N° 144

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2024-2025

Enregistré à la Présidence du Sénat le 21 novembre 2024

RAPPORT GÉNÉRAL

FAIT

au nom de la commission des finances (1) sur le projet de loi de finances, considéré comme rejeté par l'Assemblée nationale, pour 2025,

Par M. Jean-François HUSSON, 

Rapporteur général,

Sénateur

TOME III

LES MOYENS DES POLITIQUES PUBLIQUES ET DISPOSITIONS SPÉCIALES

(seconde partie de la loi de finances)

ANNEXE N° 1

ACTION EXTÉRIEURE DE L'ÉTAT

Rapporteurs spéciaux : Mme Nathalie GOULET et M. Rémi FÉRAUD

(1) Cette commission est composée de : M. Claude Raynal, président ; M. Jean-François Husson, rapporteur général ; MM. Bruno Belin, Christian Bilhac, Jean-Baptiste Blanc, Michel Canévet, Emmanuel Capus, Thierry Cozic, Bernard Delcros, Thomas Dossus, Albéric de Montgolfier, Didier Rambaud, Stéphane Sautarel, Pascal Savoldelli, vice-présidents ; Mmes Marie-Carole Ciuntu, Frédérique Espagnac, MM. Marc Laménie, Hervé Maurey, secrétaires ; MM. Pierre Barros, Arnaud Bazin, Grégory Blanc, Mmes Florence Blatrix Contat, Isabelle Briquet, MM. Vincent Capo-Canellas, Raphaël Daubet, Vincent Delahaye, Vincent Éblé, Rémi Féraud, Stéphane Fouassin, Mme Nathalie Goulet, MM. Jean-Raymond Hugonet, Éric Jeansannetas, Christian Klinger, Mme Christine Lavarde, MM. Antoine Lefèvre, Dominique de Legge, Victorin Lurel, Jean-Marie Mizzon, Claude Nougein, Jean-Baptiste Olivier, Olivier Paccaud, Mme Vanina Paoli-Gagin, MM. Georges Patient, Jean-François Rapin, Mme Ghislaine Senée, MM. Laurent Somon, Christopher Szczurek, Mme Sylvie Vermeillet, M. Jean-Pierre Vogel.

Voir les numéros :

Assemblée nationale (17ème législ.) : 324, 459, 462, 468, 471, 472, 486, 524, 527, 540 et T.A. 8

Sénat : 143 et 144 à 150 (2024-2025)

L'ESSENTIEL

I. LE BUDGET 2025 : UN « COUP DE FREIN » DANS L'AUGMENTATION DES MOYENS DE LA DIPLOMATIE

A. DEPUIS LA CRISE SANITAIRE, LA MISSION A BÉNÉFICIÉ DU « RÉARMEMENT » DE LA DIPLOMATIE FRANÇAISE

Fortement mise à contribution dans le cadre du programme « Action publique 2022 » et du plan de réforme des réseaux de l'État et de ses opérateurs à l'étranger, la mission « Action extérieure de l'État » a bénéficié, depuis la crise sanitaire, d'un renforcement sensible de ses moyens.

Au-delà des dépenses de crise destinées à soutenir les Français expatriés, le budget du ministère de l'Europe et des affaires étrangères (MEAE) a été tiré à la hausse, à compter de 2021-2021 par une série d'annonces sectorielles représentant un coût budgétaire conséquent, formant une véritable ébauche de loi de programmation sans consultation du Parlement, dont :

- la stratégie interministérielle d'attractivité universitaire de la France, « Bienvenue en France » (2018), avec un objectif de 500 000 étudiants étrangers en France en 2027 et de doublement des bourses d'études ;

- la stratégie internationale pour la langue française et le plurilinguisme (2018) avec un objectif de doublement du nombre d'élèves accueillis au sein du réseau scolaire français à l'étranger d'ici à 2030 ;

- la « feuille de route de l'influence » (2022), incluant de nombreuses mesures dont l'augmentation des contributions volontaires à l'ONU, le développement des campus français à l'étranger ou le développement des médias français à l'étranger ;

- les « états généraux de la diplomatie » (2023), avec l'annonce d'une hausse de plus de 20 % des crédits du MEAE, visant à atteindre un budget de 8 milliards d'euros en 2027 (soit + 1,3 milliard d'euros) et, d'autre part, la création de 700 nouveaux ETP sur la même période ;

- les « consultations sur l'enseignement français à l'étranger » (2023) qui évoquaient la piste d'une prise en charge par l'État de la politique immobilière de l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger (AEFE).

B. UNE STABILISATION DES CRÉDITS DE LA MISSION DÉCOULANT DAVANTAGE D'UN « RABOT » BUDGÉTAIRE QUE DE MESURES STRUCTURELLES D'ÉCONOMIES

L'exercice 2024 avait ainsi été caractérisé par une hausse des moyens du MEAE, avec une progression de plus de 15 % en AE comme en CP, inédite depuis 2005. Menée dans la précipitation, la ventilation des crédits découlant de cet accroissement soudain n'était pas finalisée au moment de la présentation du budget.

Dès février 2024, confronté à la dégradation des comptes publics, le Gouvernement a annulé, par décret, plus de 174 millions d'euros, en AE comme en CP, sur la mission AEE. De plus, le Gouvernement propose d'annuler 58 millions d'euros en AE et en CP dans le projet de loi de finances de fin de gestion déposé le 6 novembre.

Comparaison du volume de la mission
entre le projet de loi de finances pour 2025 et l'exercice 2024

(en milliards d'euros et en pourcentage)

Note : les montants prennent en compte le transfert des dépenses de titre 2 du programme 209 de la mission APD vers la mission AEE.

Source : commission des finances d'après les documents budgétaires

Aussi, si le montant des crédits de la mission AEE pour 2025 s'inscrit en baisse par rapport à la loi de finances initiale pour 2024, avec 3,5 milliards d'euros d'autorisations d'engagement (- 4,10 %) comme en crédits de paiement (- 3,91 %), il est stable par rapport à l'exécution anticipée de l'exercice 2024.

Cette stabilisation des crédits de la mission ne traduit aucune mesure structurelle d'économie budgétaire opérée par le ministère de l'Europe et des affaires étrangères. Si la mission se caractérise par le caractère rigide de certaines dépenses (contributions internationales, aides à la scolarisation, dotations aux opérateurs...), cette absence est regrettable.

Les seuls gisements possibles de réduction des dépenses mis en avant par le ministère reposent, d'une part, sur la réduction de la quote-part française dans les grandes organisations internationales et, d'autre part, sur les grands programmes de modernisation de l'administration consulaire.

Évolution des crédits de la mission Action extérieure de l'État

(en millions d'euros - en pourcentage)

 

LFI 2024

PLF 2025

Évolution en valeur

Évolution en pourcentage

 

AE

CP

AE

CP

AE

CP

AE

CP

105 - Action de la France en Europe et dans le monde

2 791,5

2 789,7

2 695,1

2 699,6

- 96,4

- 90

- 3,5 %

- 3,2 %

151 - Français à l'étranger et affaires consulaires

165,6

165,2

156,5

156,9

- 9,1

- 8,3

- 5,5 %

- 5 %

185 - Diplomatie culturelle et d'influence

721,2

721,2

675,9

675,9

- 45,2

- 45,2

- 6,3 %

- 6,3 %

Mission - Action extérieure de l'État

3 678,3

3 676,1

3 527,5

3 532,5

- 150,74

- 143,57

- 4,1 %

- 3,9 %

Source : commission des finances du Sénat d'après les documents budgétaires

II. LE PROGRAMME 105 : UNE RÉDUCTION DES CRÉDITS DES MOYENS GÉNÉRAUX DU MINISTÈRE QUI DÉCOULE DE LA BAISSE DES CONTRIBUTIONS INTERNATIONALES

A. SANS AUCUNE PROGRAMMATION PLURIANNUELLE, LES DÉPENSES DE PERSONNEL POURSUIVENT LEUR AUGMENTATION

L'exercice 2025 marque une évolution significative de l'architecture budgétaire du programme qui regroupe désormais l'ensemble des dépenses de personnel du MEAE, y compris celles contribuant au programme 209 de la mission APD.

En dépit d'une révision à la baisse des ambitions affichées en 2023, le plafond d'emplois de la mission progresse significativement pour le troisième exercice consécutif avec une augmentation de 75 ETP en 2025. Le total des dépenses de titre 2 s'élève à 1,15 milliard d'euros en 2025 (+ 45 millions).

Malgré une volonté de renforcement de ses moyens humains, le MEAE n'est toujours pas en mesure de fournir un schéma pluriannuel d'affectation des nouveaux ETP.

B. LA BAISSE DES CONTRIBUTIONS INTERNATIONALES, PRINCIPALE ÉCONOMIE DU BUDGET 2025, EST INDÉPENDANTE DE TOUT EFFORT BUDGÉTAIRE

Le programme 105 porte une partie de contributions de la France aux entités multilatérales (16,5 % en 2023) dont la majorité est composée de contributions obligatoires (92 % en 2025). Ces contributions obligatoires découlent d'un engagement de droit international public et sont donc difficiles à remettre en cause.

Pour 2025, le total des contributions du programme 105 devrait diminuer de 9 %, essentiellement en raison d'une baisse du financement des opérations de maintien de la paix de l'ONU. Ce recul s'explique, d'une part, par la diminution de la quote-part française au barème des Nations unies et, d'autre part, par la fin de la MINUSMA.

De même, s'agissant des contributions européennes, la contribution française à la Facilité européenne pour la paix baisse de 40 millions d'euros, ce qui constitue la principale économie du budget 2025.

Si cette baisse des contributions permet de compenser le maintien à un haut niveau d'autres enveloppes, elle ne découle en rien d'un effort budgétaire du MEAE.

Évolution des contributions internationales portées par la France

(en millions d'euros - en pourcentage)

Note : l'abréviation OMP revoie aux opérations de maintien de la paix.

Source : commission des finances d'après les documents budgétaires

C. UNE ÉVALUATION PLUS RÉALISTE DES DÉPENSES D'IMMOBILIER PERMET DE MAINTENIR À UN NIVEAU ÉLEVÉ LES DÉPENSES NUMÉRIQUES ET DE SÉCURITÉ

Par rapport à l'exercice 2024, les dépenses d'entretien et de maintenance à l'étranger devraient reculer de 10 % pour se situer à 94,3 millions d'euros en AE et en CP. Cette baisse résulte d'une rationalisation des dépenses immobilières du ministère prenant en compte la sous-consommation des CP constatée lors des années précédentes.

Proposée l'année dernière par la commission des finances du Sénat, cette évaluation plus réaliste des dépenses immobilières permet au ministère de maintenir à un niveau élevé les dépenses numériques (58 millions d'euros en AE et en CP) et de sécurité (66,7 millions d'euros en AE et 70,1 millions d'euros en CP).

III. LES PROGRAMMES 185 ET 151 : UNE STABILISATION DES MOYENS DE LA COOPÉRATION CULTURELLE, DU RÉSEAU CONSULAIRE ET DE L'ENSEIGNEMENT FRANÇAIS QUI COMPROMET LES OBJECTIFS AFFICHÉS

A. UNE STAGNATION DES MOYENS DE LA COOPÉRATION CULTURELLE ET D'INFLUENCE, QUI INTERROGE NOTRE POLITIQUE D'ATTRACTIVITÉ

Le soutien au réseau de la coopération structurelle fait l'objet d'une sanctuarisation, notamment avec une progression des dotations aux établissements à autonomie financière

La stabilisation du volume des bourses du Gouvernement français au bénéfice des étudiants étrangers à 70,1 millions d'euros aura pour conséquence de réduire le nombre de bourses nouvelles par rapport à l'année 2024, interrompant la trajectoire haussière engagée les années passées. Une partie conséquence de l'enveloppe prévue sera, en effet, utilisée pour financer les engagements pris lors des années précédentes à financer des mobilités couvrant plusieurs années civiles.

B. DES SERVICES CONSULAIRES SOUS PRESSION

La démarche de modernisation des outils du service consulaire, engagée depuis plusieurs années par la direction des Français de l'étranger se poursuit. Toutefois, si les grands projets de modernisation sont présentés comme des viviers d'économies, ils n'ont pas encore porté leurs fruits, à l'image de France consulaire dont les locaux feront l'objet d'un déménagement à Nantes.

De même, si l'instruction des demandes de visas a bénéficié de la hausse des effectifs affectés au programme 151, l'amélioration des procédures d'instruction, recommandée par le rapport de la mission Hermelin n'est pas encore aboutie.

C. LES DOTATIONS ALLOUÉES À L'ENSEIGNEMENT FRANÇAIS À L'ÉTRANGER SONT MISES À CONTRIBUTION

Les dotations allouées à l'enseignement français à l'étranger devraient reculer sur l'exercice 2025.

D'une part, la subvention pour charges de service public versée à l'AEFE se situe à 440,8 millions d'euros (- 14 millions d'euros) pour intégrer le moindre coût de la réforme de ses personnels et la non-consommation d'une enveloppe spécifique. Pour autant, la problématique du financement de l'immobilier de l'agence demeure en suspens, en l'absence de capacité d'emprunt.

D'autre part, l'enveloppe des aides à la scolarisation s'inscrit en baisse par rapport à l'année passée, avec 111,5 millions d'euros en AE=CP (- 5,5 %), du fait d'un recul de 17 % du nombre de boursiers français. La modération de cette enveloppe est compensée par la généralisation de l'aide à la scolarisation des élèves en situation de handicap.

Cette évolution des moyens compromet fortement de l'objectif de doublement du nombre d'élèves accueillis, français comme étrangers, dans le réseau d'ici à 2030.

Évolution du montant de l'enveloppe des bourses scolaires
et du nombre de boursiers entre 2017 et 2022

Source : commission des finances d'après les documents budgétaires

Réunie le 20 novembre 2024, sous la présidence de M. Claude Raynal, président, la commission des finances a décidé de proposer au Sénat l'adoption des crédits de la mission tels que modifiés par un amendement de crédits de Mme Nathalie Goulet, rapporteur spécial, minorant de 50 millions d'euros sur des dépenses d'investissement faisant l'objet d'une sous-exécution régulière, d'une part, et sur des enveloppes de crédits d'intervention dont la doctrine de décaissement n'est pas précisée, d'autre part.

Réunie à nouveau le jeudi 21 novembre 2024, sous la présidence de M. Claude Raynal, président, la commission a confirmé définitivement ses votes émis sur toutes les missions, tous les budgets annexes, tous les comptes spéciaux et les articles rattachés aux missions, ainsi que les amendements qu'elle a adoptés, à l'exception des votes émis pour les missions « Culture », « Direction de l'action du Gouvernement », « Enseignement scolaire », « Médias, livre et industries culturelles », « Audiovisuel public », « Recherche et enseignement supérieur », ainsi que des comptes spéciaux qui s'y rattachent.

Au 10 octobre 2023, date limite, en application de l'article 49 de la loi organique relative aux lois de finances, pour le retour des réponses du Gouvernement aux questionnaires budgétaires concernant le présent projet de loi de finances, 0 % des réponses portant sur la mission « Action extérieure de l'État » étaient parvenues aux rapporteurs spéciaux.

I. LES CRÉDITS DE LA MISSION « ACTION EXTÉRIEURE DE L'ÉTAT » : UN BUDGET STABILISÉ QUI MARQUE UN « COUP DE FREIN » À L'AUGMENTATION DES MOYENS DE LA DIPLOMATIE

A. DEPUIS LA CRISE SANITAIRE, LA MISSION A BÉNÉFICIÉ DU « RÉARMEMENT » DE LA DIPLOMATIE FRANÇAISE

1. Après une forte mise à contribution du redressement des finances publiques entre 2018 et 2021, la mission AEE bénéficie, dans un mouvement de balancier budgétaire, d'une hausse sensible de ses moyens

Au cours des années précédant la crise sanitaire, la mission « Action extérieure de l'État » et, plus largement, le ministère de l'Europe et des affaires étrangères, ont été particulièrement sollicités au titre du redressement de nos finances publiques.

Évolution des crédits de la mission depuis 2017

(en milliards d'euros)

Source : commission des finances d'après les documents budgétaires

Des objectifs de réduction des dépenses ont notamment été fixés dans le cadre du programme « Action publique 2022 » (AP2022), élaboré à partir de 2017. S'agissant du Quai d'Orsay, ce programme dit « de transformation de l'État » s'est décliné dans la réforme des réseaux de l'État et de ses opérateurs à l'étranger.

Dans cette perspective, la réunion interministérielle du 25 janvier 2019 a précisé des objectifs chiffrés d'économies budgétaires, à savoir une réduction de la masse salariale de l'ordre de 7,9 % pour l'ensemble des ministères et des opérateurs ayant des effectifs à l'étranger1(*). Cet effort visait une économie de 90 millions d'euros sur la période 2019-2022, portée pour moitié par le ministère de l'Europe et des affaires étrangères, soit 45,1 millions d'euros. Cette réforme s'est accompagnée d'un prolongement du mouvement de rationalisation des postes consulaires.

Sur l'ensemble de la période d'application du programme AP2022, de 2018 à 2021, date de son interruption, les économies réalisées s'élevaient, selon les annexes budgétaires dédiées2(*) :

à 75 millions d'euros (sur 90 millions d'euros escomptés) pour l'ensemble des ministères et opérateurs concernés ;

dont 36,4 millions d'euros pour le ministère de l'Europe et des affaires étrangères, reposant sur la suppression de 331 ETP pour une cible de 416 suppressions.

Évolution du schéma d'emploi
du ministère de l'Europe et des affaires étrangères

(en équivalents temps plein travaillés)

Source : commission des finances d'après les documents budgétaires

Cependant, la crise sanitaire a conduit, non seulement à une interruption de l'application du programme de réduction des dépenses du MEAE, mais à un retour sur les économies réalisées entre 2018 et 2021. Le ministère de l'Europe et des affaires étrangères est, en effet, apparu à l'occasion de la crise sanitaire, puis de la dégradation du contexte international marqué par le déclenchement de la guerre en Ukraine, comme le « ministère des crises ». Son action, au plus fort de la crise du covid, pour assurer le rapatriement des ressortissants français et européens a été unanimement saluée.

Le Gouvernement a mis fin en 2021 à la mise en oeuvre du programme AP2022. Cette interruption s'est combinée avec la mise en place de mesures budgétaires exceptionnelles, dans le contexte pandémique, pour soutenir les Français résidant à l'étranger les plus démunis et le réseau d'enseignement français à l'étranger.

Au-delà des dépenses de crise, le budget du ministère de l'Europe et des affaires étrangères a été tiré à la hausse, à compter de 2021-2022 par une série d'annonces sectorielles accompagnées d'objectifs représentant un coût budgétaire conséquent. Ces annonces programmatiques, formant une véritable ébauche de loi de programmation de l'action extérieure de l'État, ont ainsi, sans véritable consultation du Parlement, justifié une augmentation des dépenses de la mission.

Parmi ces annonces, peuvent être citées, sans ambition d'exhaustivité aucune :

la stratégie interministérielle d'attractivité universitaire de la France, « Bienvenue en France »3(*), présentée en 2018, qui fixait comme objectif d'atteindre 500 000 étudiants étrangers en France en 2027 et prévoyait pour cela de doubler le nombre de bourses d'études, soit un objectif de 15 000 bourses ;

- la stratégie internationale pour la langue française et le plurilinguisme, annoncé en mars 2018, avec un objectif de doublement du nombre d'élèves accueillis au sein du réseau scolaire français à l'étranger d'ici à 2030 ;

la « feuille de route de l'influence », publiée en janvier 20224(*), qui a fixé une pluralité d'objectifs incluant, entre autres, la confirmation du doublement du nombre d'étudiants étrangers en 2027, le développement des campus français à l'étranger, l'augmentation du financement du dispositif des « Jeunes experts associés » de l'ONU, le renforcement des contributions volontaires au système onusien ou le développement des médias français à l'étranger ;

les « états généraux de la diplomatie », clôturés, en mars 2023, par l'annonce d'une augmentation de 20 % des moyens budgétaires du ministère d'ici à 2027 et d'un accroissement de 700 ETP sur la même période ;

les « consultations sur l'enseignement français à l'étranger », conclues en juillet 2023, qui évoquaient la piste d'une prise en charge par l'État de la politique immobilière de l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger (AEFE) actuellement financée par les ressources propres de l'agence et de son réseau.

Ces annonces ont culminé avec la conclusion des « états généraux de la diplomatie française » en mars 2023, précités. L'organisation des états généraux a suivi le mouvement social déclenché au sein du MEAE en juin 2022. La grève très suivie des agents du ministère visait non seulement à protester contre la mise en extinction du corps diplomatique mais plus largement à contester les conditions de travail des agents du Quai d'Orsay et l'évolution de l'outil diplomatique.

Les conclusions des états généraux de la diplomatie ont été rendues en mars 2023 sous la forme d'un rapport intitulé « Pour un plan de réarmement de la diplomatie française », qui présente plusieurs pistes d'évolution du ministère de l'Europe et des affaires étrangères concentrées en deux axes.

Un premier axe de réflexion concerne les objectifs et les moyens de la diplomatie française, notamment :

- la nécessité d'une plus grande agilité et d'une plus grande innovation dans la conduite de l'action du ministère, qui repose en particulier sur un plus fort investissement dans l'outil numérique et des méthodes d'organisation plus souple, à l'image du mécanisme d'adaptation « RAPID » (réponse agile aux priorités importantes de la diplomatie) ;

- l'affirmation du rôle de chef de file de l'action extérieure de l'État du ministère de l'Europe et des affaires étrangères ;

- le renforcement de la diplomatie d'influence, fonction stratégique ;

- une coopération avec l'ensemble des acteurs institutionnels, Parlement et collectivités territoriales au premier chef, pour promouvoir l'action extérieure de l'État.

Un second axe de réflexion a porté sur les ressources humaines du Quai d'Orsay et les évolutions du métier de diplomate et propose :

- une refonte de la politique des ressources humaines du ministère, en s'appuyant sur les opportunités de la réforme de la haute fonction publique, en améliorant les perspectives de carrière des agents et en repensant la politique de recrutement et de rémunération ;

- une réforme de la formation au sein du ministère qui devrait essentiellement s'appuyer sur la création d'une académie diplomatique ;

- un renforcement de la promotion des valeurs républicaines au sein du ministère.

À cette occasion, le président de la République a annoncé, dans son discours de clôture, d'une part, une augmentation de plus de 20 % des crédits du MEAE5(*), visant à atteindre un budget de 8 milliards d'euros en 2027 (soit une augmentation de 1,3 milliard d'euros) et, d'autre part, la création de 700 nouveaux ETP sur la même période. La logique sous-tendant cet accroissement budgétaire inédit depuis des années a été explicité par le président de la République dans son discours de clôture : « Certains auraient voulu que nous adaptions, en quelque sorte, nos ambitions à la faiblesse des moyens, ou à leur attrition. Je suis très simplement venu vous dire que j'entends faire le choix contraire : mettre les moyens en conformité avec nos ambitions »6(*).

L'ensemble de ces annonces équivaut par conséquent à revenir sur l'ensemble des efforts budgétaires réalisés entre 2018 et 2022, dans un mouvement de balancier budgétaire qui interroge.

2. Traduisant ce « réarmement » de la diplomatie française, la loi de finances pour 2024 a porté la plus importante hausse du budget du ministère depuis 2005

L'exercice 2024 a été caractérisé par une hausse inédite des moyens du ministère de l'Europe et des affaires étrangères avec des crédits qui ont sensiblement progressé entre 2020 et 2023 (+ 8 % en AE et + 6 % en CP) du fait de l'arrêt du programme AP2022. Pour rappel, les crédits de la mission avaient ainsi augmenté de plus de 15 % en autorisations d'engagement comme en crédits de paiement par rapport à l'exécution 2023. Comme l'avait indiqué le ministère aux rapporteurs spéciaux lors de l'examen du projet de loi de finances pour 2024, il s'agissait de la plus importante hausse de budget du Quai d'Orsay depuis 2005.

Cet accroissement soudain des moyens de la mission avait d'ailleurs conduit à une budgétisation menée dans la précipitation par les administrations. Dans leur rapport sur les crédits de la mission pour 2024, les rapporteurs spéciaux avaient regretté de constater que la ventilation précise des crédits et des emplois n'ait pas été finalisée au moment de la présentation du budget7(*).

De même, les rapporteurs spéciaux avaient alerté sur un risque de « saupoudrage » des crédits additionnels dès lors que l'ensemble des lignes budgétaires de la mission avaient bénéficié de cette majoration.

B. UN BUDGET 2025 QUI NE REMET PAS EN CAUSE L'AUGMENTATION DES CRÉDITS ENGAGÉE EN 2024

1. Un budget 2025 stable par rapport à l'exécution 2024, qui vise en priorité à préserver les acquis de la hausse des crédits opérée en 2024

L'ambition affichée par le surcroît de crédits budgétaires ouvert en loi de finances initiale pour 2024 a été tempérée en cours d'exercice, en raison de la dégradation des finances publiques constatée dès février 2024.

Comparaison du volume de la mission entre le projet de loi de finances
pour 2025 et l'exercice 2024

(en milliards d'euros et en pourcentage)

Note : les montants prennent en compte le transfert des dépenses de titre 2 du programme 209 de la mission APD vers la mission AEE.

Source : commission des finances d'après les documents budgétaires

Seulement quelques semaines après l'adoption du budget 2024, le décret n° 2024-124 du 21 février 2024 portant annulation de crédits a ainsi annulé 174,01 millions d'euros de crédits, en autorisations d'engagement comme en crédits de paiement. Pour rappel, cette mesure de régulation budgétaire est intervenue alors que le Gouvernement avait émis un avis défavorable sur un amendement visant à réduire de 30 millions les crédits de la mission8(*) et présenté, au nom de la commission des finances, par le rapporteur spécial des crédits de la mission, Nathalie Goulet. Ces annulations se sont réparties entre :

- 134,48 millions d'euros d'annulations sur le programme 105 ;

- 11,49 millions d'euros d'annulations sur le programme 151 ;

- 28,04 millions d'euros d'annulations sur le programme 185.

Selon le MEAE, ces annulations ont été réparties uniformément sur l'ensemble des actions de la mission par une annulation des crédits mis en réserve.

Les annulations de février 2024 ont été prolongées, en juillet 2024, par un surgel à hauteur de 141 millions d'euros des crédits de paiement du MEAE9(*).

De même, le projet de loi de finances de fin de gestion pour 2024, déposé le 6 novembre 2024 à l'Assemblée nationale, prévoit d'annuler 58,76 millions d'euros d'autorisations d'engagement et 58,74 millions d'euros de crédits de paiement pour la mission « Action extérieure de l'État ».

Aussi, si le montant des crédits de la mission AEE s'inscrit en baisse par rapport à la loi de finances initiale pour 2024, avec 3,5 milliards d'euros d'autorisations d'engagement (- 4,10 %) comme en crédits de paiement (- 3,91 %), il apparaît stable par rapport à l'exécution anticipée de l'exercice 2024.

Évolution des crédits de la mission Action extérieure de l'État

(en millions d'euros - en pourcentage)

 

LFI 2024

PLF 2025

Évolution en valeur

Évolution en pourcentage

AE

CP

AE

CP

AE

CP

AE

CP

P105 - Action de la France en Europe et dans le monde

2 791,48

2 789,67

2 695,08

2 699,64

- 96,4

- 90,03

- 3,45 %

- 3,23 %

P185 - Diplomatie culturelle et d'influence

721,18

721,18

675,94

675,94

- 45,24

- 45,24

- 6,27 %

- 6,27 %

P151 - Français à l'étranger et affaires consulaires

165,63

165,23

156,53

156,93

- 9,1

- 8,3

- 5,49 %

- 5,02 %

Total de la mission

3 678,28

3 676,08

3 527,54

3 532,51

- 150,74

- 143,57

- 4,10 %

- 3,91 %

Source : commission des finances du Sénat d'après les documents budgétaires

2. Un budget pour 2025 se caractérisant par l'absence de mesures structurelles d'économies budgétaires

L'évolution des crédits de la mission « Action extérieure de l'État » entre 2024 et 2025 ne traduit aucune mesure structurelle d'économie budgétaire opérée par le ministère de l'Europe et des affaires étrangères.

À l'inverse, la plupart des enveloppes budgétaires se trouvent stabilisées ou en légère baisse. Le budget de la mission comprend également des enveloppes budgétaires en nette hausse, parmi lesquelles les dépenses de titre 2, tirées par la progression du schéma d'emploi du ministère avec la création de 75 ETP.

Il est vrai qu'une partie des dépenses de la mission se trouve particulièrement contrainte et difficile à remettre en question. Il s'agit :

- sur le programme 105, des contributions internationales dont une immense majorité (91 % en 2023) présente un caractère obligatoire ;

- sur le programme 151, des aides à la scolarisation pour les familles françaises de l'étranger, qui représentent les deux tiers des crédits du programme ;

- sur le programme 185, des bourses du Gouvernement français et des dotations versées aux opérateurs, dont le pilotage est complexe.

Néanmoins, force est de constater que le ministère de l'Europe et des affaires étrangères n'envisage aucune mesure d'économie structurelle sur les années à venir. Les seuls gisements possibles de réduction des dépenses mis en avant par le ministère reposent :

- d'une part, sur la réduction de la quote-part française dans les grandes organisations internationales, qui découle de la baisse du revenu national brut de la France et du dynamisme des économies émergentes. L'indicateur du RNB constitue l'une des principales variables des barèmes intervenant dans le calcul des contributions obligatoires aux entités multilatérales. La contraction tendancielle de la part française du RNB mondial devrait ainsi conduire à une baisse de contributions obligatoires portées par le programme 105 ;

- d'autre part, sur les grands programmes de modernisation de l'administration consulaire qui poursuivent, à terme, un objectif de rationalisation et de mutualisation des services consulaires. Pourtant, à l'heure actuelle, ces projets sont davantage source d'investissement financier que d'économies, comme indiqué infra.

Le MEAE bénéficie, de plus, de la réduction essentiellement conjoncturelle de certaines dépenses. Il en va ainsi de la réduction de 40 millions d'euros de la contribution du ministère à la Facilité européenne pour la paix (FEP), expliquée infra.

Des mesures de bonne gestion budgétaires, mais d'ordre essentiellement comptable, ont également permis de compenser la hausse d'autres enveloppes. Une estimation plus réaliste des capacités du ministère à mettre en oeuvre ses projets immobiliers a conduit à réduire de 10 millions d'euros les dépenses immobilières pour 2025. Bienvenue, cette mesure de sincérisation budgétaire présente un impact limité.

Ce refus de contribuer à l'effort de redressement des comptes publics a pu se constater dans les réponses aux questionnaires budgétaires des rapporteurs spéciaux. À titre d'exemple, à la question « Quelles lignes budgétaires ont été prioritairement préservées ? » pour la budgétisation 2025, la direction générale des affaires politique et de sécurité, responsable du programme 105 a répondu « Les contributions volontaires aux Organisations Internationales (...) [et] Les dépenses d'investissements dans notre outil diplomatique tels que l'informatique, la sécurité des agents à l'étranger et dans son agenda de transformation et ses ressources humaines ». Or ces lignes budgétaires constituent la majorité des dépenses du programme 105.

À cet égard, il est possible de citer la Cour des comptes qui indiquait dans sa dernière note d'exécution budgétaire que « les nouveaux moyens consacrés à certaines politiques portées par le ministère ne doivent pas exonérer le MEAE de maintenir un effort de maîtrise et d'optimisation de la dépense »10(*).

À noter que le Gouvernement a annoncé qu'il déposerait un amendement de baisse des crédits pour reporter sur la mission « Action extérieure de l'État », les mesures relatives aux indemnités journalières et aux jours de carence. D'un montant de 5,52 millions d'euros, ces économies se répartiraient entre :

- 4,3 millions d'euros en AE et en CP sur le programme 105, sur les dépenses de titre 2 de la mission ;

- 1,2 million d'euros en AE et en CP sur le programme 185 sur les subventions pour charges de service public versées aux opérateurs de la mission.

II. LA POSITION DU RAPPORTEUR SPÉCIAL NATHALIE GOULET SUR LES CRÉDITS DU PROGRAMME 105 

Le programme 105 « Action de la France en Europe et dans le monde » concentre près des deux tiers (67 %) des crédits de la mission. Il s'agit du programme « support » de l'action extérieure de la France, placé sous la responsabilité de la direction générale des affaires politiques et de sécurité (DGAPS). Ce programme regroupe ainsi les dépenses liées à l'administration centrale et au réseau diplomatique à l'étranger, d'une part, ainsi que les contributions internationales versées par la France, d'autre part.

À noter qu'une grande partie des crédits du programme, hors dépenses de personnel, est composée de contributions internationales qui sont difficilement pilotables sur le plan budgétaire et rigidifient la trajectoire.

Évolution des crédits du programme 105 « Action de la France en Europe
et dans le monde » de la mission « Action extérieure de l'État »

(en millions d'euros - en pourcentage)

 

LFI 2024

PLF 2025

Évolution en valeur

Évolution en pourcentage

AE

CP

AE

CP

AE

CP

AE

CP

P105 - Action de la France en Europe et dans le monde

2 791,48

2 789,67

2 695,08

2 699,64

- 96,4

- 90,03

- 3,45 %

- 3,23 %

Coordination de l'action diplomatique

123,67

123,67

134,93

134,93

11,26

11,26

+ 9,10 %

+ 9,10 %

Action européenne

211,44

211,44

171,99

171,99

- 39,45

- 39,45

- 18,66 %

- 18,66 %

Dépenses de personnel concourant au programme "Diplomatie culturelle et d'influence"

84,79

84,79

90,6

90,6

5,81

5,81

+ 6,85

+ 6,85 %

Contributions internationales

728,88

728,88

659,64

659,64

- 69,24

- 69,24

- 9,50 %

- 9,50 %

Coopération de sécurité et de défense

119,54

119,54

118,28

118,28

- 1,26

- 1,26

- 1,05 %

- 1,05 %

Soutien

291,15

300,88

292,79

301,13

1,64

0,25

+ 0,56 %

+ 0,08 %

Réseau diplomatique

790,89

782,78

779,35

779

- 11,54

- 3,78

- 1,03 %

- 0,04 %

Dépenses de personnels concourant au programme "Solidarité à l'égard des pays en développement"

169,45

169,45

172,04

172,04

2,59

2,59

+ 1,53 %

+ 1,53 %

Personnel concourant à l'action "Offre d'un service public de qualité aux français à l'étranger"

207,37

207,37

207,61

207,61

0,24

0,24

+ 0,12 %

+ 0,12 %

Personnel concourant à l'action "Instruction des demandes de visa"

64,28

64,28

64,4

64,4

0,12

0,12

+ 0,20 %

+ 0,20 %

Source : commission des finances d'après les documents budgétaires

A. UNE BAISSE CONJONCTURELLE DES CONTRIBUTIONS INTERNATIONALES ET EUROPÉENNES QUI EXPLIQUE LA STABILITÉ DE LA MISSION EN 2025

1. Une baisse des contributions internationales en trompe-l'oeil qui découle de la réduction des besoins de financement des OMP

La mission « Action extérieure de l'État » porte, avec la mission « Aide publique au développement », une majorité des contributions financières de la France à des entités multilatérales. Près de 66 % des versements multilatéraux français sont inscrits sur les programmes 105, 110 et 209 ainsi que le Fonds de solidarité pour le développement (FSD)11(*). Pour autant, le programme 105 représente une part très minoritaire du total de nos contributions (16,5 % en 2023).

Les contributions internationales regroupées dans le programme 105 présentent une certaine cohérence et correspondent à la première logique d'action12(*) identifiée par la Cour des comptes dans une enquête sur le financement des actions multilatérales de la France, réalisée à la demande de la commission des finances en septembre 202413(*) : la logique de l'influence politique. En matière de relations internationales, l'influence « consiste pour un acteur A à faire faire par un acteur B ce qu'il n'aurait pas fait autrement, et ce, sans recourir à la contrainte »14(*) et constitue une finalité naturelle et reconnue comme légitime15(*). Au sein du système multilatéral, l'influence politique correspond à la capacité pour un État de peser sur les décisions des grandes entités multilatérales. Cette influence se mesure essentiellement au regard du montant de ses contributions financières, qu'elles soient obligatoires ou volontaires, comme l'avaient souligné de précédents travaux de la commission des finances16(*). D'autres facteurs, à l'image de la présence de ressortissants au sein de l'administration des organisations concernées ou de la présence sur le territoire national du siège de ces organisation contribuent à l'influence d'un État.

Part des contributions internationales du programme 105 au sein du total
des contribution internationales portées par les missions AEE et APD

(en millions d'euros)

Source : commission des finances d'après les documents budgétaires

Pour rappel, les contributions internationales se divisent entre :

les contributions obligatoires, qui découlent d'un engagement en droit international public, généralement un traité ou un accord international. L'approbation des traités ou accords engageant les finances de l'État doit, pour mémoire être soumises à l'accord du Parlement ;

les contributions volontaires, qui ne découlent pas d'engagements juridiques formels, mais d'engagements politiques.

La très grande majorité des contributions multilatérales portées par le programme 105 est constituée de contributions obligatoires, particulièrement difficile à remettre en cause. Pour l'exercice 2025, environ 95 % des contributions portées par le programme 105 présentent un caractère obligatoire. Il s'agit des versements, d'une part, au système onusien et, d'autre part, aux entités de la coopération interétatique, à l'image de l'OTAN, de l'Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE) ou de l'OCDE. La France participe ainsi à 33 accords internationaux de ce type, tous financés sur le programme 105, à l'exception de l'Organisation internationale de la Francophonie.

Si seulement 8 % des contributions du programme 105 relèvent de la catégorie des contributions volontaires en 2025, le MEAE a engagé un effort significatif pour renforcer ce type de contributions. En effet, par rapport aux contributions obligatoires, les contributions volontaires offrent aux donateurs la possibilité d'orienter ces financements vers leurs priorités géographiques ou thématiques. La pratique du « fléchage » des contributions permet une « rebilatéralisation » de ces contributions multilatérales et avait été encouragé par la commission des finances17(*). Si la France était traditionnellement rétive à mobiliser ce levier d'influence, la part des contributions fléchées progresse depuis 2019.

Plus largement, dans une récente enquête demandée par la commission des finances18(*), la Cour des comptes a réitéré la recommandation de la commission des finances du Sénat d'assurer un pilotage plus fin des contributions internationales. Interrogée par les rapporteurs spéciaux sur les recommandations du rapport d'enquête, la direction générale des affaires politiques et de sécurité a indiqué que la construction d'un outil de suivi transversal des contributions était en cours. Les données seront désormais recueillies dans le cadre de la préparation du comité interministériel des réseaux internationaux de l'État (CORINTE), les ministères ayant été saisis par le MEAE pour lui transférer l'ensemble des données disponibles. Néanmoins, le ministère se montre défavorable à la proposition de confier au comité interministériel de la coopération internationale et du développement (Cicid), le soin de superviser l'ensemble des versements multilatéraux français. La DGAPS indique que la mise en oeuvre de cette mesure conduirait au traitement de sujets trop éloignés au sein du même comité.

Part des contributions volontaires dans le total des contributions internationales portées par le programme 105 entre 2017 et 2023

(en pourcentage)

Source : commission des finances d'après la Cour des comptes

Hormis les contributions européennes, présentées infra, les contributions internationales du programmes 105 se déclinent en trois ensembles : les contributions de la France aux opérations de maintien de la paix (OMP) des Nations unies, les contributions internationales versées en euros et les contributions internationales versées en devises. À noter que si l'on prend en compte les contributions aux opérations de maintien de la paix, près de deux tiers des contributions du programme 105 financent le système onusien.

Évolution des contributions internationales portées par la France

(en millions d'euros - en pourcentage)

Source : commission des finances d'après les documents budgétaires

Sur ces trois ensembles, le montant des contributions aux OMP recule sensiblement en 2025. Par rapport à la loi de finances initiale pour 2024, le total de ces versements devrait reculer de 26 %, pour se situer à 220,21 millions d'euros en AE=CP. Pour rappel, les opérations de maintien de la paix, décidées par le Conseil de sécurité des Nations unies, disposent chacune d'un budget spécifique financé par les contributions obligatoires des États membres selon une clef de répartition décidée par l'Assemblée générale et révisée tous les trois ans. Deux facteurs principaux expliquent la baisse des versements de la France au titre des OMP.

D'une part, la diminution de la quote-part française au barème des Nations unies, découle de la combinaison du recul du revenu national brut français et du dynamisme des économies des grands émergents, en premier lieu la Chine et l'Inde. La quote-part de la France au budget des OMP se situait ainsi à 5,2894 % pour la période 2022-2024, contre 5,6124 % auparavant.

D'autre part, la fin programmée de la Mission des Nations Unies pour la stabilisation au Mali (MINUSMA), en cours de liquidation19(*). Pour mémoire, la mise en extinction de la MINUSMA avait déjà permis de dégager une économie de l'ordre de 12 millions d'euros en cours d'exercice 2023. Un recul du montant de la contribution au Bureau d'appui des Nations unies à la Somalie (BANUS) de l'ordre de quatre millions d'euros peut également être noté.

Compte tenu de la relative stabilité des deux autres ensembles, la baisse conjoncturelle du financement des OMP explique le recul du total des contributions internationales du programme 105.

S'agissant des contributions internationales en euros, on peut distinguer les contributions relevant de la sphère onusienne (93,7 millions d'euros en AE=CP pour 2025) et les contributions hors ONU (110,3 millions d'euros en AE=CP pour 2025). L'ensemble de ces versements connaît une augmentation de l'ordre de 9 millions d'euros entre 2024 et 2025 (+ 5 %), soit une progression similaire à celle observée entre 2023 et 2024 (+ 6 %). Par définition, ces contributions ne sont pas affectées par les évolutions du taux de change. Dès lors que les contributions en euros concentrent la majorité des contributions volontaires du programme 105, la variation de cette ligne budgétaire illustre davantage l'évolution des priorités thématiques de la France. Pour l'exercice 2025, il est possible de relever :

- une augmentation de la contribution française à l'OTAN, pour la troisième année consécutive, de cinq millions d'euros pour atteindre 48,5 millions d'euros. Cette augmentation s'explique par la décision des chefs d'État et de gouvernement de l'OTAN, prise lors du sommet de Madrid de juin 2022, d'augmenter le budget de l'organisation de 10 % par an en valeur réelle du budget civil de l'Alliance sur la période 2023-2030. À noter que cette progression s'opère en dépit de la dilution de la quote-part de la France au sein de l'organisation résultant de l'entrée successive de la Finlande (2023) et de la Suède (2024).

- et une nouvelle contribution volontaire en vue de la préparation de la troisième conférence des Nations unies sur l'océan (UNOC 3) qui se tiendra à Nice en juin 2025. Le caractère volontaire de cette contribution est toutefois relatif dès lors, comme le rappellent les documents budgétaires, qu'elle est mandatée par une résolution de l'Assemblée générale des Nations unies prévoyant que l'ensemble des coûts budgétaires afférents à l'organisation de cette conférence reviennent au pays hôte.

Concernant les contributions internationales en devises, leur montant total est relativement stable sur l'exercice 2025 avec un total de 229,4 millions d'euros en AE=CP. Pour 2025, les ordres d'achat à termes ont été passés à hauteur de 85 % du montant des contributions versées en devises.

En effet, depuis 2018, le ministère des affaires étrangères a activé le mécanisme de couverture de change contribuant à sécuriser entre 80 % et 90 % du montant de ses contributions en dollar. Ce dispositif vise à tenir compte des incertitudes sur l'évolution des changes à moyen terme, qui induisent un coût budgétaire conséquent sur les crédits de la mission AEE.

Dans le cadre du mécanisme de couverture de change, le ministère de l'Europe et des affaires étrangères passe à l'Agence France Trésor (AFT) des ordres d'achat à terme de devises en lui indiquant le taux de change acceptable qu'il retient. L'AFT met ensuite en oeuvre une opération de couverture auprès des organismes spécialistes en valeur du Trésor (SVT). L'objectif de cette opération, pour le ministère, est de geler le montant de ses contributions en devises et le coût de cette dépense en euros.

Auparavant, le mécanisme était activé après l'adoption du budget ce qui n'allait pas sans susciter des difficultés lorsque le taux de change retenu en budgétisation et le taux de marché avaient trop fortement divergé, générant au plan budgétaire une perte ou un gain au change pour le ministère.

2. Une moindre contribution à la Facilité européenne pour la paix, principale mesure de réduction des dépenses de la mission

Les contributions européennes intégrées dans le programme 105 regroupent l'ensemble des contributions aux organisations européennes, hors contribution au budget de l'Union européenne. Cette dernière est exclue de cet ensemble et relève, à titre principal, du prélèvement sur recettes au profit de l'Union européenne (PSR-UE) prévu pour 2025 à l'article 40 du présent projet de loi de finances. Les deux principales contributions portées par l'action « Action européenne » du programme 105 sont la contribution au Conseil de l'Europe et la contribution à la Facilité européenne pour la paix (FEP).

Le montant total des contributions européennes portées par le programme 105 s'élève en 2025 à 159,2 millions d'euros, contre 198,7 millions d'euros en 2024, soit une baisse de près de 20 %. L'essentiel de cette contraction des crédits s'explique par la réduction du montant de la participation française à la FEP.

Issue de la fusion du dispositif Athéna20(*) et de la Facilité de soutien à la paix pour l'Afrique présents dans le cadre financier pluriannuel 2014-2020, la Facilité européenne pour la paix est un instrument constitué hors du cadre financier pluriannuel pour 2021-2027. Par conséquent, la FEP n'est pas financée par le budget européen, mais directement par des contributions des États membres. La FEP finance des actions en matière de sécurité et de défense. Elle repose sur deux piliers : un pilier I qui finance les opérations de la politique de sécurité et de défense commune (PSDC) et un pilier II qui abonde des mesures d'assistance à des pays tiers.

Dans le contexte de la guerre en Ukraine, le plafond de la FEP, initialement fixé à 5,7 milliards d'euros a été progressivement porté à 17 milliards d'euros21(*). Pour la France, la contribution à la FEP est partagée entre le ministère de l'Europe et des affaires étrangères et le ministère des armées (MINARM). Le MEAE ne contribue qu'au financement des mesures d'assistance à caractère non létal du pilier II. Les mesures d'assistance à caractère létal, en nette augmentation, reposent sur la contribution du MINARM. 

La progression des dépenses visant à financer des dispositifs létaux explique un recul de la part de la contribution portée par le MEAE. Le financement relevant du ministère marque ainsi une baisse de l'ordre de 27,5 %, pour se situer à 104,1 millions d'euros. Cette moindre contribution, qui constitue l'une des principales mesures d'économies de la mission, est par conséquent totalement indépendante d'un effort budgétaire du ministère.

Par ailleurs, pour 2025, la contribution française au Conseil de l'Europe s'inscrit, avec un montant de 49 millions d'euros en AE=CP, en baisse par rapport à 2024 où elle représentait un montant de 55 millions d'euros.

B. RASSEMBLÉES AU SEIN DU PROGRAMME 105, LES DÉPENSES DE PERSONNEL DU MINISTÈRE DE L'EUROPE ET DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES POURSUIVENT LEUR PROGRESSION SANS FAIRE L'OBJET D'UNE PROGRAMMATION PLURIANNUELLE

1. Un regroupement des dépenses de titre 2 justifié par un souci de simplification et de lisibilité

L'exercice 2025 marque une évolution significative de l'architecture budgétaire du programme qui regroupe désormais l'ensemble des dépenses de personnel du ministère de l'Europe et des affaires étrangères. Ces dépenses étaient auparavant ventilées entre les trois programmes de la mission AEE et le programme 209 « Solidarité à l'égard des pays en développement » de la mission APD.

Quatre nouvelles actions sont donc créées au sein du programme 105 :

- l'action 03 - Dépenses de personnel concourant au programme « Diplomatie culturelle et d'influence », pour 90,6 millions d'euros en AE et en CP ;

- l'action 08 - Dépenses de personnel concourant au programme « Solidarité à l'égard des pays en développement », pour 172,04 millions d'euros en AE et en CP ;

- l'action 09 - Personnel concourant à l'action « Offre d'un service public de qualité aux français à l'étranger », pour 207,61 millions d'euros en AE et en CP.

- l'action 10 - Personnel concourant à l'action « Instruction des demandes de visas », pour 64,61 millions d'euros en AE et en CP.

Cette nouvelle nomenclature aboutit au transfert de 5 599 ETP et de 539 millions d'euros de crédits en AE=CP sur le programme 105 depuis les trois autres programmes dépendant du ministère de l'Europe et des affaires étrangères. Envisagée dès le début de l'exercice 2023, l'évolution de la maquette budgétaire sera effective en 2025 compte tenu « de la sensibilité du sujet vu ses adhérences avec les systèmes d'information de la paye en centrale et à l'étranger »22(*).

Le regroupement de la gestion des effectifs au sein d'un seul programme, qui porte d'ores et déjà une grande partie des dépenses « support » du ministère, a été préféré à la création d'un programme ad hoc, uniquement dédié aux dépenses de titre 2.

Par rapport à l'organisation précédente, la nouvelle nomenclature offre deux avantages principaux :

- d'une part, elle devrait faciliter la gestion des effectifs entre les différents programmes notamment en fin d'exercice. La gestion des personnels du ministère de l'Europe se caractérise en effet par des écarts entre la prévision et l'exécution. Il n'est en effet pas toujours aisé de déterminer, en particulier dans les petites représentations diplomatiques, à quel programme concoure un agent ;

- d'autre part, elle permet de simplifier le suivi de ces dépenses au sein de la nomenclature du programme et d'accentuer la cohérence de la présentation budgétaire. L'ensemble des crédits de titre 2 du ministère sont ainsi regroupés au sein du même programme alors qu'ils étaient auparavant répartis sur deux missions distinctes.

2. Des dépenses de personnel en hausse, portées par la progression des emplois et le dynamisme de l'indemnité de résidence à l'étranger

Le total des dépenses liées à la masse salariale de la mission « Action extérieure de l'État à 1,15 milliard d'euros pour 2025 et augmente de près de 45 millions d'euros (hors contribution au CAS « pensions ») par rapport à l'exercice 2024.

Principaux éléments d'évolution de la masse salariale entre 2024 et 2025,
hors CAS « pensions »

(en millions d'euros)

Source : commission des finances d'après les documents budgétaires

Les principaux facteurs d'évolution des dépenses de personnel sont l'impact du schéma d'emplois, dans un contexte de progression soutenue des effectifs de la mission, et les « autres variations des dépenses de personnel », qui correspondent, dans le cadre de la mission AEE, à la progression des dépenses liées à l'indemnité de résidence à l'étranger (IRE).

S'agissant de l'impact du schéma d'emplois, la progression des effectifs est exposée infra.

Concernant l'évolution de l'IRE, les 27,99 millions d'euros ouverts en 2025 correspondent à la couverture de l'extension en année plein de l'effet change-prix sur les IRE, ainsi que l'estimation de l'effet prix en 2025 sur les rémunérations des agents de droit local (ADL) et les IRE.

Pour mémoire, l'IRE est destinée « à compenser forfaitairement les charges liées aux fonctions exercées, aux conditions d'exercice de ces fonctions et aux conditions locales d'existence »23(*). Le montant de l'IRE est adapté en cours d'année, en fonction :

de l'ajustement du change-prix, qui vise à maintenir constant le pouvoir d'achat des personnels expatriés en prenant en compte l'évolution des taux de change entre euro et monnaies locales et l'évolution du coût de la vie dans le pays de résidence, rapportée à l'inflation observée en France sur la même période ;

de l'exercice de reclassement annuel (au 1er janvier) qui vise à assurer la cohérence du classement des montants d'IRE entre chaque pays.

Évolution de l'indemnité de résidence à l'étranger du MEAE

(en millions d'euros et en pourcentage)

 

2018

2019

2020

2021

2022

2023

Prévision 2024

IRE du MEAE

390,04

386,53

386,56

368,67

384,29

409,41

438,70

Part de l'IRE dans le total de la masse salariale

35 %

34 %

34 %

33 %

33 %

33 %

33 %

Source : commission des finances d'après les réponses au questionnaire budgétaire

Le rapporteur spécial Nathalie Goulet rejoint les remarques de la Cour des comptes24(*) qui recommande l'inscription de la dépense relative à l'indemnité de résidence comme une dépense fiscale, en raison de son exonération d'impôt sur le revenu, qui correspond indéniablement à un écart à l'application de la norme fiscale. Dans un rapport fait au nom de la commission des finances sur la masse salariale du MEAE25(*), Vincent Delahaye, alors rapporteur spécial des crédits de la mission, avait recommandé la fiscalisation de l'IRE.

3. En dépit d'une modération des ambitions, le plafond d'emplois poursuit une trajectoire haussière sans présentation claire de la répartition des emplois sur les prochains exercices

En tenant compte du regroupement de l'ensemble des dépenses de personnel du ministère sur le programme 105, y compris celles relevant auparavant du programme 209 de la mission APD, le plafond d'emplois de la mission progresse significativement pour le troisième exercice consécutif avec une augmentation de 75 ETP.

Évolution du plafond d'emplois de la mission sur la période 2018-2025,
en prévision et en exécution

(en équivalents temps plein travaillé)

Note : la hausse sensible du plafond d'emploi de la mission en 2025 découle de l'intégration des dépenses de titre 2 concourant au programme 209 de la mission APD.

Source : commission des finances d'après les documents budgétaires

La progression du plafond d'emplois de la mission devrait se poursuivre jusqu'en 2027, en cohérence avec les annonces des états généraux de la diplomatie et la volonté de renforcement des moyens humains du ministère de l'Europe et des affaires étrangères. Cependant, compte tenu de la dégradation des finances publiques, ce schéma de progression des emplois a été révisé à la baisse et ce, dès 2025. La feuille de route initiale avait été fixée par la lettre plafond pour 2024.

L'augmentation prévue devrait ainsi être divisée par deux entre 2025 et 2027. Sur les 700 ETP à horizon 2027 supplémentaires annoncés par le Président de la République, 439 ETP seraient effectivement ouverts sur a période 2024-2027 : 164 en 2024, 75 en 2025, 100 en 2026 et 100 en 2027. À ces chiffres s'ajoutent les 107 postes créés dès 2023.

Programmation de progression des effectifs sur la période 2025-2027

(en équivalents temps plein travaillé)

Source : commission des finances d'après les réponses au questionnaire budgétaire

Les documents budgétaires présentent une répartition indicative de l'affectation des nouveaux ETP entre les différents programmes relevant du ministère. Pour autant, la ventilation effective de ces emplois n'est connue qu'au stade de l'exécution budgétaire. Une explication calendaire est avancée par le ministère pour justifier ce décalage. Le mouvement annuel des postes se déroule généralement à l'été.

Si les rapporteurs entendent qu'une nécessaire souplesse de gestion puisse conduire à des écarts entre les affectations programmées et les affectations effectives, il est étonnant qu'à ce stade de la préparation de l'exercice 2025, le ministère ne soit pas en mesure de fournir une répartition plus précise des ETP.

Selon les informations publiées dans les documents budgétaires, la majorité des nouveaux ETP créés devrait, comme l'année passée être affecté sur le programme 105.

Répartition des EPT nouvellement créés sur la mission en 2024 et en 2024

(en équivalents temps plein travaillés)

 
 

Source : commission des finances d'après les réponses au questionnaire budgétaire

À l'occasion de l'examen des crédits de la mission « Action extérieure de l'État » dans le PLF 2024, les rapporteurs spéciaux avaient regretté que l'augmentation du plafond d'emplois de la mission ne soit pas accompagnée d'une programmation plus fine de la répartition des futures ouvertures d'ETP pour les prochains exercices26(*).

Dans sa note d'exécution budgétaire pour l'exercice 202327(*), la Cour des comptes a repris cette recommandation en suggérant une meilleure anticipation de la hausse des effectifs par la réalisation d'un schéma pluriannuel d'affectation des nouveaux ETP. En réponse à la Cour, le secrétariat général du MEAE avait déclaré mener « un exercice de programmation des effectifs permettant de répartir, à l'automne, les créations de poste obtenues en LFI entre le réseau diplomatique à l'étranger et les services de l'administration centrale ». Pour autant, aucun élément d'éclairage sur la répartition des 200 ETP programmés sur la période 2026-2027 n'a été présenté aux rapporteurs spéciaux au cours des auditions et en réponse au questionnaire budgétaire.

Or, en particulier dans un contexte budgétaire contraint, il importe que le ministère opère ce travail d'anticipation en identifiant clairement les besoins prioritaires en termes de personnel et communique, dans les meilleurs délais, ces informations au Parlement, pour l'éclairer dans son travail de contrôle et d'évaluation.

La « réforme du corps diplomatique » : beaucoup de bruit pour une réforme majoritairement acceptée

Engagée dans le cadre plus large de la réforme de l'encadrement supérieur de l'État, la réforme du corps diplomatique a suscité un malaise parmi les agents du ministère de l'Europe et des affaires étrangères. Abondamment commentée, elle a fait l'objet de travaux dans les deux chambres du Parlement28(*).

Cette réforme a porté sur deux volets principaux :

- un volet statutaire, qui s'est traduit par la mise en extinction du corps des conseillers des affaires étrangères et du corps des ministres plénipotentiaires29(*), conformément à l'article 13 du décret n° 2021-1550 du 1er décembre 2021 concernant le statut du corps des administrateurs de l'État. Ces deux corps ont été fusionnés au sein d'un corps unique d'extinction : le corps des conseillers des affaires étrangères et ministres plénipotentiaires. À partir du 1er janvier 2023, ce corps est placé en extinction. À l'image de 17 corps de la fonction publique, les fonctionnaires membres de ce corps sont intégrés au nouveau corps interministériel des administrateurs de l'État. Contestée devant la juridiction administrative, la mise en extinction des deux corps des conseillers des affaires étrangères et des ministres plénipotentiaires a été validée par le Conseil d'État30(*) ;

- un volet formation, qui se traduit notamment par la centralisation de l'organisation des concours de recrutement de catégorie A+ du ministère au sein de l'Institut national du service public (INSP).

L'objectif principal affiché par la réforme est de décloisonner les fonctions de diplomate au sein de la haute fonction publique et de créer, via des mobilités extérieures, un vivier d'experts des affaires européennes et internationales de la sphère publique.

Sur un plan budgétaire, l'évaluation des conséquences de la réforme sur les crédits de la mission est difficile à déterminer. Il est en effet complexe d'identifier l'ensemble des mesures d'ordre budgétaire qui se rattachent à la réforme. Une grande partie des dépenses nouvelles en matière de ressources humaines, demandées lors des États généraux de la diplomatie, peuvent être indirectement rattachées à cette réforme et la contestation qui a suivi. La mesure la plus directement liée à la suppression des deux corps de conseillers des affaires étrangères et de ministres plénipotentiaires est l'alignement sur la grille indiciaire du corps des administrateurs de l'État.

Pour autant, la direction du budget évalue le surcoût annuel de ce droit d'option à 3,6 millions d'euros de dépenses de titre 2 par an, 87% des conseillers des affaires étrangères et ministres plénipotentiaires ont opté pour rejoindre le corps des administrateurs de l'État (soit 699 agents sur un total de 799) plutôt que de demeurer dans les corps placés en extinction.

Source : commission des finances

C. LES DÉPENSES DE COORDINATION DE L'ACTION DIPLOMATIQUE POURSUIVENT LA DYNAMIQUE ENGAGÉE EN 2024

1. Les dépenses de protocole et de communication financent une part majeure du coût de la conférence des Nations unies pour les océans

En premier lieu, par rapport à l'exercice 2024, les dépenses de protocole devraient progresser de près de 10 millions d'euros pour atteindre 28,9 millions d'euros en AE=CP en 2025. Sur ce total, environ 22 millions d'euros seront consacrés à l'organisation de deux grandes conférences internationales sur le sol français :

le sommet pour l'action sur l'intelligence artificielle, issu d'une initiative du Président de la République, qui se tiendra en février 2025, pour deux millions d'euros :

le conférence des Nations unies pour les océans (UNOC 3) qui se déroulera à Nice en juin 2025 et sera doté d'une enveloppe de 20 millions d'euros. La tenue de cette conférence devrait rassembler des délégations de 146 pays, soit entre 6 000 et 8 000 délégués, 2 000 représentants de la société civile et 1 500 journalistes.

Sans remettre en cause l'effet bénéfique de cet évènement pour l'influence de la France dans le monde, le rapporteur spécial Nathalie Goulet souligne le risque de dérapage du coût de son organisation. L'enveloppe initiale qui sera inscrite dans le présent projet de loi de finances représente d'ores et déjà un total de 47,7 millions d'euros sur l'ensemble des missions du budget de l'État. Pour mémoire, l'organisation de la conférence de Paris en 2015 (COP 21) avait conduit à ouvrir 179,11 millions d'euros en AE et 43,5 millions d'euros en CP sur l'exercice.

Selon la direction générale des affaires politiques, en charge du programme 105, une task force spécifique est chargée d'assurer, au sein du ministère, une maîtrise du coût financier de cet évènement.

Répartition du financement de la conférence des Nations unies
pour les océans selon les ministères engagés

(en millions d'euros)

Ministère concerné

Montant de l'enveloppe allouée

Ministère de l'Europe et des affaires étrangères

24 millions d'euros sur le programme 105 de la mission AEE

10 millions d'euros sur le programme 209 de la mission APD

Ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche

3 millions d'euros

Ministère de la transition écologique, de l'énergie, du climat et de la prévention des risques

10 millions d'euros

Ministère de l'économie des finances et de l'industrie

1 million d'euros

Source : commission des finances d'après les documents budgétaires

En second lieu, les dépenses dédiées à la communication, qui avaient connu une progression significative (+ 42 %) entre 2023 et 2024 pour se situer à 7,5 millions d'euros l'année dernière, se stabilisent à 6,5 millions d'euros pour 2025.

Comme pour l'exercice passé, la majeure partie de cette enveloppe (2,9 millions d'euros) sera consacrée à l'acquisition d'information et d'outil de veille. Ces dernières dépenses comportent notamment le développement d'outils de veille informationnelle au profit de la sous-direction « veille et stratégie » de la direction de la communication et de la presse (DCP). Ce service, de création récente et dont les missions et le fonctionnement sont décrits dans l'encadré infra, assure un rôle de vigie informationnelle pour le MEAE en assurant une veille des réseaux sociaux vingt-quatre heures sur vingt-quatre afin de repérer les menaces potentielles. L'enveloppe allouée en 2024 est donc reconduite en 2025.

Le rapporteur spécial réitère ses remarques de l'année passée quant à la dénomination de cette ligne budgétaire, qui ne permet pas de visualiser l'importance stratégique de ce type de mesure pour la sécurité de la France et son image à l'étranger. Il pourrait ainsi être envisagé d'utiliser l'expression « communication et influence », utilisée dans le rapport de synthèse des États généraux de la diplomatie, ou l'expression « communication stratégique ».

La sous-direction « veille et stratégie » de la direction de la communication et de la presse, bras armé de la riposte informationnelle du MEAE

Créée en août 2022 au sein de la direction de la communication et de la presse, la sous-direction « veille et stratégie » (VS) a permis de renforcer les capacités de riposte informationnelle du Quai d'Orsay, dans un contexte de multiplication des opérations d'influence malveillantes.

Le service est structuré en trois pôles distincts :

- un pôle chargé de la veille des médias ;

- un pôle assurant la veille des réseaux sociaux ;

- un pôle chargé de la communication stratégique et de la riposte.

La sous-direction VS s'est vue confiée une double mission de protection du réseau diplomatique français contre les attaques informationnelles et de conduite d'actions de réponse aux atteintes réputationnelles à l'encontre de la France à l'étranger. En complément de son activité de veille, le service assure une analyse des éléments constitutifs de la menace informationnelle pour identifier des éléments de réponse, en coordination avec les postes diplomatiques concernés.

Parallèlement à ces missions initiales, la sous-direction a développé des compétences de formation des agents du ministère et des services de presse des ambassades aux enjeux de désinformation. Au total, ce service assure la coordination d'un réseau de plus de 530 agents, tous statuts et fonctions confondus, chargé de participer à la communication stratégique du ministère.

En-dehors du ministère de l'Europe et des affaires étrangères, la sous-direction VS coordonne son action avec le service de vigilance et de protection contre les ingérences numériques étrangères (Viginum) du secrétariat général à la défense et à la sécurité nationale (SGDSN). Elle participe à la stratégie de l'État en matière de lutte informationnelle, en cas de crise, au sein de la task force interministérielle informationnelle (TF2I). Elle prend également part au comité interministériel de lutte contre les manipulations de l'information (Colmi).

Source : commission des finances

2. Une préservation de l'enveloppe dédiée au centre de crise et de soutien

Le programme 105 assure le financement du centre de crise et de soutien (CDCS), au titre de ses dépenses de fonctionnement et de sa mission de protection des ressortissants français à l'étranger. Créé en 2008, le CDCS est doté d'une double compétence de gestion des urgences consulaires et de gestion des urgences humanitaires. Cette seconde mission est essentiellement financée par le programme 209 de la mission « Aide publique au développement », qui héberge le fonds d'urgence humanitaire et de soutien (FUHS).

Sur le programme 105, La dotation budgétaire du CDCS se décompose entre un montant de base, correspondant aux dépenses de fonctionnement du service, et d'une ligne de crédits relative à la gestion de crise, qui peut être réabondée en cours d'année en fonction des besoins. Elle s'élèverait en 2025 à 5,25 millions d'euros, soit une augmentation de 100 000 euros par rapport à l'exercice précédent.

Pour l'exercice 2025, la budgétisation présentée par le MEAE prévoit une répartition de la dotation comme suit : 2,16 millions d'euros pour le renouvellement et la maintenance des réseaux de communication de sécurité autonomes ; 0,68 million pour les dépenses de fonctionnement courant ; 0,5 million pour le renouvellement des dotations des postes en équipement projetable ainsi que la fourniture de consommables médicaux ; 0,2 million pour la formation à la gestion de crise ; 0,35 million pour la constitution de stocks de sécurité pour les postes et enfin 1,5 million pour la gestion de crise.

Si le rapporteur spécial se félicite de la stabilité des moyens alloués au centre de crise et de soutien, il souligne toutefois que l'enveloppe dédiée à la gestion de crise fait une nouvelle fois l'objet d'une évaluation peu réaliste. Cette sous-estimation conduira nécessairement, en cours d'exercice, à des redéploiements de crédits pour compenser la hausse de dépenses en cas d'organisation dans l'urgence d'une opération d'évacuation de nos ressortissants.

D. UNE ÉVALUATION PLUS RÉALISTE DES DÉPENSES D'IMMOBILIER PERMET DE COMPENSER LE MAINTIEN À UN NIVEAU ÉLEVÉ DES DÉPENSES NUMÉRIQUES ET DE SÉCURITÉ

1. Tirant les leçons de leur sous-exécution chronique, le ministère prévoit une évaluation plus réaliste des dépenses immobilières pour 2025 qui devra être reportée dans la programmation pluriannuelle

Les dépenses d'entretien et de maintenance immobilière en France, par rapport à l'exercice précédent sont relativement stables s'agissent des autorisations d'engagement qui s'élèvent à 24,4 millions d'euros en AE (+ 0,4 %). En revanche, les crédits de paiement reculent sensiblement (- 6,5 %), pour atteindre 34 millions d'euros en 2025. Une partie de la baisse des CP résulte du décaissement progressif des crédits sur des projets programmés au cours des exercices précédents. Certaines dépenses, comme les contrats de fourniture d'électricité et de gaz, sont également sensibles à l'inflation.

Les dépenses d'entretien lourd en France représentent, au sein de cette enveloppe, une dotation de 7,5 millions d'euros en AE et de 9,7 millions d'euros en CP, en baisse par rapport à l'année passée. Les principales opérations concerneront, à Paris, la rénovation d'une partie de l'hôtel du ministre (rénovation des cuisines et installation d'un transformateur électrique et d'un groupe électrogène) et, à Nantes, la rénovation des cuisines de l'hôtel de Breil.

Évolution des dépenses d'entretien et de maintenance immobilière
de la mission en France

(en millions d'euros - en pourcentage)

Source : commission des finances d'après les documents budgétaires

Concernant dépenses d'entretien et de maintenance à l'étranger, le projet de loi de finances pour 2025 prévoit l'ouverture de 101,6 millions d'euros en autorisations d'engagement et de 94,3 millions en crédits de paiement. Il s'agit d'une baisse conséquente de cette enveloppe, de l'ordre de 10 %, par rapport à l'exercice précédent. Cette réduction de près de 10 millions d'euros des dépenses d'immobilier à l'étranger correspond, selon les auditions menées par les rapporteurs spéciaux, à une « rationalisation » des dépenses immobilières du ministère prenant en compte la sous-consommation de ses crédits de paiement constatée lors des années précédentes.

Le rapporteur spécial Nathalie Goulet se félicite de cet effort de rationalisation soudainement engagé par le ministère de l'Europe et des affaires étrangères et rappelle avoir déposé au cours de l'examen des crédits de la mission pour 2024, au nom de la commission des finances, un amendement visant notamment à réduire de cinq millions d'euros les dépenses d'immobilier, pour ces mêmes raisons. Pour mémoire, le précédent gouvernement avait, à l'époque, émis un avis défavorable justifié par le souci de maintenir « l'augmentation des moyens que nous avons collectivement appelée de nos voeux ».

Pour 2025, comme les années précédentes, l'essentiel de l'enveloppe repose sur les dépenses d'entretien lourd à l'étranger, avec 59,5 millions d'euros en AE et 52,3 millions d'euros en CP. Elles visent à couvrir l'ambitieuse programmation du schéma directeur immobilier pluriannuel pour l'étranger (Sdipe) 2021-2025, qui prévoit la mise en oeuvre de 188 projets structurants. Ces dépenses d'entretien lourd comprennent également une dotation d'un million d'euros pour le financement de diagnostics préalables afin d'accélérer la transformation écologique des emprises du ministère, en réponse à l'une des recommandations exprimées lors des états généraux de la diplomatie.

À noter que la hausse des dépenses d'entretien lourd à l'étranger correspond à la rebudgétisation de ces opérations sur le programme 105 engagée à partir 2020 depuis le compte d'affectation spéciale « immobilier ».

Évolution des dépenses d'entretien et de maintenance immobilière
de la mission à l'étranger

(en millions d'euros - en pourcentage)

Source : commission des finances d'après les documents budgétaires

Les dépenses d'immobilier du MEAE, en France comme à l'étranger, se caractérisent toutefois par une sous-exécution chronique des crédits. Le budget géré par la direction de l'immobilier et de la logistique du ministère a ainsi été sous-consommé à hauteur de 19 millions d'euros en 2023. Dans le même sens, les annulations et surgels de crédits opérés en 2024 sur la mission « Action extérieure de l'État » se sont particulièrement concentrés sur la dotation affectée à l'immobilier et se sont élevés à 16,5 millions d'euros en autorisations d'engagement et en crédits de paiement.

Cette sous-exécution concerne particulièrement les dépenses d'entretien lourd à l'étranger. Deux facteurs d'explication sont avancés par le Quai d'Orsay :

- d'une part, les aléas dans la conduite opérationnelles des travaux, découlant de la difficulté de mener les procédures de sélection des prestataires ou de la dégradation de la situation sécuritaire de certaines régions ;

- d'autre part, des délais de livraison des travaux, parfois très longs, ralentissent le taux de consommation des crédits de paiement.

De plus, la direction du budget estime que le schéma pluriannuel de stratégie immobilière (SPSI) 2020-2025 et le schéma directeur immobilier pluriannuel pour l'étranger (Sdipe) 2021-2025, respectivement destinés à la programmation des dépenses d'immobilier en France et à l'étranger, s'étaient montrés trop optimistes dans les capacités du ministère à décaisser ces crédits. Dans le même sens, dans le cadre de leurs travaux de contrôle budgétaire sur l'immobilier du ministère de l'Europe et des affaires étrangères, les rapporteurs spéciaux Vincent Delahaye et Rémi Féraud avaient souligné la qualité variable des documents de programmation fournis par le ministère et les postes diplomatiques31(*).

Afin de pallier la récurrence de la sous-consommation des crédits de la politique immobilière du MEAE, il importe, pour le ministère, de :

fiabiliser la programmation des crédits de la politique immobilière du Quai d'Orsay, afin d'aligner l'enveloppe ouverte en loi de finances avec le rythme de décaissement des crédits de paiement. Pour ce faire, le prochain SPSI et le prochain Spide devront présenter une vision plus réaliste de la capacité du ministère à conduire ses opérations de travaux ;

poursuivre les efforts de recensement du patrimoine du ministère à l'étranger. Le MEAE a indiqué poursuivre des campagnes d'évaluation de ses actifs immobiliers à l'étranger et disposer d'un inventaire finalisé pour 111 pays sur 169 comportant une emprise française. Pour autant, les rapporteurs spéciaux relèvent que ce chiffre n'a pas progressé par rapport au printemps 2023.

2. Les dépenses de numérique sont stabilisées, dans un contexte de modernisation des outils informatiques du MEAE

Les dépenses consacrées au numérique et à la télécommunication, qui avaient connu une hausse significative entre 2023 et 2024, demeurent stables en 2025. Le présent projet de loi de finances prévoit l'ouverture de 58 millions d'euros en AE et de 57,5 millions d'euros en CP, pour un montant similaire l'année passée.

Depuis 2021, le MEAE a porté un effort significatif pour renforcer ses moyens numériques, en application du plan de transformation numérique du Quai d'Orsay32(*). Dès 2019, le ministère s'est doté d'une direction du numérique (Dinum), dont les effectifs ont largement bénéficié de l'augmentation du plafond d'emplois de la mission. Cette même année, l'enveloppe consacrée aux systèmes d'information et de télécommunications se situait à 38,7 millions d'euros.

Pour 2025, au sein de cette enveloppe et en raison d'une augmentation des postes et des licences informatiques, le coût des dépenses de bureautique progresse pour revenir à son niveau de 2023 avec 17,95 millions d'euros en AE comme en CP.

3. Les dépenses de sécurité se stabilisent à un niveau élevé, après avoir augmenté de moitié depuis 2020, du fait de la multiplication des menaces sur les emprises

Dans un contexte sécuritaire dégradé dans de nombreuses zones géographiques, l'accroissement des moyens du programme 105 depuis 2020 a permis au ministère d'engager un renforcement des dépenses de sécurité, en particulier à l'étranger. Entre 2020 et 2025, les crédits dédiés à la sécurité du réseau diplomatique à l'étranger ont augmenté de moitié. La multiplication des menaces pesant sur les postes diplomatiques français, en particulier ceux situés dans les pays de « l'arc de crise » (Sahel et Moyen-Orient) a justifié une remise à niveau de la sécurisation des sites, plus spécifiquement au regard des moyens de sécurité dite passive.

S'il est indispesable d'assurer la sécurité de nos emprises, et alors que le ministère évoquait l'année dernière un effet de rattrapage pour justifier cette hausse, le rapporteur spécial sera attentif à une stabilisation de cette enveloppe dans les années à venir.

Avec 66,7 millions d'euros en autorisations d'engagement (- 5,5 % par rapport à 2024) et 70,1 millions d'euros en crédits de paiement (+ 3,8 % par rapport à 2024), les moyens consacrés à la sécurité à l'étranger opèrent une relative stabilisation. La hausse des CP s'explique par la finalisation de projets engagés au cours des exercices 2023 et 2024.

Évolution des dépenses de sécurité à l'étranger entre 2020 et 2025

(en millions d'euros et en pourcentage)

Source : commission des finances d'après les documents budgétaires

Les dépenses de sécurité engagées par le ministère à l'étranger sont de deux ordres :

- d'une part, les mesures visant à l'entretien des dispositifs existants et à leur maintien en condition opérationnelle. Il s'agit tout particulièrement des dépenses de gardiennage, poussée à la hausse par l'inflation soutenue dans certaines régions du monde, mais également le financement des dépenses de fonctionnement liées à l'entretien des mesures de sécurité passives (télésurveillance, dispositifs anti-intrusion...) et de l'acheminement des renforts de gendarmerie en cas de crise ;

- d'autre part, le financement d'investissements en matière de sécurité passive33(*) dont la répartition est déterminée en fonction du risque sécuritaire évalué par pays, selon une classification par catégorie de pays établie par le MEAE.

Une enveloppe, au volume plus faible, est également consacrée aux dépenses de sécurité en France où les besoins d'investissement du ministère sont largement moindres. Elle se situe en 2025 à 13,6 millions d'euros en AE=CP, en baisse de près de 5 % par rapport à 2024.

III. LA POSITION DU RAPPORTEUR SPÉCIAL RÉMI FÉRAUD SUR LES CRÉDITS DES PROGRAMMES 151 ET 185

A. LES SERVICES CONSULAIRES DEMEURENT SOUS PRESSION, EN DÉPIT DE LA POURSUITE DE GRANDS PROJETS DE MODERNISATION

Le programme 151 « Français à l'étranger et affaires consulaires » regroupe les crédits dédiés aux services publics des Français de l'étranger, les bourses attribuées pour l'enseignement français à l'étranger ainsi que la politique des visas. Il est placé sous la responsabilité de la direction des Français à l'étranger et de l'administration consulaire (DFAE).

Par souci de lisibilité de l'action de la politique de l'enseignement français à l'étranger, les bourses scolaires seront présentées infra avec les développements consacrés à l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger (AEFE).

Évolution des crédits du programme 151 « Français à l'étranger
et affaires consulaires » de la mission « Action extérieure de l'État »

(en millions d'euros - en pourcentage)

 

LFI 2024

PLF 2025

Évolution en valeur

Évolution en pourcentage

AE

CP

AE

CP

AE

CP

AE

CP

P151 - Français à l'étranger et affaires consulaires

165,63

165,23

156,53

156,93

- 9,1

- 8,3

- 5,49 %

- 5,02 %

Offre d'un service public de qualité aux Français à l'étranger

42,55

42,15

39,25

39,65

- 3,3

- 2,5

- 7,76 %

- 5,92 %

Accès des élèves français au réseau AEFE et à la langue française

120,5

120,5

113,5

113,5

- 7

- 7

- 5,81 %

- 5,81 %

Instruction des demandes de visa

2,58

2,58

3,78

3,78

1,2

1,2

+ 46,51 %

+ 46,51 %

Source : commission des finances d'après les documents budgétaires

1. La poursuite des projets de modernisation ne doit pas aboutir à réduire davantage des moyens du réseau consulaire

Par rapport aux autres États membres de l'Union européenne, la France a développé une interprétation maximaliste des exigences de la convention de Vienne du 24 avril 1963 et adapté ses services consulaires en conséquence, comme l'a rappelé la Cour des comptes dans un récent rapport34(*). Il s'ensuit une très grande variété des missions opérées par les services consulaires français, impliquant un certain niveau de financement.

Depuis le redéploiement des crédits de titre 2 vers le programme 105, l'essentiel de l'action 01 « offre d'un service public de qualité aux Français à l'étranger » regroupe désormais les dépenses de fonctionnement et d'intervention du programme 151.

Les dépenses de fonctionnement du réseau consulaire s'élèvent à 18,9 millions d'euros en autorisations d'engagement et à 19,2 millions d'euros en crédits de paiement. Il s'agit, tant pour les AE que pour les CP, d'une hausse significative des crédits, de l'ordre de 25 %. Cette augmentation est essentiellement due à un dérapage des financements alloués aux grands projets de modernisation, seulement partiellement compensée par des économies issues :

- d'une réduction de 1,5 million d'euros des crédits alloués à l'organisation des élections, l'année 2025 n'étant, de manière surprenante au regard de l'actualité politique, pas regardée comme une année électorale ;

- d'une baisse de 1,6 million de l'enveloppe des aides sociales, présentée infra avec les dépenses d'intervention.

La démarche de modernisation des outils du service consulaire, engagée depuis plusieurs années par la direction des Français de l'étranger se poursuit. Pour 2025, le pôle modernisation de l'administration consulaire passe de 4,5 millions d'euros en AE=CP à 7,5 millions d'euros. Pour mémoire, ces crédits visent à financer principalement trois mesures :

la dématérialisation de l'état civil des Français nés à l'étranger ou ayant eu un événement d'état civil à l'étranger, tout d'abord, qui a été engagée en 2019 et vise à constituer un registre de l'état civil électronique (RECE), dispose d'un budget de 3,3 millions d'euros en 2025, soit trois fois plus que l'année passée. Cette augmentation des moyens vise à répondre au bilan sévère dressé par un audit de l'inspection générale des affaires étrangère qui recommandait l'arrêt de l'extension de l'expérimentation à l'ensemble des pays européen en raison d'une qualité de service dégradée et d'une absence d'économies réalisées ;

la modernisation des outils des services consulaires, ensuite, est dotée de 2,8 millions d'euros en AE et de 2,9 millions d'euros en CP, afin de financer la modernisation de plusieurs applications et la poursuite de l'expérimentation de la dématérialisation du renouvellement des passeports, testée au Canada et au Portugal depuis 2025 ;

le vote par internet35(*), enfin, utilisé avec succès lors des dernières élections législatives et doté de 850 000 euros en 2025.

À ces trois grands projets s'ajoute la poursuite du déploiement de la plateforme France consulaire, dont l'enveloppe s'élève à 5,9 millions d'euros en AE=CP, soit une hausse de ses crédits de 2,1 millions d'euros. Ces crédits additionnels visent à couvrir l'extension progressive du dispositif.

Ce centre de contact consulaire, déployé en août 2023 dans 26 pays européens couvrait à cette date 47 % des Français expatriés. L'objectif de ce dispositif, situé à la Courneuve, est de soulager les services consulaires en recueillant les premières demandes. Au 31 août 2024, il devrait être déployé dans 60 pays, dont 42 États européens et 18 africains et élargira progressivement ses horaires d'ouverture de 7h à 22h pour intégrer des pays plus éloignés.

Dès lors que la France entend conserver une interprétation large de ses obligations consulaires, les moyens alloués aux services de notre réseau consulaire doivent s'adapter à ce besoin. Or, au cours des années passées, le réseau consulaire a été excessivement sollicité au titre de l'effort de baisse des dépenses publiques. Les initiatives de rationalisation ont essentiellement été de deux ordres :

- d'une part, une réduction des implantations par une différenciation du niveau de services. Cette différenciation a reposé sur la mise en place de différentes catégories de postes assurant un éventail de missions plus ou moins importants. Dans un souci de réduction de la dépense, le ministère a privilégié le déploiement de postes consulaires d'influence (PCI) et de postes de présence diplomatique (PPD) aux moyens limités. Cette évolution a conduit à un report de la charge de travail sur les postes mieux dotés et à une frustration croissante de la part des usagers ;

- d'autre part, un ajustement de la masse salariale, conduisant à réduire de près de 6 % le plafond d'emplois du programme entre 2017 et 2021, dans le cadre du programme AP2022.

Il en est ressorti un bilan négatif en l'absence d'une redéfinition des missions de notre réseau consulaire. À missions constantes, la réduction des moyens aboutit à une impasse, comme l'a souligné la Cour des comptes : « La réforme AP2022 prévoyait une réduction de la masse salariale mais sans remettre en cause le choix politique de préserver l'universalité du réseau dont le principe a été réaffirmé par le Président de la République en 2019 »36(*).

Évolution des effectifs sous plafonds du programme 151 « Français à l'étranger
et affaires consulaires » entre 2017 et 2024

(en équivalents temps plein travaillé et en pourcentage)

Source : commission des finances d'après les documents budgétaires

Si le rapporteur spécial Rémi Féraud considère qu'il est parfaitement justifié, dans un double souci d'amélioration de la qualité du service rendu et de bonne gestion des deniers publics, de mobiliser l'ensemble des leviers de modernisation à la portée du ministère, il importe de ne pas affaiblir la capacité de la France à conserver un fort niveau de protection de nos ressortissants.

À titre d'exemple, le rapporteur spécial sera attentif, dans les exercices à venir, sur la qualité du service rendu par la plateforme France consulaire. Dans son rapport consacré aux services consulaires, la Cour des comptes a relevé que les réponses apportées par l'opérateur de France consulaire présentaient une qualité perfectible et a noté une forte rotation des effectifs, alors que le centre d'appel, situé en région parisienne, fait face à une concurrence significative en termes de ressources humaines. En ce sens, la délocalisation de France consulaire sur un nouveau site à Nantes, effective à l'été 2025, permettra de réduire le coût de son implantation immobilière et de renforcer l'attractivité des postes proposés.

L'évolution de la communauté française à l'étranger en 2024

Le registre des Français établis hors de France permet un recensement des ressortissants français établis hors du territoire national. Depuis 2016, cette inscription peut être effectuée de manière dématérialisée.

Au 31 décembre 2023, ce sont 1 692 978 de Français qui étaient inscrits au registre, en hausse de 0,5 % par rapport à l'année précédente.

Si l'on examine la répartition géographique de la communauté française, la majorité des Français établis hors de France vivent dans un pays de l'Union européenne (47,6 % en 2023). S'agissant de la répartition par pays, la Suisse, les États-Unis, le Royaume-Uni, la Belgique et le Canada se situent en tête du classement des pays d'accueil et regroupent 40,5 % des Français de l'étranger. À noter que près d'un tiers des Français de l'étranger sont binationaux.

Évolution du nombre d'inscrits au registre des Français établis hors de France

(en millions d'euros et en pourcentage)

Source : commission des finances

Sur le plus long terme, l'évolution de la communauté française à l'étranger se caractérise par une progression continue avec une hausse de l'ordre de 88 % depuis 1995.

Pour autant, dès lors que l'inscription au registre n'est plus obligatoire depuis 1961, les estimations du nombre de Français établis hors de France tirées de cet instrument sont nécessairement inférieures aux chiffres réels. Le ministère de l'Europe et des affaires étrangères situe le nombre réel de Français expatriés entre 2,5 et 3 millions de personnes.

Source : commission des finances d'après le rapport du Gouvernement sur la situation des français établis hors de France

2. Les dépenses d'intervention du programme 151 au profit des Français de l'étranger sont revues à la baisse

S'agissant des dépenses d'intervention portées par le programme 151, hors bourses scolaires détaillées infra, l'essentiel des crédits est concentré sur trois enveloppes.

Premièrement, il s'agit de l'enveloppe des aides sociales destinées aux Français de l'étranger, versées en application de l'article L 121-10-1 du code de l'action sociale et des familles37(*). Les aides sociales regroupent l'ensembles des crédits versés aux ressortissants français à l'étranger, sur critères sociaux et après avis des conseils consulaires pour la protection et l'action sociale (CCPAS). Elles sont ciblées et différentielles et leur niveau est déterminé en fonction des évolutions du coût de la vie locale et du taux de change, dès lors que les allocations sont versées en euros. Pour mémoire, ces allocations sont assimilées à des décisions gracieuses du ministre et ne constituent pas un droit.

Les aides sociales portées par le programme 151 relèvent de trois catégories :

- tout d'abord, les aides mensuelles versées aux ressortissants à très faibles revenus, âgés de plus de 60 ans ou en situation de handicap38(*) ;

- ensuite, les aides sociales aux enfants en détresse ;

- enfin, les aides ponctuelles aux Français en difficultés temporaire, notamment en cas de détention.

Pour l'exercice 2025, le montant total des aides sociales se situe en recul de 6 % par rapport à 2024, avec 15,2 millions d'euros en AE=CP. Selon la direction des Français de l'étranger, la réduction des crédits d'aides sociales devrait conduire à l'adoption de critères plus stricts dans les procédures d'attribution.

Par ailleurs, le MEAE s'est engagé dans une suppression progressive du versement des aides sociales dans les États membres de l'Union européenne et de l'Association européenne de libre-échange (AELE), dès lors que les ressortissants français résidant dans ces pays peuvent bénéficier, en application du principe de non-discrimination des prestations sociales du pays hôte. Une extinction progressive sur trois ans du versement des aides a donc été prévue.

Montant des aides sociales versées aux Français de l'étranger

(en euros et en pourcentage)

 

2018

2019

2020

2021

2022

2023

2024

Évolution 2018-2024

Allocations de solidarité (AS)

5 480 012

5 633 524

5 468 248

6 465 558

6 798 251

6 870 499

7 056 284

+ 28,76 %

Allocations adultes handicapés (AAH)

4 692 384

4 668 847

4 540 364

4 787 232

4 881 040

4 914 691

5 192 129

+ 10,65 %

Allocations enfants handicapés (AEH)

1 380 301

1 421 505

1 489 300

1 445 800

1 434 120

1 583 727

1 740 830

+ 26,12 %

Allocations à durée déterminée (ADD)

79 414

88 100

173 799

113 733

140 412

133 549

63 284

- 20,31 %

Secours mensuels spécifiques enfants (SMSE)

482 031

459 329

608 354

753 592

796 276

718 561

679 470

+ 40,96 %

Prestation d'assistance consulaire (PAC)

292 421

334 471

320 509

344 606

287 586

209 319

167 097

- 42,86 %

Total hors aides ponctuelles

12 406 563

12 605 776

12 600 574

13 910 521

14 337 685

14 430 346

14 899 095

+ 20,09 %

Aides ponctuelles

615 122

505 917

5 003 697

13 050 544

4 798 590

467 887

464 850

- 24,43 %

Total

13 021 685

13 111 693

17 604 271

26 961 065

19 136 275

14 898 233

15 363 945

+ 17,99 %

Note n° 1 : pour l'année 2024, il s'agit des montants notifiés et non consommés.

Note n° 2 : pour les années 2020 à 2022, une partie des aides ponctuelles attribuées l'ont été au titre du dispositif de secours occasionnel de solidarité « SOS covid ».

Source : commission des finances d'après les réponses au questionnaire budgétaire

Deuxièmement, le programme 151 finance à hauteur de 1,2 million d'euros en 2025 (- 15 % par rapport à 2024) les organismes locaux d'entraide et de solidarité. Ce financement est complété par un versement de 1,6 million d'euros au titre du soutien au tissu associatif des Français de l'étranger (STAFE).

Troisièmement, une enveloppe significative est dédiée aux dépenses de rapatriement et d'hospitalisations d'urgence, pour un montant de 1,3 million d'euros sur l'exercice 2025. Sur ce point, la direction des Français de l'étranger a porté à l'attention des rapporteurs spéciaux la situation des ressortissants français résidant au Vanuatu. En effet, sur le total de l'enveloppe des évacuations sanitaires, 500 000 euros sont destinés à financer les évacuations de Français du Vanuatu vers la Nouvelle-Calédonie. Cette prise en charge, qui découle d'une convention datant de 1982, est curieusement confiée au ministère de l'Europe et des affaires étrangères et non au ministère chargé de la santé. Il s'agit pourtant non pas d'évacuations opérés dans des situations d'urgence extrême, comme la plupart de celles assurées par la DFAE.

La lutte contre la fraude par les services consulaires

Au cours des dernières années, l'administration consulaire a renforcé ses efforts de lutte contre la fraude aux aides sociales et aux aides à la scolarisation. En matière d'aides aux Français de l'étranger, la fraude est de plusieurs ordres. Elle peut consister :

- en matière d'aides sociales et d'aides à la scolarisation, à minorer ses revenus déclarés ou à falsifier des documents relatifs à la situation familiale ;

- en matière d'AAH ou d'AEH, à dissimuler l'inscription ou la non radiation des caisses d'allocations familiales ;

- de manière générale, à occulter sa résidence habituelle à l'étranger, les prestations sociales étant généralement conditionnées à une résidence stable en France.

Un premier niveau de contrôle est opéré par les services consulaires au moment des demandes de prestations, par un examen approfondi des pièces du dossier. S'agissant des bourses scolaires, les services consulaires peuvent saisir l'AEFE d'une demande de consultation de l'administration fiscale sur les revenus et la situation patrimonial du demandeur. En matière d'aides sociales, ils peuvent consulter la CAF compétente pour contrôler l'effectivité de la radiation. Ces contrôles peuvent être complétés, le cas échéant, par une « enquête sociale » ou visite à domicile du demandeur. Le nombre de visites menées varie cependant en fonction des consulats.

Les services consulaires tendent à systématiser les échanges d'information avec les organismes sociaux. En 2022, ce sont 5 204 échanges qui ont été réalisés entre le MEAE et les organismes sociaux. Depuis l'été 2022, le ministère dispose d'une convention la Caisse nationale d'assurance vieillesse (CNAV) afin de contrôler l'existence des pensionnés dans les pays d'Afrique du Nord - Moyen-Orient et a permis l'organisation de campagnes de contrôle renforcées avec des agents de droit local dédiés.

Dans le prolongement de ce partenariat, la Cour des comptes recommande d'étudier la faisabilité d'une interconnexion des données entre systèmes d'information des ministères des affaires étrangères et de l'intérieur et entre le ministère des affaires étrangères et les organismes sociaux.

Source : commission des finances d'après la Cour des comptes et la direction générale des Français à l'étranger et de l'administration consulaire

3. Un renforcement significatif des moyens alloués à l'instruction des visas afin de répondre aux difficultés découlant de la « crise des visas »

Ces dernières années, les services consulaires ont été confrontés à une situation parfois qualifiée de « crise des visas ». Cette problématique résultait de la levée des restrictions sanitaires aux déplacements internationaux en 2022, qui a conduit à un accroissement significatif des demandes de visas. Face à cette soudaine hausse des demandes, les services d'instruction se sont trouvés débordés, ce qui a conduit à une augmentation certaine des délais de traitement des dossiers.

La DFAE estime que le renforcement des effectifs de l'administration consulaire depuis 2023 a permis de pallier en partie le manque de moyens humains qui avait compromis le traitement des demandes de visas.

En outre, le ministère indique, dans les documents budgétaires comme à l'occasion des auditions, mettre en oeuvre les recommandations du rapport dit Hermelin sur l'amélioration de la délivrance des visas39(*). Compte tenu des blocages affectant la délivrance des visas, le Gouvernement a confié en avril 2023, une mission d'évaluation à Paul Hermelin, conjointement avec l'inspection générale des affaires étrangères et l'inspection générale de l'administration. Parmi les recommandations du rapport d'évaluation, la diffusion aux services d'une « note d'instruction interministérielle de mise en oeuvre du rapport Hermelin sur la délivrance des visas » a visé à cibler les publics prioritaires de la politique d'attractivité dans les procédures d'instruction.

Par ailleurs, les frais de contentieux de refus de visa connaissent une augmentation significative pour la deuxième année consécutive. Pour 2025, l'enveloppe dédiée aux frais de justice, qui couvre à la fois le paiement des frais irrépétibles et la réparation des préjudices se situe à 3,8 millions d'euros, soit une augmentation de 1,2 million d'euros par rapport à 2024. Cette enveloppe avait déjà augmenté de 800 000 euros entre 2023 et 2024. L'accroissement du stock de dossiers porte donc un risque d'augmentation continue de cette dotation. À noter que le ministère de l'intérieur a versé un remboursement à hauteur de 50 % des frais de justice engagés lors de l'exercice budgétaire précédent.

Pour autant, la direction des Français à l'étranger et de l'administration consulaire a porté à l'attention des rapporteurs des difficultés issues du partage des compétences entre le ministère de l'intérieur et le MEAE s'agissant du contentieux des visas. En effet, si la gestion pratique des contentieux est confiée au ministère de l'intérieur, le financement des frais de contentieux revient au Quai d'Orsay. Or les délais de communication entre les deux ministères conduisent à des retards de paiements de ces dépenses et à des pénalités pour le MEAE qui plaide pour un regroupement de la gestion de ce contentieux au ministère de l'intérieur.

Sur l'ensemble de la politique des visas, le rapporteur spécial estime que ces problématiques pourraient utilement figurer parmi les travaux de contrôle budgétaire de la commission des finances en 2025.

B. L'ENSEIGNEMENT FRANÇAIS À L'ÉTRANGER VOIT SES DOTATIONS BAISSER AU TITRE DU REDRESSEMENT DE NOS FINANCES PUBLIQUES

Créée par la loi du 6 juillet 199040(*), l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger (AEFE) est un établissement public national à caractère administratif, placé sous la tutelle du ministre de l'Europe et des affaires étrangères. Son objet est notamment d'assurer les missions de service public relatives à l'éducation pour les enfants de nationalité française, de contribuer au renforcement de la coopération en matière de systèmes éducatifs, de contribuer au rayonnement de la culture et de la langue française, d'aider les familles françaises à supporter les frais de scolarité et d'accorder des bourses scolaires41(*)

À la rentrée 2024, l'agence coordonnait un réseau de 600 établissements homologués, dont :

68 établissements en gestion directe (EGD), qui correspondent aux services déconcentrés de l'agence ;

168 établissements conventionnés, qui forment, avec les EGD le « réseau de l'AEFE » au sens strict ;

374 établissements partenaires, qui délivrent un programme scolaire français homologués par le ministère de l'éducation nationale mais sont autofinancés, disposent d'une autonomie de gestion et assurent eux-mêmes leurs recrutements.

Sur l'année scolaire 2023-2024, l'AEFE et son réseau scolarisaient 392 142 élèves, avec un objectif de 400 000 élèves à la rentrée 2024. Les effectifs, en dépit des crises régionales successives, sont dynamiques depuis 2018.

Au titre de la mission « Action extérieure de l'État », l'AEFE est financée à la fois sur le programme 151, au titre de l'enveloppe des bourses scolaires dont elle assure la gestion, et sur le programme 185, au titre d'une subvention pour charges de service public. L'agence ne reçoit aucune subvention pour charge d'investissement. Ses dépenses les plus conséquentes, notamment l'immobilier, reposent par conséquent sur ses ressources propres. Les financements en provenance de la mission AEE représentent environ la moitié du budget de l'agence, le reste reposant sur ses ressources propres.

Montant de la dotation du MEAE au bénéfice de l'AEFE

(en millions d'euros et en pourcentage)

 

LFI 2024

PLF 2025

Variation 2024/2025

AE

CP

AE

CP

AE

CP

P185

454,93

454,93

444,78

444,78

- 2,23 %

- 2,23 %

P151

0

0

113,50

113,50

-

-

Total

454,93

454,93

558,28

558,28

+ 22,72 %

+ 22,72 %

Note n° 1 : les subventions du programme 185 comprennent, outre la subvention pour charges de service public, la dotation de soutien au dispositif des Bourses Excellence Major (BEM) pour 3,70 millions d'euros et la subvention au lycée franco-australien de Canberra pour 500 000 euros.

Note n° 2 : les transferts en provenance du programme 151 correspondent au financement des bourses attribuées aux élèves français scolarisés dans les établissements homologués par l'AEFE.

Source : commission des finances d'après les documents budgétaires

1. Le financement accordé à l'AEFE sur le programme 185 fait l'objet, comme pour l'ensemble des opérateurs, d'une mise à contribution significative

Les crédits du programme 185 comprennent la subvention pour charges de l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger (AEFE), opérateur du programme consacré à l'enseignement francophone dans le monde. Pour 2025, la SCSP versée à l'AEFE devrait s'élever à 440,8 millions d'euros, en baisse de 14,1 millions d'euros par rapport à l'exercice précédent. Pour autant, cette dotation avait sensiblement augmenté depuis 2021.

Pour justifier cette réduction de la SCSP, la direction générale de la mondialisation, qui assure la gestion du programme 185, avance deux facteurs principaux :

- d'une part, l'agence a perçu en 2024 une subvention de 10 millions d'euros attribuée pour l'équipement en panneaux photovoltaïques des établissements libanais, non exécutée en raison du conflit en cours.

- d'autre part, une partie de la baisse de la subvention est compensée par un coût inférieur à la prévision initiale de la réforme du statut des personnels détachés de l'AEFE.

Pour rappel, suite à une décision de la cour administrative d'appel de Nantes en mai 202242(*), le régime juridique encadrant la situation des personnels résidents de l'AEFE, et la partie réglementaire du code de l'éducation ont dû faire l'objet d'une modification en juin 202243(*). L'AEFE a dû renoncer à une pratique qui consistait à recruter des enseignants sous un statut de droit local de façon à les faire passer ensuite sur un statut de résident, moins favorable que celui de personnel détaché.

À la suite d'une décision interministérielle de juin 2022, l'État a pris à sa charge 50 % du surcoût lié à la réforme, les 50 % restants devant être internalisés dans le budget de l'agence. En loi de finances initiale pour 2024, ce sont 15 millions d'euros qui ont été rebasés dans la SCSP de l'AEFE à cet effet (7 millions d'euros en 2023 et 8 millions d'euros supplémentaires en 2024). Afin de demeurer à hauteur de 50 % du surcoût pris en charge par l'État, la SCSP de l'AEFE est diminuée de 6,2 millions d'euros au titre de cette réforme.

Évolution de la subvention pour charges de service public de l'AEFE

(en millions d'euros et en pourcentage)

Source : commission des finances d'après les documents budgétaires

La SCSP versée sur le programme 185 permet notamment à l'AEFE d'assurer le financement de sa masse salariale. Le schéma d'emploi de l'agence s'élève en effet à 10 593 équivalents temps plein travaillés (ETPT) en 2025, dont 5 579 ETPT sous plafond et 5 161 ETPT hors plafond. Le plafond d'emploi est baissé de 15 ETPT en 2025, du fait d'une sous-consommation les années précédentes.

S'agissant des dépenses immobilières, leur financement dépend du niveau de trésorerie de l'agence et de son réseau. En 2024, la trésorerie de l'AEFE est estimée à 283,8 millions d'euros, contre 308,8 millions d'euros fin 2023. Elle se décompose entre :

214,11 millions d'euros au titre de la trésorerie des établissements en gestion directe (EGD), en réalité plus difficilement mobilisable du fait d'opérations immobilières déjà engagées, d'emprunts à rembourser et de difficultés de transferts bancaires vers les services centraux ;

69,5 millions d'euros au titre de la trésorerie des services centraux, soit 31 jours de fonctionnement.

La baisse de trésorerie s'explique par l'avancée de plusieurs opérations immobilières, ainsi que par la dégradation du solde budgétaire dans les EGD. Le rapporteur spécial suivra avec attention l'évolution du niveau de trésorerie de cet opérateur, dès lors qu'il conditionne la capacité de ce dernier à financer ses dépenses immobilières en l'absence d'un mode de financement alternatif durable.

Dans la lignée de ses remarques sur le réseau consulaire, le rapporteur spécial souligne que la réduction des moyens du réseau d'enseignement français à l'étranger ne pourra que conduire à une révision à la baisse des objectifs fixés au cours des dernières années. Pourtant, les conclusions des « consultations sur l'enseignement français à l'étranger », organisées en 2023, ont été pour le ministère et l'AEFE l'occasion de confirmer l'objectif de doublement du nombre d'élèves inscrits dans le réseau des établissements français à l'étranger d'ici 2030, prévu dans le plan pour la langue française et le plurilinguisme présenté par le Président de la République en 2018.

Compte tenu des moyens engagés, le rapporteur spécial estime, comme l'année précédente, que cet objectif de doublement des effectifs semble trop ambitieux, voire peu réaliste, au regard de la progression actuelle du nombre d'élèves. L'AEFE estime qu'une croissance annuelle de 5 % est nécessaire pour atteindre l'objectif présidentiel.

Une réflexion sur le mode de financement de l'AEFE au point mort

Relevant de la catégorie des organismes divers d'administration centrale (ODAC), l'AEFE est limitée dans ses capacités d'emprunt. En application de l'article 12 de la loi de programmation des finances publiques pour les années 2011 à 201444(*), les organismes relevant de cette catégorie « ne peuvent contracter auprès d'un établissement de crédit ou d'une société de financement un emprunt dont le terme est supérieur à douze mois, ni émettre un titre de créance dont le terme excède cette durée ».

En conséquence, le financement de l'AEFE repose sur trois canaux :

- la subvention pour charges de service public, qui est versée par le ministère de l'Europe et des affaires étrangères ainsi que les autres transferts opérés par l'État, notamment le financement des bourses scolaires sur le programme 151 de la mission « Action extérieure de l'État » ;

- les ressources propres de l'AEFE ;

- les avances de l'Agence France Trésor (AFT), de courte durée (un an maximum) et théoriquement réservées aux besoins de financement imprévues.

Cet encadrement des modalités de financement de l'AEFE limite de fait les capacités de cette dernière à financer des projets immobiliers de long terme.

Le contrat d'objectifs et de moyens 2021-2023 (COM) conclu entre l'État et son opérateur avait prévu la réunion d'un groupe de travail réunissant l'AEFE, le ministère de l'Europe et des affaires étrangères et le ministère des comptes publics. Il devait ainsi proposer un mécanisme de financement pérenne de l'AEFE qui « pourra reposer sur une mise en commun ponctuelle des réserves de trésorerie disponibles au sein du réseau ou la constitution d'un fonds mutualisé à partir de contributions des établissements », selon les termes du COM. Ce nouveau mécanisme devrait remplacer le recours aux avances de l'AFT. Toutefois, au moment de la rédaction du présent rapport, ce groupe de travail n'a donné nul signe de vie. Le groupe de travail n'a toujours pas présenté ses conclusions ou formulé de proposition.

Source : commission des finances

2. L'enveloppe des bourses scolaires du programme 151 décroît, au risque de fragiliser les ressources des établissements d'enseignement français et la capacité des familles françaises à y scolariser leurs enfants

L'objectif des bourses scolaires versées aux familles françaises expatriées est d'atténuer le coût financier de l'inscription dans un établissement français à l'étranger. Cette aide à la scolarisation est versée par les établissements mais l'enveloppe globale est gérée par l'AEFE. Les règles d'application des bourses sont fixées chaque année par une instruction spécifique. Les bourses sont versées dans la devise du pays d'accueil et peuvent donc connaître un effet de change assez conséquent.

À noter que les crédits de soutien à l'enseignement français représentent en 2025 près de 73 % des financements du programme 151.

Pour 2025, le montant des bourses scolaires versé depuis le programme 151 s'élève à 111,5 millions d'euros, soit une baisse de 5,5 % par rapport à l'exercice précédent lorsque cette enveloppe s'élevait à 118 millions d'euros. La direction des Français de l'étranger avance deux arguments au soutien de cette contraction des aides à la scolarité :

- en premier lieu, une baisse du nombre de boursiers de l'ordre de 17 % entre l'année scolaire 2022-2023 et l'année scolaire 2023-2024 ;

- en second lieu, un recul de l'indice de parité de pouvoir d'achat (IPPA) dans plusieurs pays.

La baisse de l'enveloppe des bourses a cependant été partiellement compensée par un retour, en juin 2024 à une contribution progressive de solidarité (CPS) à 2 points, après la hausse de 2 à 7 points, intervenue en 2023.

Évolution du montant de l'enveloppe des bourses scolaires
et du nombre de boursiers entre 2017 et 2022

(en millions d'euros - échelle de droite,
en nombre de boursiers - échelle de gauche)

Source : commission des finances d'après les documents budgétaires

Les exercices précédents s'étaient caractérisés par une
sous-consommation chronique de l'enveloppe des bourses scolaires gérées par l'agence et à la constitution d'une soulte. Cette dernière a toutefois fait l'objet d'un apurement définitif en 2023.

Dans un contexte d'inflation mondiale et alors que les frais de scolarité progressent sensiblement, le rapporteur spécial rappelle l'importance de ce mécanisme d'aide à la scolarisation qui permet, d'une part, aux établissements de conserver un vivier d'élèves français et, d'autre part, de garantir aux enfants français un accès au service public de l'éducation.

Outre l'enveloppe des bourses stricto sensu, un budget spécifique de deux millions d'euros (+ 33 %) est prévu pour l'aide à la scolarisation des élèves en situation de handicap. Ce dispositif, créé en 2018 et généralisé en 2021 aux non-boursiers, permet de financer le recrutement et la formation des AESH (accompagnant(e) d'un élève en situation de handicap) nécessaires à la scolarisation de ces élèves. Il concernait en 2024 environ 440 élèves.

Par ailleurs, une expérimentation de « Pass Éducation langue française », initiée en 2024 et visant à soutenir l'apprentissage de la langue française chez des élèves français scolarisés hors du réseau de l'AEFE est reconduite en 2025.

C. LA COOPÉRATION CULTURELLE ET D'INFLUENCE AU DÉFI D'UNE STAGNATION DES MOYENS

Le programme 185 « Diplomatie culturelle et d'influence » rassemble les crédits destinés aux politiques culturelle, linguistique, universitaire, scientifique et d'attractivité. Placé sous la responsabilité de la direction générale de la mondialisation (DGM), il comprend également les subventions versées aux opérateurs de la mission.

Une grande partie des crédits du programme 185 est gérée par trois opérateurs :

- l'Agence française pour l'enseignement français à l'étranger, évoquée supra et placée sous la tutelle du ministère de l'Europe et des affaires étrangères, a pour principal objectif d'assurer les missions de service public relatives à l'éducation en faveur des enfants de nationalité française résidant à l'étranger ;

- l'Institut français, placé sous la double tutelle du ministère de l'Europe et des affaires étrangères et du ministère de la culture, assure la promotion de la culture française à l'étranger et accompagne le réseau culturel français ;

Campus France, placé sous la double tutelle du ministère de l'Europe et des affaires étrangères et du ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche, est chargé d'assurer la promotion de l'enseignement supérieur français à l'étranger et de financer des programmes de mobilité internationale.

Pour 2025, le total des crédits alloués aux trois opérateurs de la mission devrait s'élever à 545,18 millions d'euros au titre du programme 185. Le montant de cette enveloppe globale contribue à rigidifier les dépenses du programme. Près de 81 % des crédits du paiement du programme sont ainsi versés aux opérateurs dans le cadre de SCSP.

Sans constituer des opérateurs au sens de la loi organique relative aux lois de finances, les Alliances françaises mettent également en oeuvre une partie des crédits de la mission.

Évolution des crédits du programme 185 « Diplomatie culturelle et d'influence »
de la mission « Action extérieure de l'État »

(en millions d'euros)

 

LFI 2024

PLF 2025

Évolution en valeur

Évolution en pourcentage

AE

CP

AE

CP

AE

CP

AE

CP

P185 - Diplomatie culturelle et d'influence

721,18

721,18

675,94

675,94

- 45,24

- 45,24

- 6,27 %

- 6,27 %

Appui au réseau

44,1

44,1

44,9

44,9

0,8

0,8

+ 1,82 %

+ 1,82 %

Coopération culturelle et promotion du français

86,34

86,34

75,57

75,57

- 10,77

- 10,77

- 12,48 %

- 12,48 %

Objectifs de développement durable

2,35

2,35

1,77

1,77

- 0,58

- 0,58

- 24,72 %

- 24,72 %

Enseignement supérieur et recherche

123,04

123,04

107,87

107,87

- 15,17

- 15,17

- 12,33 %

- 12,33 %

Agence pour l'enseignement français à l'étranger

454,93

454,93

440,83

440,83

- 14,1

- 14,1

- 3,10 %

- 3,10 %

Diplomatie économique et attractivité

10,42

10,42

5

5

- 5,42

- 5,42

- 52,02 %

- 52,02 %

Source : commission des finances d'après les documents budgétaires

1. Si le soutien au réseau de la coopération culturelle fait l'objet d'une sanctuarisation, il n'est pas certain qu'il soit en mesure de couvrir le besoin de financement des établissements

Le réseau français de la coopération culturelle se caractérise par une très forte diversité des acteurs et des statuts juridiques. Il comprend ainsi :

- les services de coopération et d'action culturelle (SCAC) des ambassades ;

- les établissements à autonomie financière (EAF), soit les Instituts français45(*) et les unités mixtes des instituts français de recherche à l'étranger (IFRE). Inscrits dans la Lolf, ces établissements disposent de ressources propres et perçoivent une dotation de fonctionnement sur le programme 185 ;

- les Alliances françaises, dotées de statuts associatifs de droit local, qui bénéficient de subventions.

En 2024, le MEAE, dans un contexte de baisse de leur taux d'autofinancement, avait renforcé d'un million d'euros son soutien aux EAF. La reprise de l'inflation et la dégradation du taux de change ont eu pour effets d'augmenter les charges des EAF (dépenses immobilières, salaires...) et d'affaiblir leur taux d'autofinancement46(*), en raison d'une dégradation des recettes principalement issues des cours de français et des certifications de langues.

Pour 2025, la dotation de fonctionnement accordée aux EAF progresse du même montant, pour se situer à 41 millions d'euros. Le dynamisme de la dotation s'inscrit dans le prolongement des engagements des états généraux de la diplomatie. Elle vise notamment à couvrir le processus de convergence des cadres salariaux des agents de droit local des Instituts français avec ceux des ambassades, d'une part, et l'élargissement des mesures de protection sociale des agents de droit local, d'autre part.

Il n'est néanmoins pas certain que le volume de cette enveloppe initiale soit suffisant pour couvrir les besoins de financement de ces établissements, en particulier ceux découlant d'aléas internationaux. Pour rappel, en fin d'exercice 2023, le MEAE avait été contraint de verser une aide de 45 000 euros à l'Institut français de Jérusalem.

Par ailleurs, comme pour l'exercice 2024, il est surprenant de constater l'absence de précisions, dans les documents budgétaires, sur la doctrine d'utilisation des différentes enveloppes libellées « autres crédits d'intervention de postes à l'étranger et en administration centrale », en matière de promotion du français (8,7 millions d'euros), de coopération culturelle (12,5 millions d'euros) et de coopération universitaire et scientifique (21,2 millions d'euros).

2. Une stabilisation des crédits de l'attractivité universitaire et scientifique qui compromet les ambitions affichées

L'enseignement supérieur et la recherche figure désormais au coeur de la diplomatie d'influence. La « feuille de route de l'influence » publiée en 2021 par le ministère de l'Europe et des affaires étrangères avait placé cette question parmi les six priorités stratégiques de l'influence. La feuille de route rejoignait en cela l'objectif de 500 000 étudiants étrangers en France d'ici à 2027, fixé en 2018 par la stratégie « Bienvenue en France ». Cette dernière prévoyait également un doublement des bourses d'études accordées par la France47(*).

Les efforts engagés ces dernières années ont permis de renforcer l'attractivité universitaire de la France, sans pour autant réaliser l'objectif fixé par le Gouvernement en 2018. Avec 430 000 étudiants internationaux en France sur l'année universitaire 2023-2024, le volume de mobilité internationale vers la France a progressé de 17 % sur les cinq dernières années. Les visas pour études représentent, depuis 2022, le premier flux d'immigration légale en France.

La mobilité étudiante en France selon la zone géographique en 2022-2023

(en pourcentage et en nombre d'étudiants)

Source : commission des finances d'après les données de Campus France

Les bourses du Gouvernement français (BGF) constituent le principal outil de promotion de l'attractivité universitaire et scientifique. Elles s'élèvent en 2025 à 70,1 millions d'euros, soit une stabilisation par rapport à l'exercice 2024. Les BGF regroupent différentes enveloppes dont les bourses « enseignement supérieur et recherche » forment la majorité, pour un montant de 65,2 millions d'euros en 2025.

Il importe de souligner que ces bourses, dont la gestion est assurée par l'opérateur Campus France, sont loin de financer l'ensemble des étudiants internationaux présents en France. Seulement 3 % d'entre eux ont bénéficié d'une bourse MEAE en 2024, soit 11 617 bourses versées sur le programme 185.

Au-delà d'un effort porté sur le volume de bourses, la direction générale de la mondialisation, responsable du programme 185, s'est engagée dans une démarche plus qualitative de la politique d'attractivité étudiante qui vise :

- à assurer une continuité entre la mobilité internationale et l'enseignement français à l'étranger, en ciblant les meilleurs élèves des lycées à l'étranger ;

- à concentrer les efforts sur les meilleurs profils au niveau du master et du doctorat ;

- à cibler les priorités scientifiques qui pourraient être mobilisées comme levier d'influence (droit, santé, lutte contre le changement climatique, hautes technologies).

Évolution des bourses pour étudiants et chercheur étrangers
entre 2028 et 2025

(en millions d'euros)

Source : commission des finances d'après les documents budgétaires

Cette stabilisation apparente du volume des BGF aura néanmoins pour conséquence de réduire le nombre de bourses nouvelles par rapport à l'année 2024, interrompant la trajectoire haussière engagée les années passées. Une partie conséquente de l'enveloppe prévue sera, en effet, utilisée pour financer les engagements pris lors des années précédentes à financer des mobilités couvrant plusieurs années civiles.

Campus France

Campus France est un établissement public à caractère industriel et commercial (EPIC), créé en 2011 et placé sous la double tutelle du MEAE et du ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche. Cet opérateur est chargé de la promotion des formations supérieures françaises à l'étranger, d'une part, et de la gestion de prestations au bénéfice des étudiants internationaux notamment la gestion des bourses du gouvernement français, d'autre part.

Le financement de l'opérateur est assuré par une subvention pour charges de service public, de l'ordre de 3,38 millions d'euros pour 2025, en diminution de 87 000 euros par rapport à l'année précédente. Cette relative stabilité de la SCSP s'explique par les efforts budgétaires conséquents consentis par l'opérateur dans le cadre de la LFI 2024. Les annulations de crédits de février 2024 avaient en effet conduit à une réduction de 1,38 million d'euros du budget de Campus France.

Campus France bénéficie également d'un prélèvement pour frais de gestion sur les programmes de bourses, soit un montant de 7,5 millions d'euros en 2024. L'opérateur a, par ailleurs, développé des ressources propres qui reposent sur des frais de gestion de programmes au bénéfice de tiers ou de réponses à des appels d'offre européens.

Source : commission des finances

3. La diplomatie économique et d'attractivité constitue désormais une dépense résiduelle du programme 185

Pour mémoire, depuis juillet 2022, la compétence « Tourisme » a été transférée du ministère de l'Europe et des affaires étrangères vers le ministère de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique. Pour cette raison, l'opérateur Atout France ne relève plus du programme 185.

Pour 2025, l'action « Diplomatie économique et attractivité » est dotée de 5 millions d'euros en AE=CP, soit une diminution de près de 50 % des moyens par rapport à l'année passée. L'essentiel des crédits permet au MEAE de participer aux grands évènements de promotion de l'attractivité économique française.

EXAMEN PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE

En première lecture, l'Assemblée nationale n'ayant pas adopté la première partie du projet de loi, celui-ci est considéré comme rejeté en application du troisième alinéa de l'article 119 du Règlement de l'Assemblée nationale.

En conséquence, sont considérés comme rejetés les crédits de la mission « Action extérieure de l'État ».

EXAMEN EN COMMISSION

Réunie le mercredi 20 novembre 2024, sous la présidence de M. Claude Raynal, président, la commission des finances a procédé à l'examen du rapport de Mme Nathalie Goulet, rapporteur spécial de la mission « Action extérieure de l'État ».

Mme Nathalie Goulet, rapporteur spécial de la mission « Action extérieure de l'État ». - Nous avons l'honneur, avec mon collègue Rémi Féraud, de vous présenter nos observations sur les crédits de la mission « Action extérieure de l'État », qui regroupe une partie substantielle du budget du ministère de l'Europe et des affaires étrangères (MEAE).

J'aborderai successivement deux points principaux : d'une part, un tableau général des crédits de la mission et, d'autre part, une présentation plus détaillée du programme 105. Je laisserai par la suite mon corapporteur Rémi Féraud présenter les programmes 151 et 185.

En premier lieu, j'évoquerai donc l'équilibre général de la mission, sous la forme de deux remarques. D'une part, il importe de rappeler que la mission « Action extérieure de l'État » ne représente que la moitié des crédits du MEAE, l'autre moitié relevant de la mission « Aide publique au développement » et de son programme 209.

C'est en gardant cet équilibre en tête que l'on peut comprendre l'évolution des crédits de la mission en 2025, car si l'aide au développement portée par le MEAE sur le programme 209 recule de près d'un tiers en 2025, le volume de la mission « Action extérieure de l'État » demeure, en contrepartie, à un niveau élevé, avec 3,5 milliards d'euros en autorisations d'engagement (AE) comme en crédits de paiement (CP).

D'autre part, il est nécessaire de souligner que si le montant des crédits de la mission pour 2025 s'inscrit en baisse par rapport à la loi de finances initiale (LFI) pour 2024, il est stable par rapport à l'exécution anticipée de l'exercice 2024. Cette stabilisation du volume de la mission, après trois exercices consécutifs à la hausse, ne découle d'aucune mesure structurelle d'économies.

Trois facteurs principaux contribuent à la constance des crédits : une baisse des contributions obligatoires découlant du recul de la part de la France dans le revenu national brut (RNB) mondial, une évaluation plus réaliste des dépenses immobilières et un « coup de rabot » de faible ampleur sur l'ensemble des lignes de crédits.

Dans un contexte de dégradation de nos comptes publics, l'absence d'effort budgétaire sur la mission pose question. L'exécution des exercices précédents s'est caractérisée par une sous-consommation de certaines enveloppes budgétaires pluriannuelles, notamment en matière d'immobilier et de travaux de sécurisation des emprises. De plus, les dépenses d'intervention, en particulier s'agissant de la coopération culturelle, ont fortement progressé ces dernières années, sans que leur doctrine d'engagement soit suffisamment précisée.

Par conséquent, afin d'assurer une contribution de la mission à l'effort de redressement des comptes publics, j'ai souhaité déposer un amendement visant à diminuer de 50 millions d'euros les crédits de la mission. Je vous rappelle d'ailleurs que nous avions adopté l'année dernière un amendement en ce sens, rejeté en séance puis finalement retenu dans le cadre du décret d'annulation de crédits qui a été pris ensuite : nous avions donc eu le tort d'avoir eu raison trop tôt.

J'en viens, en second lieu, à une présentation plus détaillée des crédits du programme 105. Ce dernier constitue le programme support de la mission et représente avec 2,7 milliards d'euros de crédits, la majorité de ses crédits.

Tout d'abord, nouveauté de l'exercice 2025, le programme 105 regroupe désormais l'ensemble des dépenses de titre 2 du MEAE, auparavant réparties sur les trois programmes de la mission « Action extérieure de l'État » et sur le programme 209.

Cette évolution devrait conduire à une plus grande lisibilité des dépenses de personnel de la mission, et ce dans un contexte de progression des effectifs du ministère. En effet, pour la troisième année consécutive, le schéma d'emploi de la mission augmente, avec 75 nouveaux équivalents temps plein (ETP) créés en 2025. Comme l'année dernière, je regrette que cet accroissement des effectifs ne soit pas accompagné d'une programmation plus précise de la répartition des emplois. Je signale d'ailleurs que la mise en extinction du corps diplomatique, qui avait soulevé beaucoup d'émotion et entraîné des recours, a finalement été assez bien acceptée par les principaux intéressés, sans que nous connaissions pour l'instant le coût de cette réforme : j'espère que ce sera le cas l'an prochain, lorsque l'ensemble du dispositif sera stabilisé.

Ensuite, l'exercice 2025 devrait être marqué par une baisse des contributions internationales portées par le programme 105, de l'ordre de 9 %. La diminution de nos contributions ne résulte en rien de la volonté du ministère, mais découle principalement de la diminution de la quote-part de la France dans le barème des Nations unies, d'une part, et de l'extinction de la mission multidimensionnelle intégrée des Nations unies pour la stabilisation au Mali (Minusma), d'autre part.

Enfin, s'il s'agit d'une enveloppe de moindre importance en volume, les dépenses de protocole et de communication se maintiennent à un niveau élevé. Ainsi, les moyens du protocole devront supporter le coût de l'organisation de la conférence des Nations unies sur les océans pour 24 millions d'euros, avec un risque non négligeable de dérapage par rapport à la programmation initiale.

Sans préjuger de la présentation des crédits que s'apprête à vous adresser Rémi Féraud, et sous réserve de l'adoption de l'amendement que je vous propose, je vous invite à adopter les crédits de la mission « Action extérieure de l'État ».

M. Rémi Féraud, rapporteur spécial de la mission « Action extérieure de l'État ». - Comme vient de l'indiquer ma collègue Nathalie Goulet, les crédits de la mission « Action extérieure de l'État » s'inscrivent en légère baisse par rapport à la loi de finances initiale pour 2024.

Je présenterai successivement les programmes 151 et 185, ainsi que les dépenses concourant à l'enseignement français à l'étranger.

Pour commencer, j'aborderai le programme 151, qui regroupe les moyens dédiés au réseau consulaire et aux Français de l'étranger. Les moyens du réseau consulaire sont renforcés à deux égards. Il s'agit, dans un premier temps, de financer à hauteur de 3 millions d'euros les surcoûts des grands programmes de modernisation de l'administration consulaire. La plateforme d'appel France Consulaire, qui vise à décharger l'accueil téléphonique de nos différents postes à l'étranger, en est un bon exemple. Son déploiement hors de l'Europe se poursuit et le centre d'appel devrait être déplacé prochainement de la Courneuve à Nantes, par souci d'économies et d'attractivité.

Nous pouvons noter que le vote par internet, utilisé pour les élections consulaires et législatives, a donné satisfaction lors des dernières échéances électorales. Cet outil sera peut-être amené à resservir en 2025 en cas de dissolution. L'administration consulaire a indiqué y être prête.

Dans un second temps, cette progression des crédits vise à assurer le bon fonctionnement de l'instruction des demandes de visas, avec plus de 2 millions d'euros additionnels en 2025. La gestion de cette instruction a en effet donné lieu, depuis la fin de la crise sanitaire, à une « crise des visas », caractérisée par un engorgement des services et un allongement des délais de traitement lié à la reprise des flux de passagers internationaux et notamment du tourisme. La mise en oeuvre des recommandations d'amélioration des procédures d'instruction, issues des travaux de la mission d'évaluation confiée à Paul Hermelin, est en cours.

Nous relevons également un point d'alerte s'agissant des dépenses liées aux contentieux des refus de visas. Si ce contentieux relève formellement du MEAE, son suivi est assuré par le ministère de l'intérieur et ses coûts sont partagés entre les deux ministères. Cependant, en raison de transferts tardifs d'information par le ministère de l'intérieur, le Quai d'Orsay se trouve en difficulté pour régler les frais liés à ce contentieux. Il nous paraîtrait donc opportun de transférer la gestion de ces compétences au seul ministère de l'intérieur et nous souhaitons interpeller le Gouvernement en ce sens.

J'en viens ensuite, au programme 185, qui correspond aux crédits de la diplomatie culturelle et d'influence. Sur ce point, il faut noter une stabilisation en trompe-l'oeil des crédits de l'attractivité universitaire et scientifique qui compromet les ambitions affichées par le président de la République depuis plusieurs années. Une enveloppe de bourses stables, à hauteur de 70 millions d'euros, signifie en réalité une réduction du nombre de nouvelles bourses par rapport à l'année passée. Or les étudiants étrangers constituent, à mon sens, les meilleurs ambassadeurs de notre pays, et nous ne devrions pas négliger cette politique d'influence, même s'il faut évidemment en assurer la qualité et contrôler les éventuelles fraudes.

Enfin, j'aborderai à part les crédits concourant à l'enseignement français à l'étranger qui relèvent à la fois du programme 151 et du programme 185. Les bourses scolaires, portées par le programme 151, reculent de 5,5 %. Ces bourses, directement versées aux établissements, permettent de soutenir les familles les plus modestes à accéder à l'enseignement français à l'étranger. Je rappelle à cet égard que la soulte de l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger (AEFE) a été liquidée depuis 2023.

De même, la subvention pour charges de service public de l'AEFE à l'étranger est diminuée d'environ 3,1 %. Cette baisse des moyens de l'AEFE laisse en suspens la réforme de son mode de financement. Faute de possibilité d'endettement, l'Agence rencontrera toujours des difficultés à financer ses dépenses immobilières, estimées à 175 millions d'euros sur la période 2025-2028.

Au total, la baisse de son budget fragilise la capacité du réseau d'enseignement français à l'étranger à réaliser sa double vocation : assurer un service public pour les familles françaises et constituer un outil d'influence pour notre pays. À cet égard, l'objectif du doublement du nombre d'élèves scolarisés dans les établissements français à l'étranger d'ici à 2030 semble très largement inatteignable, même si le nombre d'élèves augmente légèrement.

Pour terminer, je déplore que les crédits de la mission « Action extérieure de l'État » n'aient pas fait l'objet d'une complète préservation, au même titre que les autres missions relevant du domaine régalien, car les affaires étrangères y concourent pleinement. Le maintien des crédits de la mission à un niveau élevé devrait permettre de consolider les effectifs du ministère et de prévenir la dégradation de notre outil diplomatique, après des années, voire des décennies, de restriction budgétaire. Les objectifs assignés au MEAE impliquent au moins de conserver des moyens budgétaires adaptés, à défaut de respecter les objectifs très ambitieux fixés par la loi de programmation des finances publiques (LPFP).

Pour ces différentes raisons, je propose une abstention sur les crédits de la mission « Action extérieure de l'État ».

Mme Nathalie Goulet, rapporteur spécial. - L'observation relative au partage du contentieux des visas pourra intéresser le rapporteur spécial de la mission « Immigration, asile et intégration », cette question devant être réglée.

Par ailleurs, une ligne budgétaire est intitulée « diplomatie d'influence et communication » et nous avons demandé au ministère de modifier ce vocabulaire, car il semble prêter à confusion.

M. Jean-François Husson, rapporteur général. -Les deux rapporteurs spéciaux n'expriment pas tout à fait la même intention de vote. Nathalie Goulet s'inscrit cette année encore dans une optique de maîtrise des dépenses et de la recherche d'efforts supplémentaires. Elle a rappelé à juste titre l'épisode de l'année dernière durant lequel notre alerte avait d'abord été écartée, avant de faire l'objet d'une confirmation soixante jours après. Je pense que nous n'aurons de toute façon guère d'autre choix, à l'avenir, que de s'assurer de disposer des crédits au bon endroit, accompagnés d'une bonne exécution budgétaire.

M. Michel Canévet. - Je remercie à mon tour les rapporteurs spéciaux pour la qualité de leur présentation. Je signale qu'il existe un effet de périmètre avec la mission « Aide publique au développement », puisque l'ensemble du personnel sera dorénavant rattaché à la mission « Action extérieure de l'État ».

Une réduction de crédits est prévue sur les moyens immobiliers à l'étranger. Pourrait-elle remettre en cause la nécessaire évolution du patrimoine, c'est-à-dire la rénovation thermique et énergétique des bâtiments ?

Par ailleurs, j'ai noté la légère baisse des moyens dédiés à l'enseignement du français à l'étranger, mais il faudrait surtout que nos institutions puissent investir afin d'améliorer l'état des locaux à l'étranger, sans passer uniquement sous les fourches caudines du MEAE. Qu'est-ce qui empêche les structures locales d'investir à l'heure actuelle ?

Enfin, comment la lutte contre la fraude aux visas est-elle organisée ? Un service dédié existe-t-il au sein du ministère ? Est-il efficient ?

M. Albéric de Montgolfier. - Il me semble que la France ne dispose plus du deuxième réseau diplomatique au monde et qu'elle a été dépassée par la Chine, ainsi que par la Turquie et le Japon, alors que le maintien d'un tel réseau est nécessaire compte tenu du contexte international tendu et des difficultés des entreprises françaises à exporter. Confirmez-vous ce point ?

M. Emmanuel Capus. - La principale baisse de budget est liée à la diminution de notre contribution aux missions de l'ONU. Comment la baisse de notre quote-part dans le barème des Nations unies est-elle calculée ? Correspond-elle à une perte d'influence ou même à une baisse du PIB ?

De la même façon, pourquoi la contribution française à la facilité européenne pour la paix baisse-t-elle de 40 millions d'euros ?

M. Rémi Féraud, rapporteur spécial. - D'après les indications dont nous disposons, le réseau diplomatique français est toujours le troisième au monde après les États-Unis et la Chine. Des ouvertures de postes diplomatiques sont prévues cette année, notamment au Guyana.

Concernant l'enseignement à l'étranger, je précise qu'il n'est pas uniquement question de francophonie et de l'enseignement du français, mais de l'enseignement français sur le modèle de l'éducation nationale à travers le monde, avec un tiers d'élèves français et deux tiers d'élèves étrangers. Un engagement du Président de la République consiste à doubler le nombre d'élèves pour augmenter le nombre d'élèves étrangers qui recevraient un enseignement français, ce qui est un objectif tout à fait louable, mais les moyens ne sont pas à la hauteur des ambitions, d'ailleurs réduites par la crise covid.

La stabilité des moyens, voire leur légère réduction, n'aide pas, et des questions de modèle économique se poseront certainement dans les années qui viennent. Sur le plan de l'investissement, je précise que les établissements gérés directement par l'AEFE ne peuvent pas emprunter individuellement, ce qui conduit à réaliser des économies sur de nombreuses années successives pour ensuite pouvoir emprunter.

Les parents d'élèves, nos collègues représentant les Français de l'étranger et moi-même ne sommes pas parvenus à ce principe auquel Bercy est attaché, mais qui ralentit et entrave des investissements pourtant absolument nécessaires. Le lycée Charles-de-Gaulle à Londres aurait notamment besoin d'investissements considérables, qui sont pour l'instant difficiles à financer.

Mme Nathalie Goulet, rapporteur spécial. - Pour en revenir au réseau diplomatique, le projet de mutualisation d'un certain nombre d'ambassades européennes un temps envisagé est aujourd'hui moins encouragé.

S'agissant de la baisse de la quote-part de la France au sein des organisations internationales, et notamment du système onusien, elle s'explique en effet par une diminution de notre poids dans le RNB mondial.

Monsieur Canévet, la baisse des crédits correspond plutôt à une plus grande sincérité sur un certain nombre de crédits qui avaient été sous-exécutés, ce qui est plutôt un élément positif.

En ce qui concerne la fraude, le sujet peut être élargi aux demandeurs de visas, qui doivent apporter la preuve de leurs capacités contributives et de leur domiciliation en France. Après avoir garanti qu'ils disposent de moyens de subsistance en France, il arrive qu'ils demandent le revenu de solidarité active (RSA) et des logements sociaux une fois la frontière franchie. Les services consulaires sont intéressés par un partage d'informations avec les organismes de sécurité sociale, estimant qu'il y a là une fraude très importante qui pourrait être évitée avec un meilleur partage des données.

L'autre sujet de fraude est lié à la « domiciliation chez... », qui est un élément essentiel dans les demandes de visas. Le consul général à Alger, notamment, a procédé à un contrôle sur pièces et sur place de la réalité de ces domiciliations, avec environ 1 million d'euros d'économies sur des fins de prestations dans un délai de six mois, puisque lesdites domiciliations étaient tout à fait factices. La direction des Français à l'étranger et des affaires consulaires a renforcée ses capacités internes de lutte contre la fraude.

Article 42

M. Claude Raynal, président. - Nous allons procéder au vote de l'amendement présenté par Mme Goulet, qui propose une réduction des crédits de la mission de 50 millions d'euros, en AE comme en CP.

L'amendement no  II-29 (FINC1) est adopté.

La commission a décidé de proposer au Sénat d'adopter les crédits de la mission « Action extérieure de l'État », sous réserve de l'adoption de son amendement.

*

* *

Réunie à nouveau le jeudi 21 novembre 2024, sous la présidence de M. Claude Raynal, président, la commission a confirmé définitivement ses votes émis sur toutes les missions, tous les budgets annexes, tous les comptes spéciaux et les articles rattachés aux missions, ainsi que les amendements qu'elle a adoptés, à l'exception des votes émis pour les missions « Culture », « Direction de l'action du Gouvernement », « Enseignement scolaire », « Médias, livre et industries culturelles », « Audiovisuel public », « Recherche et enseignement supérieur », ainsi que des comptes spéciaux qui s'y rattachent.

LISTE DES PERSONNES ENTENDUES

Direction générale de la mondialisation, de la culture, de l'éducation et du développement international - MEAE

- M. Olivier RICHARD, directeur général adjoint ;

- M. Emmanuel LEBRUN-DAMIENS, directeur de la diplomatie culture, éducative, universitaire et scientifique ;

- Mme Huriye BULUT, cheffe du pôle « budget » auprès de la sous-direction des moyens et des opérateurs ;

- M. Stéphane ROBERT, chargé de mission auprès du directeur de la diplomatie culturelle, éducative, universitaire et scientifique.

7e Sous-direction Budgets de l'agriculture, de l'alimentation, de la forêt, des affaires rurales, de l'aide publique au développement, de l'action extérieure de l'État, de l'immigration, de l'asile et de l'intégration

- M. Louis PASQUIER DE FRANCLIEU, sous-directeur ;

- M. Bertrand SENEQUE, adjoint au chef du bureau des affaires étrangères et de l'aide au développement.

Direction générale des affaires politiques et de sécurité

- M. Frédéric MONDOLONI, directeur général des affaires politiques et de sécurité ;

- Mme Emmanuelle LACHAUSSÉE, directrice générale adjointe des affaires politiques et de sécurité ;

- M. Éric BAYER, chef de la mission de coordination et de gestion du programme 105.

Direction des Français à l'étranger et de l'administration consulaire - MEAE

- Mme Pauline CARMONA, directrice ;

- Mme Samantha BONBAYL, cheffe de mission de gestion administrative et financière ;

- Mme Yasmine SIDLOCH, rédactrice pour le programme 151 à la sous-direction de la stratégie et de la synthèse budgétaires.

Agence pour l'enseignement français à l'étranger (AEFE)

- Mme Claudia SCHERER-EFFOSSE, directrice générale ;

- Mme Vanessa LÉGLISE, conseillère relations institutionnelles et référente égalité.

LA LOI EN CONSTRUCTION

Pour naviguer dans les rédactions successives du texte, le tableau synoptique de la loi en construction est disponible sur le site du Sénat à l'adresse suivante :

https://www.senat.fr/dossier-legislatif/pjlf2025.html


* 1 La cible initiale avait été fixée à 10 % de la masse salariale.

* 2 Rapport relatif à la mise en oeuvre et au suivi de la réforme des réseaux de l'État et de ses opérateurs, annexe au projet de loi de finances pour 2023.

* 3 Stratégie interministérielle d'attractivité universitaire de la France, « Bienvenue en France », 2018.

* 4 Ministère de l'Europe et des affaires étrangères, Feuille de route de l'influence, janvier 2022.

* 5 Sur un périmètre élargi, comprenant à la fois la mission « Action extérieure de l'État » et le programme 209 de la mission « Aide publique au développement » également géré par le MEAE.

* 6 Discours du président de la République à l'occasion de la clôture des états généraux de la diplomatie, 16 mars 2023.

* 7 Rapport général n° 128 (2023-2024) fait par Jean-François Husson, rapporteur général, au nom de la commission des finances sur le projet de loi de finances considéré comme adopté par l'Assemblée nationale en application de l'article 49 alinéa 3 de la Constitution, Tome III - Les moyens des politiques publiques et dispositions spéciales, Annexe n° 1 - Action extérieure de l'État par Nathalie Goulet et Rémi Féraud, rapporteurs spéciaux.

* 8 Soit une modération à hauteur de 10 % de la hausse des crédits prévue par le projet de loi de finances pour 2024.

* 9 Comprenant le programme 209 de la mission APD.

* 10 Cour des comptes, Note d'exécution budgétaire - Mission Action extérieure de l'État, avril 2024.

* 11 Le FSD fait l'objet, dans le présent projet de loi de finances, d'une rebudgétisation au sein du nouveau programme 384 de la mission APD.

* 12 Les deux autres logiques d'action correspondent, d'une part, à l'aide au développement et, d'autre part, à la protection des biens publics mondiaux.

* 13 Cour des comptes, Le financement des actions multilatérales de la France, communication à la commission des finances du Sénat, juillet 2024.

* 14 Frédéric Charillon, Guerres d'influence. Les États à la conquête des esprits, Odile Jacob, janvier 2022, p. 22.

* 15 Rapport n° 739 (session de droit en application de l'article 12 de la Constitution) fait par Rachid Temal, au nom de la commission d'enquête sur les politiques publiques face aux opérations d'influences étrangères visant notre vie démocratique, notre économie et les intérêts de la France sur le territoire national et à l'étranger afin de doter notre législation et nos pratiques de moyens d'entraves efficients pour contrecarrer les actions hostiles à notre souveraineté, tome I, remis le 23 juillet 2024.

* 16 Rapport n° 392 (2021-2022) fait par Vincent Delahaye et Rémi Féraud au nom de la commission des finances sur les contributions de la France au financement des organisations internationales, remis le 26 janvier 2022.

* 17 Rapport n° 392 (2021-2022) fait par Vincent Delahaye et Rémi Féraud au nom de la commission des finances sur les contributions de la France au financement des organisations internationales, remis le 26 janvier 2022.

* 18 Rapport d'information n° 779 (2023-2024) fait par Michel Canévet et Raphaël Daubet pour suite à donner à l'enquête de la Cour des comptes, transmise en application de l'article 58-2° de la LOLF, sur le financement des actions multilatérales de la France - exercices 2017 à 2023, déposé le 25 septembre 2024.

* 19 Créée par la résolution 2100 du Conseil de sécurité des Nations unies du 25 avril 2013, la MINUSMA a pris fin à la suite d'une demande des autorités maliennes de « retrait sans délai » des forces onusiennes en juin 2023.

* 20 Pour mémoire, le dispositif Athéna visait à assurer le financement des coûts communs des opérations militaires de l'UE menées au titre de la politique de sécurité et de défense commune (PSDC) de l'UE.

* 21 Décision (PESC) 2021/509 du Conseil du 22 mars 2021 établissant une facilité européenne pour la paix.

* 22 Rapport annuel de la CBCM près le ministère de l'Europe et des affaires étrangères relatif à l'exécution budgétaire et à la situation financière et comptable ministérielle de l'année 2023.

* 23 Article 5 du décret n° 67-290 du 28 mars 1967 fixant les modalités de calcul des émoluments des personnels de l'État et des établissements publics de l'État à caractère administratif en service à l'étranger, version en vigueur depuis le 4 août 2011.

* 24 Cour des comptes, Note d'exécution budgétaire - Mission Action extérieure de l'État, avril 2024.

* 25 Rapport d'information n° 729 (2018-2019) fait par Vincent Delahaye et Rémi Féraud au nom de la commission de finances sur la masse salariale du ministère de l'Europe et des affaires étrangères, remis le 18 septembre 2019.

* 26 Rapport général n° 128 (2023-2024) fait par Jean-François Husson, rapporteur général, au nom de la commission des finances pour 2024 sur le projet de loi de finances considéré comme adopté par l'Assemblée nationale en application de l'article 49 alinéa 3 de la Constitution, Tome III - Les moyens des politiques publiques et dispositions spéciales, Annexe n° 1 - Action extérieure de l'État par Nathalie Goulet et Rémi Féraud, rapporteurs spéciaux.

* 27 Cour des comptes, Note d'exécution budgétaire - Mission Action extérieure de l'État, avril 2024.

* 28 Rapport d'information n° 777 (2021-2022) de Jean-Pierre Grand et André Vallini, fait au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées sur l'avenir du corps diplomatique, déposé le 13 juillet 2022.

* 29 Décret n° 2022-561 du 16 avril 2022 portant application au ministère de l'Europe et des affaires étrangères de la réforme de la haute fonction publique et modifiant le décret n° 69-222 du 6 mars 1969 relatif au statut particulier des agents diplomatiques et consulaires.

* 30 Conseil d'État, 31 octobre 2023, n° 468058.

* 31 Communication de Vincent Delahaye et Rémi Féraud, rapporteurs spéciaux, sur l'immobilier du ministère de l'Europe et des affaires étrangères, présentée à la commission des finances le 11 juillet 2023.

* 32 Ministère de l'Europe et des affaires étrangères, Plan de transformation numérique, 2021.

* 33 Les équipements de sécurité passive visent, par leur présence, à ralentir d'éventuels assaillants et à limiter la gravité des incidents.

* 34 Cour des comptes, Les services consulaires rendus aux Français de l'étranger, observations définitives, octobre 2024.

* 35 Le vote électronique est possible pour les Français de l'étranger, uniquement pour les élections consulaires et les élections législatives.

* 36 Cour des comptes, Les services consulaires rendus aux Français de l'étranger, observations définitives, octobre 2024.

* 37 « Les actions menées à l'égard des Français établis hors de France en difficulté, en particulier les personnes âgées ou handicapées, relèvent de la compétence de l'État / Ces personnes peuvent bénéficier, sous conditions, de secours et aides prélevés sur les crédits d'assistance aux Français établis hors de France du ministère des affaires étrangères, et d'autres mesures appropriées tenant compte de la situation économique et sociale du pays de résidence / L'Assemblée des Français de l'étranger, la commission permanente pour la protection sociale des Français de l'étranger et, dans chaque pays considéré, le conseil consulaire compétent sont consultés sur la politique d'aide sociale aux Français établis hors de France ».

* 38 Pour un taux d'incapacité supérieur à 80 % pour les adultes et à 50 % pour les enfants.

* 39 Paul Hermelin, Propositions pour une amélioration de la politique de la délivrance des visas, rapport à l'attention de Monsieur le Ministre de l'Intérieur et des Outre-Mer et Madame la Ministre de l'Europe et des Affaires Étrangères, avril 2023.

* 40 Loi n° 90-588 du 6 juillet 1990 portant création de l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger.

* 41 Article L.452-2 du code de l'éducation.

* 42 Cour administrative d'appel de Nantes, 6e chambre, 15 mai 2020, n° 18NT02702.

* 43 Décret n° 2022-896 du 16 juin 2022 modifiant les modalités de recrutement, de rémunération et de gestion des personnels des établissements d'enseignement français à l'étranger.

* 44 Loi n° 2010-1645 du 28 décembre 2010 de programmation des finances publiques pour les années 2011 à 2014.

* 45 Distincts de l'opérateur Institut français de Paris.

* 46 Il se situait à 76 % en 2023.

* 47 Pour passer de 7 000 bourses en 2017 à 15 000 en 2027.

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