III. LA SFP : UNE SITUATION DIFFICILE EN RAISON DES INCOHÉRENCES DE L'ÉTAT, MAIS AUSSI DES SOCIÉTÉS PUBLIQUES
A. UNE SITUATION BUDGÉTAIRE DIFFICILE
1. Des exercices en déficit
Les pertes de la SFP sont en réduction au cours des trois derniers exercices avec un déficit de 219 millions de francs en 1993, de 156 millions de francs en 1994 et un déficit prévu de 108,3 millions de francs pour 1995.
Le résultat net consolidé de l'exercice 1994 s'établit à une perte de 156 millions de francs (149,7 millions de francs pour la part groupe et 6,3 millions de francs pour la part hors groupe) en amélioration de 63 millions de francs par rapport à celle de l'exercice 993 qui s'établissait à 219 millions de francs (212,9 millions de francs pour la part groupe et 6,1 millions de francs pour la part hors groupe).
Cette amélioration se situe au niveau du résultat courant qui est passé d'une perte de 213,9 millions de francs en 1993 à 142,5 millions de francs en 1994, soit une diminution de la perte courante de 71,4 millions de francs. A l'intérieur du résultat courant, le résultat d'exploitation s'améliore de 42 millions de francs (perte de 109,7 millions de francs en 1994 contre une perte de 151,7 millions de francs en 1993) et la charge financière nette diminue de 29,4 millions de francs (charge nette de 32,8 millions de francs en 1994 contre 62,2 millions de francs en 1993).
L'amélioration du résultat d'exploitation résulte de la diminution des charges d'exploitation et plus particulièrement des frais de personnel (diminution de 38,7 millions de francs) ; dans le même temps les produits de l'activité sont restés, en 1994, sensiblement au même niveau qu'en 1993 (849 millions de francs en 1994 contre 843,2 millions de francs en 1993).
Alors que l'exercice 1993 faisait apparaître un solde positif des résultats exceptionnels de 27,5 millions de francs en raison de la reprise des provisions sur plans sociaux précédents, le résultat de l'exercice 1994 est négatif de 11,6 millions de francs en raison de la constitution de provisions pour le plan social 1994/1995. La variation du résultat exceptionnel entre 1993 et 1994 se traduit par une perte de 39,1 millions de francs.
Enfin, l'exercice 1993 avait été influencé par la constatation d'un amortissement exceptionnel de l'écart d'acquisition (32 millions de francs) suite à l'acquisition de la société IMA, portant la valeur résiduelle au bilan du 31/12/1993 de l'écart d'acquisition IMA à 1,5 million de francs (Amortissement sur 10 ans de l'écart résiduel). La variation du poste « amortissements des écarts d'acquisition » entre 1993 et 1994 se traduit par un profit de 30,5 millions de francs.
Au total après prise en compte du résultat exceptionnel et de l'amortissement des écarts d'acquisition le résultat net de l'exercice 1994 est en amélioration de 63,9 millions de francs par rapport à 1993.
Les perspectives budgétaires pour 1995 font apparaître un résultat prévisionnel en perte de 108,3 millions de francs en amélioration de 41,4 millions de francs par rapport à 1994 et de 104,5 millions de francs par rapport à 1993. Le résultat prévisionnel de 1995 a été établi hors cession des Buttes Chaumont.
Par rapport à 1994, l'amélioration du résultat porte pour l'essentiel sur le pôle Productions (variation de + 30,4 millions de francs) et sur la société mère (+ 28,9 millions de francs). La perte prévisionnelle du pôle Studios de 59,9 millions de francs est à mi-chemin entre celle de l'exercice 1994 (49,7 millions de francs) et : celle prévue au budget 1994 (82,6 millions de francs). Le profit attendu en 1995 pour le pôle Vidéo est en ligne avec celui de 1994.
Le niveau des produits d'exploitation de l'exercice 1995(774,5 millions de francs) est en retrait de 74,5 millions de francs par rapport à 1994 (849 millions de francs), du fait du secteur fiction (diminution de 38,7 millions de francs en liaison avec la baisse d'activité d'IMA), du secteur variétés jeux divertissements diminution de 8,1 millions de francs) et du secteur sports (diminution de 12,9 millions de francs raison du niveau particulièrement élevé des réalisations de l'exercice 1994 -augmentation de 17,2 millions de francs en 1994 par rapport a 1993 pour les variétés jeux divertissements et augmentation de 12,6 millions de francs pour les sports Par rapport à 1993).
Le financement de l'exercice 1995 est conditionné par l'octroi de crédits bancaires à hauteur d'environ 120 millions de francs et la SFP pourrait se trouver en cessation de paiement avant la fin de l'année.
Les prévisions de résultat et de financement n'intègrent pas les opérations liées à la démolition et à la cession de l'immeuble des Buttes Chaumont.
Dans l'hypothèse où la cession ne pourrait être signée le 31 décembre 1995, la société se trouverait amputée des moyens financiers lui permettant d'obtenir le remboursement des frais de démolition(15,5 millions de francs) et de ceux nécessaires au remboursement du crédit relais (250 millions de francs) consenti en 1992.
En raison de la procédure engagée par la commission européenne à propos des aides financières que l'État français a versées à la SFP, la société va être amenée à accélérer la proposition d'un plan de restructuration.
Comptes de la SFP 1993-1995
(en millions de francs)
(1) Compte tenu d'amortissements des écarts d'acquisition (32 millions de francs en 1993 ; 1,5 million de francs en 1994) et des participations minoritaires dans d'autres sociétés.
Source :SFP
2. Une société soutenue à bouts de bras par les pouvoirs publics sous le regard de Bruxelles
L'État a versé à la SFP depuis 1991, directement ou indirectement, plus de 1,4 milliard de francs.
Malgré les plans sociaux qui ont ramené les effectifs de 1427 personnes fin 1991 à 1096 fin 1994 (contre 2521 en 1986), les pertes ont représenté sur les trois derniers exercices 35 % du chiffre d'affaires.
En outre, pour les quatre derniers exercices, de 1991 à 1994, les principaux actionnaires, l'État, France 3, la SEPT ont apporté à la SFP de nouvelles avances pour un montant total de 1 411 millions de francs, selon l'échéancier ci-après :
Source : SFP
Au total, l'État a consacré 750 000 francs par salarié au financement de la SFP en 1993 et 1994.
En juin 1995, les actionnaires ont décidé de procéder à la restructuration du capital, au cours de laquelle la totalité des créances des actionnaires a été incorporée. A l'issue des opérations de recapitalisation la SFP se trouvera détenue à 100 % par l'État.
Ces aides massives n'ont pas manqué d'attirer l'attention des autorités communautaires.
A deux reprises, le 27 février 1991 et le 15 mars 1992, la Commission avait autorisé des recapitalisations de la SFP par ses actionnaires. Dans la seconde décision, la Commission avait cependant considéré que le plan de restructuration engagé à l'époque devait assurer la viabilité financière de l'entreprise et avait pris note de l'engagement du Gouvernement français de s'abstenir de toutes interventions ultérieures.
Par lettre du 22 juin 1994, la Commission a relevé que l'État aurait procédé « de 1992 à 1994 à de nouveaux transferts d'au moins 460 millions de francs » et s'est inquiétée de l'intention de l'État français de recapitaliser une nouvelle fois le groupe SFP à hauteur de 400 millions de francs avant la fin 94.
Dans une nouvelle lettre datée du 18 novembre 1994, la Commission a informé le Gouvernement français qu'elle avait été saisie, pour les mêmes raisons, d'une plainte émanant de deux producteurs de télévision française qui affirmaient subir un « préjudice grave ».
La Commission a décidé alors d'engager la procédure prévue par l'article 93, paragraphe 2, du traité à l'égard des avances de l'État à la SFP d'un montant total de 860 millions de francs.
Dans une dernière lettre d'observation, le 1er avril 1995, la Commission exige, en particulier, la fourniture « d'un plan complet de restructuration de l'entreprise qui lui permette de regagner sa viabilité sur la base d'hypothèses réalistes concernant ses coûts et recettes futurs ».
Il convient de rappeler que la Commission peut procéder à la récupération des aides qu'elle juge avoir été octroyées illégalement. En cas de refus par l'État membre concerné, la Commission ou tout autre État membre intéressé peut introduire un recours en « manquement d'État ».
En réponse à la procédure engagée, la SFP a fait valoir que l'activité du Groupe SFP se développant, pour l'essentiel, sur le seul marché français, les aides versées n'étaient pas de nature à affecter la concurrence entre les États membres. On doit considérer, au contraire, que dans l'État actuel des conditions économiques du marché de la production audiovisuelle, c'est la SFP qui souffre de la concurrence des producteurs privés et non l'inverse. En effet, ceux-ci pratiquent des conditions d'embauche très en dessous des barèmes syndicaux alors que la SFP respecte scrupuleusement les conventions collectives applicables tant à ses personnels permanents qu'aux personnels intermittents qu'elle utilise occasionnellement. En définitive, il apparaît que les aides de l'État ont simplement permis de compenser l'écart des coûts qui existe entre la SFP et le secteur privé.
L'État s'est engagé à ne procéder à aucun nouvel apport à la SFP sans l'accord de la Commission européenne.