N° 34

SÉNAT

PREMIÈRE SESSION ORDINAIRE DE 1980-1981

Annexe au procès-verbal de la séance du 14 octobre 1980.

RAPPORT

FAIT

au nom de la commission des Lois constitutionnelles, de Législation, du Suffrage universel, du Règlement et d'Administration générale (1) sur la proposition de résolution de MM. Edouard BONNEFOUS et les membres de la commission des Finances, du Contrôle budgétaire et des Comptes économiques de la nation, tendant à compléter le Règlement du Sénat.

Par M. Etienne DAILLY,

Sénateur.

(1) Cette Commission est composée de : MM. Léon Jozeau-Marigné, président ; Jean Geoffroy, Pierre Carous, Louis Virapoullé, Charles de Cuttoli, vice-présidents ; Charles Lederman, Roland du Luart, Pierre Salvi, Baudouin de Hauteclocque, secrétaires ; Alphonse Arzel, Germain Authié, Marc Bécam, Roger Boileau, Raymond Bouvier, Lionel Cherrier, Félix Ciccolini, François Collet, Raymond Courrière, Etienne Dailly, Michel Darras, Michel Dreyfus-Schmidt, Jacques Eberhard, Edgar Faure, François Giacobbi, Michel Giraud, Jean-Marie Girault, Paul Girod, Jacques Larché, Jean Ooghe, Guy Petit, Hubert Peyou, Paul Pillet, Roger Romani, Marcel Rudloff, Pierre Schiélé, Franck Sérusclat, Edgar Tailhades, Raymond Tarcy, Jacques Thyraud, Lionel de Tinguy

Voir le numéro : Sénat : 183 (1979-1980).

Règlement des assemblées parlementaires. -- Lois de finances.

SOMMAIRE ANALYTIQUE

A la suite des difficultés rencontrées lors de l'élaboration de la loi de finances pour 1980, un certain nombre d'initiatives ont été prises, tant à l'Assemblée nationale qu'au Sénat, pour modifier les dispositions de l'ordonnance n° 59-2 du 2 janvier 1959 portant loi organique relative aux lois de finances.

Pour l'immédiat, le Règlement de l'Assemblée nationale a été aménagé afin de permettre une seconde délibération sur tout ou partie de la première partie du projet de loi de finances de l'année. Dans le même esprit, M. Édouard Bonnefous et les membres de la commission des Finances ont déposé une proposition de résolution tendant à modifier le Règlement du Sénat et destinée à permettre un vote sur l'ensemble de la première partie du projet de loi de finances de l'année, tout en en prévoyant une seconde délibération éventuelle.

Sous réserve de quelques modifications, la commission des Lois propose l'adoption de cette proposition de résolution.

MESDAMES, MESSIEURS,

Bien que chacun se souvienne des difficultés rencontrées lors de la discussion de la loi de finances pour 1980, il convient ici de rappeler l'essentiel des événements qui se sont alors produits.

Après avoir rejeté le dernier article de la première partie, qui établit l'équilibre des recettes et des dépenses, l'Assemblée nationale n'en a pas moins poursuivi l'examen de la seconde partie du projet de loi de finances. Saisi par le Président de l'Assemblée nationale et par les députés du groupe socialiste, le Conseil constitutionnel a censuré la procédure ainsi adoptée, la jugeant contraire à l'article 40 de l'ordonnance n° 59-2 du 2 janvier 1959 portant loi organique relative aux lois de finances, en vertu duquel la seconde partie de la loi de finances ne peut être mise en discussion devant une assemblée avant le vote de la première.

Dans l'impossibilité de faire délibérer à nouveau par le Parlement la loi de finances pour 1980 avant le 31 décembre 1979, le Gouvernement a dû déposer un projet de loi « spécial » autorisant, à compter du 1 er janvier 1980, la perception tant des impôts que des taxes parafiscales existantes.

Sur ce dernier point, un nouveau recours a été déposé, que le Conseil constitutionnel a, cette fois, écarté au bénéfice de considérants certes réalistes, mais apparemment assez éloignés de la lettre des textes.

Quant au projet de loi de finances pour 1980, il a été examiné lors d'une session extraordinaire qui s'est ouverte le 27 décembre 1979 et s'est terminée le 17 janvier 1980.

Afin d'éviter le retour des difficultés ainsi rencontrées à la fin de l'année 1979, plusieurs initiatives ont été prises, tant à l'Assemblée nationale qu'au Sénat.

A l'Assemblée nationale, MM. Gilbert Gantier et Julien Schvartz -- après l'examen du projet de loi de finances par les députés mais antérieurement à la décision du Conseil constitutionnel -- puis MM. Étienne Pinte, Jean Foyer et Laurent Fabius, après cette dernière, ont déposé cinq propositions de loi organique. Aucune d'entre elles n'a encore été rapportée.

Pour l'immédiat et pour tenter d'éviter le renouvellement d'incidents analogues à ceux de l'an dernier, M. Jean Foyer, président de la commission des Lois, en accord avec M. Robert-André Vivien, président de la commission des Finances de l'Assemblée nationale, a fait modifier le Règlement de ladite Assemblée, de telle sorte qu'il soit désormais possible de procéder à une seconde délibération de tout ou partie de la première partie de la loi de finances de l'année. Adoptée le 27 juin 1980, cette proposition de résolution a été déclarée conforme à la Constitution le 17 juillet suivant.

Au Sénat, dès le 13 juin 1978 -- par conséquent bien antérieurement à ces péripéties -- MM. Édouard Bonnefous et Maurice Blin avaient déposé une proposition de loi organique n° 406 (1977-1978), dont l'objet principal était de permettre une meilleure organisation de la discussion budgétaire, par l'établissement d'une distinction entre la loi relative aux ressources de l'exercice, qui aurait notamment contenu les dispositions relatives à l'assiette et au taux des impositions de toute nature, et la loi fixant les ressources et les charges de l'exercice, qui aurait quant à elle autorisé la perception des ressources, déterminé les données de l'équilibre financier et fixé la répartition des dépenses ; par voie de conséquence, il était prévu d'abroger l'article 40 précité de l'ordonnance du 2 janvier 1959, ce qui aurait du même coup évité les écueils auxquels le Parlement et le Gouvernement se sont heurtés en décembre dernier. En outre, la présentation et l'examen des services votés auraient été modifiés : au lieu de faire l'objet d'un vote unique ils auraient, à l'instar des mesures nouvelles, été présentés et votés par titre et par ministère. Bien que cette proposition de loi organique ait été l'objet d'un rapport favorable n° 475 (1977-1978) en date du 27 juin 1978, il ne semble pas qu'elle ait été de nature à recueillir l'accord du Gouvernement ; de fait elle n'a pas été examinée par le Sénat et a dû être redéposée sous le n° 185 (1979-1980) le 11 mars dernier.

De son côté, sans mettre en cause le fond des choses comme MM. Édouard Bonnefous et Maurice Blin, mais soucieux de tirer les conclusions des décisions prises par le Conseil constitutionnel et d'éviter le retour des difficultés devant lesquelles le Gouvernement et le Parlement se sont trouvés placés, votre Rapporteur a cru devoir déposer une proposition de loi organique n° 150 rectifiée (1979-1980) destinée à remédier aux lacunes et ambiguïtés de l'ordonnance du 2 janvier 1959. Cette proposition a fait l'objet du rapport n° 196 en date du 3 avril 1980.

Le texte ainsi adopté par la commission des Lois avait pour objet :

1° d'abroger l'article 40 de l'ordonnance du 2 janvier 1959 ;

2° de pallier les conséquences d'une déclaration de non-conformité de la loi de finances de l'année à la Constitution, notamment par le dépôt d'un projet de loi spéciale, d'ailleurs prévu par l'article 44 de l'ordonnance du 2 janvier 1959 ;

3° et aussi de conférer aux lois partielles et aux lois spéciales le caractère de lois de finances, ce qui entraîne pour elles le droit de prescrire la poursuite de la perception des taxes parafiscales jusqu'au vote de la loi de finances de l'année, le recours relatif à la perception desdites taxes en décembre 1979 ayant fait l'objet d'une réponse négative du Conseil constitutionnel, certes opportune dans la situation inextricable où l'on se trouvait placé, mais que l'on peut qualifier de hasardeuse, en droit strict tout au moins.

Il convient de noter qu'à la suite de négociations intervenues entre la commission des Lois et la plupart des Présidents de groupes, le premier point, dans la perspective d'un débat en séance publique, avait fait l'objet d'un projet d'amendement substituant à la pure et simple abrogation de l'article 40 de l'ordonnance du 2 janvier 1959, à laquelle certains semblaient répugner, une nouvelle rédaction dont le texte aurait été le suivant : « La seconde partie de la loi de finances de l'année ne peut être mise en discussion devant une Assemblée avant le vote sur chacun des articles de la première partie. »

Enfin, sans doute dans le même esprit que MM. Jean Foyer et Robert-André Vivien, M. Édouard Bonnefous et les membres de la commission des Finances ont déposé une proposition de résolution n° 183 (1979-1980) tendant à compléter le Règlement du Sénat.

Aujourd'hui soumise à votre examen, cette proposition a pour objet, à titre conservatoire, de permettre un vote sur l'ensemble de la première partie du projet de loi de finances, en prévoyant la possibilité d'en demander une seconde délibération ; en revanche, elle précise qu'avant le vote sur l'ensemble du projet de loi de finances, les articles de la première partie ne pourront plus faire l'objet d'une seconde délibération.

Il convient ici de souligner que la modification du Règlement de l'Assemblée nationale ne permet pas de préjuger du sort qui sera fait aux cinq propositions de loi organique en instance devant cette Assemblée et que, de même, l'adoption de la présente proposition de résolution ne préjuge pas des décisions qui pourront être prises par le Sénat à l'égard de la proposition de loi organique de M. Étienne Dailly d'une part, et de celle, plus générale et bien antérieure, de MM. Édouard Bonnefous et Maurice Blin.

Il demeure en effet certain que ni la modification du Règlement de l'Assemblée nationale votée le 27 juin dernier, ni l'adoption de la modification au Règlement du Sénat ici proposée ne règlent clairement le problème de la poursuite de la perception des taxes parafiscales au-delà du 1 er janvier en cas de déclaration de non-conformité de la loi de finances à la Constitution, la décision du Conseil constitutionnel rendue le 30 décembre 1979 ne semblant pas pouvoir faire jurisprudence du fait de son évident caractère d'opportunité.

*

* *

Le texte soumis à l'examen de la commission des Lois appelle les observations suivantes :

1. Son insertion à la fin du chapitre IX du Règlement, relatif aux modes de votation, est contestable ; mieux vaut l'insérer à la fin du chapitre VII, relatif à la discussion des projets et des propositions.

2. On peut se demander s'il est bien nécessaire de stipuler l'obligation de procéder à un vote sur l'ensemble de la première partie ; M. Robert-André Vivien, président de la commission des Finances de l'Assemblée nationale, a estimé que ce n'était pas souhaitable ( J.O . Débats A.N., p. 2373). La modification réglementaire adoptée par ladite Assemblée et reconnue conforme à la Constitution écarte d'ailleurs cette obligation en se bornant à prévoir une seconde délibération de tout ou partie de cette première partie.

S'il est, à l'Assemblée nationale, normal de prévoir cette seconde délibération de tout ou partie de la première partie de la loi de finances, quand ce ne serait que pour permettre au Gouvernement d'engager sa responsabilité en application de l'article 49, alinéa 3, de la Constitution, en revanche, la situation est différente au Sénat.

En effet, le Gouvernement n'y dispose pas des mêmes facultés constitutionnelles et le vote sur l'ensemble de la première partie est donc essentiel, non pas tant pour la faire approuver, que pour tirer immédiatement les conséquences de son éventuel rejet. En pareil cas, il ne pourrait, en effet, y avoir de vote sur l'ensemble du projet de loi. Or l'article 39, alinéa 4 de l'ordonnance du 2 janvier 1959 dispose :

« Si le Sénat n'a pas émis un vote en première lecture sur l'ensemble du projet de loi de finances dans le délai imparti, le Gouvernement saisit à nouveau l'Assemblée du texte soumis au Sénat, modifié, le cas échéant, par les amendements votés par le Sénat et acceptés par lui. »

Le projet de loi de finances de l'année étant donc appelé, par application de cette disposition, à demeurer en jachère au Sénat jusqu'à l'expiration des vingt jours impartis pour son examen par le deuxième alinéa du même article, il y a tout intérêt à ce qu'il soit réputé rejeté, étant fait observer qu'en repoussant la première partie le Sénat se prive dès lors du droit d'examiner les dépenses contenues dans la deuxième partie. En revanche, il est inutile de préciser les conséquences de l'adoption de la première partie puisqu'il est certain qu'en pareille hypothèse l'examen de la deuxième partie pourra être normalement abordé.

3. Le Sénat n'a pas de raison de se laisser imposer cette seconde délibération en prévoyant qu'elle serait de droit à la demande du Gouvernement ou de la commission des Finances. Mieux vaut s'en tenir à la règle (Art. 43, al. 4 du Règlement) selon laquelle c'est la Haute Assemblée qui décide de la seconde délibération lorsque la demande a été formulée ou acceptée par le Gouvernement.

De surcroît, ou bien il y a une majorité pour voter les modifications susceptibles d'être proposées lors de la seconde délibération et celle-ci sera accordée, ou bien cette majorité n'existe pas et, dans ce cas, à quoi bon vouloir que la deuxième délibération soit de droit ? Enfin, compte tenu de ce qu'il ne pourra plus y avoir nouvelle délibération d'aucun des articles de la première partie avant le vote sur l'ensemble, il est préférable de prévoir que la seconde délibération sera demandée dans les conditions de droit commun.

Au passage, il convenait de modifier l'article 43 du Règlement en remplaçant l'expression « deuxième délibération » par l'expression « seconde délibération », seule exacte et d'ailleurs employée à l'alinéa 5.

4. Le vote au scrutin public ordinaire doit effectivement être rendu obligatoire, mais c'est à l'article 59 du Règlement, qui précise les différents cas où ce mode de votation est de droit, qu'une telle disposition doit trouver sa place.

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* *

Telles sont les raisons pour lesquelles votre commission des Lois constitutionnelles, de Législation, du Suffrage universel, du Règlement et d'Administration générale vous demande de vouloir bien adopter la proposition de résolution dont le texte figure à la fin du présent rapport.

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