III. LES CONGÉS PATERNITÉ (OLIVIER HENNO)

A. LA MISE EN oeUVRE DE LA RÉFORME DU CONGÉ PATERNITÉ PRÉVUE PAR LA LOI DE FINANCEMENT DE LA SÉCURITÉ SOCIALE POUR 2021

1. Une réforme législative récente

Instauré à compter du 1er janvier 2002, le congé de paternité et d'accueil de l'enfant permettait initialement aux pères, à la naissance ou à l'adoption de leur enfant, de prendre un congé de 11 jours calendaires consécutifs ou 18 jours en cas de naissances multiples. Versé sous forme d'indemnités journalières par l'assurance maladie, ou par un autre organisme de sécurité sociale pour les bénéficiaires ne relevant pas du régime général, il est fonction du salaire journalier de base du bénéficiaire.

L'article 73 de la LFSS pour 2021 allonge, à compter du 1er juillet 2021, la durée du congé de paternité et d'accueil de l'enfant, quelque soit le régime d'affiliation du père, de 11 à 25 jours et de 18 à 32 jours en cas de naissance multiple. Ce congé se compose d'une première période obligatoire de quatre jours, immédiatement consécutive au congé de naissance, lors de laquelle les salariés ne peuvent travailler132(*). Le congé de naissance de trois jours est également rendu obligatoire. Les autres jours du congé de paternité sont pris à la discrétion du bénéficiaire dans les six mois qui suivent la naissance.

Le décret du 10 mai 2021133(*) précise que la période facultative du congé de paternité peut être fractionnée en deux périodes d'une durée de cinq jours minimum chacune.

La réforme du congé de naissance et du congé de paternité en 2021

Source : Commission des affaires sociales du Sénat

Les dispositions de l'article 73 de la LFSS pour 2021 harmonisent également les dispositions relatives au père, au concubin ou à la personne liée par un pacte civil de solidarité à la mère relevant du régime des travailleurs indépendants134(*) ou du régime agricole135(*) concernant leur droit à congé en cas de naissance d'un enfant. Il est ainsi prévu que pour bénéficier d'indemnités journalières, s'agissant des travailleurs indépendants, ou d'une allocation de remplacement, s'agissant des ressortissants du régime agricole, les demandeurs doivent cesser leur activité professionnelle pendant une durée minimale fixée par décret et ne pas reprendre cette activité pendant la durée d'indemnisation.

Le dispositif, représentant une dépense de 333 millions d'euros en 2021136(*) et de 603 millions d'euros en 2023137(*), est in fine financé par la caisse nationale des allocations familiales (Cnaf) dans le cadre des transferts vers les autres branches138(*). En 2021, 310 000 pères affiliés au régime général ont bénéficié d'un congé de paternité. Ils étaient 11 800 au sein du régime agricole et 15 627 indépendants139(*). Ainsi, hors fonction publique, d'après la Cour des Comptes, la quasi-totalité des recourants au congé paternité sont affiliés au régime général (98 %)140(*).

Par ailleurs, l'article 96 de la LFSS pour 2022141(*) a étendu le congé de paternité et d'accueil de l'enfant aux collaborateurs des professions libérales. Enfin, l'article 110 de la LFSS pour 2024 a assoupli, conformément aux recommandations de la commission des affaires sociales, les règles de prise du congé de paternité pour les non-salariés agricoles afin de mieux répondre aux difficultés de remplacement dans les exploitations agricoles.

2. Les effets attendus lors de la mise en oeuvre de la réforme
a) L'ambition initiale de la réforme du congé de paternité

La réforme du congé de paternité poursuivait initialement une double ambition.

· La première était d'accroître le taux de recours au congé de paternité (c'est-à-dire la part des pères, parmi ceux éligibles au dispositif, qui ont recours au congé de paternité). Ce dernier n'avait en effet quasiment pas évolué depuis sa mise en place, s'établissant, tous régimes confondus, à 67 % en 2019, contre 66 % en 2003142(*). Ce taux par ailleurs masquait de nombreuses inégalités :

- tout d'abord, le non-recours au congé était en grande partie subi plutôt que choisi. L'étude d'impact du PLFSS pour 2021 notait que les raisons étaient surtout d'ordre professionnel : 40 % trouvaient racine dans une charge de travail trop importante pour bénéficier du congé et 24 % dans la crainte de la réaction de l'employeur. Seuls 13% ne l'avaient pas pris parce qu'ils le jugeaint inutiles et 4% ne l'avaient pas pris par défaut d'information ;

- ensuite, le taux de recours cachait une grande hétérogénéité selon la situation socio-professionnelle des pères. Une étude de 2022 du Cereq, sur les données antérieures à la réforme de 2021, montre que, si 87 % des pères en contrat en durée indéterminée (CDI) avaient recours au congé, seuls 65 % des pères en contrat court et un tiers des indépendants bénéficiaient du dispositif143(*). De même, le taux de recours chutait aux deux extrémités de la distribution des revenus professionnels.

· La seconde ambition était d'améliorer le partage entre les deux parents des tâches domestiques pour l'éducation de l'enfant et ainsi de favoriser l'égalité entre les femmes et les hommes.

b) Les prévisions établies avant l'entrée en vigueur de la mesure

L'étude d'impact prévoyait que l'instauration de la période de sept jours de congé obligatoire porterait le taux de recours à cette première période à 80 % en 2021 et 2022 avant une montée en force à 90 % en 2023. Il était estimé que le coût d'une journée de congé, tous régimes confondus, était de 35 millions d'euros pour un taux de recours à 67 %, 43 millions d'euros à 80 % et enfin 49 millions d'euros à 90 %.

Le coût de la réforme (congé obligatoire de sept jours après la naissance et allongement de la durée du congé de paternité) quant à lui avait été estimé, dans l'étude d'impact annexée au PLFSS, à 260 millions d'euros pour 2021, se décomposant en 75 millions d'euros de perte de recettes et 185 millions d'euros de dépenses. En année pleine pour 2023, ce coût était estimé à 546 millions d'euros, dont 388 millions d'euros de prestations supplémentaires versées par la branche famille et 158 millions d'euros de perte de cotisations. Cette estimation se basait sur une hausse du recours au congé paternité de 67 % à 90 % pour sa part obligatoire et d'un maintien du taux de recours à 67 % pour sa partie facultative.

Le montant total des indemnités versées au titre du congé de paternité, de 236 millions d'euros en 2020, devait donc atteindre environ 420 millions d'euros en 2021 et 625 millions d'euros en 2023.


* 132 Article L. 1225-35-1 du code du travail.

* 133 Décret n° 2021-574 du 10 mai 2021 relatif à l'allongement et à l'obligation de prise d'une partie du congé de paternité et d'accueil de l'enfant.

* 134 Article L. 623-1 du code de la sécurité sociale.

* 135 Article L. 732-12-1 du code rural et de la pêche maritime.

* 136 Rapport à la commission des comptes de la sécurité sociale, septembre 2022.

* 137 Rapport à la commission des comptes de la sécurité sociale, mai 2024.

* 138 Ce périmètre exclut la fonction publique

* 139 Cour des comptes, rapport sur l'application des lois de financement de la sécurité sociale, mai 2023.

* 140 Cour des Comptes, rapport sur l'application des lois de financement de la sécurité sociale, mai 2023.

* 141 Loi n° 2021-1754 du 23 décembre 2021 de financement de la sécurité sociale pour 2022.

* 142 Étude d'impact sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2021.

* 143 Céreq, « Quels freins limitent encore le recours au congé de paternité chez les jeunes pères ? », BREF, n° 419, mars 2022.

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