B. LA PORTÉE DU SUIVI DE LA PERFORMANCE DE LA DÉPENSE PUBLIQUE EST LARGEMENT RÉDUITE PAR LE NOMBRE IMPORTANT D'INDICATEURS INEXPLOITABLES

Pour l'exercice 2023, le dispositif de suivi de la performance des dépenses de l'État reposait sur 852 indicateurs et 1 941 sous-indicateurs recensés dans les rapports annuels de performances (RAP) du budget général et des budgets annexes de l'État. Cependant, un nombre important de ces sous-indicateurs sont neutralisés soit par l'absence de fixation de cible quantitative avant le début de l'exercice, soit par l'absence de données à jour pour exploiter les cibles fixer et confronter les objectifs fixés aux résultats obtenus. Sur les 1 941 sous-indicateurs pour l'exercice 2023, 1 549 (80 %) se sont vus fixer une cible quantitative. Sur ces 1 549 sous-indicateurs avec une cible quantitative, 1 354 sont exploitables aux regards des données disponibles. Par conséquent, seulement 1 354 sous-indicateurs disposent de cibles exploitables pour 2023 soit 70 % du nombre total de sous-indicateurs figurant dans les rapports annuels de performances (RAP) présentés avec le projet de loi relatif aux résultats de la gestion et portant approbation des comptes de l'année 2023.

En premier lieu, pour qu'un sous-indicateur puisse mesurer la performance des dépenses de l'État, il est nécessaire qu'au moment de l'élaboration du budget une cible soit fixée au responsable de programme. En effet, le dispositif des indicateurs de performance ne peut servir de support à des décisions stratégiques d'allocation des ressources que dans la mesure où le Gouvernement et le Parlement peuvent mettre en regard les objectifs fixés à un service public et les résultats qu'il a atteint. Il est par conséquent nécessaire que la documentation budgétaire annexée au projet de loi de finances fixe, pour chaque sous-indicateur de performance, une cible au risque de neutraliser toute utilité de l'indicateur et de priver de tout effet le travail effectuer pour élaborer cet indicateur et suivre ses données d'exécution. Il est également nécessaire que cette cible soit définie avec clarté et précision, c'est-à-dire qu'il s'agisse d'une cible quantitative.

Si pour certaines cibles il est compréhensible de fixer un intervalle, ce qui continue de constituer une cible quantitative claire et précise sous réserve d'une amplitude raisonnable de l'intervalle, la fixation d'une cible non quantitative constituée par des mentions imprécises comme « hausse » ou « stabilité » ne répond pas aux exigences d'un dispositif de suivi effectif de la performance de la dépense publique.

Sur l'ensemble du dispositif de suivi de la performance de la dépense de l'État en 2023, le rapporteur général relève que 392 sous-indicateurs ne disposent pas d'une cible quantitative. Partant, ce défaut de conception neutralise la portée de 20 % des sous-indicateurs soit un sur cinq.

Par exemple, dans le cadre du programme 103 « Accompagnement des mutations économiques et développement de l'emploi » de la mission « Travail et emploi », l'indicateur 4.4 « taux de sorties positives six mois après la fin de la formation » ne s'est vu fixer aucune cible pour 2023. Le rapporteur relève que la justification mise en avant par l'administration relative à la complexité du dispositif de suivi ne suffit pas à expliquer qu'aucun suivi statistique ne soit proposé pour cet indicateur depuis 2021. Au regard de l'importance des dépenses de l'État dans ce domaine - le programme représente un montant de crédits de paiement de 12 642 millions d'euros en 2023 - il est incompréhensible que le Gouvernement et les parlementaires ne puissent pas s'appuyer sur des données précises pour éclairer le choix fait au moment du vote annuel des crédits.

Fixation de cibles pour les sous-indicateurs en 2023

Source : commission des finances, d'après les données de la direction du budget

En second lieu, tous les indicateurs avec une cible quantitative ne peuvent pas être exploités dans le cadre du suivi de la performance de la dépense de l'État. En effet, l'appréciation des résultats des politiques publiques concernées suppose de disposer en temps utile des données nécessaires à l'exploitation de ces sous-indicateurs.

Il est à relever à cet égard que la disponibilité des données et la difficulté éventuelle à recueillir régulièrement des données mises à jour fait partie des contraintes dont l'administration doit tenir compte dès le stade de l'élaboration des indicateurs de performance inscrits dans la documentation budgétaire. À ce titre, l'existence d'un nombre important d'indicateurs avec une cible quantitative inexploitable du fait du manque de disponibilité des données ne reflète pas uniquement la difficulté à recueillir ou à tenir à jour des données d'exécution mais également un défaut de conception de ces indicateurs. Celle-ci aurait dû tenir compte de cette difficulté au moment de leur inscription dans la maquette de performance des programmes concernés.

En 2023, sur les 1 549 sous-indicateurs avec une cible quantitative, 1 354 sont des sous-indicateurs exploitables, les 195 autres sous-indicateurs étant inexploitables du fait de l'indisponibilité des données.

Par exemple, dans le cadre du programme 192 « Recherche et enseignement supérieur en matière économique et industrielle » de la mission « Recherche et enseignement supérieur », l'indicateur 2.2 « Nombre de brevets déposés par an par les chefs de file bénéficiaires du plan Nano 2022 » ne dispose pas d'une donnée de réalisation pour 2023. Le rapport annuel de performances (RAP) du programme se borne à constater que la consolidation des données pour 2022 est intervenue « mi-2023 » pour que les dépôts de brevets aient bien été pris en compte. Au regard du caractère récurrent et prévisible de la difficulté à obtenir des données actualisées, il appartient à l'administration de faire en sorte que cet indicateur ne soit pas systématiquement neutralisé soit en réformant sa procédure de collecte des données pour permettre une consolidation en temps utile avant le dépôt du projet de loi relatif aux résultats de la gestion soit en réformant l'indicateur pour se fonder sur des données plus rapidement disponibles.

Disponibilité des données d'exécution pour les sous-indicateurs
avec une cible quantitative en 2023

Source : commission des finances, d'après les données de la direction du budget

En conclusion, sur les 1 941 indicateurs de performance du dispositif de suivi budgétaire de la performance, 30 % d'entre eux ont été privés de portée en 2023 soit parce qu'aucune cible quantitative n'avait été fixé préalablement à la dépense soit parce que les données disponibles ne permettent pas de confronter les objectifs fixés et les résultats atteints.

Le rapporteur relève que ces 587 sous-indicateurs neutralisés dans le cadre de l'exercice 2023 constituent un exemple préoccupant du risque de transformation de l'exercice de suivi de la performance en « bureaucratie de la performance », ces indicateurs ayant nécessité des travaux importants d'élaboration et de suivi sans résultat concret pour le pilotage de la dépense de l'État.

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