C. A LA RECHERCHE DES AUDITEURS

1. Une audience sans importance ?

a). Être jugé sur 5 ans...

Si un jugement définitif ne peut être porté à la fin de 1995 sur La Cinquième, on ne peut se dispenser de porter une appréciation après onze mois de fonctionnement. Demander en revanche, comme le font certains, à être jugés sur trois, voire cinq ans, revient à autoriser l'utilisation des fonds publics -qui alimentent la chaîne à hauteur de 95%- sans contrôle et sans possibilité pour le Parlement de demander des comptes à ceux qui utilisent ces fonds.

L'audiovisuel ne bénéficiant d'aucun privilège en la matière, cette demande est infondée.

b). ...mais mettre en place un système spécifique de mesure d'audience

Les premiers résultats d'audience ont été décevants.

Rapidement, la chaîne a estimé que, compte tenu de sa ligne éditoriale, elle ne pouvait être évaluée à la seule aune de son audience, mesurée en termes de parts de marché.

A défaut d'éléments précis sur son niveau d'audience, la Cinquième a révélé les résultats d'une étude d'image, jugée positive et satisfaisante par la chaîne.

Davantage que connaître son audience, c'est connaître les auditeurs qui intéressent La Cinquième. Elle assure que, sur le fondement des indicateurs d'appréciation des programmes et de comportement des téléspectateurs, elle ira « au devant du public en fonction des résultats de mesure d'audience et modifiera ses programmes en fonction des désirs de ses auditeurs. Progressivement, plutôt que d'une télévision de l'offre, nous nous dirigeons vers une télévision de la demande ». La quantité d'émissions diffusées, une trentaine par jour, ne brouille-t-elle pas l'appréciation qualitative ?

Constituer un panel d'auditeurs réguliers, notamment en milieu scolaire, pour mesurer l'indice de satisfaction de La Cinquième revient toutefois à demander aux joueurs de football ou de tennis de juger l'intérêt d'une chaîne comme EUROSPORT...

Il n'en reste pas moins que l'absence de mesure d'audience comparable aux instruments qui existent pour les autres chaînes pourra créer quelques difficultés pour évaluer avec précision le coût d'un spot publicitaire.

2. Des millions de téléspectateurs pour La Cinquième et des centaines de millions pour TF1 et France 2 ?

Pour convaincre de son « succès » autoproclamé, La Cinquième indique qu'un des « indices de sa réussite » est constitué par son audience qui dépasserait « les hypothèses les plus optimistes » (79 ( * )) .

a). Un thermomètre sur mesure

Pour apprécier l'audience de La Cinquième, on peut prendre en considération deux indicateurs contradictoires : d'une part, la part d'audience, d'autre part, le nombre de personnes ayant regardé ses programmes au moins une fois par semaine. Encore faut-il distinguer la part d'audience « brute » et celle « initialisée », qui recense le nombre de spectateurs dans les zones où La Cinquième peut être effectivement regardée, 15% des Français ne pouvant toujours pas la recevoir.

C'est ainsi que du 29 mai au 4 juin, La Cinquième recueillait 1,2 % de parts de marché et 3,3% en initialisé, et 11 313 000 spectateurs hebdomadaires.

La mise en avant de ce seul critère ne peut permettre d'apprécier l'audience de la chaîne, même de manière approximative. Sinon, le même mécanisme reviendrait à attribuer à TF1 ou à FRANCE TÉLÉVISION des centaines de millions d'auditeurs. Une surenchère pourrait facilement s'enclencher et c'est ce qui risque de se passer avec le contrôle d'audience d'ARTE.

Ainsi, pour la semaine du 5 au 11 juin 1995, sur 47,8 millions de téléspectateurs potentiels, 44,7 millions, soit environ 94 % des personnes ayant regardé la télévision cette semaine, ont regardé l'un des deux programmes de FRANCE TÉLÉVISION au moins quinze minutes (80 ( * )) . Pendant la même semaine, 44 % des téléspectateurs n'avaient pas regardé M6 pendant la même durée, 63 %, Canal + et 84 %, La Cinquième...

Si l'audimat et la « part de marché » ne doivent pas constituer l'alpha et l'oméga des télévisions du secteur public, on ne peut ignorer l'intérêt de mesurer l'impact réel d'une chaîne, notamment pour une chaîne du savoir. Il n'est pas sérieux d'imaginer que le public qui « zappe », ou qui est en transit, tire un réel profit sur le plan éducatif d'un passage de quelques instants devant un écran du savoir.

b). L'audience là où on ne l'attendait pas

Contre toute attente, les meilleurs scores d'audience de La Cinquième sont obtenus avec de vieux film ou séries, Maigret tend un piège, La Chasse aux trésors, Ardéchois Coeur fidèle, Arsène Lupin..., ou avec des séries animalières.

La chaîne l'a bien compris et elle propose, pour les fêtes de fin d'année, du 18 décembre 1995 au 6 janvier 1996, « huit grands films du patrimoine, une histoire du cinéma hexagonal en 13 parties, un documentaire exceptionnel présentant les plus belles scènes d'amour de Hollywood, sans oublier les étoiles du music-hall avec Jean Gabin. Au générique des trois grandes séries de la télévision, les vedettes du grand écran, telles que Michel Sérault, Fanny Ardant, Francis Huster ou Edwige Feuillère signent les plus belles pages de la fiction française ». Avec une telle programmation, nul doute que son audience sera supérieure aux scores habituels...

Par ailleurs, si le monde enseignant est un public fidèle de la chaîne, les inactifs, et plus particulièrement les retraités, le sont encore davantage.

Le « thermomètre sur mesure » vu par La Cinquième

« Les premiers contacts avec Médiamétrie ont eu lieu dès octobre 1994. Les discussions se sont alors prolongées sur plusieurs mois, en raison des difficultés à trouver un bon accord sur la nature des prestations proposées et leur prix. Durant toute cette période, les résultats d'audience de La Cinquième étaient mesurés par Médiamétrie et fournis au marché sans que la chaîne ne puisse en disposer. Elle était donc condamnée à en prendre connaissance par la presse, et ne pouvait s'en servir pour communiquer. Les chiffres concernant l'audience de la chaîne circulaient sur le marché et étaient utilisés par de nombreux partenaires (agences de publicité, centrales d'achat). Ces pratiques se faisaient sans que La Cinquième ne les contrôle ni ne les finance.

« Toute mesure d'audience a donc été arrêtée à compter du 3 avril 1995.

« Les négociations avec Médiamétrie ont abouti à la construction d'un outil spécifique de mesure d'audience. Un contrat a donc été signé entre La Cinquième et Médiamétrie, le 16 mai 1995 prenant effet le 29 mai 1995.

« Médiamétrie fournit désormais des services adaptés aux besoins de la chaîne, complétés par les travaux d'Ipsos Média.

« L'outil Médiamétrie apporte outre des indications classiques sur l'audience et la part d'audience des programmes, des indications sur les cibles spécifiques de la Chaîne et sur leur assiduité. Il permet donc de répondre aux questions « qui regarde quoi », et « avec quelle assiduité  » ?

« L'outil Ipsos permet d'obtenir de nombreuses informations sur le comportement des téléspectateurs et sur leur appréciation des programmes. Il permet donc de connaître les programmes jugés les plus intéressants par le public, le degré de satisfaction pour chaque émission, le niveau d'attention pour chaque émission, le degré de proximité entre les thèmes traités et les préoccupations ou centres d'intérêt du public.

« Le rapprochement de ces deux types d'informations permet de qualifier précisément l'audience et de comprendre les modes comportementaux des téléspectateurs. Les possibilités de croisements sont nombreuses et pourront être modifiées selon le type de population étudié, la ligne de programme,...

« A titre d'exemple, pour une cible donnée, il est possible de connaître :

l'audience et la stabilité de son écoute grâce à Médiamétrie,

la satisfaction de cette cible au sujet des programmes grâce au baromètre hebdomadaire Ipsos.

une évaluation des programmes de la chaîne par le public, des informations sur la qualité d'écoute et l'affinité de ce public vis-à-vis de ces programmes grâce au panel postal Ipsos,

l'usage de la chaîne, l'apport de celle-ci et les attentes de ce public en termes de programmes grâce aux enquêtes trisannuelles Ipsos auprès des cibles privilégiées de La Cinquième ».

Source : La Cinquième

* 79 « En savoir plus sur La Cinquième, les enjeux d'une chaîne éducative », La Cinquième, novembre 1995.

* 80 En moyenne, un individu change de chaîne toutes les vingt minutes environ. Le quart d'heures correspond à une audience réelle et significative d'un programme de télévision. Au delà de ce délai, le « zapping », même très bref, viendrait perturber la validité de l'indicateur par chaîne

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