B. LA SOFIRAD

La Société financière de radiodiffusion, ou SOFIRAD, société anonyme dont le capital est détenu par l'État, est une holding publique d'un ensemble d'entreprises dans le secteur de la radio, de la télévision, de la publicité et de la production de programmes, dont le chiffre d'affaires consolidé a atteint 1 milliard de francs. Depuis 1990, elle a diversifié ses activités en ajoutant la télévision à son champ d'intervention privilégié, la radio. Ses activités télévisuelles représentent désormais 400 millions de chiffre d'affaires.

La perspective de la privatisation de sa principale filiale radio, RMC (58 ( * )) , et les réflexions stratégiques sur la réorganisation de l'action audiovisuelle extérieure doivent conduire les pouvoirs publics à réorganiser cette société.

L'ensemble des participations donne un sentiment de dispersion des efforts.

Les résultats opérationnels de certaines filiales sont faibles.

Il manque à la SOFIRAD un plan stratégique définissant clairement les objectifs de la société. A l'inverse, le conseil d'administration de la société comporte de multiples représentants des diverses autorités de tutelle.

1. Le bilan des filiales de la SOFIRAD : une situation contrastée

a). En matière radiophonique

Des filiales sont dans une situation difficile :

-la SOMERA, qui diffuse depuis Chypre Radio Monte Carlo Moyen-Orient (59 ( * )) , un programme en arabe et en français à destination de 13 millions d'auditeurs au Proche-Orient.

Cette société a connu un résultat déficitaire, en 1994, de 4 millions de francs, malgré une avance de trésorerie de la SOFIRAD et un abandon de créance de cette dernière, en 1993, pour 30 millions de francs. Le financement de la perte de l'exercice 1994 a pu être réalisé grâce au maintien des concours financiers consentis par l'actionnaire et par les banques. Au 31 décembre 1994, les créances de la SOFIRAD s'élevaient à près de 17 millions de francs et les créances bancaires à 8,5 millions de francs. A la même date, le montant cumulé des loyers non réglés à la SOFIRAD atteignait 8,5 millions de francs. Les recettes propres de la société ne représentent plus que 28 % des ressources globales de la SOMERA et les coûts financiers des découverts bancaires et des intérêts sur comptes courants se sont élevés à 20 millions de francs en 1994. Les recettes publicitaires se sont effondrées : 2 millions de francs en 1994 -pour un objectif de 3,2 millions de francs- contre 35 millions de francs en 1985.

La gestion de cette société, pour le moins laxiste, notamment en ce qui concerne le personnel, a été sanctionnée, au bout d'un trop long délai, par le remplacement du directeur général. L'ancien président de CFI, M. Fouad Benhalla, a été chargé de redresser cette société.

Ce redressement est d'autant plus indispensable que la SOMERA constitue un vecteur unique de la présence médiatique française au Proche-Orient.

- Radio Caraïbes International qui émet depuis 1982 à Sainte Lucie, a étendu son réseau à La Barabade, La Dominique et Saint Vincent. Mais l'étroitesse du marché publicitaire local et la faiblesse de l'audience ont gravement déséquilibré les comptes de cette société à laquelle la SOFIRAD aura apporté au total des concours financiers d'un montant de 55 millions de francs, dont 50 millions de francs ont donné lieu à provision pour dépréciation.

- Radio Paris Lisbonne créée en 1989 à destination de la communauté française au Portugal est un échec commercial avec seulement 7 000 auditeurs sur Lisbonne.

Les pertes ont atteint 3.5 millions de francs en 1993 et 3,6 millions de francs en 1994, que ne parvient pas à équilibrer la subvention annuelle du ministère des Affaires étrangères de 2 millions de francs, et le déficit cumulé atteignait à la même époque 11,8 millions de francs.

Dans ces conditions, la cession de la fréquence ou la fermeture pure et simple de la société est à l'étude.

- EURINVEST a été créée avec un capital de 5 millions de francs afin de prendre des participations dans des radios à destination de l'Europe centrale.

Le montant total pour des participations minoritaires dans Radio Russie Nostalgie et EURINVEST Budapest atteint seulement, en 1994. 350 000 francs. La SOFIRAD aurait dû détenir 40 % du capital d' Elfinvest Moldavie et Elfinvest Roumanie, mais l'opération ne s'est pas effectuée.

Les résultats d'EURINVEST sont toutefois négatifs (-1,9 millions de francs en 1993 et -0,5 millions de francs en 1994).

-Grâce à une subvention de 2 millions de francs de l'État, la SOFIRAD a pris, en Russie une participation minoritaire dans plusieurs sociétés d'Europa Plus, filiale d'Europe 1, Europa Plus Moscou et Europa Plus Saint Peters Bourg, mais n'a pas été associée aux autres opérations de cette radio privée en Europe centrale.

Contrairement à EURINVEST, les résultats d'Europa Plus ont été bénéficiaires en 1994 (1.25 millions de francs).

En revanche, la situation de deux autres radios est plus satisfaisante :

-Radio Méditerranée International (RMI), société mixte franco-marocaine (60 ( * )) créée en 1980, améliore ses résultats (avec un bénéfice de 1,4 million de francs en 1994) grâce à la forte croissance du marché publicitaire marocain, ce qui lui a permis de moderniser ses installations et d'accroître son audience en Algérie et en Tunisie.

Le ministère des Affaires étrangères verse à cette radio, via la SOFIRAD, une subvention de 7 millions de francs pour couvrir les frais de personnel.

- Africa n°l, installée au Gabon, assure en ondes courtes la rediffusion des émissions de RFI. Elle a développé des relais en FM dans les grandes agglomérations africaines et à Paris. Africa n°l verse 7 millions de francs par an à sa filiale parisienne pour lui permettre de réaliser 4 heures d'émissions quotidiennes qui s'insèrent dans les programmes réalisés depuis Libreville et diffusés en France.

L'activité d'Africa n°l a bien entendu été marquée, en 1994, par la dévaluation du franc CFA, qui a entraîne une hausse de la tarification des émetteurs. Malgré cette hausse, elle dégage depuis 1990 un résultat positif de l'ordre de 3 ou 4 millions de francs pour un chiffre d'affaires d'environ 75 millions de francs.

Africa n°l est désormais une radio disposant d'une forte notoriété sur le continent africain, qui doit cependant affronter une concurrence accrue.

b). En matière télévisuelle

Outre ses participations dans TV 5 et CFI, qui feront l'objet de développements spécifiques, la SOFIRAD est impliquée dans deux sociétés de télévision diffusant en langue française vers l'étranger, MCM et Canal Horizons.

-la société MCM International est une société d'exportation de programmes à l'étranger, filiale de MCM Euro musique (à 51%) et de la SOFIRAD (à 49%). Celle-ci a accordé à Euro musique une licence exclusive lui permettant d'exporter le programme dans tous les pays hors la France métropolitaine. Euro musique redistribue le programme musical thématique franco européen de MCM sur les réseaux câblés d'Europe et dans le reste du monde sous forme de cession de licences de diffusion hertzienne. En outre, la diffusion de MCM a démarré sur le satellite Eutelsat II Hot Bird 1 en novembre 1994, pour un coût de location de 20 millions de francs.

Elle se veut être le concurrent direct de la chaîne musicale américaine MTV, actuellement leader en Europe. Son budget, alimenté par une subvention du ministère des Affaires étrangères et des Communautés européennes, dans le cadre d'un programme de promotion du format 16/9, et par les recettes de location aux réseaux du câble, a connu une augmentation exponentielle en trois ans, passant de 6 millions de francs en 1993 à 32,5 millions de francs en 1994 puis 49,3 millions de francs en 1995.

Son résultat d'exploitation a été légèrement bénéficiaire, pour sa première année d'exploitation commerciale complète.

-la SOFIRAD détient une participation minoritaire dans la Société financière de vidéocommunication, qui détient 51% du capital de Canal Horizons, réseau de chaînes généralistes à péage dans les pays d'Afrique noire développé par Canal+. Cette participation n'atteint plus que 5 % du capital, la SOFIRAD ayant refusé de participer à l'augmentation de capital de juillet 1994.

Trois sociétés locales, sur cinq prévues, ont été constituées et le nombre d'abonnés n'était que de 50 000 au 31 décembre 1994, alors qu'un chiffre trois fois plus élevé était attendu.

Les pertes cumulées par Canal Horizons depuis son origine ont atteint 212 millions de francs dont 56,8 millions de francs pour l'exercice 1994. Mais Canal+ demeure optimiste sur son avenir et prévoit que sa filiale pourrait atteindre l'équilibre dès 1996...

c). En matière de publicité

La SOFIRAD détient des participations dans Havas Média International, dont le chiffre d'affaires a atteint, en 1994, 72 millions de francs, en régression de 11,3 % en raison notamment de la dévaluation du franc CFA, et de Régie 3, régie publicitaire de RMI.

2. Quel rôle pour la SOFIRAD demain ?

La SOFIRAD est confrontée depuis plusieurs années à de réelles difficultés financières qui l'empêchent de jouer un rôle moteur dans la Politique audiovisuelle extérieure. La stagnation, voire la diminution, de ses ressources limitent sa capacité d'investissement dans de nouveaux projets, L'essentiel de sa mission semble désormais d'assurer un appui financier à des filiales, qui n'ont pas pu ou su développer leurs propres ressources, ou de les maintenir sous perfusion.

a). Quelle place pour la SOFIRAD occupera-t-elle dans la stratégie audiovisuelle extérieure des pouvoirs publics ?

La privatisation de RMC constitue, sans doute, et paradoxalement, la dernière chance pour la SOFIRAD de jouer un rôle véritable dans l'action audiovisuelle extérieure.

Ce rôle ne pourra être rempli que si la société bénéficie de l'essentiel, voire de la totalité des ressources tirées de la privatisation, et qui sont estimées à 450 millions de francs. Cette somme pourrait permettre à l'entreprise de se constituer un « trésor de guerre » pour agir efficacement dans des opérations ponctuelles, bien ciblées, contribuant à l'effort public en matière d'audiovisuel extérieur.

Cette société constitue un atout unique au monde. Elle permet en effet à l'État français d'intervenir, par le biais d'une société anonyme, auprès de média de pays étrangers.

b). Quels résultats des actions géographiques de la SOFIRAD ?

La SOFIRAD joue un rôle particulier dans le domaine de l'action audiovisuelle extérieure dans le monde arabe, avec la SOMERA, et en Europe centrale, avec EURINVEST.


•Le Conseil audiovisuel extérieur de la France avait confié en décembre 1990 à la SOFIRAD une mission « d'information, d'investigation e t de constitution de partenariats audiovisuels » en Europe centrale et orientale. L'État -via le ministère des Affaires étrangères- a alloué à la SOFIRAD des moyens modestes pour atteindre cet objectif, avec un investissement cumulé de 7 millions de francs au 31 décembre 1994.

Outre la prise de participation dans Europa Plus et la création d'Eurinvest, dont les résultats contrastés ont été examinés ci-dessus, la SOFIRAD a participé en Pologne avec NTP à un appel d'offre pour une télévision nationale privée. En République Tchèque, elle a participé également à un appel d'offre qui s'est révélé infructueux.

Cinq ans après le Conseil audiovisuel extérieur invitant la SOFIRAD à opérer dans cette région, on ne peut que déplorer le bilan décevant, tant sur le plan radiophonique que télévisuel, de l'action de la société publique en Europe centrale et orientale.

Le développement des paysages audiovisuels nationaux dans cette région de l'Europe fait que la France a, une nouvelle fois, « raté le coche ». En effet, l'enveloppe financière nécessaire pour investir dans les média de ces pays est devenue substantiellement plus importante, à la mesure de la valorisation des sociétés locales. La SOFIRAD n'a sans doute plus les moyens de sa politique dans cette région.


•La France diffuse à partir de Paris en direction du monde arabe deux programmes radiophoniques, l'un produit par RFI tous azimuts sur ondes courtes deux heures par jour, l'autre produit par la SOMERA dirigé vers le Proche-Orient, d'une durée de seize heures. En outre, Radio Méditerranée International, dans laquelle la SOFIRAD a une participation, couvre tout le Maghreb.

Les relations entre RFI et la SOMERA ne sont pas claires sur le plan financier et reflètent le manque de réflexion stratégique de l'État dans son action audiovisuelle à destination du monde arabe.

Une fois que la situation financière de la SOMERA aura été apurée, une réflexion sur les synergies qui peuvent être développées entre elle et RFI devra être entreprise.

* 58 RMC, détenue à 83% par la SOFIRAD, fait l'objet de développements particuliers ci-après.

* 59 Depuis 1986, RMC n a plus de participation dans cette radio, contrôlée à 95% par la SOFIRAD.

* 60 La SOFIRAD détient 49% des actions via la CIRT, et la partie marocaine, 51%. Publique à l'origine, cette participation est devenue privée en 1990 ; cependant, RMI reste présidée par le ministre de l'intérieur marocain, et le groupe privé marocain qui a repris cette participation, l'ONA, est présidé par le gendre du Roi du Maroc.

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