B. RASSEMBLÉES AU SEIN DU PROGRAMME 105, LES DÉPENSES DE PERSONNEL DU MINISTÈRE DE L'EUROPE ET DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES POURSUIVENT LEUR PROGRESSION SANS FAIRE L'OBJET D'UNE PROGRAMMATION PLURIANNUELLE

1. Un regroupement des dépenses de titre 2 justifié par un souci de simplification et de lisibilité

L'exercice 2025 marque une évolution significative de l'architecture budgétaire du programme qui regroupe désormais l'ensemble des dépenses de personnel du ministère de l'Europe et des affaires étrangères. Ces dépenses étaient auparavant ventilées entre les trois programmes de la mission AEE et le programme 209 « Solidarité à l'égard des pays en développement » de la mission APD.

Quatre nouvelles actions sont donc créées au sein du programme 105 :

- l'action 03 - Dépenses de personnel concourant au programme « Diplomatie culturelle et d'influence », pour 90,6 millions d'euros en AE et en CP ;

- l'action 08 - Dépenses de personnel concourant au programme « Solidarité à l'égard des pays en développement », pour 172,04 millions d'euros en AE et en CP ;

- l'action 09 - Personnel concourant à l'action « Offre d'un service public de qualité aux français à l'étranger », pour 207,61 millions d'euros en AE et en CP.

- l'action 10 - Personnel concourant à l'action « Instruction des demandes de visas », pour 64,61 millions d'euros en AE et en CP.

Cette nouvelle nomenclature aboutit au transfert de 5 599 ETP et de 539 millions d'euros de crédits en AE=CP sur le programme 105 depuis les trois autres programmes dépendant du ministère de l'Europe et des affaires étrangères. Envisagée dès le début de l'exercice 2023, l'évolution de la maquette budgétaire sera effective en 2025 compte tenu « de la sensibilité du sujet vu ses adhérences avec les systèmes d'information de la paye en centrale et à l'étranger »22(*).

Le regroupement de la gestion des effectifs au sein d'un seul programme, qui porte d'ores et déjà une grande partie des dépenses « support » du ministère, a été préféré à la création d'un programme ad hoc, uniquement dédié aux dépenses de titre 2.

Par rapport à l'organisation précédente, la nouvelle nomenclature offre deux avantages principaux :

- d'une part, elle devrait faciliter la gestion des effectifs entre les différents programmes notamment en fin d'exercice. La gestion des personnels du ministère de l'Europe se caractérise en effet par des écarts entre la prévision et l'exécution. Il n'est en effet pas toujours aisé de déterminer, en particulier dans les petites représentations diplomatiques, à quel programme concoure un agent ;

- d'autre part, elle permet de simplifier le suivi de ces dépenses au sein de la nomenclature du programme et d'accentuer la cohérence de la présentation budgétaire. L'ensemble des crédits de titre 2 du ministère sont ainsi regroupés au sein du même programme alors qu'ils étaient auparavant répartis sur deux missions distinctes.

2. Des dépenses de personnel en hausse, portées par la progression des emplois et le dynamisme de l'indemnité de résidence à l'étranger

Le total des dépenses liées à la masse salariale de la mission « Action extérieure de l'État à 1,15 milliard d'euros pour 2025 et augmente de près de 45 millions d'euros (hors contribution au CAS « pensions ») par rapport à l'exercice 2024.

Principaux éléments d'évolution de la masse salariale entre 2024 et 2025,
hors CAS « pensions »

(en millions d'euros)

Source : commission des finances d'après les documents budgétaires

Les principaux facteurs d'évolution des dépenses de personnel sont l'impact du schéma d'emplois, dans un contexte de progression soutenue des effectifs de la mission, et les « autres variations des dépenses de personnel », qui correspondent, dans le cadre de la mission AEE, à la progression des dépenses liées à l'indemnité de résidence à l'étranger (IRE).

S'agissant de l'impact du schéma d'emplois, la progression des effectifs est exposée infra.

Concernant l'évolution de l'IRE, les 27,99 millions d'euros ouverts en 2025 correspondent à la couverture de l'extension en année plein de l'effet change-prix sur les IRE, ainsi que l'estimation de l'effet prix en 2025 sur les rémunérations des agents de droit local (ADL) et les IRE.

Pour mémoire, l'IRE est destinée « à compenser forfaitairement les charges liées aux fonctions exercées, aux conditions d'exercice de ces fonctions et aux conditions locales d'existence »23(*). Le montant de l'IRE est adapté en cours d'année, en fonction :

de l'ajustement du change-prix, qui vise à maintenir constant le pouvoir d'achat des personnels expatriés en prenant en compte l'évolution des taux de change entre euro et monnaies locales et l'évolution du coût de la vie dans le pays de résidence, rapportée à l'inflation observée en France sur la même période ;

de l'exercice de reclassement annuel (au 1er janvier) qui vise à assurer la cohérence du classement des montants d'IRE entre chaque pays.

Évolution de l'indemnité de résidence à l'étranger du MEAE

(en millions d'euros et en pourcentage)

 

2018

2019

2020

2021

2022

2023

Prévision 2024

IRE du MEAE

390,04

386,53

386,56

368,67

384,29

409,41

438,70

Part de l'IRE dans le total de la masse salariale

35 %

34 %

34 %

33 %

33 %

33 %

33 %

Source : commission des finances d'après les réponses au questionnaire budgétaire

Le rapporteur spécial Nathalie Goulet rejoint les remarques de la Cour des comptes24(*) qui recommande l'inscription de la dépense relative à l'indemnité de résidence comme une dépense fiscale, en raison de son exonération d'impôt sur le revenu, qui correspond indéniablement à un écart à l'application de la norme fiscale. Dans un rapport fait au nom de la commission des finances sur la masse salariale du MEAE25(*), Vincent Delahaye, alors rapporteur spécial des crédits de la mission, avait recommandé la fiscalisation de l'IRE.

3. En dépit d'une modération des ambitions, le plafond d'emplois poursuit une trajectoire haussière sans présentation claire de la répartition des emplois sur les prochains exercices

En tenant compte du regroupement de l'ensemble des dépenses de personnel du ministère sur le programme 105, y compris celles relevant auparavant du programme 209 de la mission APD, le plafond d'emplois de la mission progresse significativement pour le troisième exercice consécutif avec une augmentation de 75 ETP.

Évolution du plafond d'emplois de la mission sur la période 2018-2025,
en prévision et en exécution

(en équivalents temps plein travaillé)

Note : la hausse sensible du plafond d'emploi de la mission en 2025 découle de l'intégration des dépenses de titre 2 concourant au programme 209 de la mission APD.

Source : commission des finances d'après les documents budgétaires

La progression du plafond d'emplois de la mission devrait se poursuivre jusqu'en 2027, en cohérence avec les annonces des états généraux de la diplomatie et la volonté de renforcement des moyens humains du ministère de l'Europe et des affaires étrangères. Cependant, compte tenu de la dégradation des finances publiques, ce schéma de progression des emplois a été révisé à la baisse et ce, dès 2025. La feuille de route initiale avait été fixée par la lettre plafond pour 2024.

L'augmentation prévue devrait ainsi être divisée par deux entre 2025 et 2027. Sur les 700 ETP à horizon 2027 supplémentaires annoncés par le Président de la République, 439 ETP seraient effectivement ouverts sur a période 2024-2027 : 164 en 2024, 75 en 2025, 100 en 2026 et 100 en 2027. À ces chiffres s'ajoutent les 107 postes créés dès 2023.

Programmation de progression des effectifs sur la période 2025-2027

(en équivalents temps plein travaillé)

Source : commission des finances d'après les réponses au questionnaire budgétaire

Les documents budgétaires présentent une répartition indicative de l'affectation des nouveaux ETP entre les différents programmes relevant du ministère. Pour autant, la ventilation effective de ces emplois n'est connue qu'au stade de l'exécution budgétaire. Une explication calendaire est avancée par le ministère pour justifier ce décalage. Le mouvement annuel des postes se déroule généralement à l'été.

Si les rapporteurs entendent qu'une nécessaire souplesse de gestion puisse conduire à des écarts entre les affectations programmées et les affectations effectives, il est étonnant qu'à ce stade de la préparation de l'exercice 2025, le ministère ne soit pas en mesure de fournir une répartition plus précise des ETP.

Selon les informations publiées dans les documents budgétaires, la majorité des nouveaux ETP créés devrait, comme l'année passée être affecté sur le programme 105.

Répartition des EPT nouvellement créés sur la mission en 2024 et en 2024

(en équivalents temps plein travaillés)

 
 

Source : commission des finances d'après les réponses au questionnaire budgétaire

À l'occasion de l'examen des crédits de la mission « Action extérieure de l'État » dans le PLF 2024, les rapporteurs spéciaux avaient regretté que l'augmentation du plafond d'emplois de la mission ne soit pas accompagnée d'une programmation plus fine de la répartition des futures ouvertures d'ETP pour les prochains exercices26(*).

Dans sa note d'exécution budgétaire pour l'exercice 202327(*), la Cour des comptes a repris cette recommandation en suggérant une meilleure anticipation de la hausse des effectifs par la réalisation d'un schéma pluriannuel d'affectation des nouveaux ETP. En réponse à la Cour, le secrétariat général du MEAE avait déclaré mener « un exercice de programmation des effectifs permettant de répartir, à l'automne, les créations de poste obtenues en LFI entre le réseau diplomatique à l'étranger et les services de l'administration centrale ». Pour autant, aucun élément d'éclairage sur la répartition des 200 ETP programmés sur la période 2026-2027 n'a été présenté aux rapporteurs spéciaux au cours des auditions et en réponse au questionnaire budgétaire.

Or, en particulier dans un contexte budgétaire contraint, il importe que le ministère opère ce travail d'anticipation en identifiant clairement les besoins prioritaires en termes de personnel et communique, dans les meilleurs délais, ces informations au Parlement, pour l'éclairer dans son travail de contrôle et d'évaluation.

La « réforme du corps diplomatique » : beaucoup de bruit pour une réforme majoritairement acceptée

Engagée dans le cadre plus large de la réforme de l'encadrement supérieur de l'État, la réforme du corps diplomatique a suscité un malaise parmi les agents du ministère de l'Europe et des affaires étrangères. Abondamment commentée, elle a fait l'objet de travaux dans les deux chambres du Parlement28(*).

Cette réforme a porté sur deux volets principaux :

- un volet statutaire, qui s'est traduit par la mise en extinction du corps des conseillers des affaires étrangères et du corps des ministres plénipotentiaires29(*), conformément à l'article 13 du décret n° 2021-1550 du 1er décembre 2021 concernant le statut du corps des administrateurs de l'État. Ces deux corps ont été fusionnés au sein d'un corps unique d'extinction : le corps des conseillers des affaires étrangères et ministres plénipotentiaires. À partir du 1er janvier 2023, ce corps est placé en extinction. À l'image de 17 corps de la fonction publique, les fonctionnaires membres de ce corps sont intégrés au nouveau corps interministériel des administrateurs de l'État. Contestée devant la juridiction administrative, la mise en extinction des deux corps des conseillers des affaires étrangères et des ministres plénipotentiaires a été validée par le Conseil d'État30(*) ;

- un volet formation, qui se traduit notamment par la centralisation de l'organisation des concours de recrutement de catégorie A+ du ministère au sein de l'Institut national du service public (INSP).

L'objectif principal affiché par la réforme est de décloisonner les fonctions de diplomate au sein de la haute fonction publique et de créer, via des mobilités extérieures, un vivier d'experts des affaires européennes et internationales de la sphère publique.

Sur un plan budgétaire, l'évaluation des conséquences de la réforme sur les crédits de la mission est difficile à déterminer. Il est en effet complexe d'identifier l'ensemble des mesures d'ordre budgétaire qui se rattachent à la réforme. Une grande partie des dépenses nouvelles en matière de ressources humaines, demandées lors des États généraux de la diplomatie, peuvent être indirectement rattachées à cette réforme et la contestation qui a suivi. La mesure la plus directement liée à la suppression des deux corps de conseillers des affaires étrangères et de ministres plénipotentiaires est l'alignement sur la grille indiciaire du corps des administrateurs de l'État.

Pour autant, la direction du budget évalue le surcoût annuel de ce droit d'option à 3,6 millions d'euros de dépenses de titre 2 par an, 87% des conseillers des affaires étrangères et ministres plénipotentiaires ont opté pour rejoindre le corps des administrateurs de l'État (soit 699 agents sur un total de 799) plutôt que de demeurer dans les corps placés en extinction.

Source : commission des finances


* 22 Rapport annuel de la CBCM près le ministère de l'Europe et des affaires étrangères relatif à l'exécution budgétaire et à la situation financière et comptable ministérielle de l'année 2023.

* 23 Article 5 du décret n° 67-290 du 28 mars 1967 fixant les modalités de calcul des émoluments des personnels de l'État et des établissements publics de l'État à caractère administratif en service à l'étranger, version en vigueur depuis le 4 août 2011.

* 24 Cour des comptes, Note d'exécution budgétaire - Mission Action extérieure de l'État, avril 2024.

* 25 Rapport d'information n° 729 (2018-2019) fait par Vincent Delahaye et Rémi Féraud au nom de la commission de finances sur la masse salariale du ministère de l'Europe et des affaires étrangères, remis le 18 septembre 2019.

* 26 Rapport général n° 128 (2023-2024) fait par Jean-François Husson, rapporteur général, au nom de la commission des finances pour 2024 sur le projet de loi de finances considéré comme adopté par l'Assemblée nationale en application de l'article 49 alinéa 3 de la Constitution, Tome III - Les moyens des politiques publiques et dispositions spéciales, Annexe n° 1 - Action extérieure de l'État par Nathalie Goulet et Rémi Féraud, rapporteurs spéciaux.

* 27 Cour des comptes, Note d'exécution budgétaire - Mission Action extérieure de l'État, avril 2024.

* 28 Rapport d'information n° 777 (2021-2022) de Jean-Pierre Grand et André Vallini, fait au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées sur l'avenir du corps diplomatique, déposé le 13 juillet 2022.

* 29 Décret n° 2022-561 du 16 avril 2022 portant application au ministère de l'Europe et des affaires étrangères de la réforme de la haute fonction publique et modifiant le décret n° 69-222 du 6 mars 1969 relatif au statut particulier des agents diplomatiques et consulaires.

* 30 Conseil d'État, 31 octobre 2023, n° 468058.

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