II. LES PRINCIPALES OBSERVATIONS DU RAPPORTEUR SPÉCIAL

A. LA HAUSSE DES CRÉDITS DE L'AIDE MÉDICALE D'ÉTAT EST CONSTANTE, MALGRÉ UNE ANNULATION DE CRÉDITS EN COURS D'EXERCICE

Entamée au sortir de la crise sanitaire, la hausse de l'exécution des crédits de l'Aide médicale d'État (AME) se poursuit à un rythme accéléré entre 2022 et 2023. L'exécution des crédits s'élève à 1 145 millions d'euros en 2023, soit 13 % de plus qu'en 2022, dont 1 075 millions d'euros pour l'AME de droit commun et 70 millions d'euros pour l'AME pour soins urgents. Les dépenses liées à l'AME n'avaient pourtant progressé que de 2 % entre 2021 et 2022.

Ces dépenses sont toutefois restées inférieures de plus de 5 % au montant des crédits programmés, comme mentionné plus haut.

Évolution des montants versés au titre de l'aide médicale d'État depuis 2012

(en millions d'euros et en crédits de paiement)

Source : commission des finances du Sénat d'après les documents budgétaires

Ces montants ne recouvrent pas l'ensemble des dépenses liées à l'AME. En effet, les dépenses enregistrées par la Caisse nationale d'assurance maladie (Cnam) au titre de l'AME de droit commun s'élèvent à 1 096 millions d'euros. De même, l'État ne prend en charge qu'une partie de l'AME pour soins urgents, à hauteur d'une dotation de 70 millions d'euros ; le reste du coût de l'AME pour soins urgents (37 millions d'euros) est pris en charge par l'Assurance maladie. Le coût total de l'AME est donc plus proche des 1 133 millions d'euros.

La hausse des dépenses de l'AME est notamment liée à la progression du nombre de bénéficiaires en 2023. Ils étaient en effet 446 532 bénéficiaires au 30 septembre 2023, soit une hausse de 11 % par rapport à 2022. Malgré une réforme limitée menée en 2020, le nombre de bénéficiaires de l'AME poursuit donc sa hausse.

Les effets de rattrapage liés à la sortie de la crise sanitaire sont insuffisants pour expliquer à eux-seuls la hausse des dépenses liées à l'AME, qui ont largement dépassé en 2023 les niveaux atteints avant la crise sanitaire. Or, selon la Cour des comptes8(*), « les facteurs expliquant les évolutions de soins dispensés au titre de l'AME restent insuffisamment documentés dans le projet annuel de performances ». Il est dommageable que cette situation soit insuffisamment documentée, surtout alors qu'une réforme de l'AME avait été annoncée par voie réglementaire par le précédent Gouvernement, conformément aux préconisations du rapport Evin-Stefanini9(*).

Les réformes menées et envisagées de l'aide médicale d'État

À l'initiative du Gouvernement, une réforme limitée de l'aide médicale de l'État a été adoptée à l'occasion de l'examen du projet de loi de finances pour 2020, avec pour objectif notamment de maîtriser les dépenses du dispositif. Trois dispositions ont été prises essentiellement : le renforcement des conditions pour bénéficier de l'aide (avec une ouverture du droit à l'AME effective après un délai de trois mois en situation irrégulière), le conditionnement de la prise en charge de certaines prestations à un délai d'ancienneté de bénéfice de cette aide de 9 mois maximum et la limitation des possibilités de dépôt de demande d'AME à une comparution physique en caisse primaire d'assurance-maladie.

Une nouvelle réforme de l'aide médicale d'État avait été annoncée par le Gouvernement en 2023, à l'occasion du vote par le Sénat de la transformation de l'AME en Aide médicale d'urgence le 14 novembre 2023 au cours de l'examen du projet de loi immigration10(*). Cette réforme devrait être réglementaire.

Le rapport Evin-Stefanini, publié le 4 décembre 2023, estime que l'Aide médicale d'État est un dispositif « utile, maîtrisé pour l'essentiel mais exposé à l'augmentation récente du nombre de ses bénéficiaires ». Il recommande toutefois notamment de renforcer le suivi des pathologies qui engagent la collectivité dans des soins chroniques et lourds et de compléter les mesures prises en matière de contrôle.

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires


* 8 Note d'exécution budgétaire, mission « Santé » du budget général de l'État, avril 2024.

* 9 Rapport sur l'Aide médicale d'État, 4 décembre 2023, Claude Evin et Patrick Stefanini.

* 10 Loi n° 2024-42 du 26 janvier 2024 pour contrôler l'immigration, améliorer l'intégration.

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