III. ECLAIRAGES DES RAPPORTEURS DE BRANCHE

A. VIEILLESSE (PASCALE GRUNY) : LE NON-RECOURS AU MINIMUM VIEILLESSE

Plus ancien minimum social, instauré en 1956, le minimum vieillesse était initialement composé de plusieurs prestations qui ont été remplacées en 2006 par une seule et unique qu'est l'allocation de solidarité aux personnes âgées (Aspa). Les anciennes prestations continuent d'être versées aux bénéficiaires qui les percevaient avant 2006.

L'Aspa est une allocation ouverte aux personnes âgées de plus de 65 ans résidant en France, et dont l'intégralité des revenus est inférieure à un seuil fixé par décret. Allocation différentielle, son montant est déterminé par la différence entre les revenus du bénéficiaire et le plafond de l'Aspa. Les sommes perçues au titre de l'Aspa peuvent être recouvrées sur une partie saisissable de la succession du bénéficiaire, les seuils de recouvrement ayant été augmentés par le législateur aux termes de la loi du 14 avril 2023 réformant les retraites.

En 2016, 50 % des personnes éligibles au minimum vieillesse n'y recouraient pas. Le taux de non-recours est particulièrement élevé chez les personnes bénéficiant d'un patrimoine (propriétaires, non-salariés agricoles), ainsi que celles dont le revenu est inférieur de 100 euros au plafond de l'Aspa, mais également parmi les personnes âgées de plus de 85 ans et les titulaires d'une pension de réversion.

Depuis 2019, la lutte contre le non-recours compte parmi les missions des organismes nationaux de sécurité sociale du régime général. Les caisses nationales de la branche vieillesse mènent ainsi des actions d'informations auprès de l'ensemble de leurs pensionnés, et de démarchage auprès des seules personnes éligibles à l'Aspa.

La commission appelle de ses voeux une actualisation régulière du chiffrage du non-recours au minimum vieillesse, suggère de ne pas modifier le plafond de recouvrement sur succession avant d'avoir pu évaluer les effets du précédent relèvement intervenu en 2023, et salue les efforts d'information et d'accompagnement des caisses, qui doivent être poursuivis et dont les effets doivent être mieux évalués.

B. SANTÉ (CORINNE IMBERT)

1. Une exécution de l'Ondam très supérieure au montant initialement voté

Prévisions et exécution de l'Ondam 2023

Source : Commission des affaires sociales du Sénat, d'après l'annexe 3 au Placss

L'Ondam 2023 atteint 247,8 milliards d'euros, en léger dépassement par rapport à la dernière révision réalisée en LFSS pour 2024. Il est cependant nettement supérieur à la prévision initiale, de 3,7 milliards d'euros.

Le contexte inflationniste a particulièrement porté l'augmentation des dépenses, avec le soutien aux établissements de santé, le financement de revalorisations ou encore l'évolution des prestations.

Pour rappel, le Sénat avait rejeté l'Ondam 2023 à l'initiative de la commission, qui l'estimait alors « ni crédible, ni sincère ».

2. Les rendez-vous de prévention

Présentés comme une mesure phare du « virage de la prévention », les rendez-vous de prévention, créés par la LFSS pour 2023, ont pâti d'une mise en oeuvre tardive1(*). Le législateur ne dispose d'aucun recul sur cette mesure, près de deux ans après sa création.

Sa réussite est aujourd'hui conditionnée à l'adhésion des professionnels de santé et des usagers, qui ne peut faire l'objet d'aucune prévision fiable selon la DGS2(*). L'intérêt de ces rendez-vous dépend par ailleurs de la capacité à cibler les usagers les plus éloignés du soin, ainsi que de leur articulation avec un parcours de soins structuré en aval ; ce point a d'ailleurs été identifié comme une difficulté par les professionnels de santé engagés dans la phase pilote.

Pour mémoire, dans un rapport de 2021 sur la prévention en santé, la Cour des comptes relevait les « résultats médiocres » obtenus par la France en comparaison de ses voisins européens, « malgré un effort budgétaire comparable »3(*).

3. La quatrième année de médecine générale

Le troisième cycle de médecine générale a été allongé par la LFSS pour 2023, qui dédie la nouvelle quatrième année à la réalisation d'un stage en ambulatoire et en autonomie supervisée, en priorité dans les zones sous-denses. La loi prévoit également que la rémunération des étudiants peut faire l'objet d'aménagements tenant compte des conditions spécifiques d'exercice associées. Ces dispositions sont applicables aux étudiants qui intègrent le troisième cycle à la rentrée de l'année universitaire 2023 et qui atteindront, au mieux, la quatrième année en 2026.

La commission relève que, près de deux ans après la promulgation de la loi et plus d'un an après l'engagement dans le troisième cycle de la première promotion concernée, cette réforme demeure largement incomplète. La maquette a été tardivement mise à jour en août 2023, et fait encore l'objet de vifs débats portant sur la place réduite qu'y occuperait désormais la pédiatrie. Les conditions d'organisation de la quatrième année et d'appariement entre étudiants et terrains de stage demeurent incertaines. Le statut et les modalités de rémunération des étudiants concernés ne sont toujours pas définis. Ceux-ci sont pourtant susceptibles d'affecter la situation des praticiens maîtres de stage universitaires (MSU), dont le recrutement en nombre est pourtant indispensable au succès de la réforme.

En conséquence, la commission s'inquiète des conditions de mise en oeuvre de cette réforme, qu'elle a soutenue. Elle souligne le très haut niveau d'incertitude dans lequel les étudiants sont contraints de réaliser des choix d'orientation les engageant pour le reste de leur carrière. Elle regrette les multiples retards dans la parution des textes attendus, et appelle à engager au plus vite les dernières concertations nécessaires à leur finalisation.

4. La sécurisation des ressources des établissements de santé

La loi de financement pour 2023 a mis fin à la garantie de financement des établissements de santé initiée en 2020 face à la crise sanitaire. Un nouveau mécanisme de sécurisation modulée à l'activité a été décidé.

La sécurisation modulée à l'activité représente pour 2023 un coût de l'ordre d'1,4 milliard d'euros. Elle concerne principalement les établissements publics ou privés d'intérêt collectif.

Malgré ce mécanisme de sécurisation de ressources et les mesures décidées en fin de campagne budgétaire et tarifaire - dégel tarifaire, restitution de la sous-exécution -, la situation financière des établissements de santé est aujourd'hui toujours plus préoccupante. Le déficit des établissements publics pourrait ainsi atteindre 2 milliards d'euros en 2023.


* 1 Les rendez-vous de prévention sont en phase de généralisation à l'échelle nationale depuis l'été 2024, après une courte phase pilote dans la région des Hauts-de-France fin 2023 et la publication des textes d'application au printemps 2024.

* 2 Le Gouvernement a fondé sa prévision budgétaire sur un taux d'adhésion estimé à 10 % par tranche d'âge la première année puis à 15 % les années suivantes (cf. PLFSS pour 2024).

* 3 Cour des comptes, La politique de prévention en santé, Les enseignements tirés de l'analyse de trois grandes pathologies, novembre 2021.

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