EXAMEN PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE

En première lecture, l'Assemblée nationale n'ayant pas adopté la première partie du projet de loi, celui-ci est considéré comme rejeté en application du troisième alinéa de l'article 119 du Règlement de l'Assemblée nationale.

En conséquence, sont considérés comme rejetés les crédits de la mission « Action extérieure de l'État ».

EXAMEN EN COMMISSION

Réunie le mercredi 20 novembre 2024, sous la présidence de M. Claude Raynal, président, la commission des finances a procédé à l'examen du rapport de Mme Nathalie Goulet, rapporteur spécial de la mission « Action extérieure de l'État ».

Mme Nathalie Goulet, rapporteur spécial de la mission « Action extérieure de l'État ». - Nous avons l'honneur, avec mon collègue Rémi Féraud, de vous présenter nos observations sur les crédits de la mission « Action extérieure de l'État », qui regroupe une partie substantielle du budget du ministère de l'Europe et des affaires étrangères (MEAE).

J'aborderai successivement deux points principaux : d'une part, un tableau général des crédits de la mission et, d'autre part, une présentation plus détaillée du programme 105. Je laisserai par la suite mon corapporteur Rémi Féraud présenter les programmes 151 et 185.

En premier lieu, j'évoquerai donc l'équilibre général de la mission, sous la forme de deux remarques. D'une part, il importe de rappeler que la mission « Action extérieure de l'État » ne représente que la moitié des crédits du MEAE, l'autre moitié relevant de la mission « Aide publique au développement » et de son programme 209.

C'est en gardant cet équilibre en tête que l'on peut comprendre l'évolution des crédits de la mission en 2025, car si l'aide au développement portée par le MEAE sur le programme 209 recule de près d'un tiers en 2025, le volume de la mission « Action extérieure de l'État » demeure, en contrepartie, à un niveau élevé, avec 3,5 milliards d'euros en autorisations d'engagement (AE) comme en crédits de paiement (CP).

D'autre part, il est nécessaire de souligner que si le montant des crédits de la mission pour 2025 s'inscrit en baisse par rapport à la loi de finances initiale (LFI) pour 2024, il est stable par rapport à l'exécution anticipée de l'exercice 2024. Cette stabilisation du volume de la mission, après trois exercices consécutifs à la hausse, ne découle d'aucune mesure structurelle d'économies.

Trois facteurs principaux contribuent à la constance des crédits : une baisse des contributions obligatoires découlant du recul de la part de la France dans le revenu national brut (RNB) mondial, une évaluation plus réaliste des dépenses immobilières et un « coup de rabot » de faible ampleur sur l'ensemble des lignes de crédits.

Dans un contexte de dégradation de nos comptes publics, l'absence d'effort budgétaire sur la mission pose question. L'exécution des exercices précédents s'est caractérisée par une sous-consommation de certaines enveloppes budgétaires pluriannuelles, notamment en matière d'immobilier et de travaux de sécurisation des emprises. De plus, les dépenses d'intervention, en particulier s'agissant de la coopération culturelle, ont fortement progressé ces dernières années, sans que leur doctrine d'engagement soit suffisamment précisée.

Par conséquent, afin d'assurer une contribution de la mission à l'effort de redressement des comptes publics, j'ai souhaité déposer un amendement visant à diminuer de 50 millions d'euros les crédits de la mission. Je vous rappelle d'ailleurs que nous avions adopté l'année dernière un amendement en ce sens, rejeté en séance puis finalement retenu dans le cadre du décret d'annulation de crédits qui a été pris ensuite : nous avions donc eu le tort d'avoir eu raison trop tôt.

J'en viens, en second lieu, à une présentation plus détaillée des crédits du programme 105. Ce dernier constitue le programme support de la mission et représente avec 2,7 milliards d'euros de crédits, la majorité de ses crédits.

Tout d'abord, nouveauté de l'exercice 2025, le programme 105 regroupe désormais l'ensemble des dépenses de titre 2 du MEAE, auparavant réparties sur les trois programmes de la mission « Action extérieure de l'État » et sur le programme 209.

Cette évolution devrait conduire à une plus grande lisibilité des dépenses de personnel de la mission, et ce dans un contexte de progression des effectifs du ministère. En effet, pour la troisième année consécutive, le schéma d'emploi de la mission augmente, avec 75 nouveaux équivalents temps plein (ETP) créés en 2025. Comme l'année dernière, je regrette que cet accroissement des effectifs ne soit pas accompagné d'une programmation plus précise de la répartition des emplois. Je signale d'ailleurs que la mise en extinction du corps diplomatique, qui avait soulevé beaucoup d'émotion et entraîné des recours, a finalement été assez bien acceptée par les principaux intéressés, sans que nous connaissions pour l'instant le coût de cette réforme : j'espère que ce sera le cas l'an prochain, lorsque l'ensemble du dispositif sera stabilisé.

Ensuite, l'exercice 2025 devrait être marqué par une baisse des contributions internationales portées par le programme 105, de l'ordre de 9 %. La diminution de nos contributions ne résulte en rien de la volonté du ministère, mais découle principalement de la diminution de la quote-part de la France dans le barème des Nations unies, d'une part, et de l'extinction de la mission multidimensionnelle intégrée des Nations unies pour la stabilisation au Mali (Minusma), d'autre part.

Enfin, s'il s'agit d'une enveloppe de moindre importance en volume, les dépenses de protocole et de communication se maintiennent à un niveau élevé. Ainsi, les moyens du protocole devront supporter le coût de l'organisation de la conférence des Nations unies sur les océans pour 24 millions d'euros, avec un risque non négligeable de dérapage par rapport à la programmation initiale.

Sans préjuger de la présentation des crédits que s'apprête à vous adresser Rémi Féraud, et sous réserve de l'adoption de l'amendement que je vous propose, je vous invite à adopter les crédits de la mission « Action extérieure de l'État ».

M. Rémi Féraud, rapporteur spécial de la mission « Action extérieure de l'État ». - Comme vient de l'indiquer ma collègue Nathalie Goulet, les crédits de la mission « Action extérieure de l'État » s'inscrivent en légère baisse par rapport à la loi de finances initiale pour 2024.

Je présenterai successivement les programmes 151 et 185, ainsi que les dépenses concourant à l'enseignement français à l'étranger.

Pour commencer, j'aborderai le programme 151, qui regroupe les moyens dédiés au réseau consulaire et aux Français de l'étranger. Les moyens du réseau consulaire sont renforcés à deux égards. Il s'agit, dans un premier temps, de financer à hauteur de 3 millions d'euros les surcoûts des grands programmes de modernisation de l'administration consulaire. La plateforme d'appel France Consulaire, qui vise à décharger l'accueil téléphonique de nos différents postes à l'étranger, en est un bon exemple. Son déploiement hors de l'Europe se poursuit et le centre d'appel devrait être déplacé prochainement de la Courneuve à Nantes, par souci d'économies et d'attractivité.

Nous pouvons noter que le vote par internet, utilisé pour les élections consulaires et législatives, a donné satisfaction lors des dernières échéances électorales. Cet outil sera peut-être amené à resservir en 2025 en cas de dissolution. L'administration consulaire a indiqué y être prête.

Dans un second temps, cette progression des crédits vise à assurer le bon fonctionnement de l'instruction des demandes de visas, avec plus de 2 millions d'euros additionnels en 2025. La gestion de cette instruction a en effet donné lieu, depuis la fin de la crise sanitaire, à une « crise des visas », caractérisée par un engorgement des services et un allongement des délais de traitement lié à la reprise des flux de passagers internationaux et notamment du tourisme. La mise en oeuvre des recommandations d'amélioration des procédures d'instruction, issues des travaux de la mission d'évaluation confiée à Paul Hermelin, est en cours.

Nous relevons également un point d'alerte s'agissant des dépenses liées aux contentieux des refus de visas. Si ce contentieux relève formellement du MEAE, son suivi est assuré par le ministère de l'intérieur et ses coûts sont partagés entre les deux ministères. Cependant, en raison de transferts tardifs d'information par le ministère de l'intérieur, le Quai d'Orsay se trouve en difficulté pour régler les frais liés à ce contentieux. Il nous paraîtrait donc opportun de transférer la gestion de ces compétences au seul ministère de l'intérieur et nous souhaitons interpeller le Gouvernement en ce sens.

J'en viens ensuite, au programme 185, qui correspond aux crédits de la diplomatie culturelle et d'influence. Sur ce point, il faut noter une stabilisation en trompe-l'oeil des crédits de l'attractivité universitaire et scientifique qui compromet les ambitions affichées par le président de la République depuis plusieurs années. Une enveloppe de bourses stables, à hauteur de 70 millions d'euros, signifie en réalité une réduction du nombre de nouvelles bourses par rapport à l'année passée. Or les étudiants étrangers constituent, à mon sens, les meilleurs ambassadeurs de notre pays, et nous ne devrions pas négliger cette politique d'influence, même s'il faut évidemment en assurer la qualité et contrôler les éventuelles fraudes.

Enfin, j'aborderai à part les crédits concourant à l'enseignement français à l'étranger qui relèvent à la fois du programme 151 et du programme 185. Les bourses scolaires, portées par le programme 151, reculent de 5,5 %. Ces bourses, directement versées aux établissements, permettent de soutenir les familles les plus modestes à accéder à l'enseignement français à l'étranger. Je rappelle à cet égard que la soulte de l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger (AEFE) a été liquidée depuis 2023.

De même, la subvention pour charges de service public de l'AEFE à l'étranger est diminuée d'environ 3,1 %. Cette baisse des moyens de l'AEFE laisse en suspens la réforme de son mode de financement. Faute de possibilité d'endettement, l'Agence rencontrera toujours des difficultés à financer ses dépenses immobilières, estimées à 175 millions d'euros sur la période 2025-2028.

Au total, la baisse de son budget fragilise la capacité du réseau d'enseignement français à l'étranger à réaliser sa double vocation : assurer un service public pour les familles françaises et constituer un outil d'influence pour notre pays. À cet égard, l'objectif du doublement du nombre d'élèves scolarisés dans les établissements français à l'étranger d'ici à 2030 semble très largement inatteignable, même si le nombre d'élèves augmente légèrement.

Pour terminer, je déplore que les crédits de la mission « Action extérieure de l'État » n'aient pas fait l'objet d'une complète préservation, au même titre que les autres missions relevant du domaine régalien, car les affaires étrangères y concourent pleinement. Le maintien des crédits de la mission à un niveau élevé devrait permettre de consolider les effectifs du ministère et de prévenir la dégradation de notre outil diplomatique, après des années, voire des décennies, de restriction budgétaire. Les objectifs assignés au MEAE impliquent au moins de conserver des moyens budgétaires adaptés, à défaut de respecter les objectifs très ambitieux fixés par la loi de programmation des finances publiques (LPFP).

Pour ces différentes raisons, je propose une abstention sur les crédits de la mission « Action extérieure de l'État ».

Mme Nathalie Goulet, rapporteur spécial. - L'observation relative au partage du contentieux des visas pourra intéresser le rapporteur spécial de la mission « Immigration, asile et intégration », cette question devant être réglée.

Par ailleurs, une ligne budgétaire est intitulée « diplomatie d'influence et communication » et nous avons demandé au ministère de modifier ce vocabulaire, car il semble prêter à confusion.

M. Jean-François Husson, rapporteur général. -Les deux rapporteurs spéciaux n'expriment pas tout à fait la même intention de vote. Nathalie Goulet s'inscrit cette année encore dans une optique de maîtrise des dépenses et de la recherche d'efforts supplémentaires. Elle a rappelé à juste titre l'épisode de l'année dernière durant lequel notre alerte avait d'abord été écartée, avant de faire l'objet d'une confirmation soixante jours après. Je pense que nous n'aurons de toute façon guère d'autre choix, à l'avenir, que de s'assurer de disposer des crédits au bon endroit, accompagnés d'une bonne exécution budgétaire.

M. Michel Canévet. - Je remercie à mon tour les rapporteurs spéciaux pour la qualité de leur présentation. Je signale qu'il existe un effet de périmètre avec la mission « Aide publique au développement », puisque l'ensemble du personnel sera dorénavant rattaché à la mission « Action extérieure de l'État ».

Une réduction de crédits est prévue sur les moyens immobiliers à l'étranger. Pourrait-elle remettre en cause la nécessaire évolution du patrimoine, c'est-à-dire la rénovation thermique et énergétique des bâtiments ?

Par ailleurs, j'ai noté la légère baisse des moyens dédiés à l'enseignement du français à l'étranger, mais il faudrait surtout que nos institutions puissent investir afin d'améliorer l'état des locaux à l'étranger, sans passer uniquement sous les fourches caudines du MEAE. Qu'est-ce qui empêche les structures locales d'investir à l'heure actuelle ?

Enfin, comment la lutte contre la fraude aux visas est-elle organisée ? Un service dédié existe-t-il au sein du ministère ? Est-il efficient ?

M. Albéric de Montgolfier. - Il me semble que la France ne dispose plus du deuxième réseau diplomatique au monde et qu'elle a été dépassée par la Chine, ainsi que par la Turquie et le Japon, alors que le maintien d'un tel réseau est nécessaire compte tenu du contexte international tendu et des difficultés des entreprises françaises à exporter. Confirmez-vous ce point ?

M. Emmanuel Capus. - La principale baisse de budget est liée à la diminution de notre contribution aux missions de l'ONU. Comment la baisse de notre quote-part dans le barème des Nations unies est-elle calculée ? Correspond-elle à une perte d'influence ou même à une baisse du PIB ?

De la même façon, pourquoi la contribution française à la facilité européenne pour la paix baisse-t-elle de 40 millions d'euros ?

M. Rémi Féraud, rapporteur spécial. - D'après les indications dont nous disposons, le réseau diplomatique français est toujours le troisième au monde après les États-Unis et la Chine. Des ouvertures de postes diplomatiques sont prévues cette année, notamment au Guyana.

Concernant l'enseignement à l'étranger, je précise qu'il n'est pas uniquement question de francophonie et de l'enseignement du français, mais de l'enseignement français sur le modèle de l'éducation nationale à travers le monde, avec un tiers d'élèves français et deux tiers d'élèves étrangers. Un engagement du Président de la République consiste à doubler le nombre d'élèves pour augmenter le nombre d'élèves étrangers qui recevraient un enseignement français, ce qui est un objectif tout à fait louable, mais les moyens ne sont pas à la hauteur des ambitions, d'ailleurs réduites par la crise covid.

La stabilité des moyens, voire leur légère réduction, n'aide pas, et des questions de modèle économique se poseront certainement dans les années qui viennent. Sur le plan de l'investissement, je précise que les établissements gérés directement par l'AEFE ne peuvent pas emprunter individuellement, ce qui conduit à réaliser des économies sur de nombreuses années successives pour ensuite pouvoir emprunter.

Les parents d'élèves, nos collègues représentant les Français de l'étranger et moi-même ne sommes pas parvenus à ce principe auquel Bercy est attaché, mais qui ralentit et entrave des investissements pourtant absolument nécessaires. Le lycée Charles-de-Gaulle à Londres aurait notamment besoin d'investissements considérables, qui sont pour l'instant difficiles à financer.

Mme Nathalie Goulet, rapporteur spécial. - Pour en revenir au réseau diplomatique, le projet de mutualisation d'un certain nombre d'ambassades européennes un temps envisagé est aujourd'hui moins encouragé.

S'agissant de la baisse de la quote-part de la France au sein des organisations internationales, et notamment du système onusien, elle s'explique en effet par une diminution de notre poids dans le RNB mondial.

Monsieur Canévet, la baisse des crédits correspond plutôt à une plus grande sincérité sur un certain nombre de crédits qui avaient été sous-exécutés, ce qui est plutôt un élément positif.

En ce qui concerne la fraude, le sujet peut être élargi aux demandeurs de visas, qui doivent apporter la preuve de leurs capacités contributives et de leur domiciliation en France. Après avoir garanti qu'ils disposent de moyens de subsistance en France, il arrive qu'ils demandent le revenu de solidarité active (RSA) et des logements sociaux une fois la frontière franchie. Les services consulaires sont intéressés par un partage d'informations avec les organismes de sécurité sociale, estimant qu'il y a là une fraude très importante qui pourrait être évitée avec un meilleur partage des données.

L'autre sujet de fraude est lié à la « domiciliation chez... », qui est un élément essentiel dans les demandes de visas. Le consul général à Alger, notamment, a procédé à un contrôle sur pièces et sur place de la réalité de ces domiciliations, avec environ 1 million d'euros d'économies sur des fins de prestations dans un délai de six mois, puisque lesdites domiciliations étaient tout à fait factices. La direction des Français à l'étranger et des affaires consulaires a renforcée ses capacités internes de lutte contre la fraude.

Article 42

M. Claude Raynal, président. - Nous allons procéder au vote de l'amendement présenté par Mme Goulet, qui propose une réduction des crédits de la mission de 50 millions d'euros, en AE comme en CP.

L'amendement no  II-29 (FINC1) est adopté.

La commission a décidé de proposer au Sénat d'adopter les crédits de la mission « Action extérieure de l'État », sous réserve de l'adoption de son amendement.

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Réunie à nouveau le jeudi 21 novembre 2024, sous la présidence de M. Claude Raynal, président, la commission a confirmé définitivement ses votes émis sur toutes les missions, tous les budgets annexes, tous les comptes spéciaux et les articles rattachés aux missions, ainsi que les amendements qu'elle a adoptés, à l'exception des votes émis pour les missions « Culture », « Direction de l'action du Gouvernement », « Enseignement scolaire », « Médias, livre et industries culturelles », « Audiovisuel public », « Recherche et enseignement supérieur », ainsi que des comptes spéciaux qui s'y rattachent.

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