B. LES PROPOSITIONS DE LA COMMISSION
Pour les raisons que l'on vient d'exposer, la constitution d'une commission de contrôle, dont l'objet est d'examiner la gestion administrative, financière ou technique de services publics" paraît mieux répondre à la préoccupation des auteurs de la proposition de résolution, d'autant que la constitution d'une commission de contrôle offre au Parlement les mêmes moyens d'information qu'une commission d'enquête. Il restera cependant à définir la mission qu'il conviendrait de confier à une commission de contrôle sur le système éducatif.
1. Les moyens des commissions de contrôle
La création, la composition et le fonctionnement des commissions de contrôle et d'enquête sont régis par des règles identiques, à cette différence près, qui est à l'avantage des commissions de contrôle, que la création et le déroulement des travaux d'une commission d'enquête sont suspendus à l'existence de poursuites ou à l'ouverture d'une information judiciaire. Une commission de contrôle peut donc être créée plus rapidement et est assurée de pouvoir mener ses travaux à leur terme.
Surtout, les commissions d'enquête et de contrôle disposent, aux termes de l'article 6 de l'ordonnance du 17 novembre 1958, des mêmes moyens d'action. Ceux-ci sont étendus, bien que la durée d'existence des commissions d'enquête et de contrôle soit limitée à six mois à compter de la date d'adoption de la résolution qui les crée :
- leurs rapporteurs exercent leur mission sur pièces et sur place, tous les renseignements de nature à faciliter cette mission doivent leur être fournis, et tous les documents de service peuvent leur être communiqués, « à l'exception de ceux revêtant un caractère secret et concernant la défense, nationale, les affaires étrangères, la sécurité intérieure et extérieure de l'État, et sous réserve du respect du principe de la séparation de l'autorité judiciaire et des autres pouvoirs » ;
- toute personne dont une commission d'enquête ou de contrôle juge l'audition utile est tenue de déférer à sa convocation, le défaut de comparution, le refus de prêter serment ou de déposer étant passibles de sanctions pénales ;
- il convient enfin de rappeler que les travaux des commissions d'enquête ou de contrôle bénéficient d'une protection étendue : tous ceux qui y participent sont tenus au secret, et ce secret couvre également leurs travaux, délibérations, actes ou rapports non publiés.
2. L'objet de la commission de contrôle
Compte tenu de la limitation dans le temps des travaux des commissions de contrôle, il peut paraître irréaliste de créer une commission chargée d'étudier tous les aspects de la gestion de l'Éducation nationale. Rappelons de surcroît qu'aux termes de l'article 11 du Règlement du Sénat, une proposition de résolution tendant à la création d'une commission de contrôle doit "déterminer avec précision" les services publics dont la gestion sera contrôlée.
Il semble donc plus indiqué de focaliser l'examen de la commission sur l'enseignement scolaire du second cycle du second degré. Le lycée est d'ailleurs actuellement, comme l'a été il y a quelques années le collège, le "lieu géométrique" de toutes les tensions, de toutes les rigidités qui affectent le fonctionnement de l'Éducation nationale, de toutes les inquiétudes, aussi, que traduit le "malaise" du système éducatif.
L'étude de l'organisation et du fonctionnement du second cycle du second degré permettra donc d'examiner tous les problèmes, de fond et de fonctionnement, de l'éducation nationale, d'analyser les termes dans lesquels ils se posent et par conséquent de dégager les voies de recherche de solutions possibles : on ne peut en effet en rester au stade de la constatation des symptômes et de l'énoncé de solutions quantitatives, telles que celles qui constituent le contenu du récent "Plan d'urgence pour les lycées".
• Ainsi, les travaux de la commission de
contrôle pourraient-ils déboucher, en premier lieu, sur une
analyse de la façon dont le système éducatif remplit sa
mission, mais aussi, et peut être surtout, sur la définition
même de cette mission. Qu'attend-on en effet, aujourd'hui, de
l'Éducation nationale ?
Le "malaise" si souvent dénoncé ne tient-il pas pour une large part à ce que personne ne sait plus très bien ce que fait, ce que peut faire, ce que doit faire le système éducatif ? Pourquoi l'école ne joue-t-elle plus aujourd'hui, en dépit de la démocratisation de l'enseignement et de l'allongement de la scolarité, le rôle d'intégration culturelle et sociale que remplissait avec succès l'école primaire d'autrefois ? Pourquoi réussit-elle encore si mal à assurer l'insertion professionnelle des jeunes ? N'a-t-on pas tendance, aussi, à trop demander au système éducatif, qui est souvent présenté ou perçu comme le seul remède à tous les problèmes individuels et sociaux : crise économique, chômage, intégration des immigrés, aggravation des inégalités, urbanisation désordonnée ? Et le slogan des "80 % au baccalauréat" n'a-t-il pas contribué aussi à occulter le rôle véritable du système éducatif ?
• Les informations recueillies par la Commission pourront aussi permettre d'approfondir les causes des dysfonctionnements de l'éducation nationale :
- A quoi tient, l'incapacité de notre système éducatif, en dépit de tentatives multiples, d'expériences parfois réussies mais jamais généralisées, à maîtriser le phénomène de « l'école de masse » auquel il est pourtant confronté depuis une trentaine d'années ?
- Comment rompre le cercle vicieux de la dévalorisation de la fonction enseignante et de la crise des recrutements ?
- Quelles sont les causes de l'inertie et de l'isolement du système éducatif ? Comment sont réellement réparties et exercées, entre l'administration centrale, les échelons déconcentrés, les établissements, les responsabilités touchant à l'organisation et à la gestion du service public de l'éducation ?
- Pourquoi la traduction "sur le terrain" des "budgets historiques", des plans d'urgence, des plans de recrutement, demeure-t-elle aussi imperceptible ? Jusqu'où devra -et pourra- aller l'effort de la Nation en faveur de l'éducation ?
Telles sont, pour votre Commission, quelques-unes des voies de recherche qu'une Commission de contrôle pourrait explorer, et quelques-unes des questions que seul un examen sérieux et approfondi de la "crise des lycées" permettra de poser convenablement - ce qui est un préalable indispensable à leur solution.
C'est pourquoi votre Commission a adopté la proposition de résolution suivante :