EXAMEN PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE
En première lecture, l'Assemblée nationale n'ayant pas adopté la première partie du projet de loi, celui-ci est considéré comme rejeté en application du troisième alinéa de l'article 119 du Règlement de l'Assemblée nationale.
En conséquence, sont considérés comme rejetés les crédits de la mission « Relations avec les collectivités territoriales » et du compte de concours financiers « Avances aux collectivités territoriales et aux collectivités régies par les articles 73, 74 et 76 de la Constitution ». De même, sont considérés comme rejetés les articles 61, 62, 63 et 64.
EXAMEN EN COMMISSION
Réunie le mercredi 20 novembre 2024, sous la présidence de M. Claude Raynal, président, la commission des finances a procédé à l'examen du rapport de M. Stéphane Sautarel, rapporteur spécial, et Mme Isabelle Briquet, rapporteure spéciale, sur la mission « Relations avec les collectivités territoriales » (et articles 61 à 64) et compte de concours financiers « Avances aux collectivités territoriales et aux collectivités régies par les articles 73, 74 et 76 de la Constitution »
M. Claude Raynal, président. - Nous commençons nos travaux par l'examen du rapport de nos collègues Stéphane Sautarel et Isabelle Briquet sur les crédits de la mission « Relations avec les collectivités territoriales » (RCT), les articles 61 à 64 et le compte de concours financiers « Avances aux collectivités territoriales et aux collectivités régies par les articles 73, 74 et 76 de la Constitution ».
Mme Isabelle Briquet, rapporteure spéciale de la mission « Relations avec les collectivités territoriales » et du compte de concours financiers « Avances aux collectivités territoriales et aux collectivités régies par les articles 73, 74 et 76 de la Constitution ». - Comme vous le savez, les crédits de la mission RCT ne représentent qu'une petite partie des transferts financiers de l'État aux collectivités. Ils s'élèvent à 4 milliards d'euros dans le projet de loi de finances (PLF) pour 2025 quand les transferts de l'État sont estimés à près de 104 milliards d'euros, et même 151 milliards d'euros, au sens large, si l'on inclut les fractions compensatrices de TVA accordées en contrepartie des réformes fiscales.
Les crédits du programme 119, qui porte les dotations de soutien à l'investissement local ainsi que les dotations de décentralisation, ont été maintenus en autorisations d'engagement (AE) à leur niveau de 2024 et enregistrent une légère hausse en crédits de paiement (CP). Ainsi, la dotation d'équipement des territoires ruraux (DETR), la dotation de soutien à l'investissement local (DSIL), la dotation de soutien à l'investissement des départements (DSID) et la dotation politique de la ville (DPV) restent stables par rapport à la loi de finances initiale (LFI) de 2024.
Il en est de même pour les dotations de décentralisation des communes, des départements et des régions. Je signalerai ici toutefois que, depuis la LFI de 2024, les dotations des régions ont diminué de 467 millions d'euros, soit près d'un tiers de leur montant, avec la création d'un vecteur de compensation unique de la compétence des régions en matière de formation professionnelle, qui prend la forme d'une part fixe du produit de l'accise sur les énergies revenant à l'État.
Enfin, le projet de loi de finances ne revient pas sur les hausses récentes de la dotation pour les titres sécurisés (DTS) et de la dotation de soutien aux communes pour les aménités rurales, qui ont chacune vu leurs crédits rehaussés à hauteur de 100 millions d'euros. Pour mémoire, la DTS avait été augmentée par le projet de loi de fin de gestion (PLFG) pour 2023 afin de traiter l'afflux des demandes de titres d'identité dans un délai raisonnable, montant repris en LFI pour 2024. Quant à la dotation aménités rurales, ancienne dotation de biodiversité, elle est passée de 41,6 millions d'euros à 100 millions d'euros en loi de finances pour 2024. Sur ce point, Stéphane Sautarel et moi-même saluons une réforme qui s'inscrit dans le sens des conclusions du rapport d'information de la commission des finances sur le verdissement des concours financiers de l'État aux collectivités territoriales. La dotation aménités rurales offre désormais une reconnaissance de l'importance du travail réalisé par les communes rurales dans les zones classées, et gagnerait sans doute à être étoffée.
M. Stéphane Sautarel, rapporteur spécial de la mission « Relations avec les collectivités territoriales » et du compte de concours financiers « Avances aux collectivités territoriales et aux collectivités régies par les articles 73, 74 et 76 de la Constitution ». - Sur ce point, si je partage le satisfecit d'Isabelle Briquet, je note que ce sont trop souvent les communes les plus vulnérables qui supportent cette charge de ruralité au bénéfice de tous. C'est pourquoi j'ai souhaité porter un amendement en vue d'augmenter l'enveloppe de la dotation de 10 millions d'euros, afin de leur confier des moyens supplémentaires pour accomplir leur mission.
Mme Isabelle Briquet, rapporteure spéciale. - Les dotations d'investissement affectées aux collectivités dans ce PLF pour 2025 sont donc stables par rapport à la LFI pour 2024. Je ne saurais m'en contenter à titre personnel. D'abord, cette stabilité constitue malgré tout un effort des collectivités, en n'intégrant pas le coût de l'inflation, dont le taux est prévu à 1,8 % en 2025 par ce PLF. Surtout, ces crédits s'inscrivent dans un PLF qui, dans son ensemble, demande un effort sans précédent aux collectivités pour combler un déficit qu'elles n'ont pas créé. Le simple maintien des dotations d'investissement du programme 119 n'est pas à la hauteur des enjeux auxquels les collectivités sont confrontées.
En effet, les collectivités devront faire face, dans les prochaines années, à des investissements colossaux, d'une part, sur leurs bâtiments pour répondre aux enjeux du réchauffement climatique et de la transition écologique et, d'autre part, sur les transports pour répondre aux nécessités de nouvelles mobilités.
C'est l'occasion pour moi de saluer la nouvelle loi du 29 mars 2024 sur les investissements relatifs à la transition écologique des bâtiments scolaires, qui représentent 50 % du parc immobilier des collectivités. Cette loi, issue de la mission d'information du Sénat sur le bâti scolaire à l'épreuve de la transition écologique, permet désormais de diminuer de moitié le reste à charge de la collectivité maître d'ouvrage et ainsi de mieux mobiliser les fonds accordés par l'État.
Je souhaite aborder l'avancée du plan Marseille en grand et notamment son volet écoles, pour lequel une dotation de 254 millions d'euros avait été ouverte en LFI pour 2022 au programme 119. Dans le cadre de notre mission d'information réalisée cette année sur le sujet, nous avions émis des doutes sur la capacité de la société publique des écoles marseillaises (SPEM), société créée dans le cadre de ce plan, à engager les consultations, lancer les travaux et livrer les équipements dans les délais prévus entre 2025 et 2031. La lente montée en charge se confirme puisque, avec 56,8 millions d'euros inscrits en CP au PLF pour 2025, l'ensemble des paiements effectués depuis 2022 se portera à 125,5 millions, soit la moitié de l'enveloppe de 254 millions d'euros que j'ai mentionnée.
Les crédits du programme 122, qui concernent essentiellement des aides destinées à soutenir les collectivités faisant face à des situations exceptionnelles, enregistrent simultanément une forte baisse de 28,7 % en AE, soit 85,3 millions d'euros, et une hausse notable de 26 % en CP, soit 64,8 millions d'euros. Cette évolution résulte essentiellement de l'extinction des AE affectées au fonds de soutien exceptionnel pour l'accompagnement des collectivités touchées par la tempête Ciaran. Ce fonds avait été créé à l'occasion de la LFI pour 2024 et doté de 80 millions d'euros en AE et 30 millions d'euros en CP. Aucun engagement n'est prévu à ce titre en 2024 ; en revanche 48 millions d'euros sont prévus en CP pour couvrir les restes à payer.
Enfin, parmi les principaux fonds exceptionnels, on peut noter que 63,8 millions d'euros sont prévus en 2024 en CP au titre du fonds Violences urbaines, créé en 2023 et financé à hauteur de 100 millions d'euros par le dégel de la réserve de précaution et des ouvertures de crédits en loi de finances de fin de gestion pour 2023. Les crédits prévus visent à couvrir les restes à payer en 2025.
Contrairement aux années précédentes, nous sommes en désaccord sur la question de l'adoption des crédits de la mission. Là où Stéphane Sautarel accepte la stabilité proposée des crédits comme un moindre mal et a travaillé à des solutions atténuatrices, pour ma part, comme l'ensemble de mon groupe, je ne peux que dénoncer le sort général réservé aux collectivités territoriales par ce PLF.
M. Stéphane Sautarel, rapporteur spécial. - Le compte de concours financiers « Avances aux collectivités territoriales et aux collectivités régies par les articles 73, 74 et 76 de la Constitution » voit notamment transiter le produit des impositions locales versées mensuellement par l'État aux collectivités territoriales. Au total, 134,1 milliards d'euros sont prévus à ce titre pour 2025, soit 1,2 milliard de plus qu'en LFI 2024. Ce dynamisme reste très modéré au regard de la progression de 8 milliards d'euros qui avait été constatée l'an passé.
Après plusieurs années de hausse résultant de la modification du panier de ressources des collectivités issues des différentes réformes de la fiscalité locale, il se confirme que le dynamisme des impositions locales se tassera en 2025.
Ces impositions n'ont d'ailleurs de locales que le nom puisqu'elles correspondent en réalité de plus en plus à des fractions d'impôts nationaux reversées aux collectivités. En effet, les collectivités locales bénéficient désormais de fractions de TVA pour un montant total de près de 52,5 milliards d'euros en 2024, que ce PLF propose de maintenir en 2025.
Comme pour les crédits de la mission RCT, je vous propose de donner un avis favorable à l'adoption des crédits de ce compte de concours financiers, qui n'est que le résultat mécanique des versements par douzième des ressources locales, là où Isabelle Briquet maintient sa position de principe sur les crédits proposés dans ce PLF.
J'en viens à la présentation des quatre articles rattachés à la mission.
L'article 61 porte diverses mesures en lien avec la répartition de la dotation globale de fonctionnement (DGF) en 2025.
En premier lieu, il prévoit une hausse de 300 millions d'euros des composantes péréquatrices de la DGF, dont 150 millions d'euros au titre de la dotation de solidarité rurale (DSR), 140 millions d'euros au titre de la dotation de solidarité urbaine (DSU), et 10 millions d'euros au titre de la dotation de péréquation des départements.
Si le maintien du montant global de la DGF proposé à l'article 29 du présent PLF implique que cette hausse soit intégralement financée par les collectivités territoriales, nous n'avons pas souhaité revenir sur cette progression, car nous souhaitons encourager la trajectoire d'augmentation de la péréquation, et singulièrement l'effort particulier en faveur des communes rurales dont témoigne la progression rapide de la DSR. Nous appelons également de nos voeux une réforme de plus grande ampleur de la DGF, conformément aux recommandations du rapport du groupe de travail sur la décentralisation conduit par le président Larcher.
L'article 61 prévoit en outre diverses mesures d'ajustement des modalités de calcul des indicateurs financiers utilisés pour la répartition des dotations de péréquation. Il s'agit essentiellement de mieux appréhender les charges des collectivités territoriales, soit par l'élargissement du périmètre des logements sociaux pris en compte pour la répartition de la DSU, soit en supprimant le critère lié à la propriété de la voirie pour la répartition de la DSR, afin de supprimer un biais lié à l'intégration intercommunale. L'article ne prévoit en revanche aucune mesure visant à ralentir l'application de la réforme de l'effort fiscal : neutralisée à hauteur de 90 % en 2024, elle ne serait plus neutralisée qu'à 60 % en 2025, ce qui représente une « marche », comme l'ont appelée plusieurs élus, considérable.
Nous vous proposons ainsi un amendement qui vise à assurer la neutralisation financière de cette réforme à hauteur de 80 % en 2025, afin d'atténuer le choc que représenterait le retour à la trajectoire initialement prévue pour l'application de cette réforme.
L'article 62 prévoit une réforme des modalités de répartition du prélèvement au titre du Fonds national de péréquation des ressources intercommunales et communales (Fpic) dans le cadre de la métropole du Grand Paris (MGP), à la suite d'une censure, en question prioritaire de constitutionnalité (QPC), du Conseil constitutionnel. Les dispositions censurées, qui régissaient la répartition dérogatoire du Fpic au sein de la MGP depuis sa création, seraient sensiblement rapprochées du droit commun, ce qui ne nous a pas semblé poser de problème en principe. Bien évidemment, nous serons attentifs lors des débats à la position des élus franciliens, qui sont les premiers concernés.
Cet article rectifie également une erreur de plume relative à la définition des ressources fiscales agrégées, qui détermine le plafond de prélèvement au titre du Fpic auquel peuvent être soumises les communes contribuant au fonds de solidarité des communes de la région Île-de-France (FSRIF). Enfin, il procède à la validation législative des actes administratifs pris en méconnaissance du texte erroné.
L'article 63 porte diverses mesures de répartition de la fiscalité afférente aux déchets radioactifs, qui constitue un sujet important pour les territoires de la Meuse et de la Haute-Marne, qui sont les premiers concernés. Il encadre d'abord les modalités de répartition du produit du tarif de stockage de la taxe sur les installations nucléaires de base (IBN) afférente au centre de stockage de déchets radioactifs existant actuellement dans l'Aube, sans rendre nécessaire un changement de la situation actuelle. Il prévoit les modalités de répartition du tarif de stockage afférent au centre industriel de stockage géologique (Cigéo), qui doit ouvrir à compter de 2030 et ne générera donc aucun revenu avant cette date. Il prévoit enfin une adaptation, à titre transitoire dans l'attente de l'ouverture du Cigéo, de la répartition du tarif d'accompagnement afin d'accompagner les collectivités dans la mise en oeuvre du projet de territoire autour de ce centre.
Ces dispositions ne nous ont pas non plus semblé poser de difficulté particulière. Là encore, nous serons toutefois très attentifs à la position des élus des territoires concernés.
J'en viens enfin à l'article 64, qui crée un fonds de réserve des collectivités territoriales.
Ce dispositif nous semble, à Isabelle Briquet comme à moi, très problématique. Le dispositif proposé est en effet trop brutal et inabouti pour être acceptable. D'abord, le montant du prélèvement, déterminé en vertu d'un critère d'écart de solde, aboutirait en 2025 à un prélèvement théorique d'un montant vertigineux, de 14,2 milliards d'euros. Seules 450 collectivités seraient concernées ; elles contribueraient donc toutes à hauteur de 2 % de leurs recettes réelles de fonctionnement (RRF), indépendamment de leurs capacités contributives.
Ensuite, ce dispositif crée des effets de seuil massifs entre les collectivités prélevées et celles qui sont exonérées du prélèvement, soit en raison de leur taille - mais non de leur richesse, ce qui paraît injuste -, soit au regard de critères qui semblent avoir été définis de façon arbitraire et dans l'urgence.
Par ailleurs, des marges de manoeuvre que nous estimons excessives seraient laissées au Comité des finances locales (CFL) pour majorer les reversements du fonds de réserve et surtout pour répartir les sommes reversées entre le bloc communal, les départements et les régions.
Pour toutes ces raisons, nous vous proposons de supprimer, purement et simplement, ce fonds de réserve.
Toutefois, la situation budgétaire très dégradée du pays impose une participation de tous, à la hauteur de leurs responsabilités, à l'effort de redressement des finances publiques. À ce titre, et parce qu'elles bénéficient de 151 milliards d'euros de transferts financiers de l'État chaque année, les collectivités territoriales, dont la bonne gestion n'est plus à prouver, doivent également contribuer. L'amendement que nous présentons traduit toutefois le souhait d'abaisser très fortement leur contribution au redressement des comptes publics, à hauteur de 2 milliards d'euros sur les 5 milliards d'euros initialement demandés par le Gouvernement dans le PLF pour 2025.
La commission des finances propose un dispositif nouveau, qui n'opérerait aucun prélèvement de ressources au profit de l'État, mais vise uniquement à lisser dans le temps les recettes des collectivités territoriales qui sont en mesure de contribuer au redressement des comptes publics.
La contribution au titre de ce dispositif serait de 1 milliard d'euros en 2025, répartie entre le bloc communal, les départements et les régions, en tenant compte du niveau des recettes de chaque catégorie de collectivités, mais aussi de leurs situations financières relatives, mesurées par leur taux d'épargne brute moyen. Il est en effet nécessaire de prendre en compte, notamment, la situation globalement très dégradée des départements.
Au sein de chaque catégorie de collectivités, la contribution serait répartie entre les collectivités dont les capacités contributives sont les plus importantes au regard de leur population, de leur potentiel financier par habitant et de leur revenu par habitant, de manière très progressive afin d'éviter tout effet de seuil. Les premières collectivités contributrices seraient ainsi largement préservées, tandis que celles dont les capacités à contribuer sont les plus grandes participeraient significativement à l'effort collectif.
Dans tous les cas, aucune collectivité ne contribuerait au-delà de 2 % de ses RRF.
J'aurais souhaité pouvoir vous proposer un dispositif de mise en réserve d'une part des recettes, directement dans les comptes des collectivités concernées. Cette option, qui a ma préférence, n'a toutefois à ce stade pas abouti et des discussions sur sa faisabilité se poursuivent avec le Gouvernement. J'ai donc pris le parti de vous proposer un dispositif qui, sans constituer une mise en réserve individuelle, s'en rapproche le plus possible.
Le dispositif que je vous propose aujourd'hui permet de reverser les sommes mises en réserve principalement aux collectivités contributrices, afin qu'elles ne soient pas lésées. Pour assurer la recevabilité de ce dispositif au regard de la loi organique relative aux lois de finances (Lolf), il ménage toutefois une marge de péréquation. Les prérogatives du CFL seraient réduites, les représentants constitutionnels des collectivités territoriales se trouvant dans nos murs et non au-dehors. Le CFL conserverait tout de même la capacité de majorer ou minorer la part de péréquation dans un intervalle strictement défini, si certaines collectivités souhaitent développer la péréquation entre elles.
En conclusion, le dispositif que je vous propose aujourd'hui me semble éminemment plus acceptable que celui qui est présenté par Bercy, et je vous invite à l'adopter afin de tenir nos engagements, en associant les collectivités territoriales au redressement des comptes publics tout en modérant le fardeau qu'elles portent et en le rendant plus juste.
Mme Isabelle Briquet, rapporteure spéciale. - Je salue le travail de Stéphane Sautarel, avec cette proposition de dispositif atténuateur et moins injuste que celui du projet initial, même si je ne le voterai pas, n'en partageant pas le principe.
M. Jean-Michel Arnaud, rapporteur pour avis de la commission des lois sur la mission « Relations avec les collectivités territoriales » et le compte de concours financiers « Avances aux collectivités territoriales et aux collectivités régies par les articles 73, 74 et 76 de la Constitution ». - Je salue à mon tour le travail de Stéphane Sautarel sur la dernière partie de son rapport, qui nous offre des perspectives meilleures que celles qui sont proposées par le Gouvernement.
J'attire votre attention sur le programme 122, destiné notamment aux collectivités locales qui ont été particulièrement exposées aux catastrophes naturelles et qui en subissent les conséquences financières. Le dispositif a montré tout son intérêt dans le Nord-Pas-de-Calais ainsi que dans plusieurs départements bretons. Après en avoir discuté avec Stéphane Sautarel, je proposerai, lors de l'examen de la deuxième partie du PLF, un amendement visant à accompagner d'autres collectivités dans trois départements : la Loire, l'Ardèche et les Hautes-Alpes, eux-mêmes éprouvés au cours des douze derniers mois. Pour ce faire, nous essayerons de trouver des solutions intelligentes en lien avec le Gouvernement.
Pour le reste, les principaux éléments, notamment la stabilité des crédits et les dotations en direction des collectivités, dont les deux principales d'entre elles, la DETR et la DSIL, ont été exposés par les rapporteurs spéciaux.
Enfin, je vous remercie de votre invitation. Elle me permettra de mieux porter la parole des collectivités locales devant la commission des lois.
M. Jean-François Husson, rapporteur général. - Il ressort de ce rapport que, globalement, les dotations demeurent stables. Merci à Stéphane Sautarel qui, dans une certaine forme d'urgence, est parvenu à proposer, avec l'objectif de réduire significativement la participation des collectivités territoriales à l'effort de redressement des comptes, un dispositif non seulement moins coûteux pour elles que le projet du Gouvernement, mais qui répond aussi bien aux propos du Premier ministre. Celui-ci a reconnu le caractère inabouti du projet initial et s'est dit à l'écoute du Sénat et des propositions que le président Larcher a récemment rappelées.
L'idée consiste à être plus juste et plus mesuré quant à l'effort qui est demandé, en le répartissant sur un périmètre plus important de collectivités - avec un peu plus de 2 500 d'entre elles, relevant des quatre blocs communal, intercommunal, départemental et régional - et en retenant un mode de calcul plus acceptable, qui inclut un plafond de 2 % des ressources. Beaucoup nous ont remonté le caractère relativement inéquitable du projet du Gouvernement. Avec cette proposition, l'enveloppe totale de l'effort attendu s'établirait à 1 milliard d'euros. Par les plafonds qu'elle intègre, elle permet également d'éviter tout risque de double imposition pour les collectivités qui relèvent d'un statut singulier, par exemple Paris, qui est à la fois ville et département.
Nous avons conscience que le dispositif proposé n'est pas pleinement abouti. La question se pose notamment quant à sa recevabilité financière au regard des dispositions de la Lolf. La jurisprudence du Conseil constitutionnel nous indique la nécessité d'y inclure une dose de péréquation. Mais les éléments en sont désormais posés ; il convient de s'efforcer de l'améliorer afin de progresser significativement par rapport au dispositif imaginé dans le PLF, et que certains ont pu qualifier de résurgence de l'esprit de Cahors. Je soutiens donc cette proposition.
M. Albéric de Montgolfier. - Je formulerai un regret et poserai une question. D'une part, nous n'en serions pas là sans la suppression de la taxe d'habitation. Elle nous contraint à une recherche permanente d'expédients. D'autre part, quel vous semble être l'apport de l'Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT) dans ce processus de relation avec les collectivités territoriales ?
M. Bernard Delcros. - Merci aux deux rapporteurs pour leur présentation précise.
Nous sommes au fil du temps parvenus à créer puis à réformer utilement, l'année dernière, la dotation aménités rurales. Elle constitue un premier pas vers la reconnaissance de l'apport de l'espace rural à la société tout entière en matière, notamment, de protection de la biodiversité. Vous proposez son augmentation, par amendement, à hauteur de 10 millions d'euros. J'y souscris sans réserve et je pense que cette dotation doit être amenée à évoluer encore dans les années à venir.
Vous proposez par ailleurs une baisse du prélèvement de 3 milliards à 1 milliard d'euros. Une telle mesure me paraît beaucoup plus raisonnable et j'y suis également favorable.
Vous appuyez le nouveau dispositif que vous présentez, par lequel nous passerions de 450 à environ 2 500 collectivités - dont près de 2 400 communes -, sur trois critères : la population, le potentiel financier et le revenu par habitant. Pourriez-vous nous en dire davantage sur ces critères qui me semblent pertinents ?
Sur la réforme de la DGF, je pense qu'elle n'est pas possible à enveloppe constante.
Enfin, des voix s'élèvent en faveur d'une fusion des trois dotations aux investissements, DETR, DSIL et fonds vert. J'y suis résolument opposé parce qu'elles n'ont pas la même vocation. La DETR est, par exemple, réservée aux territoires ruraux. J'aimerais connaître votre avis sur le sujet.
M. Grégory Blanc. - J'évoquerai deux points. En premier lieu, les exonérations de taxe foncière pour les logements sociaux qui représentent 1 milliard d'euros ; les communes concernées n'en obtiennent une compensation qu'à hauteur de 38 millions d'euros. Par le passé, un gouvernement s'était engagé à revenir sur ces exonérations, mais j'ai l'impression que, cette année encore, ce qui pourrait être la première mesure de péréquation ne sera pas prise.
En second lieu, je veux revenir sur l'amendement qui nous est proposé. Le dispositif prévu sur le fonds de précaution, ou de réserve - selon la dénomination que l'on retient -, est pour le moins innovant et tend à corriger un projet quelque peu baroque. Je salue à mon tour le courage de notre rapporteur spécial. Cependant, quand quelque chose dysfonctionne, le meilleur moyen de le corriger consiste parfois à reconnaître son erreur et à revenir en arrière. Avant de me prononcer sur cet amendement, je voudrais savoir quelles collectivités sont concernées, et à quelle hauteur, et quelles évaluations vous avez conduites.
Je note également que vous envisagez toujours un prélèvement sur les départements. De deux choses l'une : soit on s'efforce de croire contre toute évidence qu'il peut être accepté, soit on reconnaît que le compte n'y est pas. Un effort supplémentaire de 0,5 point sur les droits de mutation à titre onéreux (DMTO), soit une augmentation de 0,25 %, ne compensera pas les baisses qui interviennent par ailleurs, en tenant également compte de l'augmentation des dépenses sociales, qui ne manquera pas non plus de survenir. Il nous faut les uns et les autres rester attentifs et trouver des solutions pour les départements.
À titre personnel, je considère comme une provocation le maintien d'un prélèvement à hauteur de 220 millions d'euros ; et je pense que la plupart des départements continueront de le vivre de la même façon.
M. Marc Laménie. - Il était important de rappeler que l'ensemble des transferts financiers de l'État aux collectivités territoriales représente 151 milliards d'euros.
Sur le programme 119, je rejoins Bernard Delcros lorsqu'il souligne la nécessité de bien y identifier la DETR, qui reste l'une des principales dotations à côté de la DSIL, du fonds vert ainsi que de la DPV. On peut par ailleurs regretter la suppression de la réserve parlementaire. Pourriez-vous nous éclairer sur le fonctionnement des commissions DETR et des commissions DSIL, qui paraît très variable d'un département à l'autre ?
M. Pierre Barros. - Il me paraît assez inapproprié d'associer les collectivités territoriales à l'effort de redressement des comptes publics de l'État.
Sur le calcul de leur contribution, je lis, dans L'Essentiel que vous nous avez remis que « la contribution serait répartie entre les collectivités dont les capacités contributives sont les plus importantes au regard de leur population, de leur potentiel financier par habitant et de leur revenu par habitant, de manière très progressive, afin d'éviter tout effet de seuil. » Ces critères n'assurent nullement qu'elles disposeront d'une épargne suffisante pour contribuer à la hauteur de ce qui leur sera demandé et certaines pourraient ainsi se retrouver en grande difficulté. Il ne leur resterait alors d'autre choix que celui de se reporter sur la fiscalité locale, laquelle se résume à la taxe foncière sur les propriétés bâties (TFPB), et ce seront en définitive les habitants qui paieront. Enfin, les critères retenus me paraissent extrêmement simplistes et ils ne résolvent pas les problèmes d'effets de seuil.
M. Raphaël Daubet. - Je reviendrai sur les dotations d'investissement. La stabilité prévue dans le PLF ne me semble témoigner d'aucune ambition. Je le regrette, car le moment serait opportun d'en accélérer le processus afin de soutenir le plus possible les collectivités locales. Les projets sont présents, comme les besoins, et de plus en plus matures, ce que la consommation de la totalité des crédits en AE atteste. Celle des CP requiert en revanche davantage de temps. Nous avons également besoin d'un choc de simplification et de déconcentration, en tout cas de faciliter la réalisation des projets.
Dans le Lot, la DETR a seulement pu aider cette année 50 % des projets déposés par les communes auprès de la préfecture. On aurait pu aisément y dépenser en AE le double des crédits de la DETR que le département a reçus.
A-t-on mesuré l'effet de levier de la DETR sur les investissements qui soutiennent la croissance du pays ? Que représente ici 1 milliard d'euros ? Connaît-on par ailleurs le volume financier des projets qui ont été déposés par rapport à ceux qui bénéficient effectivement de la dotation ?
M. Michel Canévet. - Nous apprécions le maintien des dotations à l'investissement, car nous savons que ce sont les territoires qui stimulent l'investissement dans notre pays.
Concernant les ponctions sur les collectivités territoriales que le Gouvernement a prévues, nous n'avons pas la mémoire courte et nous nous rappelons que, il y a peu de temps, la contribution au redressement des finances publiques a significativement altéré la capacité de nos collectivités à agir. La proposition gouvernementale d'une ponction d'environ 5 milliards d'euros nous paraît donc particulièrement sévère à leur endroit, particulièrement en considération de la situation d'un certain nombre de départements. Prenons garde que cette capacité à agir ne soit pas davantage entamée, d'autant que nous savons que les dépenses réelles de fonctionnement (DRF) des départements s'avèrent extrêmement contraintes compte tenu du rôle qu'ils tiennent.
Au sein du groupe Union Centriste, nous apprécions la qualité du travail que le rapporteur spécial Stéphane Sautarel a mené, mais nous estimons qu'il mérite une réflexion approfondie. Aussi nous abstiendrons-nous au moment du vote sur la mission, en l'état actuel des choses.
M. Jean-Baptiste Olivier. - Personne en réalité n'est disposé à consentir des efforts. Nous le constatons mission après mission : on ne peut rien retrancher, alors que notre pays s'appauvrit et que c'est désormais un fait qu'il faille réduire les dépenses, ce à quoi les collectivités doivent contribuer. Je rappelle à la gauche que c'est François Hollande qui s'est très largement attaqué à la DGF et à nos amis macronistes que c'est Emmanuel Macron qui a supprimé la taxe d'habitation, ce qui a représenté une perte de 25 milliards d'euros par an.
En l'occurrence, il est proposé de réduire l'effort de 5 milliards à 1 milliard d'euros quand, dans le même temps, la DGF progresse de 300 millions d'euros. En définitive, l'effort demandé aux collectivités n'excède donc pas 700 millions d'euros.
M. Pascal Savoldelli. - Un aggiornamento s'impose sur la taxe d'habitation. Mais peut-être irons-nous de surprise en surprise et que la majorité sénatoriale en proposera le rétablissement, sur des critères plus justes...
Je reconnais un travail rigoureux de la part du rapporteur spécial, à ceci près que ce ne sont pas 5 milliards d'euros, mais beaucoup plus que l'on demande comme effort aux collectivités territoriales. Les seules cotisations aux caisses de retraite vont représenter entre 2 et 3 milliards d'euros de dépenses à leur charge. On ne saurait critiquer un passif résultant de choix antérieurs tout en étant dans une sorte de déni sur la situation présente.
J'observe que le dispositif proposé revient à abaisser le niveau de la DGF d'environ 2 % pour les collectivités territoriales qui seront concernées par la contribution. Or à chaque fois qu'on y a procédé, on a constaté une diminution de l'investissement local, et ce quelle que soit la majorité politique en place dans ces collectivités. Ici, elle atteindrait vraisemblablement une valeur à deux chiffres, ce qui influerait négativement sur la croissance.
En outre, qu'est-ce que ce dispositif changera au niveau d'endettement de notre pays ? Rien, à mon avis. Je pense qu'il s'agit d'un faux débat.
M. Thierry Cozic. - Une note récente de la fondation Jean-Jaurès évalue les conséquences des choix du Gouvernement sur les investissements locaux. Elles équivaudraient à une diminution de 12 milliards d'euros de ces investissements en 2025, soit une baisse de 18 % par rapport à 2023. Le tout avec une progression de l'endettement public.
Quelles que soient les améliorations qui lui sont apportées, le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain ne peut accepter le dispositif. Les collectivités ne sont en effet pas responsables de la situation actuelle.
Mme Christine Lavarde. - Nous pouvons saluer le travail de Stéphane Sautarel, qui présente une solution moins désavantageuse et moins injuste que celle de la version initiale. Sa solution élimine un certain nombre de problèmes posés notamment par un prélèvement forfaitaire sur les dépenses, avec d'inévitables effets de seuil et d'assiette.
En réponse à ceux qui nous invitent à ne rien faire, remarquons qu'il conviendrait dans ce cas de repenser l'ensemble de notre organisation dans le sens d'un surcroît de déconcentration, c'est-à-dire que l'État n'interviendrait plus dans le champ de compétence des collectivités locales. Il faudrait alors aussi supprimer immédiatement 5 milliards d'euros de dépenses sur le budget de l'État. Avancez-vous des propositions en ce sens ? J'en doute et, dans ces conditions, la solution qui nous est proposée pour 2025 constitue un moindre mal ; car je pense que des contraintes supplémentaires nous imposeront des efforts structurels en 2026.
M. Claude Raynal, président. - Chacun fait connaître ses positions, comme il est de tradition sur ce type de sujet. C'est le jeu de la politique.
Je soulèverai, pour ma part, trois questions.
D'une part, je ne sais pas exactement quel est l'objectif du Gouvernement. Nous pouvons certes comprendre qu'il s'agit de limiter les dépenses des collectivités. Mais veut-il améliorer la trésorerie de l'État ? Cette considération est sans doute marginale. Il me semble par ailleurs comprendre qu'il entend prendre en charge des dépenses exceptionnelles de certaines collectivités. Il a ainsi annoncé devant l'Assemblée des départements de France (ADF) qu'il serait prêt à accepter une diminution notable de l'effort des départements. Se pose encore la question des dépenses exceptionnelles en Nouvelle-Calédonie ou des accidents climatiques, que ce fonds de réserve devait servir à prendre en compte. Tous ces sujets ont été évoqués. L'amendement proposé me conduit précisément à m'interroger sur un retour des fonds aux collectivités qui financent le dispositif. Si dans l'esprit du Gouvernement ce dispositif vise à venir en aide aux collectivités locales en substitution de l'État, le dispositif que vous proposez ne le permet plus. Pour que l'amendement soit opérant, il lui faut correspondre à l'objectif du Gouvernement, à moins que cet objectif ne soit lui-même redéterminé. Est-il simplement question de geler la dépense de grandes collectivités ? Ou ce fonds de réserve a-t-il vocation à être redistribué ?
D'autre part, si le Gouvernement acceptait cette proposition, quelle serait alors sa demande de rééquilibrage financier ? La suppression de 2 milliards d'euros de recettes supposerait en effet une compensation par d'autres recettes ou par une diminution de dépenses d'un même montant.
Enfin, ce fonds est-il conçu pour une durée de trois ans ou devra-t-il être renouvelé tous les ans ? Je suis étonné par le nombre de mesures de ce PLF 2025 dont l'application ne semble pas devoir excéder un an. Ici, cependant, je ne perçois pas que la volonté de bloquer les financements des collectivités locales doive cesser au bout d'un an.
M. Stéphane Sautarel, rapporteur spécial. - Je commencerai par quelques éléments de réponse de portée générale.
Sur l'article 64 et l'effort contributif demandé aux collectivités, nous avons cherché à le ramener de 5 milliards à 2 milliards d'euros. Dans la mesure où nous partageons la nécessité d'un effort en vue de maintenir le déficit public à 5 % du PIB à la fin de 2025, cela signifie qu'il faudra trouver par ailleurs des économies. Le sujet dépasse les limites de la mission dont je traite. Je ne vous propose pas de transférer, par compensation, l'économie qui serait réalisée avec ce dispositif vers d'autres contributions ou concours aux collectivités. L'amendement ne prévoit ainsi pas de réduction de la DGF ou d'un autre dispositif.
S'il est entendu que les collectivités ne sont pas responsables de la situation des finances publiques de notre pays, nous reconnaissons que, dans le contexte actuel, il convient que chacun prenne sa part de l'effort, à condition que celui-ci soit socialement et territorialement supportable.
Je ne disconviens pas que d'autres mesures affectent les collectivités. Il est, par exemple, question, à l'occasion de l'examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS), d'une augmentation du taux de cotisation patronale à la Caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales (CNRACL) qui aurait une incidence. La commission des affaires sociales du Sénat présente à ce titre des amendements destinés à étaler la hausse sur quatre ans, au lieu de trois, afin d'en limiter les conséquences. Nous pourrions également évoquer le fonds vert, qui concerne le financement des collectivités.
Sur les 5 milliards d'euros de l'effort global, 3 milliards d'euros revenaient au fonds de réserve ou de précaution, 1,2 milliard à l'écrêtement de TVA et 800 millions d'euros au fonds de compensation pour la taxe sur la valeur ajoutée (FCTVA). Le rapporteur général a présenté un amendement destiné à éviter cette mesure sur le FCTVA. La mesure d'écrêtement de TVA, si on peut la regretter, paraît, quant à elle, admise. Ramener l'effort à 2 milliards d'euros, sur les 5 milliards demandés, revient à rapporter la contribution au dispositif de fonds de réserve à environ 1 milliard au lieu des 3 milliards initialement proposés.
Il est permis de considérer que le Gouvernement poursuit notamment l'objectif de freiner la dépense et que les mesures qu'il présente sont d'abord des mesures d'urgence. Elles ne s'accompagnent pas moins de demandes de réformes plus structurelles. On peut penser aux aspects normatifs ou encore au coût de la commande publique. Il faut en effet y travailler, au risque de se retrouver dans un an dans une situation analogue à celle d'aujourd'hui.
Dans ma contre-proposition relative à l'article 64, ma volonté est de préserver l'épargne des collectivités, ce qui me paraît être l'enjeu majeur. Il s'agit, d'une part, qu'elles gardent un niveau d'investissement ou de service qui réponde aux besoins de nos territoires et de nos concitoyens, et, d'autre part, de ne pas provoquer d'effet récessif du fait d'une diminution de l'investissement public.
Enfin, quant à la méthode retenue, et en réponse à Michel Canévet, je souligne le caractère d'urgence dans lequel nous intervenons. Je comprends le besoin qu'il exprime de prendre quelque recul pour analyser dans le détail les mesures proposées. Il nous était cependant difficile de disposer de plus d'éléments que nous n'en exposons aujourd'hui devant vous.
J'en viens à présent plus précisément aux questions que les uns et les autres ont soulevées.
Monsieur le rapporteur général, avant toute chose je vous remercie de votre accompagnement dans la recherche de solutions. Je reconnais avec vous la relative stabilité du périmètre des dotations d'investissement, nonobstant la question qui revient chaque année sur les compensations et les variables d'ajustement, qu'on peut regretter et sur laquelle il faudra un jour prendre des mesures.
Monsieur le président Raynal, l'objectif du Gouvernement, tel que nous le comprenons, consiste à lisser les recettes des collectivités dans le temps. Nous pensons que le dispositif pourrait également servir à terme aux collectivités elles-mêmes dans des situations de crise. Toutefois, nous convenons que cet objectif ne transparaît pas dans le dispositif tel qu'on nous le propose. Ce dispositif semble par ailleurs avoir vocation à durer plus d'un an : on le présente en effet souvent comme une mesure s'appliquant sur trois années de suite.
Je précise que le dispositif initial prévoyait une péréquation dans la répartition du fonds de réserve ou de précaution. Pour notre part, après avoir entendu l'ensemble des associations d'élus locaux, nous avons souhaité ne pas conserver une telle redistribution péréquatrice. Si nous restons favorables à la péréquation, nous pensons qu'il faut l'organiser autrement, avec les dispositifs déjà existants, et non par l'utilisation de ce fonds. Dans sa redistribution, on pourra ensuite s'interroger, mais son objectif, de notre point de vue, consiste à mettre en réserve des recettes de collectivités, en vue d'un retour de ces ressources vers ces mêmes collectivités.
J'ajoute que j'aurais préféré une mise en réserve directement dans les comptes des collectivités. Cela aurait été un gage de confiance à leur endroit et cela aurait préservé leur épargne brute. Nous ne sommes à ce stade pas parvenus à obtenir ce résultat, mais nous continuons d'y travailler.
Je remercie Bernard Delcros de son soutien à l'augmentation de la dotation aménités rurales.
En ce qui concerne les critères de répartition de la contribution entre les collectivités, que plusieurs d'entre vous ont évoqués, l'indice synthétique retenu tient compte du potentiel financier par habitant et du revenu par habitant. Contribuent les collectivités dont l'indice est supérieur à 110 % de la moyenne pour le bloc communal et à la médiane pour les départements. La contribution est ensuite répartie entre les contributeurs en fonction de leur population, multipliée par l'indice synthétique. Il nous a semblé plus juste d'utiliser cet indicateur que de nous en tenir à l'absence d'indicateur que le Gouvernement proposait, en s'en tenant au seul critère de la taille des collectivités.
Pour répondre à la préoccupation que plusieurs de nos collègues ont exprimée au sujet des départements, et que je partage, je signale que le dispositif que nous proposons en exclut 50 ; il en reste donc autant qui sont contributeurs, mais nous ne sommes plus en présence d'un système binaire - entre contributeurs et non-contributeurs - avec des effets de seuil : désormais, un principe de progressivité s'applique, la contribution pouvant représenter de 0,1 % à 2 % des RRF de la collectivité. Des 50 départements qui seraient contributeurs, un seul le serait à hauteur de 2 %. La plupart des autres en resteraient à des niveaux de contribution relativement symboliques. L'effort qui les concernerait atteindrait ainsi le total de 220 millions d'euros, au lieu du montant initial de 1,2 milliard d'euros. Et nous finirions avec ce PLF à un solde positif à leur égard, ce qui permettrait de maintenir le mécanisme de péréquation des DMTO qu'ils ont su organiser entre eux.
En revanche, nous ne disposons pas de liste précise des communes qui seraient concernées. Il s'agirait cependant des plus « riches », mais avec, pour certaines d'entre elles, des niveaux de contribution de nouveau relativement faibles.
Je rappelle que le dispositif que nous proposons s'intitule « dispositif de lissage conjoncturel des recettes fiscales des collectivités territoriales ». On voit que la notion de « fonds » a totalement disparu.
Monsieur Olivier, sans entrer dans le débat, l'effort attendu serait ramené non de 5 milliards à 1 milliard d'euros, mais de 5 milliards à 2 milliards d'euros.
Monsieur Savoldelli, nous partageons la même préoccupation quant au risque d'une diminution de l'investissement local. D'où, à notre sens, la nécessité de concevoir des dispositifs qui gardent au maximum l'épargne dans les comptes des collectivités. C'est, de notre point de vue, la clé de celui que nous avons élaboré. Je trouve paradoxal d'afficher une relation de confiance renouvelée avec les collectivités et de commencer par leur confisquer une part de leur épargne.
Madame Lavarde, merci de vos commentaires et du regard que vous portez sur le dispositif. Il tente de résoudre, dans l'urgence, une équation complexe. Il nécessite aussi d'être accompagné de mesures en effet plus structurelles, si nous ne souhaitons pas revivre plusieurs années de suite la même situation, voire connaître une situation plus difficile encore à l'avenir.
Mme Isabelle Briquet, rapporteure spéciale. - Monsieur Laménie, les parlementaires sont associés aux réunions et aux décisions des commissions DETR et DSIL. Mais chacune semble avoir ses propres modes de fonctionnement interne. Dans l'expérience qui est la mienne, il n'y a pas de dossiers dont je n'aurais pas connaissance. Cela devrait être le cas partout. Dans le cas contraire, il conviendrait peut-être de s'adresser au préfet.
Monsieur Daubet, on estime que l'effet de levier des dotations sur les investissements est de 1 à 4. Pour rappel, l'ensemble des dotations - DETR, DSIL, DPV et DSID - s'élève à un total de 8,4 milliards d'euros. Ce montant entraîne des effets considérables en matière d'investissement local, ce qui justifie mes craintes qu'il ne soit prochainement réduit.
Monsieur Delcros, je vous rejoins sur le fait qu'une réforme de la DGF - quoique nous la souhaitions - ne saurait s'envisager sereinement à moyens constants. Concernant la fusion des dotations, je partage votre inquiétude sur le risque qu'elle ferait courir aux collectivités d'en perdre une partie des montants. Entre la simplification des dispositifs que les élus appellent de leurs voeux et la fusion des dotations, il existe une marche qui pourrait leur être préjudiciable. Il convient donc de l'aborder collectivement avec beaucoup de précautions.
M. Stéphane Sautarel, rapporteur spécial. - Le PLF ne prévoit pas de fusion des dotations d'investissement, mais une réflexion existe sur le sujet. Localement, on plaide de longue date sur l'unicité des dossiers ou sur leur instruction commune ou partagée. Sans doute, du point de vue administratif, des améliorations pourraient-elles être apportées. À titre personnel, et indépendamment du contexte, j'estime qu'envisager un rapprochement entre DSIL, DSID et fonds vert ne serait pas aberrant en raison des objectifs communs qui sont les leurs. Le fonds vert, par exemple, aurait autant sa place dans la mission RCT que dans la mission « Écologie, développement et mobilité durables » - cela a d'ailleurs été souligné hier à l'occasion de l'examen du rapport spécial. En revanche, la spécificité de la DETR doit être absolument préservée, car les bénéficiaires de cette dotation, limités aux territoires ruraux, ne sont pas les mêmes que ceux des autres dispositifs.
Monsieur de Montgolfier, l'ANCT relève plus directement de la mission « Cohésion des territoires » que de la présente mission. À son sujet, deux questions se posent immédiatement. La première intéresse ses moyens au service des programmes qu'elle porte ; la seconde a trait à l'ingénierie, qui s'avère très disparate d'un point de vue géographique. Mais c'est surtout la remise en cause plus large du rôle des agences de l'État, catégorie à laquelle l'ANCT appartient, qu'il convient de rappeler, ainsi que le désengagement significatif de l'Etat vis-à-vis des dispositifs contractuels Sans doute un travail reste-t-il à conduire sur le possible rapprochement de l'ANCT et du Centre d'études et d'expertise sur les risques, l'environnement, la mobilité et l'aménagement (Cerema).
M. Stéphane Sautarel, rapporteur spécial. - L'amendement II-7 (FINC.1) concerne l'augmentation de 10 millions d'euros de la dotation aménités rurales.
L'amendement II-7 (FINC.1) est adopté.
La commission a décidé de proposer au Sénat d'adopter les crédits de la mission « Relations avec les collectivités territoriales », sous réserve de l'adoption de son amendement.
EXAMEN DES ARTICLES RATTACHÉS
Mme Isabelle Briquet, rapporteure spéciale. - L'amendement II.9 (FINC.2) vise une neutralisation à hauteur de 80 % en 2025 de l'impact financier de la réforme de l'effort fiscal intervenue en LFI pour 2022.
L'amendement II.9 (FINC.2) est adopté.
La commission décide de proposer au Sénat d'adopter l'article 61, sous réserve de l'adoption de son amendement.
Article 62
La commission décide de proposer au Sénat d'adopter, sans modification, l'article 62.
Article 63
La commission décide de proposer au Sénat d'adopter, sans modification, l'article 63.
M. Stéphane Sautarel, rapporteur spécial. - L'amendement II-10 (FINC.3) vise à supprimer l'article 64, en vue de lui substituer un autre mécanisme, prévu par l'amendement II-11 (FINC.4) portant article additionnel.
L'amendement II-10 (FINC.3) est adopté.
La commission décide de proposer au Sénat de supprimer l'article 64.
Après l'article 64
L'amendement II-11 (FINC.4) portant article additionnel est adopté.
La commission a décidé de proposer au Sénat d'adopter, sans modification, les crédits du compte de concours financiers « Avances aux collectivités territoriales et aux collectivités régies par les articles 73, 74 et 76 de la Constitution ».
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Réunie à nouveau le jeudi 21 novembre 2024, sous la présidence de M. Claude Raynal, président, la commission a confirmé définitivement ses votes émis sur toutes les missions, tous les budgets annexes, tous les comptes spéciaux et les articles rattachés aux missions, ainsi que les amendements qu'elle a adoptés, à l'exception des votes émis pour les missions « Culture », « Direction de l'action du Gouvernement », « Enseignement scolaire », « Médias, livre et industries culturelles », « Audiovisuel public », « Recherche et enseignement supérieur », ainsi que des comptes spéciaux qui s'y rattachent.