C. LA MISSION « AIDE PUBLIQUE AU DÉVELOPPEMENT » À L'HEURE DES CHOIX

1. Une mission dont les dépenses sont contraintes par le niveau des contributions internationales

Les contributions internationales correspondent à des versements financiers de trois types : les contributions obligatoires ou volontaires au budget des organisations internationales, les contributions à des fonds fiduciaires ou concessionnels et les prises de participation au capital de banques de développement. Elles sont majoritairement portées (66 %) par les programmes 110 et 209 de la mission « Aide publique au développement », par le Fonds de solidarité pour le développement et par le programme 105 de la mission « Action extérieure de l'État ». La Cour des comptes, dans son rapport d'enquête sur le financement de l'action multilatérale, remis à la commission des finances, identifiait trois logiques d'action de ces contributions :

une logique d'influence politique, soit la capacité pour un État à peser dans les grandes institutions multilatérales, en premier lieu le système des Nations unies ;

une logique d'aide au développement, définie par l'OCDE comme l'aide fournie par les États dans le but exprès de promouvoir le développement économique et d'améliorer les conditions de vie dans les pays en développement13(*) ;

une logique de préservation des biens publics mondiaux14(*), comme la santé publique ou la sécurité alimentaire, ne pouvant relever d'une seule logique de marché.

Évolution des contributions multilatérales sur la période 2017-2023

(en millions d'euros et en pourcentage)

Note : ce total regroupe les contributions relevant des programmes budgétaires 110, 209 et du Fonds de solidarité pour le développement ainsi celles relevant du programme 105 de la mission « Action extérieure de l'État ».

Source : commission des finances d'après l'enquête de la Cour des comptes

La période 2017-2023 se caractérise par une progression de près de 46 % du total des contributions internationales sur ce périmètre. Le montant des versements français à la sphère multilatérale représentait 4,4 milliards d'euros en 2023. La France opère des versements à 271 entités internationales, dont seulement 19 existaient avant 1945.

Cette augmentation significative s'explique essentiellement, sur le plan multilatéral, par les efforts conséquents entrepris en matière d'aide publique au développement depuis 2017.

Du point de vue des organisations destinataires des versements de la France, la progression des contributions françaises a principalement bénéficié à deux catégories d'organismes :

- d'une part, la France s'est davantage engagée au sein du système onusien, avec une progression de 43 % de ses contributions depuis 2017. Il s'agit tout particulièrement des contributions volontaires aux entités des Nations unies intervenant en matière d'aide humanitaire et de la participation française ;

- d'autre part, la France a multiplié les contributions en faveur de nouvelles entités issues de la coopération intergouvernementale. Depuis 2021, cette catégorie des « autres entités » est la première bénéficiaire des contributions françaises, avec 1,3 milliard d'euros en 2023. Cette évolution illustre la priorité donnée aux fonds thématiques et aux partenariats ad hoc dans le cadre du renforcement de notre politique d'aide au développement. Néanmoins, la multiplication de ce type de structures conduit mécaniquement à la mise en place d'un nouveau siège et d'un secrétariat, avec les coûts de gestion qu'ils impliquent. De plus, le foisonnement de telles initiatives porte un risque de redondance.

Répartition des contributions multilatérales de la France
selon le type d'entité bénéficiaires

(en millions d'euros)

Source : commission des finances d'après l'enquête de la Cour des comptes

L'augmentation continue des contributions internationales depuis 2017 contribue à une rigidification des crédits de la mission « Aide publique au développement ». Pour rappel, les contributions internationales se divisent entre :

les contributions obligatoires, qui découlent d'un engagement en droit international public, généralement un traité ou un accord international. L'approbation des traités ou accords engageant les finances de l'État doit, pour mémoire être soumises à l'accord du Parlement ;

les contributions volontaires, qui ne découlent pas d'engagements juridiques formels, mais d'engagements politiques.

Au sens du droit budgétaire, il est indéniable que les contributions obligatoires constituent des dépenses obligatoires15(*). Le caractère obligatoire ou non des contributions volontaires est plus difficile à déterminer. Au sein du référentiel budgétaire et comptable de l'État, les contributions volontaires sont classées parmi les dépenses non-obligatoires. Pour autant, le caractère flexible des contributions volontaires se trouve relativisé par l'engagement politique de leur annonce. La remise en cause d'une contribution volontaire découlant d'une annonce opérée au plus haut de l'État et faisant l'objet d'un décaissement pluriannuel paraît complexe.

La possible remise en cause des engagements multilatéraux interroge d'autant plus que les contributions multilatérales représentent une part significative de nos dépenses d'aide au développement.

La maîtrise du volume des versements internationaux implique notamment de définir une doctrine claire d'articulation entre les différents canaux de l'APD française (bilatéral, multilatéral et européen). L'élaboration d'une telle doctrine figurait parmi les objectifs fixés par la loi de programmation du 4 août 2021. Cet objectif a été confirmé par la réunion en juillet 2023 du comité interministériel de la coopération internationale et du développement (Cicid), qui a fixé comme horizon la définition d'une stratégie « fin 2023 ». Cependant, à ce jour, cet engagement n'a pas été concrétisé, comme une grande partie des dispositifs prévus par la loi de programmation.

Principaux avantages respectifs du recours aux canaux bilatéraux et multilatéraux de l'aide publique au développement

Canal multilatéral

Canal bilatéral

- Soutien à des zones géographiques où les liens bilatéraux sont moins prononcés (ex : Amérique du Sud) ;

- Structuration de partenariats avec des pays alliés ;

- Substitution au canal bilatéral dans des zones où la présence française est contestée ;

- Financement de problématiques à portée universelle ;

- Financement d'organismes porteurs de normes.

- Soutien à des partenaires traditionnels de la France ;

- Investissement dans des thématiques sur lesquelles la France se positionne en avant-garde ;

- Visibilité de l'aide française.

Source : commission des finances

Le tableau supra présente différents critères, avancés par les administrations, qui permettent d'arbitrer entre un recours au canal bilatéral et un recours au canal multilatéral.

Si l'élaboration du budget de la mission pour l'exercice 2025 s'est attachée à ne pas remettre en cause les contributions annoncées et engagées, le renouvellement d'un certain nombre de contributions internationales à l'horizon 2026 sera l'occasion pour le ministère de l'économie et des finances et le ministère de l'Europe et des affaires étrangères de proposer des arbitrages quant au renouvellement de ces versements.

Les recommandations de la commission des finances du Sénat sur le financement de l'action multilatérale de la France

Au titre du 2° de l'article 58 de la loi organique n° 2001-692 du 1er août 2001 relative aux lois de finances (Lolf), la commission des finances du sénat a demandé en janvier 2024 à la Cour des comptes de réaliser une enquête sur le financement des actions multilatérales de la France. Remis à la commission le 25 septembre 2024, le rapport d'enquête souligne les limites de la gestion de nos versements multilatéraux. Il identifie un paradoxe dans le financement des actions multilatérales de la France : alors que ces dernières visent à répondre à des logiques de long terme d'influence politique, d'aide publique au développement et de protection des biens publics internationaux, elles font l'objet d'une gestion et d'un pilotage court-termiste.

Plusieurs facteurs expliquent ce décalage : premièrement, une carence, au niveau interministériel, d'outils de compilation et de suivi des contributions internationales gérées par les différents ministères ; deuxièmement, une absence de doctrine d'articulation entre les canaux bilatéraux et multilatéraux de notre aide publique au développement ; troisièmement, une forte centralisation de la prise de décision au niveau de la Présidence de la République.

En se fondant sur les données transmises par la Cour, la commission des finances a émis cinq recommandations :

Finaliser, dans les plus brefs délais, une stratégie d'articulation des canaux bilatéraux et multilatéraux de l'aide publique au développement française ;

- Constituer un tableau de bord interministériel, recensant l'ensemble des contributions internationales de la France et leurs échéances, qui serait publié dans un document de politique transversale annexé au projet de loi de finances ;

- Confier au comité interministériel de la coopération internationale et du développement (Cicid) le pilotage de nos contributions internationales ;

- Réviser les indicateurs de performance des programmes 105, 110 et 209 pour, d'une part, harmoniser ceux relatifs aux frais de gestion et, d'autre part, étendre les indicateurs de performance transversaux aux trois programmes budgétaires ;

- Réaliser, sous la forme d'une revue de dépenses, une évaluation de l'ensemble de nos contributions internationales afin de déterminer celles dont le renouvellement ne serait pas pertinent.

Source : commission des finances

2. L'Agence française de développement, bras armé de l'APD française, confrontée à un recul de ses moyens

L'Agence française de développement (AFD) est l'opérateur pivot de la politique de coopération et de développement de la France. Il s'agit d'un organisme disposant à la fois du statut d'établissement public à caractère industriel et commercial (EPIC)16(*) et, depuis 2018, de celui de société de financement, soumis au cadre prudentiel applicable à cette catégorie de société.

Le modèle d'une agence de mise en oeuvre de la politique d'aide au développement se retrouve dans d'autres pays européens. En Allemagne, il existe deux agences assurant le déploiement de l'APD : la Kreditanstalt für Wiederaufbau (KfW)17(*), agence de coopération financière, et la Deutsche Gesellschaft für internationale Zusammenarbeit (GiZ)18(*), agence de coopération technique. À l'inverse, il n'existe pas de telle agence au Royaume-Uni.

À noter que l'AFD, à l'instar d'Expertise France et de tous les organismes intervenant sur la mission, n'est pas considérée comme un opérateur au sens de la loi organique n° 2001-692 du 1er août 2001 relative aux lois de finances (Lolf). Le « jaune » opérateur, annexé au projet de loi de finances de l'année, ne mentionne pas cet organisme.

Ventilation géographique de l'activité du groupe
Agence française de développement en exécution 2023

(en pourcentage)

Source : commission des finances d'après les documents budgétaires

Il convient de rappeler que l'Agence ne reçoit aucune dotation de fonctionnement de la part de l'État et que l'ensemble des crédits qui lui sont versés le sont pour la mise en oeuvre ou la rémunération des frais associés à la politique de développement.

En effet, pour plus de 90 %, les crédits budgétaires versés en autorisations d'engagement le sont au titre de :

la bonification des prêts concessionnels accordés par l'agence à des États ou des organisations internationales ;

la mise en oeuvre des interventions de la France en dons-projets, le financement des ONG et l'assistance technique dans le cadre de la coopération bilatérale ;

la rémunération, par l'État, du service rendu par l'AFD.

Montant des crédits budgétaires versés à l'Agence française de développement

(en millions d'euros)

 

LFI 2024

PLF 2025

AE

CP

AE

CP

Programme 110 - Aide économique et financière au développement

1 833,94

520,28

1 897,5

662,5

Programme 209 - Solidarité à l'égard des pays en développement

1 064,79

1 017,05

856,08

1 032,85

Programme 365 - Renforcement des fonds propres de l'Agence française de développement

150

150

150

150

Programme 123 - Conditions de vie en outre-mer

72,35

38,73

23,35

32,95

Programme 853 - Prêts à l'AFD en vue de favoriser le développement économique et social

-

150

-

145

Total

3 121,1

1 876,06

2 926,93

2 023,3

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

Par rapport à l'exercice 2024, le montant des crédits alloués à l'AFD est relativement stable dans la version initiale du projet de loi de finances pour 2025. Pour autant, deux lignes budgétaires mises en oeuvre par l'agence sont significativement réduites :

- d'une part, les crédits de bonifications d'intérêt versées par l'État pour abaisser le taux d'intérêt des prêts octroyés par l'Agence française de développement sur le programme 110 se situent à 962 millions d'euros en AE (- 43 %) et à 286 millions d'euros en CP (- 25 %) comme détaillé supra ;

- d'autre part, les crédits alloués à l'aide-projet mise en oeuvre par l'agence, sur le programme 209, s'élèvent à 900,8 millions d'euros en AE ( 26,5 %) et 1,1 milliard d'euros en CP (- 7,9 %).

Selon l'Agence française de développement, ces coupes budgétaires, notamment sur l'aide-projet devraient complexifier la mise en oeuvre des objectifs fixés par le Cicid, notamment au regard des priorités géographiques et thématiques de l'aide. La baisse de l'enveloppe d'aide-projet, en particulier, devra donner lieu à des arbitrages significatifs.

Le nouveau siège de l'AFD : rien de nouveau sous le soleil d'Austerlitz

Le 30 janvier 2020, le conseil d'administration de l'AFD a approuvé l'acquisition de 50 000 m² de bureau au sein du complexe en cours de construction de la zone d'aménagement Paris-Rive Gauche.

Pour mémoire, la direction de l'immobilier de l'État a validé, à l'automne 2019, les quatre orientations stratégiques proposées par l'AFD, dont l'objectif était de rationaliser et d'optimiser le fonctionnement de l'immobilier du groupe :

- regrouper les entités du groupe, actuellement réparties sur six implantations, sur un site unique ;

- optimiser les surfaces utilisées, via la mise en place d'un dispositif de « flex-office », permettant une baisse des surfaces occupées à ce jour de l'ordre de 20 % ;

- aligner les surfaces utilisées sur les normes de l'État (12m²/poste de travail) ;

- acquérir en pleine propriété les futurs bureaux, au regard de l'avantage économique que présente cette option par rapport à une location.

L'investissement net réalisé par l'AFD s'élèverait, pour ce projet à 550 millions d'euros après cession ou mise en location des bâtiments actuels. Vos rapporteurs avaient évalué à un milliard d'euros le coût de l'opération, ce dernier étant calculé après cessions envisagées des sites actuels propriétés de l'AFD.

Par ailleurs, le projet comprend près de 8 000 mètres carrés de surface excédentaire par rapport aux besoins de l'agence. L'AFD a indiqué travailler à l'identification de locataires afin de valoriser les surfaces excédentaires. Cette démarche appelle deux remarques de la part des rapporteurs :

- premièrement, le total de la surface excédentaire illustre le caractère disproportionné de ce projet dont l'ampleur paraît incongrue dans le contexte budgétaire actuel ;

- deuxièmement, à ce stade, l'AFD n'a toujours pas été en mesure de fournir aux rapporteurs des éléments probants quant aux futurs locataires. L'agence indique, comme l'année dernière, que des discussions seraient en cours avec certaines organisations internationales sans qu'aucun engagement n'ait été pris.

Source : commission des finances

La programmation pluriannuelle des crédits budgétaires alloués à l'AFD, via les programmes 110 et 209, est déterminée dans un cadre triennal par les contrats d'objectifs et de moyens (COM) signés entre l'État et l'organisme. Le pilotage stratégique de l'agence apparait d'autant plus complexe qu'il repose sur deux entités de tutelle, dont les moyens et les visions peuvent diverger.

Or, la signature du prochain COM entre l'AFD et ses cotutelles est sans cesse repoussée. Le dernier objectif calendaire en date visait une adoption du COM par le conseil d'administration de l'agence, après consultation des parlementaires, à l'été 2024. La dissolution de l'Assemblée nationale a mis à mal cet objectif, d'autant que la baisse conséquente des moyens alloués à l'AFD devrait conduire à revoir les objectifs chiffrés contenus dans le projet de contrat.

La gestion de la tutelle de l'AFD par le ministère de l'économie et des finances et le ministère de l'Europe et des affaires étrangères peut, par ailleurs, conduire à des divergences de points de vue entre l'administration et la direction de l'agence. Dernièrement, l'examen par le conseil d'administration du financement d'un projet de développement en Égypte, mené par des entreprises chinoises partiellement implantées au Xinjiang, a conduit à un désaccord entre les cotutelles et l'AFD. Cette dernière défendant la poursuite du projet, finalement rejeté par le Conseil d'administration.

3. La réduction des moyens de l'APD française appelle un renforcement de l'évaluation de cette politique publique
a) Le constat d'un renforcement des moyens internes d'évaluation en matière d'APD

Le contexte de forte hausse des crédits d'aide publique au développement sur la période 2017-2023 a fort heureusement conduit les administrations chargées de la mise en oeuvre de cette politique à renforcer leurs moyens internes d'évaluation.

Chacune de ces trois entités dispose en son sein d'une unité d'évaluation :

- l'« unité d'évaluation des activités de développement » au sein de la direction générale du Trésor ;

- le « pôle de l'évaluation et de la performance » du MEAE ;

- le « département de l'évaluation et de l'apprentissage » de l'AFD.

Les rapporteurs spéciaux déplorent toutefois une dispersion des capacités d'évaluation entre les différents services. Au sein du ministère de l'Europe et des affaires étrangères, les différentes directions chargées du suivi de la politique de développement se sont dotées de capacités d'évaluation et de suivi de la redevabilité sans pour autant mutualiser leurs moyens.

En réalité, les deux ministères et l'Agence française de développement demeurent dépendants de prestataires extérieurs pour mener des évaluations plus poussées des instruments de l'aide au développement. La direction du budget a clairement indiqué que le montant des dépenses de cabinets de conseil et de prestations d'évaluation externes devrait encore doubler avec la mise en place de la commission d'évaluation de l'aide au développement.

b) Une concrétisation bien trop lente des exigences de la loi de programmation en matière d'évaluation

Soucieuse d'assurer un suivi plus précis des dépenses d'aide publique au développement, la loi de programmation du 4 août 2021 a prévu plusieurs dispositifs d'évaluation de l'APD française dont :

- la publication d'un rapport annuel relatif à la politique de développement de la France, remis chaque 1er juin au Parlement et faisant l'objet d'un débat en séance publique dans les deux assemblées19(*).

- la création d'une base de données ouverte sur l'aide publique au développement bilatérale et multilatérale20(*), rapidement installée et pilotée conjointement par le ministère de l'Europe et des affaires étrangères et le ministère de l'économie et des finances ;

- la mise en place d'une commission d'évaluation de l'aide publique au développement, chargée de mener « des évaluations portant sur l'efficience, l'efficacité et l'impact des stratégies, des projets et des programmes d'aide publique au développement financés ou cofinancés par la France »21(*) et de contribuer à la redevabilité de notre politique de développement.

Si les rapporteurs spéciaux ne peuvent que partager le constat porté par le document de politique transversale consacré à la politique de développement selon lequel « le renforcement de l'évaluation et de la redevabilité de la politique de développement répond à un impératif démocratique », force est de constater, plus de trois ans après l'adoption de la loi de programmation, que les résultats sont particulièrement limités.

Il a ainsi fallu attendre juin 2024 pour que le Gouvernement transmette pour la première fois le « rapport annuel sur la politique de développement et de solidarité internationale de la France ». En sus de cet envoi tardif, le rapport se fonde sur des données anciennes, issues de l'année 2021. De surcroît, son contenu se rapproche fortement de celui d'un rapport annuel de performances. Il ne contient pas de véritables évaluations d'impact des financements de l'aide au développement française si ce n'est de très courts encadrés sur des projets précis sans indication aucune quant aux crédits engagés.

En outre, confronté à l'inertie du précédent Gouvernement dans la mise en place de la commission d'évaluation de l'aide au développement, le Parlement a dû se saisir de cette question pour imposer son installation. La loi n° 2024-309 du 5 avril 202422(*), issue d'une proposition de loi déposée par le président de la commission des affaires étrangères de l'Assemblée nationale, Jean-Louis Bourlanges, a ainsi décidé le rattachement de la commission au ministère chargé des affaires étrangères. Les retards pris dans l'installation de cette commission tenaient en effet à la composition de cette instance et à son rattachement à la Cour des comptes, une telle structure de contrôle se trouvant nécessairement dépendante de « l'expertise des ministères de tutelle et de l'AFD, et donc de l'exécutif, pour conduire ses travaux d'évaluation »23(*).

Les rapporteurs spéciaux estiment que la présence de parlementaires dans cette commission constitue une garantie d'indépendance de cette instance par rapport à l'exécutif. L'installation de cette commission est d'autant plus attendue par le Parlement que le V de l'article 12 de la loi de programmation du 4 août 2021 prévoit que le président de l'Assemblée nationale ou du Sénat peuvent saisir la commission de demandes d'évaluation.

La loi du 5 avril 2024 précise également, dans son article unique, les compétences de la commission d'évaluation, dont la mission est de contrôler « la pertinence des projets et programmes d'aide publique au développement au regard des ambitions et des objectifs prévus par la loi » et d'en examiner « les résultats pour apprécier leur efficacité, tant sur le plan financier que vis-à-vis des priorités de la politique extérieure et de coopération ainsi que des intérêts à l'étranger de la France ».


* 13 Selon la définition du comité de l'aide au développement (CAD) de l'OCDE.

* 14 La théorie économique définit un bien public comme non rival et non excluable.

* 15 Au sens de l'article 95 du décret n° 2012-1246 du 7 novembre 2012 relatif à la gestion budgétaire et comptable publique, les dépenses obligatoires sont « les dépenses pour lesquelles le service fait a été constaté au titre de l'exercice précédent et dont le paiement n'est pas intervenu ».

* 16 Conformément à l'article R. 515-6 du code monétaire et financier.

* 17 Traduction : établissement de crédit pour la reconstruction.

* 18 Traduction : agence de coopération internationale allemande pour le développement.

* 19 Article 3 de la loi n°2021-1031 du 4 août 2021 de programmation relative au développement solidaire et à la lutte contre les inégalités mondiales.

* 20 La plateforme a été mise en ligne en 2022 : https://data.aide-developpement.gouv.fr.

* 21 Article 12 de la loi n°2021-1031 du 4 août 2021 de programmation relative au développement solidaire et à la lutte contre les inégalités mondiales.

* 22 Loi n° 2024-309 du 5 avril 2024 relative à la mise en place et au fonctionnement de la commission d'évaluation de l'aide publique au développement instituée par la loi n° 2021-1031 du 4 août 2021.

* 23 Avis n° 529 fait par Jean-Claude Requier au nom de la commission des finances sur le projet de loi de programmation, adopté par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, relatif au développement solidaire et à la lutte contre les inégalités mondiales, déposé le 13 avril 2021.

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