit progressivement.

Au total, la forte croissance des crédits des charges communes, observée depuis plusieurs années, résulte donc avant tout de la hausse sans précédent de la charge de la dette publique.

B. DES DÉPENSES EXÉCUTÉES NETTEMENT SUPÉRIEUR AUX CRÉDITS VOTÉS

Chaque année, on constate un écart significatif entre les dépenses effectives et les dépenses inscrites en loi de finances initiale.

Cet état de fait a deux raisons essentielles :

- l'importance des crédits évaluatifs ou provisionnels inscrits au budget des charges communes, soit près de 90 % des dotations, qui entraîne l'inscription de crédits supplémentaires significatifs en loi de finances rectificative, puis en loi de règlement ;

- l'importance des transferts effectués depuis ou vers certains chapitres du budget des charges communes, en particulier pour les dépenses de personnel (pensions).

Le tableau ci-après fournit le détail, par titre, de ces évolutions.

Des crédits votés aux dépenses exécutées

Des crédits votés aux dépenses exécutées

Deux titres sont principalement concernés par ces importants dépassements de crédits : les titres III et IV. Traditionnellement (avant l'exécution 1994), la charge de la dette publique, inscrite au titre I, faisait également l'objet de dépassements significatifs.

1. Les moyens des services

Les crédits du titre III donnent lieu chaque année à de très importants dépassements de crédits.

Évolution des crédits du titre III

Cette situation est liée à la gestion particulière de certains chapitres et notamment de ceux qui regroupent les charges de pensions.

En effet, la dotation initiale inscrite à ce titre au budget des charges communes représente uniquement la provision destinée à financer, le cas échéant, l'incidence des mesures de revalorisation des rémunérations publiques pouvant intervenir en cours d'année. Par la suite, en cours d'exercice, le transfert des crédits de pensions en provenance des autres ministères vient abonder le chapitre des charges communes.

Le budget des charges communes joue donc un rôle centralisateur en regroupant les crédits des différents ministères et en assurant l'ensemble des versements relatifs aux pensions.

OBSERVATION DE LA COUR DES COMPTES SUR LES DÉPENSES DE PENSIONS (11 ( * ))

Les dépenses brutes de pensions sont regroupées sur le budget des charges communes. Leur montant se décompose en deux masses très inégales.

Évolution des dépenses de pensions sur la période 1991-1994

(en millions de francs)

Pour la première masse, qui concerne le "régime de retraite des ouvriers de l'État" -chapitre 32-92-, l'évolution est caractérisée par une baisse régulière de l'effectif des cotisants depuis 1990 (- 10,8%), sous l'effet de la baisse des effectifs accentuée par l'application du décret n° 87-417 du 17 juin 1987 qui a prévu une cessation anticipée d'activité pour les ouvriers âgés de 55 à 60 ans. Ce dispositif a concerné plus particulièrement les établissements du ministère de la défense qui représentent 83 % de l'effectif des cotisants. Durant cette même période, les effectifs retraités ont augmenté de 4,3 % (droits directs + droits dérivés).

L'effet conjugué de la baisse des cotisations et de l'augmentation des prestations a eu pour conséquence d'accroître la subvention versée par l'État pour assurer l'équilibre du régime.

Ce rapport démographique défavorable est appelé à se dégrader encore pour les années à venir, compte tenu notamment de la baisse des effectifs ouvriers au sein du ministère de la défense (près de 2.000 suppressions d'emploi en rythme annuel). D'après les prévisions de la direction du budget, le régime devrait compter en 1999 environ 73.000 cotisants pour 118.000 pensionnés, soit un rapport démographique de 0,62.

Cette évolution conduira à un financement toujours plus important de l'État.

C'est ce qu'annonce déjà le tableau ci-joint qui retrace, pour la période 1990-1994, l'évolution du Fonds spécial des ouvriers de l'État et qui montre l'augmentation très forte des dépenses sur ce chapitre : + 27,8 % en 4 ans

(en millions de francs)

Pour la niasse des "pensions civiles et militaires" -chapitre 32-97-, qui, avec 144 milliards, représente 96% du total des dépenses de pension, les prévisions concernant l'évolution démographique et financière de ce régime de retraite sont également préoccupantes : le régime spécial de retraite des fonctionnaires civils et militaires de l'État compte, en 1994, 1,5 million de bénéficiaires (droits directs et ayant droit), dont 900.000 au titre des services civils et 600.000 (soit 40%) au titre des services militaires. Les projections établies par la direction du budget font craindre une dégradation marquée et continue du rapport démographique du régime des fonctionnaires civils (2,5 en 1995, contre 1,4 à l'horizon 2015) et un quasi stabilité du même rapport pour les militaires. Par comparaison, le rapport démographique du régime général des retraites baissera de 1,8 en 1995 à 1,2 en 2015. Ainsi constaterait-on dans les hypothèses retenues par la direction du budget (notamment une stabilité parfaite des effectifs de cotisants), une détérioration rapide du rapport démographique du régime des fonctionnaires civils, même si le point d'aboutissement devait rester en 2015 légèrement supérieur à celui du régime général des retraites : 1,4 au lieu de 1,2. Il y aurait en effet une croissance plus rapide du nombre de retraités fonctionnaires due à des âges de départ à la retraite plus précoces que dans le régime général.

Le tableau suivant montre les projections démographiques à long terme établies par la direction du budget pour les seuls fonctionnaires civils, en supposant une réglementation inchangée, une évolution des pensions liquidées identique à celle des traitements, et enfin une population des actifs stable :

En dehors des seuls éléments démographiques, l'évolution des charges et des ressources d'un régime de retraite dépend aussi de paramètres économiques, notamment de la croissance plus ou moins rapide de l'évolution des salaires des cotisants : sur la période comprise entre 1995 et 2000, la direction du budget estime ainsi qu'à réglementation et effectifs constants, la croissance des cotisations des agents ne devrait pas excéder 2 milliards de francs en termes constants, tandis que l'augmentation des charges de pension serait d'environ 16 milliards, laissant ainsi à la charge de la collectivité un besoin de financement supplémentaire annuel de près de 14 milliards (en francs 1994).

Les charges brutes de pensions civiles et militaires sont toutefois atténuées par plusieurs postes de recettes. Les postes correspondants sont récapitulés dans le tableau ci-après.

(en millions de francs)

2. Les interventions publiques

Les dépassements de crédits constatés sur le titre IV sont également dus au mode de gestion particulier de certains chapitres et notamment le chapitre des encouragements à la construction immobilière.

En effet, en loi de finances initiale, seuls sont inscrits les crédits afférents aux primes de l'épargne logement, ne sont transférées qu'en gestion au budget des charges communes.

Évolution des crédits du titre IV

(en milliards de francs)

3. La dette publique et les dépenses en atténuation de recettes

Tous les crédits inscrits sur les chapitres de ce titre ont un caractère évaluatif. Ils peuvent être répartis entre trois catégories de dépenses :

a) La charge de la dette publique

Évolution de la charge de la dette publique

A partir de 1989, le facteur principal du dépassement des évaluations initiales a résulté de la constatation de taux d'intérêt systématiquement supérieurs aux hypothèses initiales définies dans le rapport économique et financier qui accompagne les lois de finances initiales.

En 1992 et 1993, s'y est ajoutée la conséquence de déficits budgétaires prévisionnels pour 1991, 1992 et 1993 très inférieurs à la réalité (écarts respectifs de 51, 136 et 150 milliards de francs), ce qu'indique clairement la Cour des Comptes dans son rapport sur l'exécution du budget 1993 :

"... le dérapage du déficit étant déjà connu au cours du second semestre de 1992, l'estimation de la charge de la dette à long terme, en loi de finances initiale (pour 1993),... témoigne d'une sous-évaluation manifeste. "

En revanche, en 1994, les prévisions initiales ont été très proches de la réalité, ce qui, pour la Cour des Comptes dans son rapport sur l'exécution du budget 1994 :

"...témoigne d'une volonté réaliste de ne pas sous évaluer le montant des intérêts dus... ".

En outre, la baisse des taux à court et moyen termes et plusieurs opérations de gestion active de la dette ont permis de rester dans l'épure initiale.

b) Les dépenses de garanties

Contrairement à l'exécution 1993, les dépenses de garanties initialement prévues pour 1994 se sont révélées supérieures aux dépenses effectives.

Évolution des dépenses de garanties

(en milliards de francs)

De fait, les dépenses de financement du régime de l'assurance crédit à l'exportation géré par la COFACE ont été ramenées de 6 milliards en 1993 à 3 milliards en 1994, soit une diminution de 1 milliard par rapport à l'inscription initiale de la loi de finances pour 1994.

c) Les dépenses en atténuation de recettes

Ces dépenses, c'est-à-dire principalement des dégrèvements et remboursements d'impôts, qui faisaient presque systématiquement l'objet de sous-évaluation en loi de finances initiale, se sont révélées supérieures aux prévisions en 1994 comme en 1993.

Évolution des dépenses en atténuation de recettes

L'essentiel de cette évolution concerne le chapitre des remboursements sur produits indirects et divers, en raison de la diminution sensible des remboursements de TVA.

C. LA RÉGULATION BUDGÉTAIRE EN 1994 ET 1995

La régulation budgétaire ne peut compenser que très marginalement les dépassements de crédits observés en exécution. En effet, s'agissant de crédits majoritairement évaluatifs ou provisionnels, le budget des charges communes est généralement peu touché par les mesures de régulation budgétaire prises en cours d'année.

1. Les annulations de crédits en 1994

Trois arrêtés d'annulation sont intervenus en 1994. Ils ont touché 3,6 % des crédits disponibles.

L'arrêté du 30 mars a annulé 9,02 millions de francs sur 4 chapitres du budget. L'arrêté du 29 septembre a annulé 622,4 millions de francs supplémentaires sur 7 chapitres, dont 3 avaient déjà été touchés par le précédent arrêté. Au total, ces annulations n'ont représenté que 0,1 % des crédits initiaux.

L'arrêté du 23 novembre, associé au collectif de fin d'année, a annulé 19,12 milliards de francs de crédits supplémentaires, dont 16 au titre des remboursements sur produits indirects et divers, 1,7 au titre du service d'annuités et d'intérêts divers et 1 milliard au titre de la charge de la dette à moyen et long terme.

Toutefois, parallèlement, d'importantes ouvertures de crédits ont été effectuées par les décrets d'avance du 30 mars et du 29 septembre 1994, ainsi que par la loi de finances rectificative de fin d'année.

C'est pourquoi, au total, les mouvements de crédits intervenus en 1994 ont abouti à une ouverture nette de crédits, le budget des charges communes étant majoré de 8,5 milliards de francs, soit de 1,5 %.

2. Les annulations de crédits en 1995

Trois arrêtés d'annulation sont également intervenus en 1995.

L'arrêté du 31 mars 1995 a annulé 600 millions de francs, au titre des dépenses de garanties. L'arrêté du 28 juin 1995, associé à la loi de finances rectificative du 4 août 1995, a annulé 3,9 milliards de francs supplémentaires sur 10 chapitres.

L'arrêté du 15 novembre 1995, associé au collectif de fin d'année, annule 12,3 milliards de francs de crédits supplémentaires sur 15 chapitres. Sur ce total, 8 milliards concernent les remboursements sur produits indirects et divers, 1,8 les dépenses de garanties et 1,6 la participation de l'État au service d'emprunts à caractère économique.

On rappellera cependant que le collectif du 4 août a ouvert 41,5 milliards de francs dont 18,3 milliards au titre de la charge de la dette, 10,4 milliards au titre des mesures pour l'emploi et 6,7 milliards au titre des majorations de pension pour enfants (en conséquence de la décision du Conseil Constitutionnel du 29 décembre 1994).

Le collectif de fin d'année ouvre 16,1 milliards de francs dont 9,5 milliards au titre des dégrèvements et remboursements sur contributions directes et 4,6 milliards au titre de la majoration de l'allocation de rentrée scolaire.

Au total, en 1995, les ouvertures de crédits auront été supérieures d'un peu plus de 40 milliards de francs aux annulations.

* 1 . Rapport annexé au projet de loi portant règlement définitif du budget de 1994

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