EXAMEN DES ARTICLES
ARTICLE
1er
Faculté de créer des actions à droits de vote
multiples lors d'une introduction en bourse et diverses autres dispositions
visant à faciliter le financement des entreprises
L'examen de cet article a été délégué au fond à la commission des lois10(*).
À l'initiative de son rapporteur Louis Vogel, la commission des lois a adopté six amendements rédactionnels et de précision ( COM-50, COM-52, COM-53, COM-54, COM-56 et COM-57) ainsi que trois amendements visant à :
- harmoniser les ratios des droits de vote attachés aux actions de préférence sur les marchés règlementés et les systèmes multilatéraux de négociation à 25 pour 1 ( COM-51). Si ce ratio était prévu pour les sociétés dont les titres sont admis à la négociation sur un système multilatéral de négociation, aucun ne l'était pour les sociétés dont les titres sont admis à la négociation sur un marché règlementé ;
- élargir la liste des résolutions au titre desquelles les actions de préférence ne donnent droit qu'à une seule voix ( COM-55) ;
- renvoyer à un décret en Conseil d'État la définition des exigences de transparence applicables au recours aux actions de préférence ( COM-58).
Dès 2017, la commission des finances avait recommandé d'assouplir le droit des titres par l'introduction d'actions à droits de vote multiples, afin de répondre aux besoins des émetteurs11(*). S'il a fallu sept ans pour que le pas soit franchi, elle se félicite de cette adaptation du droit, à même de renforcer la compétitivité de la place de Paris face aux autres places financières internationales.
Décision de la commission : la commission des finances a adopté cet article ainsi modifié.
ARTICLE
2
Assouplissement des règles relatives aux
fonds communs de
placement à risques
Le présent article procède à deux modifications du cadre régissant les fonds communs de placement à risques (FCPR).
D'une part, les règles d'investissement des FCPR seraient assouplies. La composition de l'actif de ces fonds est encadrée par la loi : si les FCPR ont principalement vocation à soutenir des sociétés non cotées, ils peuvent aussi, dans la limite de 20 % de leur actif, disposer d'actions de sociétés dont la capitalisation boursière n'excède pas 150 millions d'euros. Le présent article relève ce plafond à 500 millions d'euros. La commission considère que ce relèvement est de nature à permettre d'assurer un meilleur suivi des entreprises en portefeuille et de donner une plus grande flexibilité d'investissement aux FCPR, au bénéfice des jeunes entreprises et des entreprises à forte croissance.
D'autre part, la durée maximale de blocage des parts de FCPR serait portée de 10 ans à 15 ans. La commission se félicite que l'Assemblée nationale ait repris un dispositif adopté par le Sénat au mois de janvier 2023, dans le cadre de la proposition de loi tendant à renforcer la protection des épargnants. À l'initiative de son rapporteur, elle a adopté un amendement COM-18 afin de le compléter, à l'instar de ce qui était prévu dans la proposition de loi précitée : l'allongement de la durée de blocage des parts est complémentaire d'un renforcement des obligations des FCPR en matière de préparation de leur liquidation, étape qui a un impact sur la rentabilité des investissements.
La commission a adopté cet article ainsi modifié.
I. LE DROIT EXISTANT : LES FONDS COMMUNS DE PLACEMENT À RISQUES, UN INSTRUMENT DU CAPITAL INVESTISSEMENT AU SERVICE DES ENTREPRISES EN CROISSANCE
A. DES FONDS OUVERTS AUX INVESTISSEURS NON PROFESSIONNELS POUR SOUTENIR LES ENTREPRISES
1. Les fonds communs de placement à risques, une catégorie particulière de fonds d'investissement alternatifs
Les organismes de placement collectif (OPC) désignent les sociétés financières dont la fonction consiste à placer les capitaux collectés auprès du public sur les marchés financiers. Juridiquement, un OPC peut prendre la forme :
- d'un fonds commun de placement, à savoir une copropriété d'instruments financiers qui émet des parts. L'investisseur n'est pas un actionnaire et n'a pas de droit de vote ;
- d'une société d'investissement à capital variable (Sicav), à savoir une société anonyme ou une société par actions simplifiées à capital variable qui émet des actions au fur et à mesure des demandes de souscription. L'investisseur est alors un actionnaire.
Le cadre européen distingue deux grands types d'OPC :
- les organismes de placement collectif en valeurs mobilières (OPCVM), qui relèvent de la directive consolidée sur les OPCVM, dite « directive UCITS 4 »12(*). Aux termes de l'article 1er de la directive, l'objet exclusif des OPCVM est le placement collectif en valeurs mobilières ou dans d'autres actifs financiers liquides ;
- les fonds d'investissement alternatifs (FIA), qui relèvent de la directive sur les gestionnaires de fonds d'investissement alternatifs, dite « directive AIFM »13(*). Les FIA regroupent l'ensemble des fonds ne relevant pas de la qualification d'OPCVM au sens de la directive UCITS 4 (article L. 214-24 du code monétaire et financier).
Les fonds communs de placement à risques (FCPR) relèvent de la catégorie des FIA, à l'instar de l'ensemble des fonds de capital investissement, destinés à soutenir en majorité des entreprises non cotées en bourse, par des prises de participation. Ils sont accessibles aux investisseurs non professionnels, c'est-à-dire aux particuliers.
Les FCPR constituent le véhicule privilégié du capital investissement en France et se décomposent en trois catégories :
- les FCPR de « droit commun » ;
- les fonds communs de placement dans l'innovation (FCPI), investis à hauteur de 60 % minimum en titres de sociétés innovantes non cotées en bourse ;
- les fonds d'investissement de proximité (FIP), investis à hauteur de 60 % minimum en titres de PME non cotées en bourse.
2. Un encadrement strict de la composition de l'actif des fonds communs de placement à risques
La composition de l'actif des FPCR est encadrée par les dispositions de l'article L. 214-28 du code monétaire et financier (CMF), afin de garantir que les fonds répondent bien aux objectifs qui lui sont assignés et pour lesquels les investisseurs ont décidé d'en acquérir des parts.
Un FCPR doit ainsi être constitué à au moins 50 % de titres associatifs, de titres participatifs ou de titres de capital de sociétés, ou donnant accès au capital de sociétés, qui ne sont pas admis aux négociations sur un marché d'instruments financiers. Il s'agit donc de titres de sociétés non cotées. L'actif peut également comprendre :
- dans la limite de 15 %, les avances en compte courant consenties, pour la durée de l'investissement réalisé, à des sociétés dans lesquelles le fonds détient au moins 5 % du capital ;
- des droits représentatifs d'un placement financier dans une entité constituée dans un État membre de l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) dont l'objet principal est d'investir dans des sociétés dont les titres de capital ne sont pas cotés ;
- dans la limite de 20 %, des titres de capital, ou donnant accès au capital, de sociétés cotées dont la capitalisation boursière est inférieure à 150 millions d'euros - cet assouplissement ayant été introduit en 200514(*). Ces titres peuvent être pris en compte pour le calcul du quota précité de 50 %.
En pratique, ces limites sont vérifiées lors des inventaires semestriels de l'actif du FCPR.
L'appréciation de la capitalisation boursière d'une société
La capitalisation boursière d'une société est exprimée par le produit du nombre de ses titres de capital admis à la négociation à l'ouverture du jour de négociation précédant celui de l'investissement par la moyenne des cours d'ouverture des soixante jours de négociation précédant celui de l'investissement. Le jour de l'investissement s'entend du jour d'acquisition ou de souscription par le FCPR de titres de capital admis à la négociation.
Des règles spécifiques sont prévues en cas d'investissement le jour de l'introduction en bourse de la société ou le jour de l'admission à la négociation de nouveaux titres de la société (augmentation de capital, fusion, scission ou apport partiel d'actifs).
Source : décret n° 2006-1726 du 23 décembre 2006 relatif à l'aménagement des règles d'investissement des sociétés de capital-risque et des fonds communs de placement à risques ainsi que des règles d'éligibilité à l'actif des organismes de placement collectif en valeurs mobilières et modifiant le code monétaire et financier (partie réglementaire) ainsi que l'annexe II au code général des impôts
Lorsqu'une entreprise dont les titres figurent à l'actif d'un FCPR dépasse le seuil de capitalisation boursière de 150 millions d'euros, les titres de cette entreprise ne peuvent pas être pris en compte pour apprécier le respect du quota de 50 %15(*). De plus, le gestionnaire du fonds ne peut par définition plus réinvestir dans l'entreprise, en achetant de nouveaux titres ou actions, et peut, dans certains cas, devoir liquider ses participations dans l'entreprise concernée, du fait du franchissement du seuil.
Le règlement du fonds doit par ailleurs fixer un délai avant l'expiration duquel les porteurs de part ne peuvent pas demander leur rachat, ce délai ne pouvant excéder 10 ans. Il peut également prévoir une ou plusieurs périodes de souscription à durée déterminée.
B. DES ÉVOLUTIONS RÉCENTES POUR ENCOURAGER LE DÉVELOPPEMENT DES FONDS COMMUNS DE PLACEMENT À RISQUES
1. Favoriser l'éligibilité des fonds communs de placement à risques au plan d'épargne en actions
La commission des finances défend depuis plusieurs années l'impératif de tenir compte de la nature spécifique des fonds de capital investissement et de faire davantage connaître ces produits auprès des épargnants, y compris par le biais de véhicules plus traditionnels tels que le plan d'épargne en actions (PEA). Les FCPR permettent en effet de mobiliser l'épargne au profit de l'amorce, du développement et de l'expansion des jeunes entreprises.
S'agissant par exemple de leur éligibilité au PEA, produit assorti d'un régime fiscal favorable pour inciter les épargnants français à investir dans des titres d'entreprises16(*), le Sénat avait adopté le 31 janvier 2023, dans le cadre de la proposition de loi tendant à renforcer la protection des épargnants17(*), un assouplissement de ces règles d'éligibilité. En l'espèce, il s'agissait de donner du temps supplémentaire aux FCPR pour qu'ils adaptent la composition de leur actif et se conforment aux exigences demandées aux fonds pour être éligibles au PEA. Le Sénat avait ainsi proposé de donner cinq ans aux FCPR pour faire en sorte que les titres et les actions de sociétés représentent au moins 75 % de leur actif, condition d'éligibilité au PEA.
Cette tolérance avait été reprise et de nouveau adoptée par le Sénat dans le cadre de l'examen du projet de loi relatif à l'industrie verte18(*), dont un volet visait à encourager les FCPR à être qualifiés de fonds européens d'investissement de long terme (ELTIF), qui ont vocation à mobiliser des financements à long terme en faveur de la croissance durable. L'Assemblée nationale avait conservé cet assouplissement19(*).
2. Une proposition de la commission des finances dès janvier 2023 : allonger la durée de blocage des parts de fonds communs de placement à risques
Dans le cadre de la proposition de loi précitée tendant à renforcer la protection des épargnants, la commission des finances a proposé d'allonger de 10 ans à 15 ans la durée de blocage maximale des parts des investisseurs dans les FCPR. L'objectif était double : encourager le développement de ces fonds de capital investissement tout en préservant les gardes fous mis en place pour les épargnants.
Dans certains secteurs économiques, 10 ans est une durée insuffisante pour permettre aux sociétés de gestion de déployer leur stratégie d'investissement et pour dégager une plus-value sur investissement pour les porteurs de part. Le Sénat avait donc adopté un dispositif portant cette durée maximale à 15 ans, en ouvrant cet allongement aux seuls fonds destinés à investir dans des secteurs où, dès l'origine, le cycle économique ne permet pas une rentabilité de l'investissement dans un délai de 10 ans (par exemple les biotechs ou les deeptechs). Les conditions d'application (justification du délai, informations des investisseurs) étaient renvoyées au règlement général de l'Autorité des marchés financiers (AMF).
En complément de l'allongement de la durée de blocage des parts, pour équilibrer le dispositif, de nouvelles obligations avaient été prévues afin d'inciter les FCPR à préparer le plus tôt possible leur liquidation, c'est-à-dire la préparation de la répartition de l'actif entre les différents investisseurs. Aucune obligation n'est en effet prévue dans la loi, ce qui conduit certaines sociétés de gestion à ne débuter que tardivement leurs travaux de préliquidation et de liquidation, rendant d'autant plus difficile le respect du délai de blocage des parts et donc, in fine, le déblocage des fonds pour les investisseurs, ce qui peut également avoir un impact sur la rentabilité de l'investissement.
II. LE DISPOSITIF PROPOSÉ : UN ASSOUPLISSEMENT DES RÈGLES D'INVESTISSEMENT DES FONDS COMMUNS DE PLACEMENT À RISQUES
Le présent article modifie le 1° du III de l'article L. 214-28 du code monétaire et financier (CMF) afin de porter de 150 à 500 millions d'euros le plafond de capitalisation boursière des sociétés cotées dont les titres peuvent figurer à l'actif d'un FCPR.
Il convient de noter que la part maximale des titres d'entreprises cotées pouvant figurer à l'actif d'un FCPR n'est pas modifiée puisque la limite serait toujours de 20 % de l'actif.
III. LES MODIFICATIONS APPORTÉES PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE : LA REPRISE DU DISPOSITIF ADOPTÉ PAR LE SÉNAT CONCERNANT LE BLOCAGE DES PARTS DE FONDS COMMUNS DE PLACEMENT À RISQUES
À l'initiative du député Paul Midy, l'Assemblée nationale a adopté en séance publique20(*) un amendement visant à modifier l'article L. 214-28 du CMF afin de porter de 10 à 15 ans la durée maximale en deçà de laquelle les porteurs de parts ne peuvent pas demander le rachat de celles-ci.
Ce dispositif reprend donc celui voté par le Sénat dans le cadre de la proposition de loi tendant à renforcer la protection des épargnants, en ouvrant toutefois à tous les FCPR la possibilité de prévoir une durée de blocage des parts de 15 ans, sans condition liée aux secteurs économiques dans lesquels ils interviennent.
IV. LA POSITION DE LA COMMISSION DES FINANCES : DES AJUSTEMENTS NÉCESSAIRES POUR SOUTENIR LES ENTREPRISES EN CROISSANCE ET ASSOUPLIR LES RÈGLES RELATIVES AUX FONDS COMMUNS DE PLACEMENT À RISQUES
La commission considère que les deux ajustements apportés au cadre régissant les fonds communs de placement à risques (FCPR) sont opportuns, bien qu'ils ne permettront vraisemblablement pas d'accroître significativement la taille des FCPR et la part d'épargne disponible qui leur est allouée, de quelques pourcentages aujourd'hui.
A. ACCOMPAGNER LES ENTREPRISES EN PHASE DE CROISSANCE
Le relèvement du plafond de capitalisation boursière des entreprises dont les titres sont éligibles aux FCPR permettra à ces fonds d'accompagner sur une durée plus longue les entreprises cotées à forte croissance. Les entreprises tout juste introduites en bourse ou dont la capitalisation est encore faible ont généralement besoin d'un accompagnement sur un temps assez long pour stabiliser le cours et continuer à rassurer le marché. La présence d'un investisseur de long terme envoie un signal positif au marché, alors que les entreprises récemment cotées peuvent être soumises à davantage de fluctuations et être plus sensibles aux évolutions du marché.
Par ailleurs, en l'état du droit, si un FCPR a investi dans une entreprise, que celle-ci décide de s'introduire en bourse, et que sa valorisation excède 150 millions d'euros, alors, d'une part, le FCPR ne peut plus acheter de titres de l'entreprise pour continuer à soutenir sa croissance et pour lui assurer un financement « certain » et, d'autre part, il peut être obligé de vendre ses participations. Le plafond actuel limite donc le développement des fonds crossovers, qui ont justement vocation à accompagner le financement des entreprises en phase de pré-introduction en bourse.
Relever le seuil devrait permettre d'assurer un meilleur suivi des entreprises en portefeuille, donner une plus grande flexibilité aux FCPR et d'assurer une plus grande continuité dans les financements auxquels ont accès les entreprises à faible capitalisation. En effet, pour les entreprises dont la capitalisation est comprise entre 150 et 500 millions d'euros, il peut être difficile de trouver des financements si elles n'ont plus accès aux FCPR, et en particulier aux fonds qui ont pu les soutenir avant la cotation.
Lors de ses travaux, le rapporteur s'est interrogé sur deux éléments : l'opportunité d'avoir fixé le relèvement du plafond à 500 millions d'euros et les effets attendus quant aux stratégies d'investissement des FCPR, l'objectif n'étant pas de les détourner des plus petites entreprises.
Sur le plafond tout d'abord, il convient de relever que le seuil de 150 millions d'euros a été fixé en 2005, sans avoir été actualisé depuis.
Le relèvement à 500 millions d'euros, s'il s'établit à un niveau supérieur à une stricte indexation sur l'inflation, s'inscrit en complément d'instruments financiers qui acceptent des titres de sociétés avec des capitalisations boursières plus élevées pour favoriser l'investissement dans les entreprises en croissance ou dans les petites et moyennes entreprises (PME). Le plafond est par exemple d'un milliard d'euros pour le PEA-PME (cf. commentaire de l'article 2 bis), de 1,5 milliard d'euros pour les fonds européens d'investissement de long terme et de deux milliards d'euros pour les fonds labellisés « Relance ».
D'après les données communiquées par France Invest au rapporteur, sur les 388 sociétés éligibles au PEA-PME, 93 % disposent d'une capitalisation boursière inférieure à 500 millions d'euros. Relever le plafond à ce niveau-là permet donc de couvrir une très grande partie de ces entreprises, qui ne disposent sinon pas d'outils dédiés.
Nombre d'entreprises21(*) dont les titres seraient éligibles à l'actif des fonds communs de placement à risques après le relèvement du plafond
Source : commission des finances, d'après les données transmises par la direction générale du Trésor
Les informations recueillies par le rapporteur tendent à montrer que le relèvement du plafond de capitalisation boursière à 500 millions d'euros ne devrait pas fondamentalement changer les stratégies d'investissement des FCPR. Les entreprises dont les titres seraient éligibles ont des caractéristiques proches, en particulier en termes de liquidité.
En revanche, France Invest estime que relever le plafond à un niveau plus élevé pourrait conduire les FCPR à modifier leur stratégie d'investissement et à s'éloigner de leur objectif premier, à savoir soutenir l'amorce, le développement et la croissance des PME et des jeunes entreprises - un avis que le rapporteur partage.
B. ASSOUPLIR LE CADRE DES FONDS COMMUNS DE PLACEMENT À RISQUES POUR TENIR COMPTE DE LEURS SPÉCIFICITÉS
La commission soutient également l'allongement de la durée maximale de blocage des parts de FCPR de 10 ans à 15 ans, s'agissant d'une mesure qu'elle avait proposée dans le cadre de la proposition de loi tendant à renforcer la protection des épargnants et que le Sénat avait ensuite adoptée. Le rapporteur s'est interrogé sur la nécessité de prévoir, à l'instar du dispositif voté au mois de janvier 2023, un encadrement de cet allongement, en le réservant aux FCPR destinés à investir dans des secteurs économiques dont le cycle économique ne permet pas une rentabilité de l'investissement en 10 ans.
D'après les informations transmises au rapporteur, les réflexions sur ce dispositif se sont poursuivies après l'adoption par le Sénat de la proposition de loi précitée. France Invest a ainsi indiqué au rapporteur qu'un blocage plus long des parts pourrait s'avérer utile pour les FCPR investissant dans divers secteurs économiques et destinés à certaines enveloppes pour l'assurance vie et les plans d'épargne retraite d'entreprise. Il pourrait en outre s'avérer complexe de distinguer entre les différents secteurs. Le rapporteur a conclu de ces éléments complémentaires qu'il apparaissait opportun de laisser une marge de manoeuvre aux FCPR et aux sociétés de gestion pour déterminer la durée de blocage des fonds - la disposition étant conforme à l'esprit de celle votée par le Sénat.
Le dispositif apparaît toutefois incomplet sur un point, celui des obligations des fonds et des sociétés de gestion quant à la préparation de leur liquidation, ce qui a ensuite un impact sur la disponibilité et sur la rentabilité des investissements. À l'initiative du rapporteur, la commission a donc adopté l'amendement COM-18 afin de renforcer le cadre juridique en la matière, en inscrivant dans la loi l'obligation pour le règlement du FCPR de prévoir son entrée en phase de préliquidation ainsi que l'obligation, pour la société de gestion du fonds, de prendre les mesures nécessaires pour préparer la cession à venir des actifs du fonds, en tenant compte de la nature et de la maturité des titres détenus.
Ces obligations composaient, dans le dispositif précité adopté par le Sénat, le pendant de l'allongement de la période durant laquelle les porteurs de parts ne peuvent pas demander leur rachat. Elles sont complémentaires de ce qui pourrait être prévu dans le cadre de la révision du régime juridique applicable aux organismes de placement collectif, pour laquelle le Gouvernement souhaite procéder par ordonnance (cf. commentaire de l'article 10 quater).
Décision de la commission : la commission des finances a adopté cet article ainsi modifié.
ARTICLE 2 bis (nouveau)
Éligibilité des
droits préférentiels de souscription
au plan d'épargne
en actions
Le présent article, introduit par les amendements COM-20 du rapporteur et COM-9 rectifié ter de Mme Vanina Paoli-Gagin, prévoit que les droits préférentiels de souscription (DPS) et les bons de souscription d'actions (BSA) sont éligibles au plan d'épargne en actions (PEA).
La non éligibilité au PEA des BSA et des DPS attachés à des actions détenues dans le cadre d'un PEA fait partie des difficultés abordées par le groupe de travail sur le PEA mis en place par l'Autorité des marchés financiers au mois de septembre 2022. Reprenant l'une des propositions de ce groupe, qui a rendu ses conclusions au mois d'avril 2023, la commission propose ainsi de modifier le code monétaire et financier afin de rendre les BSA et les DPS éligibles au PEA.
La commission a adopté cet article.
I. LE DROIT EXISTANT : L'ÉLIGIBILITÉ DES DROITS PRÉFÉRENTIELS DE SOUSCRIPTION AU PLAN D'ÉPARGNE EN ACTIONS, UNE TOLÉRANCE ADMINISTRATIVE ET UNE APPRÉCIATION AU CAS PAR CAS
A. LE PLAN D'ÉPARGNE EN ACTIONS, PRODUIT FINANCIER DE SOUTIEN AUX ENTREPRISES
Le plan d'épargne en actions (PEA) est un produit permettant aux épargnants dont le domicile fiscal est situé en France de se constituer un portefeuille en actions investies directement ou via des fonds : 5,2 millions de PEA étaient ouverts à la fin de l'année 2022, pour un encours total de près de 101 milliards d'euros (112 milliards d'euros à la fin de l'année 2021)22(*). Chaque personne ne peut être titulaire que d'un PEA, avec un plafond des encours de 150 000 euros, hors gains réalisés depuis l'ouverture du plan.
Sont éligibles au PEA, en acquisition directe :
- les actions cotées ou, sous certaines conditions, les actions non cotées, les certificats d'investissement, les certificats de coopératives d'investissement, les certificats mutualistes, les parts de société à responsabilité limitée (SARL), les titres de capital de sociétés coopératives. Les sociétés émettrices de ces titres doivent disposer de leur siège dans l'Union européenne ou dans un État de l'Espace économique européen (1° du I de l'article L. 221-31 du code monétaire et financier [CMF]) ;
- les parts de placements collectifs (actions de sociétés d'investissement à capital variable, fonds communs de placement, organismes de placement collectif en valeurs mobilières) investis au moins à 75 % en actions et titres de sociétés ayant leur siège dans l'Union européenne ou dans un État de l'EEE (2° du I de l'article L. 221-31 du CMF).
Destiné à favoriser le soutien à l'économie française et européenne, le PEA bénéficie de conditions fiscales avantageuses : l'article 157 du code général des impôts (CGI) dispose ainsi que les produits et les plus-values procurés par les placements effectués dans le cadre d'un PEA ne sont pas soumis à l'impôt sur le revenu si aucun retrait n'est intervenu sur le plan pendant cinq ans, les produits et les plus-values demeurant toutefois soumis aux prélèvements sociaux (17,2 %)23(*). Le même régime fiscal et social s'applique aux dividendes capitalisés sur le PEA, sous la condition des cinq ans de détention (article 150-0 A du CGI).
B. LE PLAN D'ÉPARGNE EN ACTIONS, OBJET DE NOMBREUSES SAISINES DU MÉDIATEUR DE L'AUTORITÉ DES MARCHÉS FINANCIERS
En 2021, les réclamations d'épargnants concernant le PEA sont devenues le premier motif de saisine du médiateur de l'Autorité des marchés financiers (AMF). Face à ce constat, l'AMF a décidé de mettre en place au mois de septembre 2022 un groupe de travail de Place, qui a rendu ses conclusions au mois d'avril 202324(*). Les difficultés soulevées par la non-éligibilité des droits préférentiels de souscription (DPS) au PEA ont fait partie des thématiques abordées lors de ces travaux.
Aux termes de l'article L. 225-132 du code de commerce, les actionnaires ont un droit de préférence à la souscription des actions de numéraire émises par une entreprise pour réaliser une augmentation de capital, ce droit étant proportionnel au montant de leurs actions. Les DPS ont ainsi pour objectif d'éviter que les associés existants se trouvent dilués du fait de l'augmentation de capital en leur permettant d'acquérir des actions et donc de participer au développement de l'entreprise à un prix avantageux par rapport à celui du marché, ou de compenser leur dilution s'ils ne souscrivent pas à l'augmentation de capital, certains DPS étant cessibles.
Toutefois, et à l'exception de certains cas pour lesquels une tolérance administrative prévaut, les DPS attachés à des actions de sociétés détenues par le biais d'un PEA ne sont pas en eux-mêmes éligibles au PEA. En l'état du droit, le titulaire du PEA qui reçoit des DPS à raison d'actions inscrites sur son PEA doit les inscrire sur un compte-titres ordinaire s'il veut les exercer ou les céder. Or, dans de nombreux cas, ce compte-titres est ouvert spécialement pour cette occasion, engendrant un niveau de frais élevé.
À défaut, les DPS sont perdus, ce qui peut entraver les objectifs de financement de l'émetteur, c'est-à-dire de l'entreprise. Tant des petites et des moyennes entreprises (PME) que des entreprises de taille plus importante sont concernées.
Le groupe de travail de l'AMF a fait les mêmes constats pour certains bons de souscription d'actions (BSA) assimilables à des DPS, tant pour les investisseurs que pour les émetteurs, qui ne sont à ce jour pas éligibles au PEA. Les BSA permettent en effet de souscrire à des actions pendant une période donnée, dans une proportion et à un prix fixé à l'avance.
II. LE DISPOSITIF PROPOSÉ : PRÉVOIR L'ÉLIGIBILITÉ DES DROITS PRÉFÉRENTIELS DE SOUSCRIPTION AU PLAN D'ÉPARGNE EN ACTIONS
À l'initiative du rapporteur et de Mme Vanina Paoli-Gagin, la commission a adopté deux amendements identiques COM-20 et COM-9 rectifié ter afin de modifier l'article L. 221-31 du code monétaire et financier pour que les droits préférentiels de souscription et les bons de souscription d'actions soient éligibles au plan d'épargne en actions.
Cette modification reprend la proposition n° 13 du rapport précité du groupe de travail de l'AMF sur le PEA.
Décision de la commission : la commission des finances a adopté cet article.
ARTICLE 2 ter (nouveau)
Assouplissement des
critères d'éligibilité des titres d'entreprises
cotées au plan d'épargne en actions destiné au
financement des petites et moyennes entreprises et des entreprises de taille
intermédiaire
Le présent article, introduit par les amendements COM-19 du rapporteur et COM-48 rectifié bis de Mme Vanina Paoli-Gagin, prévoit d'assouplir les critères d'éligibilité des titres d'entreprises cotées au plan d'épargne en actions destiné au financement des petites et moyennes entreprises (PME) et des entreprises de taille intermédiaire (ETI), le PEA-PME.
En lieu et place des deux critères prévus aujourd'hui, à savoir une capitalisation boursière inférieure à un milliard d'euros et une entreprise considérée comme une PME ou comme une ETI au sens du droit européen, un seul serait prévu, à savoir une capitalisation boursière inférieure à deux milliards d'euros.
Cette modification obéit à un double objectif : simplifier le fonctionnement du PEA-PME - avec une identification plus rapide et plus fiable des entreprises dont les titres y sont éligibles -, et élargir les entreprises visées, au bénéfice à la fois de leur financement et de la profondeur des fonds qui acquièrent des titres de PME et d'ETI et qui s'appuient pour ce faire sur les critères retenus dans le cadre du PEA-PME.
La commission a adopté cet article.
I. LE DROIT EXISTANT : UNE ÉLIGIBILITÉ SOUS CONDITION DES TITRES DES ENTREPRISES COTÉES AU PLAN D'ÉPARGNE EN ACTIONS DESTINÉ AU FINANCEMENT DES PETITES ET MOYENNES ENTREPRISES ET DES ENTREPRISES DE TAILLE INTERMÉDIAIRE
Le plan d'épargne en actions destiné au financement des petites et moyennes entreprises (PME) et des entreprises de taille intermédiaire (ETI), le PEA-PME, est un produit permettant aux épargnants dont le domicile fiscal est situé en France de se constituer un portefeuille en actions et en titres investis directement ou via des fonds, et principalement dans des PME. 108 620 PEA-PME étaient ouverts à la fin de l'année 2022, pour un encours total de près de 2,4 milliards d'euros (2,32 milliards d'euros à la fin de l'année 2021)25(*).
Chaque personne ne peut être titulaire que d'un PEA-PME, avec un plafond des encours de 225 000 euros. Si une personne dispose à la fois d'un PEA et d'un PEA-PME, le plafond total des encours de ces deux produits est également de 225 000 euros.
Aux termes de l'article L. 221-32-2 du code monétaire et financier (CMF), sont éligibles au PEA-PME :
- les actions, à l'exception des actions de préférence, les certificats d'investissement de sociétés et les certificats coopératifs d'investissement ;
- les parts de sociétés à responsabilité limitée ou de sociétés dotées d'un statut équivalent et les titres de capital de sociétés coopératives ;
- les obligations convertibles ou remboursables en actions, à l'exclusion des obligations convertibles en actions qui ne sont pas admises aux négociations sur une plateforme de négociation (non cotées) ;
- les titres participatifs et les obligations à taux fixe faisant ou ayant fait l'objet d'une offre proposée par l'intermédiaire d'un prestataire de services de financement participatif ;
- les parts ou actions de véhicules d'investissement, à savoir certains fonds relevant de la catégorie des organismes de placement collectif en valeurs mobilières ou des fonds d'investissement alternatifs, par exemple les fonds communs de placement à risques.
Pour que ses titres soient éligibles au PEA-PME, l'entreprise émettrice doit respecter les critères suivants :
- si elle n'est pas cotée, l'entreprise, doit, d'une part, occuper moins de 5 000 personnes et, d'autre part, avoir un chiffre d'affaires annuel n'excédant pas 1,5 milliard d'euros ou un total de bilan n'excédant pas 2 milliards d'euros ;
- si elle est cotée, l'entreprise doit, d'une part, disposer d'une capitalisation boursière inférieure à 1 milliard d'euros, ou qui l'a été à la clôture d'un au moins des quatre exercices comptables précédant l'exercice pris en compte pour apprécier l'éligibilité des titres de la société émettrice et, d'autre part, occuper moins de 5 000 personnes et avoir un chiffre d'affaires annuel n'excédant pas 1,5 milliard d'euros ou un total de bilan n'excédant pas 2 milliards d'euros. Ces seuils sont appréciés sur la base des comptes consolidés de la société émettrice et, le cas échéant, de ses filiales.
Afin de soutenir le financement des PME et des ETI, le PEA-PME dispose d'un régime fiscal avantageux. L'article 157 du code général des impôts (CGI) prévoit ainsi que les produits et les plus-values procurés par les placements effectués dans le cadre d'un PEA ne sont pas soumis à l'impôt sur le revenu si aucun retrait n'est intervenu sur le plan pendant cinq ans, les produits et les plus-values demeurant toutefois soumis aux prélèvements sociaux (17,2 %). Le même régime fiscal et social s'applique aux dividendes capitalisés sur le PEA-PME, sous la condition des cinq ans de détention (article 150-0 A du CGI).
II. LE DISPOSITIF PROPOSÉ : SIMPLIFIER ET ÉLARGIR L'ÉLIGIBILITÉ DES TITRES DES ENTREPRISES COTÉES AU PLAN D'ÉPARGNE EN ACTIONS DESTINÉ AU FINANCEMENT DES PETITES ET MOYENNES ENTREPRISES ET DES ENTREPRISES INTERMÉDIAIRES
À l'initiative du rapporteur et de Mme Vanina Paoli-Gagin, la commission a adopté deux amendements identiques COM-19 et COM-48 rectifié bis afin de modifier l'article L. 221-32-2 du CMF pour simplifier et élargir les conditions d'éligibilité des titres d'entreprises cotées au PEA-PME.
D'une part, il est précisé que le respect de ce seuil de capitalisation ne s'apprécie plus à l'instant t ou à la clôture d'un au moins des quatre exercices comptables précédant, mais, par simplification, à l'instant t ou à la clôture d'un au moins des quatre exercices calendaires précédant.
D'autre part, en lieu et place des deux critères d'éligibilité, un seul est retenu, celui de la capitalisation boursière, avec un plafond en outre relevé d'un à deux milliards d'euros. Ce seuil correspond notamment à celui retenu pour l'éligibilité des titres des entreprises aux fonds « Relance ».
Il s'agit d'abord d'une mesure de simplification, destinée à faciliter l'utilisation du PEA-PME, un produit d'épargne prometteur dans ses objectifs mais décevant dans son fonctionnement et dans sa collecte. Aujourd'hui en effet, l'éligibilité des titres des entreprises cotées repose sur un système d'auto-déclaration des entreprises, les intermédiaires proposant les PEA-PME cherchant en effet à limiter les risques qu'ils encourent à inclure des titres d'entreprises non éligibles. De fait, ce système déclaratif emporte avec lui un risque d'erreur et crée des contraintes supplémentaires pour les entreprises. Euronext estime ainsi qu'environ 200 entreprises sont manquantes26(*).
Relever le plafond de capitalisation boursière conduit ensuite à élargir l'assiette des titres éligibles, au bénéfice du financement en capital des entreprises et de la profondeur des fonds qui acquièrent ces titres, et dont les parts sont éligibles au PEA-PME. Le relèvement de ce seuil doit également permettre l'acquisition, par le biais du PEA-PME, de titres d'entreprises de la tech qui visent des capitalisations de plus d'un milliard d'euros à leur introduction en bourse (les « licornes »).
Cette mesure pourrait enfin avoir un effet d'entraînement sur l'ensemble des fonds. Les gérants d'actifs qui créent des produits pour soutenir les petites et les moyennes capitalisations retiennent généralement les mêmes critères que ceux utilisés pour déterminer l'éligibilité des titres des entreprises au PEA-PME pour construire l'actif de leurs fonds. Ils les distribuent ensuite dans les comptes-titres des PEA-PME mais aussi dans d'autres supports (comptes-titres ordinaires, unités de compte en assurance vie, épargne salariale et épargne retraite). Le relèvement leur donnerait une plus grande marge de manoeuvre et pourrait à terme leur permettre d'accroître les volumes d'investissement disponibles pour les entreprises. C'est particulièrement nécessaire dans un contexte où les acteurs entendus ou consultés par le rapporteur s'inquiètent d'un phénomène de décollecte sur les fonds disposant à leur actif de titres d'entreprises dont la capitalisation boursière est inférieure à deux milliards d'euros (- 8 milliards d'euros en cinq ans27(*)).
Décision de la commission : la commission des finances a adopté cet article.
ARTICLE 2 quater (nouveau)
Composition de l'actif des
fonds communs
de placement d'entreprise
Le présent article, introduit par l'amendement COM-21 du rapporteur, prévoit de rendre éligibles aux fonds communs de placement d'entreprise (FCPE) les titres d'entreprises cotées sur un marché de croissance.
La composition des FCPE, qui constituent l'un des instruments de placement de l'épargne salariale, est strictement encadrée. L'assouplissement proposé par la commission permettrait d'élargir l'horizon d'investissement de ces fonds, de préserver la rentabilité des investissements des salariés et de soutenir le financement des entreprises cotées sur ces marchés de croissance, c'est-à-dire principalement des petites et des moyennes entreprises.
La commission a adopté cet article.
I. LE DROIT EXISTANT : UN STRICT ENCADREMENT DES FONDS COMMUNS DE PLACEMENT D'ENTREPRISE, OUTIL DE PLACEMENT DE L'ÉPARGNE SALARIALE
Les fonds communs de placement d'entreprise (FCPE) sont une catégorie de fonds d'investissement alternatifs28(*) destinés à recueillir puis à placer les sommes déposées sur les plans d'épargne salariale dans les entreprises (articles L. 3332-15 du code du travail)29(*).
Les FCPE sont soumis à une gouvernance particulière : le conseil de surveillance, institué par le règlement du fonds, comprend au moins pour moitié des représentants des porteurs de parts, choisis parmi les salariés épargnants (article L. 214-164 du code monétaire et financier [CMF]). Ce conseil assure principalement deux missions : l'exercice des droits de vote attachés aux valeurs du fonds - mission qui peut être déléguée à la société de gestion constitutive du fonds - et l'examen de la gestion financière, administrative et comptable du fonds.
Aux termes de l'article L. 3332-17 du code du travail, l'actif d'un FCPE diversifié est composé :
- de valeurs mobilières admises aux négociations sur un marché règlementé (actions cotées) ;
- de liquidités, à titre accessoire ;
- de parts d'organismes de placement collectif en valeurs mobilières ou de placements collectifs tels que les fonds de capital investissement ou les organismes de placement collectif en immobilier.
Pour les FCPE diversifiés, les titres de l'entreprise qui a mis en place le dispositif d'épargne salariale ne peuvent pas représenter plus d'un tiers de leur actif. En revanche, pour les FCPE dits d'actionnariat salarié, les titres de l'entreprise doivent représenter au moins un tiers de leur actif.
Dans ce cas, lorsqu'un FCPE est investi en titres de l'entreprise et que celle-ci n'est pas cotée, l'actif du FCPE doit également être composé d'au moins un tiers de titres liquides. Deux exceptions sont néanmoins prévues :
- lorsqu'il est instauré un mécanisme garantissant la liquidité de ces valeurs ;
- lorsque l'entreprise s'est engagée à racheter, dans la limite de 10 % de son capital social, les titres non cotés détenus par le FCPE.
Au 30 juin 2023, selon les données de l'Association française de la gestion financière, 1 617 FCPE étaient dénombrés, pour 177,2 milliards d'euros d'actifs gérés30(*).
II. LE DISPOSITIF PROPOSÉ : ÉLARGIR LA COMPOSITION DE L'ACTIF DES FONDS COMMUNS DE PLACEMENT D'ENTREPRISE
À l'initiative du rapporteur, la commission a adopté l'amendement COM-21 afin de modifier l'article L. 3332-17 du code du travail pour assouplir la composition de l'actif des FCPE.
Il est ainsi proposé que les FCPE puissent acquérir des titres d'entreprises cotées sur les marchés de croissance, c'est-à-dire sur les marchés boursiers plutôt destinés aux entreprises de petites et moyennes capitalisations, souvent des petites et moyennes entreprises qui lèvent des capitaux pour financer leur croissance (1° du présent article). Cet assouplissement contribuerait à accroître la diversification des FCPE, au profit du financement des entreprises cotées sur ces marchés de croissance et sans remettre en cause les objectifs de rentabilité poursuivis par ces fonds, au bénéfice des salariés. Les titres cotés sur un marché de croissance peuvent en effet s'avérer plus rentables que ceux cotés sur le marché « premier » (Euronext Paris pour la France).
Le dispositif adopté par la commission prévoit également de rendre éligibles aux FCPE d'actionnariat salarié les titres d'entreprises cotées sur un marché de croissance, dans des conditions fixées par décret (2° du présent article). Concrètement, il serait ajouté une exception à l'obligation faite aux FCPE de disposer d'au moins un tiers de titres liquides lorsqu'ils sont investis en titres de l'entreprise : il serait dérogé à cette règle lorsque les FCPE seraient investis en titres de l'entreprise et que celle-ci serait cotée sur un marché de croissance.
Décision de la commission : la commission des finances a adopté cet article.
ARTICLE 2 quinquies (nouveau)
Assouplissement des
règles de souscription
en capital des entreprises solidaires
Le présent article, introduit par l'amendement COM-22 du rapporteur, vise à étendre et à sécuriser le champ des investissements des épargnants éligibles à la réduction d'impôt sur le revenu au titre des souscriptions en numéraire au capital des entreprises solidaires.
La réduction d'impôt sur le revenu est aujourd'hui accordée aux souscriptions au capital d'une entreprise agréée « entreprise solidaire d'utilité sociale » (ESUS) et exerçant à titre principal une activité dans le logement social ou dans la gestion de baux ruraux. Elle ne peut donc pas être accordée aux particuliers souscrivant au capital de sociétés acquérant des biens historiques ou naturels protégés, même si elles respectent les critères de qualification d'une ESUS (préservation du lien social, réduction des inégalités culturelles, promotion culturelle).
Le présent article prévoit donc que soient également éligibles à la réduction d'impôt sur le revenu les souscriptions des épargnants au capital des entreprises solidaires chargées d'une mission de sauvegarde du patrimoine.
La commission a adopté cet article.
I. LE DROIT EXISTANT : UNE INCITATION FISCALE À SOUTENIR LE FINANCEMENT EN CAPITAL DES ENTREPRISES SOLIDAIRES QUI EXCLUT CELLES CHARGÉES D'UNE MISSION PATRIMONIALE
A. LES ENTREPRISES CHARGÉES D'UNE MISSION PATRIMONIALE NE PEUVENT PAS ÊTRE AGRÉÉS EN TANT QU'ENTREPRISES SOLIDAIRES
L'article 1er de la loi du 31 juillet 2014 relative à l'économie sociale et solidaire31(*) liste trois critères cumulatifs aux termes desquels une personne morale de droit privé est considérée comme relevant de l'économie sociale et solidaire : elle poursuit un but « autre que le partage des bénéfices », elle dispose d'une gouvernance « démocratique » et elle respecte les deux principes de gestion suivants, à savoir des bénéfices majoritairement consacrés au développement de l'entreprise et des réserves qui ne peuvent pas être distribuées. L'économie sociale et solidaire est composée de coopératives et de mutuelles et de l'ensemble des sociétés dont l'activité correspond à la définition de l'économie sociale et solidaire et qui poursuivent une « utilité sociale ».
Aux termes de l'article 2 de la loi précitée du 31 juillet 2014, les entreprises ont une utilité sociale si elles vérifient au moins l'une des quatre conditions suivantes :
- elles apportent un soutien à des personnes en situation de fragilité ;
- elles contribuent au développement du lien social ou à la cohésion territoriale ;
- elles participent à l'éducation à la citoyenneté ;
- elles concourent « au développement durable, à la transition énergétique, à la promotion culturelle ou à la solidarité internationale », dès lors que leur activité contribue également à produire un impact soit par le soutien à des personnes vulnérables, soit par la création de solidarités territoriales, soit par la participation à l'éducation à la citoyenneté.
La définition des entreprises solidaires d'utilité sociale (ESUS) est reprise à l'article L.3332-17-1 du code du travail, qui précise la liste des entreprises pouvant prétendre à obtenir cet agrément, délivré par les directions régionales de l'économie, de l'emploi, du travail et des solidarités (Dreets).
Même si elles vérifient les critères mentionnés à l'article 1er de la loi relative à l'économie sociale et solidaire, les entreprises chargées de missions patrimoniales ne peuvent pas être agréées en tant qu'ESUS, au sens où elles ne sont pas incluses dans la liste prévue à l'article L. 3332-17-1 du code du travail. Toutefois, elles remplissent bien des missions liées à la « promotion culturelle », conformément à l'article 2 de la loi précitée, et contribuent à la création de « solidarités territoriales ».
B. LES PERSONNES QUI SOUSCRIVENT AU CAPITAL D'ENTREPRISES SOLIDAIRES CHARGÉES D'ACTIVITÉS IMMOBILIÈRES BÉNÉFICIENT D'UNE RÉDUCTION D'IMPÔT SUR LE REVENU
L'obtention de l'agrément d'ESUS est importante en ce qu'elle permet aux personnes qui souscrivent en numéraire au capital de ces entreprises de bénéficier d'une réduction d'impôt sur le revenu, conformément au 1° de l'article 199 terdecies-0 AA du code général des impôts (CGI). Cette réduction d'impôt sur le revenu est une déclinaison de la réduction d'impôt dite IR-PME, prévue à l'article 199 terdecies-0 A du CGI. Elle s'élève à 18 % des sommes investies chaque année, dans la limite d'un plafond de 50 000 euros pour une personne seule, le taux de la réduction d'impôt ayant été porté de manière dérogatoire et à l'initiative du Sénat à 25 % des sommes versées entre le 1er janvier 2024 et le 31 décembre 202532(*)
Ce dispositif fiscal incitatif vise à soutenir le financement en capital des entreprises à l'utilité sociale avérée. Il n'est pas ouvert aux ESUS chargées d'une activité immobilière ou de la construction d'immeubles, sauf si cette activité de gestion immobilière répond à une vocation sociale.
La réduction d'impôt sur le revenu ne peut donc pas non plus bénéficier aux ESUS chargée d'une mission patrimoniale, alors même qu'elles participent à la promotion culturelle et à la solidarité territoriale, dans un objectif de valorisation du patrimoine et des territoires. C'est d'ailleurs pour cette raison que le Sénat avait adopté le 31 janvier 2023, dans le cadre de l'examen de la proposition de loi tendant à renforcer la protection des épargnants, un dispositif visant à ouvrir le bénéfice de la réduction d'impôt prévue à l'article 199 terdecies-0 AA du CGI aux souscriptions en numéraire au capital des ESUS chargées d'une mission patrimoniale.
II. LE DISPOSITIF PROPOSÉ : SOUTENIR LE FINANCEMENT DES ENTREPRISES CHARGÉES D'UNE MISSION PATRIMONIALE
À l'initiative du rapporteur, la commission a adopté l'amendement COM-22 afin d'étendre le champ des investissements des épargnants éligibles à la réduction d'impôt sur le revenu au titre de la souscription en numéraire au capital d'entreprises solidaires d'utilité sociale chargées d'une mission patrimoniale. L'objectif est d'accroître le financement de ces entreprises.
Le I du présent article complète le champ des entreprises poursuivant une utilité sociale au sens de l'article 2 de la loi du 31 juillet 2014 relative à l'économie sociale et solidaire en y incluant les entreprises participant à la préservation et à la mise en valeur des monuments et des sites, parcs et jardins protégés.
Le II du présent article modifie le 1° de l'article 199 terdecies-0 AA du code général des impôts afin d'étendre aux personnes qui souscrivent au capital des entreprises solidaires chargées d'une mission patrimoniale le bénéfice de la réduction d'impôt sur le revenu de 18 % de la souscription33(*), portée temporairement à 25 %. Seules seraient éligibles les souscriptions au capital d'ESUS agréées par le ministère de la culture.
Décision de la commission : la commission des finances a adopté cet article.
ARTICLE 3
Assouplissement des conditions des
augmentations
de capital sans droit préférentiel de
souscription
L'examen de cet article a été délégué au fond à la commission des lois34(*).
À l'initiative de son rapporteur Louis Vogel, la commission des lois a adopté un amendement rédactionnel ( COM-61) ainsi que deux amendements visant à :
- mettre en cohérence les modalités de calcul du quorum et de la majorité requise au conseil d'administration dans le cadre du vote relatif à la désignation des personnes bénéficiant d'une augmentation de capital ( COM-59) ;
- prévoir la consultation de l'Autorité des marchés financiers pour l'édiction du décret relatif aux modalités du prix des actions émises dans le cadre d'augmentations de capital réservées à une ou plusieurs personnes désignées ( COM-60).
Décision de la commission : la commission des finances a adopté cet article ainsi modifié.
ARTICLE 4
Extension aux sociétés de
gestion de portefeuille de
la possibilité de transmettre des
documents ou
renseignements à des autorités de supervision
étrangères
Le présent article prévoit d'autoriser les sociétés de gestion de portefeuille françaises à transmettre des informations aux autorités de supervision étrangères. Il s'agit donc d'une dérogation à l'article 1er bis de la loi dite « de blocage », qui interdit par principe la transmission de ces informations.
La commission relève toutefois que de telles dérogations sont prévues pour les infrastructures de marché, les établissements de crédit et les entreprises d'investissement. De plus, la mise en oeuvre de cette dérogation est strictement encadrée : elle doit s'inscrire dans le cadre d'un accord de coopération entre l'Autorité des marchés financiers et son homologue étrangère pour encadrer les informations demandées ; elle est conditionnée au respect du principe de réciprocité ; et elle est conditionnée au respect, par les autorités de supervision étrangères, du secret professionnel dans un cadre législatif offrant des garanties équivalentes à celles applicables en France.
La levée de cet obstacle doit permettre de répondre à une situation bien précise : le refus par l'autorité de supervision américaine, la Securities and Exchange Commission (SEC), d'agréer les sociétés de gestion de portefeuille françaises en tant qu'investment adviser, les privant ainsi de l'accès au plus grand marché mondial de la gestion d'actifs pour le compte de tiers.
Si la commission a approuvé cette modification, elle a aussi relevé qu'elle ne visait pas à accroître le financement des entreprises françaises et l'attractivité financière de la place de Paris, objectifs pourtant affichés par la proposition de loi, mais plutôt à faciliter le développement d'acteurs financiers français à l'étranger.
La commission a adopté cet article sans modification.
I. LE DROIT EXISTANT : L'INTERDICTION FAITE AUX ACTEURS FINANCIERS DE TRANSMETTRE DES INFORMATIONS AUX AUTORITÉS ÉTRANGÈRES, SAUF DÉROGATION
Le législateur a strictement encadré les conditions dans lesquelles les acteurs publics et privés peuvent transmettre des informations, des documents et des données aux autorités étrangères, y compris aux autorités de supervision.
Le cadre général est défini par la loi du 26 juillet 1968 relative à la communication des documents et renseignements d'ordre économique, commercial, industriel, financier ou technique à des personnes physiques ou morales étrangères35(*), dite « loi de blocage ».
A. UNE INTERDICTION DE TRANSMETTRE DES INFORMATIONS QUI ACCEPTE DES DÉROGATIONS
1. Un principe, l'interdiction de transmettre des informations
Sous réserve des traités ou des accords internationaux, l'article 1er de la loi de blocage interdit à « toute personne physique de nationalité française ou résidant habituellement sur le territoire français et à tout dirigeant, représentant, agent ou préposé d'une personne morale y ayant son siège ou un établissement de communiquer par écrit, oralement ou sous toute autre forme, en quelque lieu que ce soit, à des autorités publiques étrangères, les documents ou les renseignements d'ordre économique, commercial, industriel, financier ou technique dont la communication est de nature à porter atteinte à la souveraineté, à la sécurité, aux intérêts économiques essentiels de la France ou à l'ordre public », ces documents et renseignements étant précisés par l'autorité administrative en tant que de besoin. Il s'agit donc d'une interdiction de portée générale, destinée à protéger la souveraineté et les intérêts économiques de la France.
De manière complémentaire, l'article 1er bis de ladite loi prévoit une interdiction similaire pour ce qui concerne la communication de documents et de renseignements aux autorités de supervision étrangère. Ainsi, « il est interdit à toute personne de demander, de rechercher ou de communiquer, par écrit, oralement ou sous toute autre forme, des documents ou renseignements d'ordre économique, commercial, industriel, financier ou technique tendant à la constitution de preuves en vue de procédures judiciaires ou administratives étrangères ou dans le cadre de celles-ci. » Cette interdiction s'applique sous réserve des traités ou des accords internationaux, mais aussi sous réserve des lois et des règlements, ce qui lui confère une portée moins absolue que l'interdiction établie à l'article 1er. Des dérogations peuvent donc être prévues par le législateur.
De surcroît, la loi de blocage a vocation à agir comme une loi d'aiguillage : saisie d'une demande d'information, de document ou de renseignement de la part d'une autorité étrangère, la personne concernée doit en référer aux autorités nationales36(*) - l'objectif étant d'éviter un contournement des modalités traditionnelles de coopération internationale. L'article 2 impose ainsi à toutes les personnes visées aux articles 1er et 1er bis de prévenir sans délai le ministre compétent lorsqu'elles se trouvent saisies d'une demande de communication. Sous réserve de peines plus lourdes prévues dans la loi, toute infraction aux interdictions de communication est passible d'une peine d'emprisonnement de six mois et d'une amende de 18 000 euros (article 3).
2. Des dérogations, y compris pour les acteurs financiers
Outre une appréciation au cas par cas des demandes adressées par les autorités étrangères aux personnes physiques et morales résidant ou établies en France, qui vaut pour les documents et les renseignements visés à l'article 1er comme à l'article 1er bis, le législateur a prévu la possibilité de déroger à l'interdiction visée à l'article 1er bis de la loi de blocage, y compris pour les acteurs financiers et pour leurs superviseurs.
L'article L. 632-7 du code monétaire et financier (CMF) dispose ainsi que, par dérogation aux dispositions de la loi de blocage, l'Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR) et l'Autorité des marchés financiers (AMF) peuvent conclure, avec des autorités homologues d'un État non membre de l'Union européenne et non partie à l'Espace économique européen, un accord de coopération prévoyant des échanges d'informations.
Aux termes de l'article L. 632-17 du CMF, les infrastructures de marché37(*) disposent elles aussi de l'autorisation de communiquer à leurs homologues étrangers ainsi qu'aux autorités homologues de l'Autorité des marchés financiers (AMF) et l'Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR) « les informations nécessaires à l'accomplissement de leurs missions, y compris les missions couvertes par le secret professionnel, à condition que ces organismes homologues soient eux-mêmes soumis au secret professionnel dans un cadre législatif offrant des garanties équivalentes à celles applicables en France et sous réserve de réciprocité. »
Lorsque l'échange d'informations a lieu entre les infrastructures de marché et les autorités de supervision étrangères homologues de l'AMF et de l'ACPR, il doit s'effectuer dans les conditions prévues par l'accord de coopération visé à l'article L. 632-7 du CMF.
L'article 84 de la loi du 22 mai 2019 relative à la croissance et à la transformation des entreprises (loi Pacte)38(*) a modifié l'article L. 632-17 du CMF et élargi ses dispositions aux établissements de crédit et aux entreprises d'investissement soumis au contrôle de l'AMF et de l'ACPR. Comme pour les infrastructures de marché, la levée de l'interdiction de transmettre des documents et des renseignements est conditionnée au respect de trois critères :
- l'existence d'un accord de coopération avec l'ACPR ou l'AMF ;
- un principe de réciprocité ;
- les autorités homologues de l'ACPR et de l'AMF sont elles-mêmes soumises au secret professionnel dans un cadre législatif offrant des garanties équivalentes.
B. DES DÉROGATIONS QUI EXCLUENT LES SOCIÉTÉS DE GESTION DE PORTEFEUILLE
Les modifications apportées par le législateur dans le cadre de la loi Pacte n'ont pas conduit à octroyer aux sociétés de gestion de portefeuille la possibilité de pouvoir transmettre des informations aux autorités étrangères, y compris aux autorités de supervision. Il pourrait s'agir d'un défaut de coordination : en effet, jusqu'au 3 janvier 2018, soit quelques mois à peine avant le début de l'examen du projet de loi Pacte, les sociétés de gestion de portefeuille étaient encore intégrées dans la définition des entreprises d'investissement39(*).
Les informations communiquées au rapporteur indiquent que l'absence de dérogation s'est traduite par le refus de l'autorité de supervision américaine, la Securities and Exchange Commission (SEC), d'agréer une dizaine de sociétés de gestion de portefeuille françaises, qui avaient pourtant reçu un mandat de gestion de la part de clients américains. La SEC a en effet récemment durci les conditions posées à l'agrément d'acteurs étrangers en tant qu'investment adviser, en exigeant qu'ils donnent à la SEC un accès à leurs livres et registres comptables, accès que ne peuvent leur garantir les sociétés de gestion de portefeuille française au regard de l'article 1er bis de la loi de blocage. Elles sont donc dans l'incapacité de compléter leur demande d'agrément.
Si les exemples transmis au rapporteur concernent tous le marché américain, il ne peut être exclu que cette situation se reproduise sur d'autres marchés tiers à l'Union européenne ou à l'Espace économique européen.
II. LE DISPOSITIF PROPOSÉ : AUTORISER LES SOCIÉTÉS DE GESTION DE PORTEFEUILLE À TRANSMETTRE DES INFORMATIONS AUX AUTORITÉS DE SUPERVISION ÉTRANGÈRES
Le 1° du présent article modifie le II de l'article L. 632-17 du code monétaire et financier afin de remplacer les entreprises d'investissement par les prestataires de services d'investissement.
De fait, cette modification conduit à étendre aux sociétés de gestion de portefeuille la possibilité de déroger aux dispositions de la loi de blocage et donc de transmettre des informations aux autorités de supervision étrangères. En effet, aux termes de l'article L. 531-1 du CMF, les prestataires de services d'investissement désignent les entreprises d'investissement, les sociétés de gestion de portefeuille et les établissements de crédit qui ont reçu un agrément pour fournir des services d'investissement.
Le 2 ° du présent article procède à une coordination.
III. LES MODIFICATIONS APPORTÉES PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE
Le présent article n'a pas été modifié par l'Assemblée nationale.
IV. LA POSITION DE LA COMMISSION DES FINANCES : LEVER UNE BARRIÈRE À L'ENTRÉE DES GESTIONNAIRES D'ACTIFS FRANÇAIS SUR LES MARCHÉS TIERS
La commission estime que la mesure proposée par le présent article est nécessaire et souhaitable pour soutenir le développement des acteurs français de la gestion financière. Elle relève toutefois que cette mesure s'inscrit à contre-courant des autres dispositions de la proposition de loi et des objectifs affichés par cette dernière. En effet, comme d'ailleurs l'article 5, le présent article ne vise pas à accroître le financement des entreprises françaises ou l'attractivité financière de la place de Paris, mais à faciliter le développement des acteurs financiers français à l'étranger. L'évolution proposée est donc positive, mais elle doit être appréciée au regard des véritables buts qui sont poursuivis par sa mise en oeuvre.
Le marché américain se révélant déjà difficile d'accès pour les acteurs français de la gestion collective, il revient au législateur de lever les obstacles qui peuvent l'être au niveau juridique, lorsque ces barrières ne répondent plus à des motifs d'intérêt supérieur ou n'ont pas démontré leur efficacité.
Le rapporteur a ainsi conduit une triple analyse de la mesure proposée au présent article :
- les effets ou conséquences dommageables de la mise en place de cet obstacle (l'interdiction de transmettre des informations) sont-ils caractérisés ? En l'espèce oui, puisque des sociétés de gestion de portefeuille françaises se sont vues refuser l'accès au marché américain, faute de pouvoir transmettre certaines informations à l'autorité de supervision américaine. En pratique, les informations demandées concernent les conventions signées avec les clients, la documentation commerciale, les procédures déontologiques, les calculs de performance, les éventuelles contributions faites par la société à des donneurs d'ordres publiques, les inventaires de portefeuille et les flux d'ordre, les politiques de vote ou encore les registres comptables40(*) ;
- les raisons ou motifs qui ont justifié la mise en place de cet obstacle existent-ils toujours et l'emportent-ils sur les inconvénients qu'il génère ? La protection des intérêts économiques français est un impératif majeur, qui participe de la défense de la souveraineté. Toutefois, des dérogations à l'article 1er bis ont été prévues pour d'autres acteurs financiers, sans que leur mise en oeuvre n'ait soulevé de difficultés jusqu'ici ; les informations ne pouvant être transmises qu'aux autorités de supervision. En effet, les dispositions de l'article 1er de la loi de blocage, relatives à l'interdiction de communiquer des documents ou des renseignements portant atteinte à la souveraineté, à la sécurité, aux intérêts économiques essentiels de la France ou à l'ordre public continuent de s'appliquer. À l'inverse, certaines sociétés de gestion ne peuvent pas accéder au marché américain, qui représente pourtant près de 50 % du marché mondial de la gestion pour le compte de tiers. Il s'agit en outre d'une spécificité française ;
- des garanties suffisantes sont-elles prévues ? Oui, et ce sont les mêmes que celles mises en place pour les infrastructures de marché, les établissements de crédit et les entreprises d'investissement. Trois conditions sont prévues : l'existence d'un accord de coopération avec l'AMF et l'ACPR, le principe de réciprocité et la protection du secret professionnel dans un cadre législatif offrant des garanties équivalentes à celles applicables en France. L'accord de coopération permet notamment d'encadrer les types de documents qui peuvent être demandés par une autorité de supervision d'un pays tiers aux acteurs financiers français concernés. Un tel accord a par exemple été signé par l'AMF et la SEC au mois de juillet 2021 pour les entreprises d'investissement, afin d'encadrer les demandes d'informations de la SEC aux entités françaises.
Au regard de l'ensemble de ces observations, la commission a approuvé la dérogation apportée par le présent article à l'article 1er bis de la loi de blocage.
Décision de la commission : la commission des finances a adopté cet article sans modification.
ARTICLE 5
Assouplissement des règles relatives
à la commercialisation
de produits proposés sur des
marchés tiers
Le présent article propose une refonte des règles relatives à la sollicitation du public en vue de la réalisation d'opérations sur un marché étranger, c'est-à-dire sur un marché d'un État non partie à l'Espace économique européen. La sollicitation de clients non professionnels pour la réalisation d'opérations sur un marché étranger est aujourd'hui interdite, sauf si le marché a été reconnu dans des conditions fixées par décret et sous réserve de réciprocité. Cette interdiction s'applique même aux opérateurs agréés en France.
Le présent article apporte une double modification à cette interdiction : d'une part, il interdit non plus la sollicitation mais la communication promotionnelle auprès des investisseurs non professionnels établis ou résidant en France ; d'autre part, il prévoit que cette interdiction ne s'applique plus à tous les opérateurs mais aux seuls opérateurs de marchés étrangers, lorsque ces derniers n'ont pas été reconnus. Concrètement, cela signifie qu'un prestataire de services d'investissement agréé en France pourra adresser une communication promotionnelle aux clients non professionnels pour la réalisation d'opérations sur un marché étranger, même si ce dernier n'a pas été reconnu. Pour les prestataires agréés sur un marché tiers, ce dernier devra avoir été reconnu.
La commission s'est intéressée aux conséquences de cet assouplissement pour la protection des investisseurs. Le risque d'un affaiblissement de cette protection apparaît limité. Alors que des produits financiers de marchés étrangers sont déjà commercialisés sur Internet, il apparaît préférable que les prestataires qui les proposent soient agréés et supervisés en France, ce qui apporte des garanties supplémentaires sur leur niveau de supervision. En outre, le présent article ne remet pas en cause l'application des règles nationales et européennes relatives à la commercialisation des produits (transparence des informations, adéquation du produit au client, interdiction de commercialiser certains produits).
Si la commission a donc approuvé cette modification, elle a aussi relevé que le présent article, à l'instar de l'article 4, ne visait pas à accroître le financement des entreprises françaises et l'attractivité financière de la place de Paris, objectifs pourtant affichés par la proposition de loi, mais plutôt à faciliter la promotion de produits financiers de marchés tiers.
La commission a adopté cet article sans modification.
I. LE DROIT EXISTANT : LA RECONNAISSANCE DU MARCHÉ TIERS, CONDITION PRÉALABLE À LA SOLLICITATION DU PUBLIC FRANÇAIS
La commercialisation auprès d'investisseurs non-professionnels de produits financiers sur des marchés tiers à un État membre de l'Union européenne ou à un État partie à l'Espace économique européen fait l'objet d'un encadrement spécifique en droit français.
Ainsi, aux termes de l'article L. 423-1 du code monétaire et financier (CMF), il est interdit de solliciter le public, sous quelque forme que ce soit et par quelque moyen que ce soit, directement ou indirectement, pour la réalisation d'opérations sur un marché étranger de titres financiers, de contrats à terme négociables et de tous produits financiers. Une exception est prévue : lorsque le marché a été reconnu dans des conditions fixées par décret et sous réserve de réciprocité.
Le législateur a donc prévu une double condition : la reconnaissance du marché et la réciprocité. Concrètement, cela signifie que tout opérateur proposant des produits financiers sur un marché tiers, même s'il a été agréé en France ou dans un État partie à l'Espace économique européen, ne peut pas solliciter le public, c'est-à-dire les clients non professionnels, si le marché n'a pas été reconnu.
Les conditions de reconnaissance d'un marché étranger
Les articles D. 423-1 à D. 423-3 du CMF définissent le cadre relatif à la reconnaissance des marchés étrangers :
- un marché étranger de valeurs mobilières, de contrats à terme ou de tous produits financiers ne peut être reconnu que lorsque les règles de protection des investisseurs, de sécurité, de surveillance et de contrôle de ce marché sont équivalentes à celles qui existent sur les marchés placés sous l'autorité de l'Autorité des marchés financiers (AMF) et à condition que les personnes autorisées à intervenir sur ces marchés et les produits qui peuvent y faire l'objet de transactions bénéficient d'un traitement équivalent dans le pays concerné ;
- la liste des marchés reconnus est arrêtée par le ministre chargée de l'économie, après avis de l'AMF ;
- les personnes domiciliées ou ayant leur siège social hors du territoire français sont autorisées à solliciter le public en France en vue d'opérations sur un marché étranger reconnu de valeurs mobilières, de contrats à terme ou de tous produits financiers, lorsqu'elles ont été agréées par l'autorité de contrôle compétente dans leur pays d'origine et après que les autorités compétentes françaises se sont assurées que les règles de compétence, d'honorabilité et de solvabilité auxquelles sont soumises ces personnes sont équivalentes à celles qui sont applicables en France.
Ces dispositions ont été précisées et complétées par une instruction de l'AMF relative à la procédure de reconnaissance des marchés étrangers, applicable depuis le mois d'avril 2019 dans sa dernière version. L'AMF examine notamment les éléments de comparaison entre l'organisation et les dispositifs du marché étranger et le cadre européen applicable et regarde :
- si le marché étranger est soumis à un agrément, à une surveillance effective ainsi qu'à un contrôle de manière continue dans son pays d'origine ;
- si le marché étranger dispose de règles claires et transparentes concernant l'admission d'instruments financiers à la négociation ;
- si les émetteurs d'instruments financiers sont soumis à des obligations d'information périodiques et continues assurant un haut niveau de protection des investisseurs ;
- et si la transparence et l'intégrité du marché étranger sont garanties par une prévention effective des abus de marché.
Source : articles D. 423-1 à D. 423-3 du code monétaire et financier, instruction de l'Autorité des marchés financiers, DOC-2019-05, Procédure de reconnaissance des marchés étrangers
La condition de réciprocité ne dépend pas du marché lui-même mais de l'État dans lequel il est situé, suscitant des difficultés d'application. La direction générale du Trésor a ainsi indiqué au rapporteur qu'en pratique, il était complexe de définir ce qui constituait véritablement une réciprocité d'une mesure de reconnaissance de marché, en particulier lorsque le pays concerné ne prévoit pas un tel système de reconnaissance.
L'objectif initial de l'article L. 423-1 du CMF, introduit en 1987, était de prévenir la commercialisation de produits venant de marchés étrangers dans un contexte où la règlementation européenne en matière financière était encore lacunaire. Le problème ne se pose plus dans les mêmes termes aujourd'hui : le corpus juridique européen dans les domaines bancaire et financier est très développé et la dématérialisation a conduit à rendre beaucoup plus accessibles les produits financiers, y compris ceux vendus sur des marchés étrangers.
II. LE DISPOSITIF PROPOSÉ : UNE REFONTE DES RÈGLES DE SOLLICITATION DU PUBLIC POUR MENER DES OPÉRATIONS FINANCIÈRES SUR DES MARCHÉS ÉTRANGERS
Le présent article procède à une réécriture de l'article L. 423-1 du code monétaire et financier (CMF) afin d'interdire à tout opérateur de marché d'un État qui n'est pas partie à l'Espace économique européen d'adresser une communication promotionnelle, sous quelque forme et par quelque moyen que ce soit, directement ou indirectement, aux investisseurs non professionnels établis ou résidant en France afin de les inciter à devenir membres ou clients de ce marché, à agir directement sur celui-ci ou à conclure des transactions portant sur des instruments financiers, sauf lorsque ledit marché a été reconnu dans des conditions définies par décret.
L'interdiction ne porte donc plus sur la sollicitation du public par des opérateurs agissant sur des marchés tiers, mais sur la communication promotionnelle à destination des clients non professionnels par des opérateurs de marchés tiers. Elle est donc plus restreinte et s'accompagne en parallèle de la suppression de la condition de réciprocité. Les informations obtenues par le rapporteur indiquent que la réciprocité pourrait toutefois être prise en compte au niveau du règlement général de l'AMF ou de ses instructions, comme un élément à prendre en compte pour décider si un marché doit bénéficier d'une reconnaissance.
III. DES MODIFICATIONS RÉDACTIONNELLES APPORTÉES PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE
La commission des finances de l'Assemblée nationale a adopté quatre amendements rédactionnels présentés par le rapporteur, Alexandre Holroyd. En séance publique, aucune modification n'a été apportée au présent article.
IV. LA POSITION DE LA COMMISSION DES FINANCES : UNE SIMPLIFICATION QUI N'A QU'UN LIEN TÉNU AVEC LES OBJECTIFS AFFICHÉS PAR LA PROPOSITION DE LOI
À l'instar de ce que la commission a relevé dans le cadre de l'examen de l'article 4, le présent article ne répond pas directement aux objectifs affichés par la proposition de loi, à savoir accroître le financement des entreprises et l'attractivité financière de la France. Il s'agit en effet de faciliter la promotion de produits financiers de marchés tiers, ce qui n'a donc qu'un intérêt limité pour les entreprises installées en France ou pour la place de Paris.
Il convient de distinguer les deux modifications apportées par le présent article :
- d'une part, ce n'est plus la sollicitation du public pour acquérir des produits financiers ou pour conclure des transactions financières sur des marchés étrangers qui est prohibée, mais tout simplement la communication promotionnelle ;
- d'autre part, l'interdiction ne s'applique plus aux opérateurs de marché agissant sur le marché étranger mais aux opérateurs de ce marché étranger. Cette distinction est très importante : contrairement au dispositif en vigueur aujourd'hui, cela signifie que les opérateurs agréés en France ou dans un État partie à l'Espace économique européen et proposant des produits financiers sur un marché étranger pourront adresser une communication promotionnelle aux clients non professionnels résidant en France. Ne sont concernés par l'interdiction d'adresser une communication promotionnelle au public que les opérateurs de marché de pays non parties à l'accord sur l'Espace économique européen, lorsque ce marché n'a pas été reconnu.
Au cours de ses travaux, le rapporteur s'est penché sur les conséquences de cette évolution pour la protection des investisseurs particuliers. Ainsi que cela a été rappelé, la prohibition de la sollicitation du public visait initialement à protéger les clients non professionnels de produits potentiellement plus risqués ou dérégulés. Le cadre règlementaire, notamment au niveau européen, a toutefois profondément évolué depuis la fin des années 1980, avec un encadrement croissant des produits financiers et de leurs conditions de commercialisation.
L'auteur de la proposition de loi, le député Alexandre Holroyd, explique tout d'abord que le dispositif actuel - interdiction de solliciter le public même pour les opérateurs agréés en France lorsqu'ils opèrent sur un marché étranger non reconnu et sans respect du principe de réciprocité - est une barrière spécifique à la France. La direction générale du Trésor et l'AMF ont confirmé qu'aucun pays européen ni les États-Unis ne prévoyait à leur connaissance une telle interdiction, dans de telles conditions. Les États-Unis ou l'Allemagne ont mis en place des dispositifs de reconnaissance de marchés étrangers, mais pas une interdiction de sollicitation dans des termes aussi stricts que celle en vigueur en France.
Toutefois, le fait que ce cadre constitue une barrière spécifique à la France est secondaire : une barrière peut se justifier si elle est proportionnée et adaptée à l'objectif supérieur poursuivi par sa mise en oeuvre.
Or, il convient de constater que les produits vendus sur les marchés étrangers sont désormais de plus en plus accessibles, surtout sur Internet. Les particuliers peuvent accéder à une très large gamme de produits ainsi qu'à des prestataires de services d'investissement qui proposent et promeuvent des produits de pays tiers. Autoriser les opérateurs agréés en France à promouvoir ces produits auprès des clients non professionnels permet de s'assurer qu'au moins une partie de ces produits sera proposée et vendue par des opérateurs agréés en France et soumis à la supervision exigeante de l'AMF.
Il s'agit donc avant tout d'un principe de réalité : aujourd'hui, de tels produits sont vendus, autant qu'ils le soient par des opérateurs régulés en France. L'Association française de gestion financière estime par ailleurs que lever cette barrière spécifique à la France pourrait favoriser l'installation de plateformes de distribution de produits de marchés tiers sur le territoire, qui seraient donc agréés en France et supervisés par l'AMF41(*). Actuellement, ces plateformes sont réticentes à s'installer en France puisqu'elles ne peuvent pas y proposer toute la gamme de leurs produits si le marché n'est pas reconnu et si la condition de réciprocité pas respectée.
Se pose donc également un sujet concurrentiel : il est paradoxal qu'un opérateur agréé en France ne puisse pas promouvoir les produits d'un marché tiers alors qu'un opérateur agréé dans un pays de l'Union européenne le peut depuis son pays d'implantation, du fait du régime de la libre prestation de services.
Par ailleurs, s'agissant de la promotion de produits potentiellement dangereux, le rapporteur a obtenu la confirmation de la part de la direction générale du Trésor et de l'AMF que les règles nationales et européennes relatives à la commercialisation des produits s'appliquent pour les opérations sur un marché étranger. Ces règles concernent tant :
- les informations transmises par les opérateurs - qui doivent être correctes, claires et non trompeuses pour tout type de produit ;
- le conseil et la commercialisation - les opérateurs doivent s'assurer que le produit proposé est en adéquation avec les objectifs d'investissement du client, que ce dernier est en mesure de faire face à tout risque lié à l'investissement et qu'il possède l'expérience et les connaissances nécessaires pour comprendre les risques inhérents à la transaction. De même, l'assouplissement proposé par le présent article ne remet pas en cause l'interdiction de communication promotionnelle des produits d'investissement jugés dangereux au sens de l'article L. 533-12-7 du CMF42(*) ainsi que la possibilité pour l'AMF de suspendre la commercialisation ou la vente d'instruments financiers présentant un risque avéré et documenté43(*), prévue à l'article L. 621-13-7 du même code ;
- la nature même des produits et opérations proposés. Par exemple, la promotion de produits de pays tiers ne peut concerner des produits pour lesquels les règles européennes exigent une autorisation de superviseurs européens. Ainsi, la commercialisation de parts de fonds d'investissement est conditionnée à la présence substantielle de la société de gestion dans l'un des États membres.
Enfin, entre les conditions de commercialisation et l'appétence pour ces produits, ce sont principalement les clients non professionnels les plus spécialisés et les plus aisés qui sont concernés par l'assouplissement des règles de communication promotionnelle des produits et des opérations sur des marchés tiers. De la même façon, le risque de « fuite de l'épargne » vers les marchés tiers apparaît très limité : les demandes de reconnaissance de marchés étrangers sont peu nombreuses et les offres développées par les prestataires de services d'investissement limitées - ces offres présentant des coûts (coûts opérationnels, frais de change) et des exigences particulières (niveau de connaissance des clients).
La commission a conclu de ces éléments d'analyse que le risque d'amoindrir la protection des investisseurs particuliers était faible, voire moindre qu'aujourd'hui si cela conduit à ce que les produits sur marché tiers soient promus et commercialisés par des opérateurs supervisés en France.
Décision de la commission : la commission des finances a adopté cet article sans modification.
ARTICLE 5 bis (nouveau)
Démarchage bancaire et
financier
pour les plans d'épargne retraite d'entreprise
Le présent article prévoit d'étendre l'autorisation de démarchage bancaire et financier aux entreprises qui proposent des plans d'épargne retraite d'entreprise, qu'il s'agisse de plans collectifs ou obligatoires, ainsi qu'aux personnes qu'elles mandatent à cette fin.
En effet, une telle autorisation était prévue pour les plans d'épargne pour la retraite collectifs (PERCO), absorbés depuis la loi Pacte dans les plans d'épargne retraite (PER) créés à cette occasion. Le PER d'entreprise collectif (PERECO) prend ainsi le relais du PERCO, fermé à la commercialisation depuis le 1er octobre 2020 C'est pourquoi le présent article vise à appliquer l'autorisation de démarchage bancaire et financier aux entreprises qui proposent désormais des PERECO.
L'extension aux plans d'épargne retraite d'entreprise obligatoires (PERO) n'est en revanche pas intuitive : ces plans étant par nature obligatoires, un démarchage ne semble pas justifié. Au demeurant, les contrats « article 83 » auxquels succèdent les PERO n'étaient pas inclus dans le périmètre de l'autorisation de démarchage bancaire et financier des entreprises qui en proposaient. Dès lors, le rapporteur a proposé un amendement COM-23 tendant à exclure les PERO du périmètre.
La commission des finances a adopté cet article ainsi modifié.
I. LE DROIT EXISTANT : LES ENTREPRISES PEUVENT MENER DES OPÉRATIONS DE DÉMARCHAGE BANCAIRE ET FINANCIER DANS LE CADRE DES DISPOSITIFS D'INTÉRESSEMENT, DE PARTICIPATION ET D'ÉPARGNE SALARIALE QU'ELLES PROPOSENT
L'article L. 341-3 du code monétaire et financier (CMF) détermine la liste des personnes autorisées à recourir ou à se livrer à l'activité de démarchage bancaire et financier.
En particulier, il autorise cette activité de démarchage aux entreprises dans le cadre des dispositifs d'intéressement, de participation et d'épargne salariale qu'elles proposent ainsi qu'aux personnes qu'elles mandatent en ce sens. Les dispositifs d'épargne salariale visés couvrent le plan d'épargne d'entreprise, le plan d'épargne interentreprise, ainsi que le plan d'épargne pour la retraite collectif (PERCO).
Or, dans le cadre de la mise en place des plans d'épargne retraite (PER) par la loi « Pacte »44(*), qui absorbe les anciens produits d'épargne retraite, le PERCO est fermé à la commercialisation depuis le 1er octobre 2020. Pour les titulaires de ces plans, il est toutefois encore possible d'y effectuer des versements. C'est, dans les faits, le plan d'épargne retraite d'entreprise collectif (PERECO), prévu aux articles L. 224-13 à L. 224-22 du CMF, qui prend le relai du PERCO. Le plan d'épargne retraite obligatoire (PERO), prévu aux articles L. 224-23 à L. 224-26 du CMF, s'inscrit davantage dans la continuité des contrats dits « article 83 ».
Pourtant, lors de l'adoption de la loi PACTE et des dispositions associées - notamment l'ordonnance n° 2019-766 du 24 juillet 2019 portant réforme de l'épargne retraite - il n'a pas été procédé à la coordination des dispositions relatives au démarchage bancaire concernant les PERCO avec les nouveaux dispositifs d'épargne retraite.
II. LE DISPOSITIF ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE : L'EXTENSION DE L'AUTORISATION DE DÉMARCHAGE POUR LES ENTREPRISES PROPOSANT DES PLANS D'ÉPARGNE RETRAITE D'ENTREPRISE COLLECTIFS ET OBLIGATOIRES
Le présent article, issu d'un amendement déposé par la députée Véronique Louwagie (Les Républicains), vise à autoriser le démarchage bancaire et financier aux entreprises dans le cadre des plans d'épargne retraite d'entreprise - qu'il s'agisse des plans d'épargne retraite d'entreprise collectifs ou des plans d'épargne retraite obligatoires - qu'elles proposent, ainsi qu'aux personnes qu'elles mandatent à cette fin.
III. LA POSITION DE LA COMMISSION DES FINANCES : UNE LIMITATION AUX SEULS PLANS D'ÉPARGNE RETRAITE D'ENTREPRISE COLLECTIFS
L'harmonisation des autorisations de démarchage bancaire et financier entre les entreprises proposant un PERCO et celles proposant un PERECO est bienvenue : on pouvait en effet s'interroger sur la légitimité d'une différence de traitement entre ces deux dispositifs alors que l'un a pour vocation de prendre la suite de l'autre.
Toutefois, il semble de peu d'intérêt d'étendre cette autorisation aux PERO. D'une part, le démarchage n'est actuellement pas ouvert aux entreprises proposant des contrats de retraite « article 83 », qui constituent l'ancienne version des PERO. D'autre part, du fait de leur caractère obligatoire, ouvrir la possibilité d'un démarchage aux entreprises qui le proposent ne semble présenter que peu d'intérêt. En effet, lorsqu'une personne fait partie de la catégorie de salariés auxquels l'employeur a réservé le droit de souscrire un PERO, elle doit obligatoirement souscrire ce plan. Il est à noter que, dans ces conditions, l'entreprise doit informer les salariés éligibles au PERO du caractère obligatoire de leur adhésion au plan.
Dès lors, au regard de ces observations, la commission a adopté un amendement du rapporteur COM-23 visant à limiter cette autorisation de démarchage aux entreprises proposant des PERECO.
Décision de la commission : la commission des finances a adopté cet article ainsi modifié.
ARTICLE 6
Définition des titres
transférables
Le présent article définit les titres transférables, utilisés dans le cadre du commerce international par les entreprises. Un titre transférable est un document donnant à son porteur le droit d'exiger l'exécution d'une obligation qui y est spécifiée et de transférer ce droit par la vente ou la cession du document.
L'article délimite le champ des titres transférables (lettres de change, billets à ordre, connaissements maritimes et fluviaux, polices d'assurance, récépissés et warrants, bordereaux de cession de créances professionnelles). En particulier, conformément à la recommandation de la Commission des Nations Unis pour le développement du commerce international (CNUDCI), les instruments financiers (actions, obligations) sont explicitement exclus de la définition du titre transférable, tout comme les reçus d'entreposage (représentant la propriété des marchandises), qui sont déjà couverts par des dispositions prévoyant leur dématérialisation.
À l'initiative du rapporteur, la commission a adopté un amendement COM-25 précisant que les bons de caisse ne constituent pas des titres transférables, ainsi qu'un amendement de précision COM-24.
La commission des finances a adopté le présent article ainsi modifié.
I. LE DROIT EXISTANT : UN COMMERCE INTERNATIONAL REPOSANT LARGEMENT SUR LE FINANCEMENT DOCUMENTAIRE NÉCESSITANT ACTUELLEMENT UN SUPPORT PAPIER
A. UNE PARTICIPATION FRANÇAISE AU COMMERCE INTERNATIONAL ENCORE INSUFFISANTE ET REPOSANT POUR PARTIE SUR LE FINANCEMENT DOCUMENTAIRE
1. Le déficit commercial de la France s'élève à 3 % en 2023
Depuis plus de vingt ans, la France exporte plus de biens qu'elle n'en importe. Selon les estimations de la direction générale du Trésor, le niveau des importations et des exportations françaises est relativement stable depuis 2013. En 2023, les exportations représentent 33,3 % du produit intérieur brut (PIB), les importations françaises 36,3 % du PIB.
Le déficit commercial de la France s'élève ainsi à 3 % en 2023, à un niveau supérieur à celui constaté entre 2013 et 2021. L'année 2022 fait figure d'exception, le déficit commercial ayant été porté par la forte hausse des prix de l'électricité. Les importations d'électricité représentaient en effet 2,7 % du PIB en 2021, contre 5,9 % en 2022.
Une tendance à l'aggravation du déficit commercial français se dégage pourtant, même en excluant l'année 2022.
Évolution du déficit commercial français entre 2013 et 2023
(en % de PIB)
Source : commission des finances du Sénat d'après les données transmises au rapporteur par la direction générale du Trésor
La part de la France dans les échanges internationaux s'en trouve érodée. Elle représente 3,4 % des échanges mondiaux de biens et services en 2023, soit une proportion comparable au Royaume-Uni (3,5 %) et supérieure à l'Italie (2,6 %) et à l'Espagne (1,9 %). La part française dans les échanges internationaux demeure toutefois nettement inférieure à celle des États-Unis (11,3 %) et surtout à celle de l'Allemagne, qui représente 6,7 % des échanges internationaux et dont l'économie a une taille comparable à celle de la France.
Évolution de la part dans le commerce international des principaux pays européens et des États-Unis
Source : commission des finances du Sénat d'après les données transmises au rapporteur par la direction générale du Trésor
Au regard de ces éléments, il apparaît plus que nécessaire de prendre des mesures pour faciliter le commerce international des entreprises françaises et augmenter les exportations, afin de soutenir les bénéfices des firmes nationales.
2. Un commerce international reposant pour partie sur le financement documentaire
Le commerce international des entreprises repose sur des financements à la fois publics et privés. Les financements privés sont de deux ordres :
- le financement de long terme (export finance) désigne des crédits de moyen ou long terme servant au financement d'un projet d'infrastructure réalisé à l'étranger par exemple par un exportateur français, ou de crédit acheteur ou fournisseur (crédit accordé à un importateur par la banque de l'exportateur). Ces financements sont souvent accompagnés d'une assurance-crédit publique ou privée, pour des projets de montants généralement plus élevés que dans le cas des financements de court terme ;
- le financement de court terme (trade finance), par lequel un acteur, souvent une banque, garantit à l'exportateur le paiement de la marchandise exportée par l'importateur. Ce type de financement est utilisé par des entreprises de toutes tailles. Il implique des documents particuliers représentant un bien ou un droit (dénommés dans la présente proposition de loi « titres transférables »). Le porteur du document en question peut demander l'exécution de l'obligation inscrite sur le document et transférer ce droit. Par exemple, le connaissement maritime, remis au transporteur maritime par l'exportateur, permet de transférer la propriété des marchandises transportées à l'importateur. Le titre II de la présente proposition de loi concerne ces titres transférables.
Dans un rapport rédigé à la demande du ministère de l'économie, du ministère de la justice et du ministère chargé du commerce extérieur et remis au mois de juillet 202345(*), un groupe de travail d'Europlace estime qu'environ 20 % des échanges internationaux sont concernés par le financement de court terme (trade finance), ce qui représenterait pour la France 367 milliards d'euros. Il a ainsi évalué à 20 % la part des transactions reposant sur du financement de court terme qui utilisent des titres transférables, soit 73 milliards d'euros pour la France. Les données afférentes sont toutefois difficiles à obtenir et ne permettent pas d'évaluer avec certitude le nombre de transactions réalisées grâce à un financement de court terme en France.
Néanmoins, il est possible d'estimer que 4 %46(*) des importations ou exportations vers la France par voie maritime utiliseraient des connaissements maritimes à ordre ou au porteur, représentant environ 9,5 milliards d'euros. La France aurait de plus émis 46,5 milliards de dollars de crédits documentaires47(*), reposant pour partie sur un connaissement maritime ou sur une police d'assurance, soit des documents utilisés pour le financement documentaire, et aurait reçu 25,1 milliards de dollars de crédits documentaires. Le montant des transactions internationales depuis et à destination de la France impliquant un financement documentaire via des titres transférables est donc compris entre 9,5 milliards d'euros et 67 milliards d'euros (71,6 milliards de dollars).
B. L'ÉCHANGE DE DOCUMENTS SOUS FORMAT « PAPIER » EST SOURCE DE LOURDEUR POUR LA FRANCE DANS LE COMMERCE INTERNATIONAL
1. Une demande de la place de Paris pour réduire les délais liés aux échanges de document sous forme papier dans le commerce international
Dans le rapport susmentionné, le groupe de travail d'Europlace a recommandé de dématérialiser les titres transférables. Les auteurs du rapport estiment en effet que moins de 0,1 % des quatre milliards de nouveaux documents produits chaque année dans le cadre des échanges internationaux étaient dématérialisés en 2022.
L'échange de documents sous format « papier » implique pourtant des lourdeurs importantes pour l'échange de biens et services dans un circuit déjà complexe. Le rapport précité estime que chaque transaction internationale nécessite la transmission de 36 documents et de 240 copies, tels que la facture commerciale, la liste de colisage, le connaissement maritime, etc. Les délais d'une transaction sont considérablement allongés si ces documents doivent être transmis sous format papier d'un pays à l'autre.
Un rapport48(*) du comité national de la Chambre de commerce internationale (ICC) de 2022 estime qu'une vente internationale fondée sur l'utilisation d'un connaissement maritime prend de douze à quinze jours, alors qu'une telle vente prendrait entre 48 et 72 heures si le connaissement maritime était dématérialisé. En effet, dans ce cas, une fois le contrat signé entre l'importateur et l'exportateur, l'importateur demande une lettre de crédit (LC), ou crédit documentaire, à sa banque, qui notifie la banque de l'exportateur via la messagerie instantanée SWIFT. L'exportateur envoie ses marchandises par bateau et transfère le connaissement maritime à sa propre banque, qui l'envoie à la banque de l'importateur, ces deux acteurs s'assurant de la conformité du document. C'est seulement une fois qu'il est en possession du connaissement maritime sous format papier, déjà passé par deux banques, que l'importateur exécute le paiement. Ce circuit déjà complexe serait considérablement simplifié par la dématérialisation des différents documents, et notamment du connaissement maritime.
Comparaison du circuit d'échange international de marchandise par voie maritime sans dématérialisation des documents
Notes : LC signifie lettre de crédit et docs renvoie aux différents documents échangés (certificat phytosanitaire, certificat d'origine, facture commerciale etc.). Si la dématérialisation des documents était autorisée, l'ensemble des envois par courrier se ferait électroniquement.
Source : chambre de commerce internationale (ICC France), Défis et opportunités de la digitalisation du commerce international. Livre blanc 2022, 2022
Preuve de l'enjeu de cette question pour le commerce international, une loi-type sur les documents transférables électroniques a été rédigée par la Commission des Nations Unies pour le droit commercial international (CNUDCI) en 2017, afin d'inspirer des initiatives nationales reprenant un cadre juridique harmonisé.
2. Des dispositifs de dématérialisation déjà existants dans le droit français
Des dispositifs de dématérialisation de certains documents existent déjà pour faciliter le commerce international. Selon le rapport du groupe de travail d'Europlace susmentionné, « le droit positif français permet d'ores et déjà l'usage électronique de la plupart des documents du commerce international (garanties, factures, notes de poids et / ou de colisage, certificats d'origine, attestations et certificats divers, etc.). »
Ainsi par exemple, la loi du 21 juin 2004 pour la confiance dans l'économie numérique49(*), qui a transposé la directive du 8 juin 200050(*) sur le commerce électronique, a reconnu la validité des actes juridiques établis sous forme électronique à l'article 25-I, qui correspond aujourd'hui aux articles 1174 et 1175 du Code civil. L'article 1174 du Code civil dispose que « lorsqu'un écrit est exigé pour la validité d'un contrat, il peut être établi et conservé sous forme électronique ».
L'ordonnance du 10 février 2016 portant réforme du droit des contrats, du régime général et de la preuve des obligations51(*) a introduit dans le Code civil des dispositions propres au contrat conclu par voie électronique, et notamment les articles 1366 et 1367 du Code civil, évoqués dans le commentaire de l'article 7. Concernant en particulier la signature électronique d'un contrat, le décret52(*) du 28 septembre 2017 relatif à la signature électronique, pris en application de l'ordonnance précitée, précise en son article 4 qu'« est une signature électronique qualifiée une signature électronique avancée, conforme à l'article 26 du règlement susvisé et créée à l'aide d'un dispositif de création de signature électronique qualifié répondant aux exigences de l'article 29 dudit règlement, qui repose sur un certificat qualifié de signature électronique répondant aux exigences de l'article 28 de ce règlement. »
La loi pour une République numérique du 7 octobre 201653(*) établit un cadre juridique pour la dématérialisation des documents et des échanges électroniques, notamment concernant les contrats d'assurance.
La dématérialisation des documents représentant un droit ou un bien, nommés par le titre II de la proposition de loi « titres transférables », nécessite toutefois une disposition d'ordre législatif pour s'assurer de l'unicité du document dématérialisé, afin que seul cet exemplaire confère, à une personne bien identifiée, soit le bien, soit le droit afférent.
II. LE DISPOSITIF PROPOSÉ : DÉFINIR LE TITRE TRANSFÉRABLE, AFIN DE PERMETTRE LA DÉMATÉRIALISATION DE CE TYPE DE DOCUMENT
Les articles 6 à 9, qui composent le titre II de la proposition de loi, sont liés les uns aux autres et concernent les titres électroniques transférables. Ils reprennent les principales dispositions, en les adaptant, de la loi-type sur les documents transférables électroniques de la CNUDCI de 2017.
Le premier alinéa du I de l'article 6 définit la notion de titre transférable. Il s'agit d'un document donnant à son porteur le droit d'exiger l'exécution d'une obligation qui y est spécifiée et de transférer ce droit par la vente ou la cession du document.
A. LES DOCUMENTS INCLUS DANS LA DÉFINITION DE TITRE TRANSFÉRABLE
Les divisions 2° à 9° du I du présent article déterminent le champ d'application de la définition de titre transférable. En l'espèce, la notion de titre transférable recouvre explicitement :
- les lettres de change et billets à ordre régis par le titre premier du livre V du code du commerce. La lettre de change est un titre du droit commercial par lequel un créancier donne mandat à son débiteur de payer à une certaine date une somme d'argent à une tierce personne. Le billet à ordre désigne un document par lequel le souscripteur se reconnaît débiteur du bénéficiaire, auquel il promet de payer une certaine somme d'argent à un certain terme spécifiés sur le titre ;
- les connaissements maritimes ou fluviaux à ordre ou au porteur régis respectivement par la section 2 du chapitre II du titre II du livre IV de la cinquième partie du code des transports et par l'article 13 de la convention de Budapest relative au contrat de transport de marchandises en navigation intérieure faite le 22 juin 2001. Les connaissements maritimes et fluviaux sont des titres de propriété autorisant à disposer d'une marchandise, transportée soit par voie maritime soit par voie fluviale ;
- les contrats d'assurance de dommages et de personnes, régis par le chapitre II du titre Ier du livre Ier du code des assurances. Les assurances de dommages obligent l'assureur à indemniser l'assuré d'un sinistre sur son patrimoine. Les assurances de personnes imposent à l'assureur de couvrir un risque affectant la personne physique de l'assuré ;
- les contrats d'assurance maritime, aérienne et aéronautique, fluviale et lacustre, sur marchandises transportées par tous modes et de responsabilité civile spatiale, à ordre ou au porteur, régis par le chapitre II du titre VII du livre Ier du code des assurances. Ces contrats permettent de garantir le risque maritime, le risque lié au transport de marchandises par voie maritime, aérienne ou terrestre, les risques aériens et aéronautiques et les risques relatifs à la sécurité civile d'une opération spatiale ;
- les bordereaux de cession ou de nantissement de créances professionnelles régis par la sous-section I de la section 3 du chapitre III du titre Ier du livre III du code monétaire et financier. Un bordereau de nantissement ou de cession permet à une entreprise de remettre à un établissement de crédit des créances professionnelles en échange de la garantie d'obtention d'un crédit par l'établissement ainsi nanti.
Il est à noter toutefois que certains documents non explicitement inclus dans le I du présent article pourraient être considérés comme des titres transférables. La France participe ainsi à des négociations internationales dans le cadre de la CNUDCI concernant la création d'un connaissement ferroviaire54(*).
B. LES DOCUMENTS EXCLUS DE LA DÉFINITION DE TITRE TRANSFÉRABLE
Conformément à la recommandation de la CNUDCI, certains instruments, sont explicitement exclus de la définition de titre transférable, dont les instruments financiers (actions, obligations) et les reçus d'entreposage (représentant la propriété des marchandises), qui sont déjà couverts par des dispositions prévoyant leur dématérialisation, afin de ne pas créer d'incohérence juridique. Les documents régis par un droit spécifique, tels que les copies exécutoires représentant des créances hypothécaires à ordre ou les titres à ordre afférents à la vente ou au nantissement d'un fonds de commerce sont également exclus. Ainsi, plus précisément, les documents suivants sont exclus du champ d'application de la définition de titre transférable par le II du présent article :
- les instruments financiers régis par le titre Ier du livre II du code monétaire et financier. Ils comprennent les titres financiers, soit les titres de capital émis par les sociétés par actions, les titres de créance et les parts ou actions d'organismes de placement collectif, ainsi que les contrats financiers, soit des contrats à terme figurant sur une liste fixée par décrets. La loi de finances pour 198255(*) a ainsi déjà prévu des dispositions concernant leur dématérialisation ;
- les chèques bancaires et postaux régis par le chapitre Ier du titre III du livre Ier du code monétaire et financier, qui doivent comprendre un ordre de payer une somme déterminée, le nom du payeur et du bénéficiaire, la signature du bénéficiaire et l'indication du « lieu où le paiement doit s'effectuer » ;
- les titres spéciaux de paiement dématérialisés régis par l'article 525-4 du code monétaire et financier dont la liste est fixée par arrêté56(*) et qui comprend notamment le titre-restaurant et le chèque-vacances ;
- les titres à ordre afférents à la vente ou au nantissement d'un fonds de commerce régis par l'article L. 143-18 du code de commerce, soit les titres réglant le privilège du vendeur ou le nantissement d'un fonds de commerce ;
- les reçus d'entreposage, régis par l'article L. 522-37-1 du code de commerce, qui prévoit déjà l'inscription de ces titres sur le registre d'une plateforme spécifique. Il s'agit de titres devant être inscrits sur un registre géré par une plateforme de négociation et constatant l'existence de marchandises ;
- les copies exécutoires représentant des créances hypothécaires à ordre régies par la loi57(*) du 15 juin 1976, c'est-à-dire des prêts accordés pour financer l'achat d'un bien immobilier. Une copie exécutoire est établie par le notaire pour rapporter littéralement les termes de l'acte authentique qu'il a dressé.
III. LES MODIFICATIONS APPORTÉES PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE : DES ADAPTATIONS PRINCIPALEMENT RÉDACTIONNELLES
La commission des finances de l'Assemblée nationale a adopté cinq amendements rédactionnels, un amendement opérant un renvoi vers l'article 13 de la convention relative au contrat de transport de marchandises en navigation intérieure, signée à Budapest le 22 juin 2001, plutôt qu'à l'arrêté précité du 20 juillet 1960 et un amendement intégrant les bordereaux de nantissement de créances professionnelles dans le champ d'application de la définition des titres transférables.
Au stade de la séance, l'Assemblée nationale a modifié l'alinéa premier du I du présent article par un amendement du Gouvernement qui visait à préciser que le porteur d'un titre transférable peut uniquement demander le transfert d'un titre transférable, et non le transférer lui-même.
IV. LA POSITION DE LA COMMISSION DES FINANCES : LA DÉMATÉRIALISATION DES TITRES TRANSFÉRABLE, UN ENJEU DE COMPÉTIVITÉ POUR LA FRANCE MAIS UN GAIN POTENTIEL LIMITÉ
La commission est favorable aux dispositions du titre II, mais estime que le gains potentiels liés à la dématérialisation des titres transférables ne doivent pas être surestimés.
A. UN ENJEU DE COMPÉTIVITÉ POUR LA FRANCE, MAIS DES GAINS POTENTIELS LIMITÉS PAR LA FAIBLE ADOPTION DE DISPOSITIONS DE DÉMATÉRIALISATION DANS D'AUTRES PAYS
1. Un faible nombre de pays a adopté des dispositions prévoyant la dématérialisation des titres transférables
L'objectif de la dématérialisation des titres transférables est de favoriser le commerce international, en réduisant les lourdeurs liées aux documents demandées dans le cadre d'une transaction. Son effet juridique dépend donc de l'adoption par d'autres pays de dispositions semblables. L'alignement avec la loi-type de la CNUCDI de 2017 permet au moins d'assurer la cohérence des dispositions présentes avec celles adoptées dans d'autres pays. Le risque juridique lié à des droits nationaux différents s'en trouve ainsi limité.
Toutefois, il faut noter que seul un faible nombre d'États ont actuellement adopté des dispositions semblables : Singapour, Abu Dhabi, le Qatar, le Belize, Kiribati, le Paraguay, la Papouasie-Nouvelle-Guinée ainsi que le Royaume-Uni depuis novembre 2023. L'Allemagne a voté en 2013 une modification du code de commerce entraînant des effets équivalents.
Le faible nombre de pays appliquant la dématérialisation des documents transférables constitue une limite aux gains escomptés de la dématérialisation des titres.
L'adoption d'une loi sur la
dématérialisation
des titres transférables par le
Royaume-Uni
Le Royaume-Uni a adopté en 2023 l'Electronic Trade Documents Act, qui est globalement similaire au titre II de la présente proposition de loi, utilisant la loi-type de la CNUDCI. Trois différences peuvent toutefois être relevées.
D'abord, la loi fait référence à son article 3 à la notion de « possession », contrairement à la proposition française qui évoque simplement le contrôle exclusif du porteur d'un titre transférable. La direction des affaires civiles et du sceau a en effet argué que la notion de « possession » n'existe pas dans le code de commerce régissant la lettre de change, le billet à ordre, les récépissés et les warrants. Introduire une notion nouvelle dans un texte extérieur au code régissant les titres transférables leur semble dès lors « inopportun au regard de l'exigence d'accessibilité de la loi ». L'usage de la notion de « possession » ne parait en effet ni utile ni appropriée dans ce cadre ;
Ensuite, concernant la méthode fiable d'identification du porteur du titre transférable, la loi anglaise se borne à viser quelques-uns des critères devant être pris en considération pour savoir si le système utilisé est fiable alors que la proposition française laisse à l'autorité règlementaire le soin de préciser cette méthode fiable, pour une plus forte sécurité juridique ;
Enfin, s'agissant de la possibilité de la conversion du titre établi sous une forme (électronique ou papier) en une autre forme, la proposition française tient compte du fait que le document électronique peut contenir plus de données que le titre papier (denier alinéa de l'article 8.II : « le titre converti conserve, en tant que de raison, les propriétés du titre initial »), contrairement à la loi anglaise.
Source : commission des finances d'après les éléments transmis par Europlace et par la direction des affaires civiles et du Sceau lors de leur audition par le rapporteur
2. Le gain potentiel lié à la dématérialisation des titres transférables est donc pour le moment limité
Le rapport publié par le groupe de travail d'Europlace au mois de juillet 2023 estimait que le gain tiré de la dématérialisation des titres transférables pourrait s'élever, pour l'ensemble des acteurs, à 3,8 milliards d'euros à l'horizon 2030. Les auteurs se fondaient toutefois sur l'hypothèse que l'ensemble des pays commerçant avec la France utiliseraient la version dématérialisée des titres transférables, ce qui n'est pas le cas. Actuellement, les pays ayant adopté des dispositions permettant la dématérialisation des titres transférables représentent seulement 0,7 % des importations et 2,6 % des exportations de la France58(*).
Certains pays travaillent toutefois à l'adoption de telles dispositions ou ont déjà de dispositions similaires : l'Allemagne59(*), les États-Unis et la Thaïlande. Ces pays représentent 23,9 % des importations et 27,8 % des exportations françaises4. S'il est estimé, similairement à la méthode retenue par Europlace et par l'étude d'impact de la loi adoptée par le Royaume-Uni en novembre 2023, que le taux d'adoption des dispositions de dématérialisation par les entreprises françaises sera de 30 % au cours des cinq premières années et 5 % pour les suivantes, alors le gain potentiel des dispositions de dématérialisation des titres transférables s'élèverait à 770 millions de dollars, soit 720 millions d'euros sur dix ans60(*).
Le gain potentiel pour les entreprises françaises et l'économie de façon générale est donc, selon toute probabilité, limité.
3. La dématérialisation des titres transférables n'en demeure pas moins un enjeu de compétitivité pour la France
La dématérialisation des titres transférables constitue un avantage concurrentiel dont la France doit se saisir, en particulier au vu de la récente adoption d'une loi similaire par le Royaume-Uni. Il convient que de premiers États développent la dématérialisation de ces titres pour que celle-ci se mette en place de façon plus massive dans le monde.
L'exemple français peut ainsi être source d'inspiration pour d'autres pays : le rapport précité du groupe de travail d'Europlace a par exemple été intégralement traduit en chinois à l'initiative des autorités chinoises. La Chine pourrait vouloir adopter une loi similaire. Des initiatives semblables existent, notamment en Espagne et en Italie. La législation du Royaume-Uni peut aussi avoir un effet d'entraînement majeur sur l'adoption par la communauté internationale de cadres juridiques compatibles avec la loi type, la majorité des contrats commerciaux reposant sur des systèmes juridiques de common law (80 %).
Par ailleurs, la présente rédaction de la loi française pourrait être source d'une sécurité juridique plus importante à court et moyen terme que la loi anglaise, puisque son article 8 confie à un décret pris en Conseil d'État la définition d'une méthode fiable permettant d'identifier le porteur d'un titre transférable, au lieu de se borner à décrire les critères de définition d'une telle méthode et à attendre que la jurisprudence se prononce sur ces critères.
De plus, dans certaines juridictions, des titres transférables peuvent déjà être utilisés sous forme électronique même si le pays n'a pas reconnu le format électronique de tous les titres transférables. Par exemple, une police d'assurance est reconnue sous format papier et dématérialisée en Australie ou en Italie61(*). La loi de l'État de New York prévoit que les documents électroniques des accords et transactions commerciales sont valides, y compris les connaissements électroniques.
L'article 8 de la présente proposition de loi prévoit de plus l'équivalence des effets des titres transférables quel que soit le format employé. Or, la quasi-totalité des pays reconnait la validité juridique des actes régis par un droit étranger, au sein de l'Union européenne, via la directive dite « Rome I »62(*) par exemple. En ce sens, la reconnaissance des titres électroniques dans un pays étranger n'ayant pas encore transcrit dans son droit les principes de la loi-type de la CNUDCI n'est pas fondamentalement différente de la reconnaissance dans ce même pays de ceux des documents équivalents sur support « papier » régis par le droit français.
B. LA DÉFINITION DES TITRES TRANSFÉRABLES DOIT ÊTRE REPRÉCISÉE
La définition proposée des titres transférables permet d'inclure des documents utiles au financement documentaire même s'ils ne sont pas explicitement mentionnés, dans le cas où ils répondent à la définition de titre transférable. L'article permet ainsi une certaine souplesse.
Une catégorie de documents n'est toutefois pas comprise dans les exclusions du champ d'application de la définition des titres transférables, à savoir celle des bons à caisse, régis par le chapitre III du titre II du livre II du code monétaire et financier. Les bons de caisse sont définis comme « des titres nominatifs et non négociables comportant engagement par un commerçant de payer à échéance déterminée, délivrés en contrepartie d'un prêt », selon l'article L. 223-1 du code monétaire et financier. D'une part, ces titres étant nominatifs et non négociables, ils ne peuvent être transférés d'une personne à une autre. D'autre part, ces titres étant des placements à terme, ils constituent en réalité des instruments financiers et n'ont pas vocation à être des titres transférables au sens de l'article 6 de la présente proposition de loi, conformément aux recommandations de la CNUDCI. Il est toutefois utile de préciser cette exclusion pour des documents dont la nature est proche de celle du billet à ordre, qui constitue un titre transférable explicitement mentionné par le I de l'article 6 de la présente proposition de loi. En conséquence, la commission a adopté un amendement COM-25 du rapporteur tendant à exclure les bons de caisse du champ des titres transférables.
Un amendement de précision COM-24 du rapporteur a également été adopté par la commission.
Décision de la commission : la commission des finances a adopté cet article ainsi modifié.
ARTICLE 7
Reconnaissance de la forme
électronique des titres transférables
Le présent article prévoit que le transfert, la remise ou la modification d'un titre transférable sont subordonnés aux conditions de mise en oeuvre d'une méthode fiable, définie à l'article 8. Il définit également la notion de porteur du titre transférable comme disposant du contrôle exclusif de ce titre, ce qui lui permet d'exercer les droits conférés par le titre et de le transférer.
Le présent article adapte aux titres transférables dématérialisés les règles relatives aux titres « papier » et précise que la remise d'un titre transférable électronique peut se faire par courriel ou par tout autre moyen informatique.
La commission des finances a adopté cet article modifié par trois amendements rédactionnels et de précision ( COM-26, COM-27 et COM-28).
I. LE DROIT EXISTANT : DES DISPOSITIONS UTILES MAIS INSUFFISANTES POUR CARACTÉRISER UN PORTEUR UNIQUE DU TITRE TRANSFÉRABLE DÉMATÉRIALISÉ
Pour une présentation détaillée du titre transférable et de sa dématérialisation, le lecteur est invité à se reporter au commentaire de l'article 6 de la présente proposition de loi.
A. DES ENJEUX LIÉS À LA DÉFINITION D'UNE MÉTHODE FIABLE POUR IDENTIFIER UN PORTEUR DU TITRE TRANSFÉRABLE
Les règles relatives à la gestion des titres transférables ne sont pas adaptées à leur dématérialisation. Pour être utilisés dans les transactions commerciales internationales et transférés d'un pays à un autre, les documents transférables électroniques doivent être reconnus comme des équivalents fonctionnels des documents papier. Or, il est complexe de déterminer ce qui constitue un document « original » et sa « possession » dans un environnement électronique. Le porteur du titre transférable doit pouvoir être identifié comme l'unique personne à pouvoir exercer les droits conférés par le titre et à être en mesure d'en demander le transfert. Un document scanné, établi sans méthode pour s'assurer de son unicité et de son authenticité, ne confère pas les mêmes possibilités qu'un titre transférable au format papier.
Les progrès technologiques actuels peuvent toutefois permettre de remédier à cette difficulté, grâce à des technologies telles que les registres de titres fonciers, la chaîne de blocs (« blockchain ») et la technologie des registres distribués (cf. commentaire de l'article 8).
B. LA RÉGLEMENTATION EXISTANTE EST UTILE MAIS INSUFFISANTE
Des dispositions législatives existantes concernent la reconnaissance de la version dématérialisée de certains documents. L'article 1366 du code civil dispose que « l'écrit électronique a la même force probante que l'écrit sur support papier », à la condition que l'auteur puisse en être identifié et qu'il soit conservé dans des conditions « garantissant son intégrité ». L'article 1367 du code civil prévoit la possibilité d'une signature électronique d'un acte à la condition qu'elle soit établie grâce à un « procédé fiable d'identification garantissant son lien avec l'acte auquel elle s'attache ». Ces dispositions sont toutefois insuffisantes pour garantir en tant que telles l'équivalence entre les versions dématérialisées et la version « papier » des titres transférables au sens de l'article 6 de la proposition de loi.
La règlementation européenne fournit des normes d'encadrement de la dématérialisation des documents, notamment les règlements dits eIDAS63(*) et eFTI64(*).
Le règlement eIDAS a pour objet d'instaurer un socle commun de règles pour des interactions électroniques sécurisées au sein de l'Union européenne. Il prévoit d'une part des exigences de sécurité harmonisées entre les États membres pour l'identification électronique ainsi qu'un mécanisme de reconnaissance mutuelle des moyens d'identification électronique entre États membres. D'autre part, il instaure un cadre juridique pour les services de confiance impliqués dans les interactions électroniques, en définissant des exigences de sécurité et d'interopérabilité. Le décret du 28 septembre 2017 relatif à la signature électronique65(*), permettant l'application de l'article 1367 du code civil, fait référence aux exigences de ce règlement européen.
Le règlement eFTI traite spécifiquement des informations électroniques sur le transport de marchandises, facilitant la numérisation des documents de transport tels que les connaissements, les certificats d'origine et autres documents liés au commerce. Il garantit un cadre légal européen harmonisé pour l'échange d'informations relatives au transport de marchandises entre les opérateurs économiques et les administrations.
Les normes contenues dans les règlements européens eIDAS et eFTI sont utiles pour fournir un cadre de référence à la dématérialisation des titres. Elles ne sont toutefois pas suffisantes pour permettre la dématérialisation des titres transférables, qui confèrent un droit au porteur par leur simple transfert.
II. LE DISPOSITIF PROPOSÉ : LA DÉFINITION DU PORTEUR DU TITRE TRANSFÉRABLE PAR SON CONTRÔLE EXCLUSIF SUR CE TITRE, ÉTABLI GRÂCE À UNE MÉTHODE FIABLE
Le présent article prévoit l'existence de titres transférables au format électronique et définit la qualité de porteur d'un tel titre par son contrôle exclusif sur ce titre.
A. LA DÉFINITION DU PORTEUR DU TITRE TRANSFÉRABLE PAR SON CONTRÔLE EXCLUSIF SUR LE TITRE
Le I du présent article prévoit qu'un titre transférable au sens de l'article 6 peut être établi, signé et conservé sous forme électronique, conformément aux dispositions prévues par les articles 1366 et surtout 1367 du code civil. Le transfert, la remise ou la modification de ce titre sont subordonnés aux conditions de mise en oeuvre d'une méthode fiable, définie à l'article 8 de la présente proposition de loi.
Le II du présent article définit le porteur du titre transférable dématérialisé comme la personne disposant du contrôle exclusif de ce titre, qui lui permet d'exercer les droits conférés par le titre, de le modifier et de le transférer. La notion de contrôle exclusif permet ainsi d'assurer qu'un titre transférable dématérialisé confère uniquement des droits au porteur de ce titre, puisqu'il est le seul à en avoir le contrôle. L'établissement du contrôle exclusif d'un porteur sur un titre transférable est permis par la méthode fiable définie à l'article 8 de la proposition de loi.
B. DES POSSIBILITÉS DE MODIFICATION IDENTIQUES SELON LES VERSIONS, DÉMATÉRIALISÉES OU NON, DES TITRES TRANSFÉRABLES
Le III du présent article précise que les mentions existant sur un titre transférable sur support papier, tels que l'endos, l'acceptation ou l'aval, peuvent exister sur le même titre au format dématérialisé. Cette disposition permet d'assurer que les possibilités de modification offertes par la possession d'un titre transférable en version électronique sont les mêmes que celles offertes par un titre transférable en version papier.
Le IV du présent article prévoit que la présentation ou la remise d'un titre transférable électronique peut se faire par tout moyen de communication électronique, à la condition que le destinataire en accuse réception ou que son comportement illustre la bonne réception du document. Le moyen le plus courant de communication est la messagerie électronique. L'utilisation d'un lien de téléchargement ou d'un serveur partagé par exemple est toutefois possible également grâce à cette rédaction.
Le V du présent article précise que le transfert ou le nantissement des droits liés au titre transférable est opéré par le transfert du contrôle exclusif opéré sur ce titre, grâce à un endossement ou même à une simple remise dudit titre. L'endos en blanc n'est possible que si le porteur du titre est bien identifié comme la personne en ayant le contrôle exclusif. Cette disposition permet d'assurer qu'un titre transférable en version électronique peut être transféré d'un porteur à un autre, grâce à la notion de contrôle exclusif.
Enfin, le VI du présent article prévoit que tout signe distinctif pouvant être apposé sur un titre transférable sur support papier, tel qu'un tampon, un cachet ou une griffe, peut être également ajouté à un titre transférable en version électronique, grâce à l'apposition d'une image reproduisant le signe distinctif en question avec la date et l'heure. Cette disposition permet d'assurer que les titres transférables au format électronique peuvent comprendre les mêmes signes distinctifs que ceux au format papier.
III. DES MODIFICATIONS RÉDACTIONNELLES APPORTÉES PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE
La commission des finances de l'Assemblée nationale a adopté quatre amendements rédactionnels du rapporteur. Aucun amendement n'a été adopté en séance.
IV. LA POSITION DE LA COMMISSION DES FINANCES : UNE DÉFINITION DU PORTEUR DU TITRE TRANSFÉRABLE PAR SON CONTRÔLE EXCLUSIF INDISPENSABLE
La rédaction du présent article permet de définir le porteur du titre transférable par son contrôle exclusif sur ce titre, ce qui est particulièrement nécessaire dans le cas d'un titre transférable électronique.
La notion de contrôle exclusif, établi grâce à la méthode fiable définie à l'article 8 de la présente proposition de loi, est indispensable pour permettre la dématérialisation des titres transférables, qui autrement perdraient toute valeur en ne permettant pas d'identifier un porteur unique du titre. Le recours à cette notion est juridiquement fondé et solide et permet de décrire le lien entre le porteur et le titre dans sa dimension technique. L'utilisation de la notion de « possession », à l'image de la loi britannique, n'aurait pas été aussi satisfaisante, cette notion n'existant pas dans le code de commerce français, comme rappelé dans le commentaire de l'article 6.
La commission relève également que les dispositions du présent article permettent de rendre les possibilités de modification des titres transférables identiques quel que soit le format utilisé, ce qui permet d'établir l'équivalence entre les versions papier et dématérialisée des titres transférables, prévue au II de l'article 8 de la présente proposition de loi.
Trois amendements rédactionnels et de précision du rapporteur ( COM-26, COM-27 et COM-28) ont été adoptés par la commission.
Décision de la commission : la commission des finances a adopté cet article ainsi modifié.
ARTICLE 8
Équivalence fonctionnelle entre les
titres transférables imprimés
et les titres
transférables électroniques
et convertibilité de ces
titres d'un format à l'autre
Le présent article prévoit que les titres transférables électroniques ont les mêmes effets que les titres transférables imprimés, cette équivalence étant conditionnée au respect d'une « méthode fiable » par le système électronique qui matérialise le titre. Cette méthode doit permettre d'identifier le titre électronique, ses signataires et porteurs successifs ainsi que son porteur légitime, d'établir le contrôle exclusif de ce dernier sur le titre et d'assurer son intégrité.
Le présent article prévoit également la possibilité de convertir un titre transférable électronique en titre transférable sur support papier et inversement, sauf mention contraire explicitement indiquée sur le document. Cette possibilité doit notamment permettre de pouvoir échanger les titres dans des pays qui ne reconnaissent pas le format électronique des titres transférables.
La commission a adopté deux amendements de précision identiques du rapporteur et du rapporteur pour avis de la commission des lois ( COM-29 et COM-62) puis a adopté cet article ainsi modifié.
I. LE DROIT EXISTANT : DES NORMES EUROPÉENNES ET DES TECHNOLOGIES DÉJÀ EXISTANTES DANS LA LOI POUVANT SERVIR À CARACTÉRISER LA MÉTHODE FIABLE SERVANT À IDENTIFIER LES TITRES TRANSFÉRABLES ÉLECTRONIQUES
L'article 8 vise notamment à définir la méthode fiable mentionnée à l'article 7 et qui sert à identifier le porteur du titre transférable et à établir son contrôle exclusif sur le titre. Pour une présentation détaillée du titre transférable et de sa dématérialisation, ainsi que de la notion de porteur du titre transférable, le lecteur est invité à se reporter aux commentaires des articles 6 et 7 de la présente proposition de loi.
A. LA RÉGLEMENTATION EUROPÉENNE PRÉVOIT DES NORMES UTILES À LA DÉFINITION D'UNE MÉTHODE FIABLE GARANTISSANT LA SINGULARITÉ DES TITRES TRANSFÉRABLES DÉMATÉRIALISÉES
Comme décrit dans le commentaire de l'article 7, pour assurer l'équivalence entre titres transférables électroniques et titres papier, et selon la loi-type de la Commission des Nations Unies pour le droit commercial international (CNUDCI), le document électronique doit pouvoir faire l'objet d'un contrôle, de sa création jusqu'au moment où il cesse de produire des effets, tandis que son intégrité doit être préservée. Les évolutions technologiques récentes sont essentielles pour établir une méthode fiable à cet effet.
La règlementation européenne prévoit déjà un cadre permettant de définir la singularité d'un titre transférable électronique, via les règlements eIDAS66(*) et eFTI67(*) (cf. commentaire de l'article 7).
B. UNE TELLE MÉTHODE FIABLE PERMETTANT D'IDENTIFIER LES TITRES TRANSFÉRABLES DÉMATÉRIALISÉS PEUT REPOSER SUR LA TECHNOLOGIE DE LA CHAÎNE DES BLOCS
L'identification d'un titre transférable dématérialisé comme authentique et comme seul document permettant de conférer les droits associés peut reposer sur différentes technologies. En ce sens, l'utilisation d'un dispositif d'enregistrement électronique partagé (DEEP) est déjà prévue par l'ordonnance de 2017 dite « blockchain » 68(*) pour l'inscription de certains titres financiers. Le DEEP est le terme utilisé par la loi française pour désigner la technologie de la « chaîne des blocs ». Celle-ci est définie par l'Autorité des marchés financiers (AMF) comme « une technologie sécurisée de stockage et de transmission d'informations, sous la forme d'une base de données. Une blockchain contient l'historique de tous les échanges effectués entre ses utilisateurs depuis sa création ». Cette technologie pourrait servir pour établir une méthode fiable permettant l'identification d'un titre transférable dématérialisé.
Une autre technologie pouvant être utilisée est la technologie des registres distribuées, ou « distributed ledger technology » (DLT), qui a inspiré la chaîne des blocs. Les deux technologies sont proches, mais diffèrent sur quelques points : l'organisation de la DLT peut être centralisée, l'enregistrement des données n'est pas automatique mais dépend de la volonté des participants et tous les participants n'ont pas forcément accès à l'ensemble des données. L'utilisation de cette technologie est prévue par un règlement de 202269(*) pour certains acteurs de marché (entreprises de marché, dépositaires centraux de titres, prestataires de service d'investissement), le droit français ayant été adapté au régime pilote proposé par ce règlement par l'article 7 de la loi « DDADUE » du 8 mars 202370(*).
II. LE DISPOSITIF PROPOSÉ : UNE MÉTHODE FIABLE, DONT LA DÉFINITION EST RENVOYÉE À UN DÉCRET EN CONSEIL D'ÉTAT, POUR CARACTÉRISER UN TITRE TRANSFÉRABLE ÉLECTRONIQUE, QUI PEUT ÊTRE CONVERTI AU FORMAT « PAPIER » ET INVERSEMENT
A. UNE MÉTHODE FIABLE DOIT SERVIR À CARACTÉRISER LE TITRE ÉLECTRONIQUE TRANSFÉRABLE
Le I du présent article prévoit que le titre transférable électronique a les mêmes effets que le titre transférable au format « papier » s'il contient les mêmes informations, et si une méthode fiable est respectée pour caractériser le titre transférable électronique.
Plus spécifiquement, cette méthode fiable doit servir à caractériser le titre transférable comme titre électronique, à identifier le porteur du titre comme la personne en ayant le contrôle exclusif, à établir le contrôle exclusif du porteur sur ledit titre, à identifier les porteurs successifs du titre depuis sa création et à préserver son intégrité, y compris en cas de modifications. L'intégrité du titre est définie, en référence à l'article 1366 du Code civil, par l'absence de changement et par la complétude des informations contenues dans le titre, en tenant compte des éventuelles modifications apportées.
B. LA CONVERSION D'UN TITRE TRANSFÉRABLE ENTRE FORMAT DÉMATÉRIALISÉ ET SUPPORT « PAPIER »
Le II du présent article prévoit qu'un titre transférable au format « papier » peut toujours être converti au format électronique et inversement, à condition que le titre ne prévoit pas de dispositions contraires. La conversion d'un format à un autre doit respecter les conditions prévues par les obligés et les porteurs des droits conférés par le titre transférable. Une fois converti, le titre conserve les propriétés du titre initial, qui cesse d'être valable.
Le III du présent article prévoit qu'un décret en Conseil d'État détermine les conditions d'application de l'article. En particulier, le décret devra préciser la méthode fiable mentionnée au I. Conformément à la loi-type de la CNUDCI, la proposition de loi ne prévoit pas de disposition relative à la technologie utilisée par la méthode fiable employée pour caractériser un titre transférable. Cette neutralité technologique vise à laisser de la souplesse aux acteurs internationaux impliqués dans les transactions commerciales et à éviter qu'une modification législative ne soit nécessaire en cas d'évolution des technologies employées.
III. DES MODIFICATIONS RÉDACTIONNELLES APPORTÉES PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE
La commission des finances de l'Assemblée nationale a adopté cinq amendements rédactionnels du rapporteur. Aucun amendement n'a été adopté en séance.
IV. LA POSITION DE LA COMMISSION DES FINANCES : UNE MÉTHODE FIABLE NÉCESSAIRE ET PRÉCISÉE PAR DÉCRET AFIN D'ASSURER LA NEUTRALITÉ TECHNOLOGIQUE DE LA LOI ET DE PERMETTRE LA CONVERTIBILITÉ DES TITRES TRANSFÉRABLES
A. LE RENVOI DE LA DÉFINITION DE LA MÉTHODE FIABLE À UN DÉCRET EN CONSEIL D'ÉTAT RÉPOND AUX EXIGENCES DE NEUTRALITÉ TECHNOLOGIQUE DE LA CNUDCI
La définition des moyens permettant d'identifier le porteur d'un document transférable ainsi que son contrôle exclusif est renvoyée à un décret en Conseil d'État. Il s'agit toutefois de conditions clés pour que la dématérialisation soit appliquée avec succès et confiance par l'ensemble des acteurs.
Le rapporteur s'est interrogé sur la possibilité de prévoir dans la loi que le décret en Conseil d'État soit pris après avis de l'Agence nationale de la sécurité des systèmes d'information (Anssi). Une telle rédaction aurait toutefois soulevé deux difficultés principales. La première est d'ordre juridique : l'Anssi est un service à compétence nationale, et non une autorité indépendante ou un comité ou établissement public dont le rôle consultatif est prévu dans la loi. Il n'est pas d'usage de conditionner dans la loi la prise d'un décret en Conseil d'État à l'avis d'un service à compétence nationale.
La seconde difficulté est d'ordre pratique. Un très grand nombre d'entreprises sera concerné par la dématérialisation des titres transférables, y compris étrangères, ce qui rendra difficile pour l'Anssi de se prononcer sur tous les points contenus dans le décret.
Le rapporteur a toutefois eu la conformation de la direction générale du Trésor qu'il était prévu d'associer l'Anssi et l'AMF à la rédaction de ce décret, afin de bénéficier de leur expertise. Ce décret devrait notamment définir les notions de « contrôle exclusif » et de « dispositif de création et de stockage d'un titre transférable », et proposer des modifications du code des transports, du code de commerce et du code monétaire et financier.
Par ailleurs, les titres transférables auront vocation à circuler dans un contexte à la fois domestique et international, le plus souvent extra-européen. Les connaissements maritimes et les polices d'assurance à ordre et au porteur sont les instruments majoritairement employés dans le commerce avec les pays d'Asie ou d'Afrique71(*). Il paraît difficile dans ce cas de prévoir la tenue d'un registre comprenant toutes les données relatives aux titres transférables utilisés dans le commerce international par un acteur public, comme cela a été fait à Singapour. De plus, le règlement eIDAS instaure un statut de prestataire de services de confiance, lesquels sont qualifiés par l'organe de contrôle de l'État dans lequel ils sont établis, soit l'Anssi en France. L'acteur qui tiendra le registre devra se soumettre au règlement eIDAS et donc être qualifié de prestataire de services de confiance par l'Anssi72(*).
Selon la direction générale du Trésor, une exception pourrait toutefois être prévue concernant le cas des billets à ordre à usage domestique avalisés par France AgriMer. Conformément aux articles L. 666-1 à L. 666-8 et D. 666-1 à D. 666-8 du code rural et la pêche maritime, France Agrimer avalise les billets à ordre souscrits par les collecteurs auprès des établissements de crédit en vue de financer l'achat de céréales aux producteurs.
Le décret d'application pourrait ainsi prévoir la tenue d'un registre par France Agrimer des billets à ordre dématérialisés avalisés, avec une technologie similaire à celle utilisée par Euroclear pour les titres financiers73(*).
B. LA TECHNOLOGIE EMPLOYÉE POUR ÉTABLIR LA MÉTHODE FIABLE DOIT ÊTRE NEUTRE DANS LA LOI
Conformément aux recommandations de la CNUDCI, il est préférable de ne pas prescrire de technologie à utiliser pour déterminer la méthode fiable utilisée dans l'identification des titres transférables dématérialisés, afin de laisser de la flexibilité à la multitude d'acteurs internationaux impliqués dans les transactions commerciales internationales. Le décret devrait74(*) néanmoins prévoir l'interopérabilité des systèmes. Il est de plus envisagé75(*) d'utiliser les technologies de registres distribués (DLT) ou les dispositifs d'enregistrement électronique partagés, reposant sur la blockchain.
La commission a adopté deux amendements identiques ( COM-29 et COM-62) du rapporteur et du rapporteur pour avis de la commission des lois, Louis Vogel, afin de prévoir l'utilisation du terme « identifier », au lieu de « caractériser le titre transférable comme titre électronique », changement introduit par l'Assemblée nationale. La méthode fiable retenue doit en effet permettre de garantir la singularité du titre, c'est à dire de l'identifier comme tel, et pas simplement de le caractériser - ce qui laisserait entendre que le titre peut être dupliqué, ce qui serait contraire à l'impératif de préserver son intégrité. L'utilisation du terme « identifier » permet de s'assurer que la méthode retenue pour identifier le titre garantit sa singularité.
Décision de la commission : la commission des finances a adopté cet article ainsi modifié.
ARTICLE 9
Coordinations
Le présent article porte des dispositions de coordination des articles 6 à 8 de la présente proposition de loi avec le droit existant.
La commission a adopté cet article modifié par un amendement rédactionnel ( COM-30).
I. LE DROIT EXISTANT : EN L'ABSENCE DE DISPOSITIONS EXISTANTES SUR LA DÉMATÉRIALISATION DES TITRES TRANSFÉRABLES, DES COORDINATIONS AVEC LE DROIT EXISTANT SONT NÉCESSAIRES
Le droit existant ne comporte pas de dispositions portant sur la dématérialisation des titres répondant à la définition de titres transférables76(*). Des coordinations sont donc nécessaires entre les articles 6 à 8 de la présente proposition de loi et le droit existant concernant les titres explicitement mentionnés comme titres transférables par le I de l'article 6 (lettres de change et billets à ordres, récépissés et warrants, connaissements maritimes et fluviaux à ordre ou au porteur, polices d'assurances de dommages et de personnes ou de transport de marchandises, bordereaux de cession ou de nantissement de créances professionnelles).
II. LE DISPOSITIF PROPOSÉ : UNE COORDINATION DES ARTICLES 6, 7 ET 8 AVEC LE DROIT EXISTANT
Le I du présent article prévoit une coordination des articles 6, 7 et 8 avec le code de commerce. Un article L. 511-1- 1 est inséré après l'article L. 511-1 concernant la lettre de change. Un article L.512-1- 1 est ajouté après l'article L.512-1- 1 portant sur le billet à ordre ; enfin un article L.522-27-1 est inséré après l'article L.522-27 portant sur le récépissé et le warrant.
Le II du présent article complète l'article L. 313-23 du code monétaire et financier portant sur bordereau stipulé à ordre permettant la cession ou le nantissement de créances professionnelles.
Le III du présent article complète l'article L. 5422-3 du code des transports portant sur le connaissement, maritime ou fluvial.
Le IV du présent article complète l'article L. 112-5 du code des assurances portant sur la police des assurances à ordre ou au porteur.
Certains des titres mentionnés au I de l'article 6 ne font pas l'objet d'une coordination au présent article, notamment les connaissements fluviaux, qui sont régis par l'arrêté du 20 juillet 196077(*). La coordination se fera par un décret en Conseil d'État78(*).
III. DES MODIFICATIONS RÉDACTIONNELLES ET D'AJUSTEMENT APPORTÉES PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE
La commission des finances de l'Assemblée nationale a adopté six amendements du rapporteur en commission, rédactionnels ou de précision. Aucun amendement n'a été adopté en séance.
IV. LA POSITION DE LA COMMISSION DES FINANCES : DES COORDINATIONS SATISFAISANTES
Le présent article n'appelle pas de commentaire particulier de la part de la commission, qui a adopté un amendement rédactionnel présenté par le rapporteur ( COM-30).
Décision de la commission : la commission des finances a adopté cet article ainsi modifié.
ARTICLE 10
Modernisation des modes de réunion
et
de délibération des assemblées
générales et
d'autres organes sociaux des
sociétés commerciales
L'examen de cet article a été délégué au fond à la commission des lois79(*).
À l'initiative de son rapporteur Louis Vogel, la commission des lois a adopté un amendement de coordination ( COM-64) ainsi que six amendements visant à :
- mettre en cohérence les dispositions relatives aux modalités de consultation par voie électronique ( COM-63) ;
- harmoniser les conditions applicables au calcul du quorum et de la majorité des présents dans les instances de gouvernance de la société lorsqu'il est fait recours à un moyen de télécommunication ( COM-65) ;
- faciliter le recours à la consultation écrite au sein du conseil d'administration de la société anonyme ( COM-66) ;
- supprimer l'exclusion des procédures de consultation écrite du conseil d'administration pour les sociétés anonymes où les fonctions de président du conseil d'administration et de directeur général sont dissociées ( COM-67) ;
- assouplir les exigences relatives à la retransmission en direct et à l'enregistrement des assemblées générales d'actionnaires ( COM-68) ;
- supprimer un nouveau cas de nullité pouvant résulter d'un problème technique en lien avec la tenue dématérialisée des assemblées générales d'actionnaires ( COM-69).
Décision de la commission : la commission des finances a adopté cet article ainsi modifié.
ARTICLE 10 bis A (nouveau)
Renforcement de la
garantie des droits des actionnaires
minoritaires dans le cadre des
assemblées générales
À l'initiative de son rapporteur, la commission des lois a adopté l'amendement COM-70 introduisant un article additionnel après l'article 1080(*).
L'article 10 bis A tend à renforcer les droits des actionnaires minoritaires des sociétés en améliorant l'efficacité des procédures contentieuses en cas de refus injustifié du conseil d'administrations d'inscrire les résolutions qu'ils portent à l'ordre du jour de l'assemblée générale.
Décision de la commission : la commission des finances a adopté cet article additionnel.
ARTICLE 10 bis (nouveau)
Simplification de la notion
d'intérêt social élargi
prise en compte par les organes
de la société anonyme
L'examen de cet article a été délégué au fond à la commission des lois81(*). Il supprime la mention selon laquelle l'intérêt social élargi des entreprises doit prendre en considération, au-delà des enjeux sociaux et environnementaux, les enjeux culturels et sportifs.
La commission des lois a adopté cet article sans modification.
Décision de la commission : la commission des finances a adopté cet article sans modification.
ARTICLE 10 ter (nouveau)
Diverses mesures
d'évolution du droit des sociétés
L'examen de cet article a été délégué au fond à la commission des lois82(*). Il comporte plusieurs dispositions pour faciliter la procédure de mise en conformité des statuts avec la loi et les règlements par le conseil d'administration et pour assouplir certaines règles de gouvernance des sociétés anonymes duales.
La commission des lois a adopté cet article sans modification.
Décision de la commission : la commission des finances a adopté cet article sans modification.
ARTICLE 10 quater (nouveau)
Habilitation du
Gouvernement à légiférer par ordonnance pour
réviser
le cadre relatif aux organismes de placement collectif
Le présent article porte une demande d'habilitation du Gouvernement à prendre par ordonnance les mesures relevant du domaine de la loi afin de réviser le cadre juridique applicable aux organismes de placement collectif (OPC). L'ordonnance apparaît très large puisque le Gouvernement pourrait prendre toutes mesures visant à harmoniser et à simplifier les règles relatives à la vie sociale des OPC, à moderniser leur gouvernance et à réformer le cadre de leurs opérations d'investissement.
Si la commission a pleinement conscience que la révision du cadre juridique des OPC est à la fois nécessaire et attendue pour remédier à certains obstacles juridiques rencontrés par les sociétés d'investissement et pour accroître l'attractivité de la place de Paris, elle relève que le champ de l'habilitation est exceptionnellement vaste et imprécis et constitue un nouveau contournement du Parlement.
La durée de l'habilitation - un an - et le délai du dépôt du projet de loi de ratification après sa publication - quatre mois - apparaissent de surcroît particulièrement longs et peu justifiés. Le Gouvernement ne part en effet pas d'une « page blanche », puisqu'il devrait s'appuyer sur les travaux et les préconisations du Haut comité juridique de la place financière de Paris, qui a publié un rapport sur l'adéquation du droit des fonds d'investissement et du droit des sociétés au mois d'octobre 2021 et un autre sur le régime de liquidation des fonds d'investissement en situations spéciales au mois d'octobre 2023, avec tous deux des propositions de modifications « en dur ».
À l'initiative du rapporteur, elle a donc adopté l'amendement COM-32 afin de supprimer l'article.
La commission a supprimé cet article.
I. LE DROIT EXISTANT : LES ORGANISMES DE PLACEMENT COLLECTIF, UN ENCADREMENT NATIONAL ET EUROPÉEN
A. LES ORGANISMES DE PLACEMENT COLLECTIF, INSTRUMENT D'INTERVENTION SUR LES MARCHÉS FINANCIERS
Les organismes de placement collectif (OPC) désignent les sociétés financières dont la fonction consiste à placer les capitaux collectés auprès du public sur les marchés financiers. En achetant une part d'un OPC, un épargnant peut accéder à un portefeuille diversifié, géré par une société de gestion agréée. Juridiquement, un OPC peut prendre la forme :
- d'un fonds commun de placement, à savoir une copropriété d'instruments financiers qui émet des parts. L'investisseur n'est pas un actionnaire et n'a pas de droit de vote ;
- d'une société d'investissement à capital variable (Sicav), à savoir une société anonyme ou une société par actions simplifiées à capital variable qui émet des actions au fur et à mesure des demandes de souscription. L'investisseur est alors un actionnaire.
Le cadre européen distingue deux grands types d'OPC :
- les organismes de placement collectif en valeurs mobilières (OPCVM), qui relèvent de la directive consolidée sur les OPCVM, dite « directive UCITS 4 »83(*). Aux termes de l'article 1er de la directive, l'objet exclusif des OPCVM est le placement collectif en valeurs mobilières ou dans d'autres actifs financiers liquides ;
- les fonds d'investissement alternatifs (FIA), qui relèvent de la directive sur les gestionnaires de fonds d'investissement alternatifs, dite « directive AIFM »84(*). Les FIA regroupent l'ensemble des fonds ne relevant pas de la qualification d'OPCVM au sens de la directive UCITS 4 (article L. 214-24 du code monétaire et financier).
Une grande partie des règles applicable aux OPC est reprise au chapitre IV du titre Ier du livre II du code monétaire et financier. À ces règles nationales, dont la plupart sont issues d'une adaptation du droit européen, s'ajoute l'encadrement prévu par le règlement général et par les instructions de l'Autorité des marchés financiers (AMF).
Au 31 décembre 2022, 93 % des 702 sociétés de gestion de portefeuille françaises étaient soumises à au moins l'une des deux directives, dont 100 uniquement au titre de la directive UCITS 4, 322 exclusivement au titre de la directive AIFM et 169 sous les deux régimes85(*).
Il est ensuite possible de classer les fonds en fonction des valeurs mobilières dont ils sont majoritairement constitués, selon leur « nature » :
- les fonds monétaires sont investis en titres de créances à court terme : bons du Trésor émis par les États, billets de trésorerie émis par les entreprises ou encore certificats de dépôt émis par les banques ;
- les fonds actions peuvent être exposés aux actions françaises, européennes ou internationales ;
- les fonds obligataires sont investis en obligations, c'est-à-dire en titres de dette de moyen et long terme émis par les États ou par les entreprises ;
- les fonds mixtes sont investis dans des produits financiers de différente nature, à la discrétion du gestionnaire et sans nécessairement de plancher ou de plafond pour la détention d'une catégorie ;
- les fonds « autres ». La Banque de France classe dans cette catégorie l'ensemble des fonds d'épargne salariale, les fonds immobiliers, les fonds de capital investissement et, plus marginalement, les fonds à formule86(*) et les hedge funds87(*).
Les encours nets totaux des OPC de droit français s'élevaient à 1 850 milliards d'euros à la fin de l'année 202288(*), en diminution de 6 % par rapport à 2021 après deux années de hausse consécutives89(*).
Répartition des encours des OPC
par
catégorie au 31 décembre 2022
(en milliards d'euros et en pourcentage)
Source : commission des finances, d'après les données publiées par l'Autorité des marchés financiers dans Chiffres clés 2022 de la gestion d'actifs », janvier 2024
Les données publiées par la Banque de France sur l'épargne des ménages indiquent qu'à la fin du troisième trimestre 2023, les ménages détenaient 260 milliards d'euros dans des OPC, soit 4,3 % de l'épargne disponible (6 000,8 milliards d'euros)90(*).
B. DES INITIATIVES POUR RÉVISER, AU NIVEAU NATIONAL, LE CADRE RÉGISSANT LES ORGANISMES DE PLACEMENT COLLECTIF
Ces dernières années, avec un double objectif de simplification et de modernisation, deux réflexions ont été menées sur le cadre juridique applicable aux OPC : l'une liée aux OPC ayant pris la forme d'une société et l'autre relative à la liquidation des fonds d'investissement. Ces réflexions sont en grande partie portées par le Haut comité juridique de la place financière de Paris (HCJP).
Le Haut comité juridique de la place financière de Paris
Créé sous l'impulsion de l'Autorité des marchés financiers et de la Banque de France, le Haut comité juridique de la place financière de Paris (HCJP) a pour mission :
- de proposer des projets de réforme à même de promouvoir la compétitivité juridique de la place de Paris ;
- d'aider et d'accompagner les autorités publiques dans le cadre des travaux de négociation des textes européens et internationaux ;
- de renforcer la sécurité juridique en fournissant des réponses à des questions intéressant l'ensemble des acteurs financiers à la fois publics et privés.
Le calendrier des travaux du HCJP est fixé au début de l'année calendaire. Les thèmes qui sont étudiés au cours de l'année sont adoptés sur proposition des membres du HCJP et des autorités tutélaires. Les groupes de travail sont ensuite constitués et présidés par des membres du HCJP ou par des experts du sujet.
Les réunions de travail rassemblent des universitaires, des avocats, des experts, des praticiens, des représentants de la direction générale du Trésor, de la Chancellerie, de la Banque de France, de l'AMF et de l'Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR). Ceux-ci réalisent en toute indépendance des analyses juridiques. Une fois les travaux finalisés, un rapport ou un avis est rédigé et doit être approuvé par l'assemblée plénière du Haut comité, qui réunit l'ensemble des membres. Il est ensuite rendu public.
Source : présentation du Haut comité juridique de la place financière de Paris
1. L'adéquation du droit des sociétés et du droit des fonds d'investissement, une nécessaire clarification
Le HCJP a publié au mois de décembre 2021 un rapport sur l'adéquation du droit des fonds d'investissement et du droit des sociétés91(*).
En effet, si les directives UCITS 4 et AIFM prévoient deux modes de structuration des fonds d'investissement - la forme sociétaire et la forme contractuelle - elles laissent aux États membres le soin de déterminer les règles applicables à ces structures et le fonctionnement de ces véhicules au regard du droit des sociétés. Les OPC constitués sous la forme de société doivent dès lors à la fois appliquer les dispositions issues du droit européen et les dispositions nationales du code de commerce régissant les différentes formes sociétaires.
Les OPCVM et les FIA qui choisissent de se structurer sous une forme sociétaire relèvent des catégories suivantes :
- les sociétés d'investissement à capital variable, pour les OPCVM (articles L. 214-7 à L. 214-7-4 du CMF) et les FIA (articles L. 214-24-29 à L. 214-24-33 du CMF). Les Sicav peuvent prendre la forme d'une société anonyme ou d'une société par actions simplifiées (SAS), qui a pour seul objet la gestion d'un portefeuille d'instruments financiers et de dépôts ;
- les sociétés civiles de placement immobilier (SCPI), pour les FIA immobiliers (articles L. 214-86 à L. 214-120 du CMF). Par définition, elles prennent la forme d'une société civile ;
- les sociétés de libre partenariat, sous la forme d'une société en commandite simple (articles L. 214-162 à L. 214-62-12 du CMF), pour les fonds déclarés, une catégorie particulière de FIA qui ne sont pas agréés mais soumis à un simple régime déclaratif.
La forme de la société retenue emporte avec elle des règles spécifiques en matière de nombre d'associés requis, de montant minimal du capital du capital social, de gouvernance et de vie sociale de la société, de responsabilité de ses associés et de ses dirigeants ainsi que de modalités d'imposition.
S'agissant plus spécifiquement de l'application de ces règles aux sociétés d'investissement, elle varie : certaines règles relatives à la forme sociétaire à laquelle les sociétés d'investissement sont apparentées (sociétés anonymes, sociétés par actions simplifiées, sociétés civiles, sociétés en commandite simple) s'appliquent de plein droit aux sociétés d'investissement tandis que d'autres sont exclues ou que des dérogations au régime de rattachement sont prévues. Dès lors, ainsi que le relève le HCJP dans son rapport, l'applicabilité des dispositions de la forme sociétaire de rattachement de l'OPCVM ou du FIA est source d'insécurité et d'incertitude juridique, en particulier pour les règles dont l'application aux sociétés d'investissement n'a été ni précisée, ni écartée - avec des difficultés d'interprétation.
Le HCJP s'est attaché à identifier ces points de friction et à proposer des recommandations sur trois volets :
- la vie sociale des sociétés d'investissement : outre plusieurs difficultés rencontrées avec des greffiers de tribunaux de commerce pour l'immatriculation ou la radiation de certaines entités, le HCJP relève des difficultés dans la définition des règles de quorum pour la tenue des assemblées générales ainsi que pour l'affectation du résultat dans les organismes de placement collectif immobilier (OPCI)92(*) ;
- la gouvernance des sociétés d'investissement : le HCJP propose de davantage tenir compte des particularités des sociétés de gestion et de la faible implication des investisseurs en tant qu'associés, ce qui pourrait se traduire par des aménagements dans la composition des organes de surveillance ou par le recours à la visioconférence ou au téléphone pour certaines réunions de l'organe de surveillance. Le HCJP propose également de clarifier la répartition des pouvoirs entre les organes sociaux et le gestionnaire ;
- les opérations des sociétés d'investissement : le HCJP propose la révision de plusieurs règles de gestion pour les adapter aux caractéristiques et au fonctionnement des sociétés d'investissement, s'agissant notamment du fonctionnement des compartiments. Les compartiments correspondent à des subdivisions du fonds d'investissement, par exemple d'un OPCVM : chaque compartiment dispose de sa propre stratégie d'investissement et de son propre portefeuille d'actifs. Le HCJP appelle à renforcer leur autonomie juridique dans le cadre d'une Sicav, en s'inspirant notamment du droit luxembourgeois. Il serait ainsi possible de n'interroger en assemblée que les actionnaires d'un compartiment lorsqu'un projet de résolution porte sur ce compartiment et n'a pas de conséquence pour les autres.
Le rapport du HCJP s'inscrivait dans un contexte marqué, d'une part, par l'intérêt croissant des investisseurs étrangers pour la forme sociétaire des fonds d'investissement de droit français et, d'autre part, par la nécessité de répondre aux évolutions apportées à la règlementation britannique.
2. La liquidation des fonds d'investissement
L'AMF a constitué au début de l'année 2022 un groupe de travail sur la fin de vie des fonds de capital investissement, qui a remis son rapport et ses recommandations au mois de juillet de la même année93(*). Face au constat que la durée de vie des fonds de capital investissement à destination des clients particuliers était régulièrement dépassée, le groupe de travail a proposé plusieurs recommandations pour accroître les conditions de sécurité, de transparence et d'efficience de la participation des investisseurs non professionnels au financement de jeunes sociétés.
Le HCJP s'est également intéressé à cette question, sur un périmètre plus large, et a publié, au mois d'octobre 2023, un rapport sur le régime de liquidation des fonds d'investissement en situations spéciales94(*). Les difficultés soulevées par le régime actuel de la liquidation des OPC avaient été mises en exergue lors des précédents travaux du HCJP sur l'adéquation du droit des fonds d'investissement et du droit des sociétés.
Dans ce dernier, le HCJP souligne la très grande hétérogénéité et disparité des régimes de liquidation des OPC95(*), tant en France qu'en Europe. Il constate également que le droit des procédures collectives est inadapté au traitement des défaillances des OPC, justifiant, selon le Haut comité, une révision globale des régimes de liquidation des OPC.
À cette fin, le HCJP formule des propositions pour :
- mettre en place des mesures de prévention afin d'éviter aux OPC d'arriver, contre leur volonté, dans une phase critique nécessitant leur liquidation ;
- clarifier le régime de liquidation « amiable », à la main de la société de gestion ;
- créer un nouveau régime de liquidation « administrative », sous la supervision de l'AMF, qui nommerait un liquidateur tiers à l'issue d'une procédure contradictoire. Un tel dispositif permettrait de limiter les cas dans lesquels les tiers intéressés demandent la liquidation judiciaire de l'OPC.
L'objectif final visé par le HCJP est la mise en oeuvre d'un droit des OPC autonome, cohérent et efficace, exclusivement régi par les dispositions du code monétaire et financier. Il s'agit à la fois d'un enjeu de simplification et de compétitivité, le Haut comité relevant que certains États membres comme le Luxembourg et l'Italie ont mis en place des régimes de liquidation spécifiquement adaptés aux OPC mais qu'aucun État membre n'avait mis en place de dispositif global réellement satisfaisant. Le Haut comité estime ainsi que la France pourrait devenir la juridiction où la sécurité juridique inhérente à la liquidation des OPC est la mieux garantie, au bénéfice de la protection des investisseurs, des créanciers mais aussi des acteurs des OPC.
II. LE DISPOSITIF ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE : UNE HABILITATION DU GOUVERNEMENT À LÉGIFÉRER PAR ORDONNANCE POUR RÉVISER LE CADRE JURIDIQUE APPLICABLE AUX ORGANISMES DE PLACEMENT COLLECTIF
Issu d'un amendement déposé par le Gouvernement et adopté par l'Assemblée nationale en séance publique, avec un avis favorable du rapporteur Alexandre Holroyd, le présent article habilite le Gouvernement à prendre par ordonnance, dans un délai d'un an, les mesures relevant du domaine de la loi pour réviser le cadre juridique applicable aux organismes de placement collectif (OPC). Il s'agirait ainsi :
- d'harmoniser et de simplifier les dispositions relatives à la constitution, à la radiation, à l'organisation des assemblées générales, aux modalités de distribution du capital, au régime de franchissement des seuils et à la fin de vie des OPC (1°) ;
- de moderniser la composition et le fonctionnement des organes de gouvernance des OPC ainsi que la répartition des pouvoirs entre les organes sociaux des OPC et leurs sociétés de gestion (2°) ;
- de réformer le cadre des opérations touchant à la vie des OPC, au fonctionnement des compartiments, au calcul du ratio et au fractionnement des parts ou des actions des OPC (3°) ;
- de rendre applicables en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie française et à Wallis-et-Futuna, avec les adaptations nécessaires, les articles du code de commerce, du code monétaire et financier et d'autres codes et de lois modifiés par les mesures prises en application des 1° à 3°, et de procéder aux adaptation nécessaires des articles ainsi modifiés pour ce qui concerne les collectivités de Saint-Barthélemy, de Saint-Martin et de Saint-Pierre-et-Miquelon (4°).
Les 1° à 3° reprennent ainsi les trois items identifiés par le HCJP dans son rapport sur l'adéquation du droit des sociétés et du droit des fonds d'investissement - vie sociale, gouvernance et opérations des OPC. Le 3° recouvre également pour partie le sujet de la liquidation, également objet des travaux du HCJP.
Le projet de loi de ratification serait déposé dans un délai de quatre mois à compter de la publication de l'ordonnance.
III. LA POSITION DE LA COMMISSION DES FINANCES : UNE HABILITATION PARTICULIÈREMENT LARGE ET PEU PRÉCISE, PORTEUSE D'UN RISQUE MAJEUR DE CONTOURNEMENT DU PARLEMENT
La commission a pleinement conscience que la révision du cadre juridique des organismes de placement collectif est à la fois complexe et nécessaire pour remédier à certains obstacles juridiques rencontrés par les sociétés d'investissement, pour accroître leur compétitivité et donc pour renforcer l'attractivité financière de la France et de la place de Paris pour les acteurs financiers, en particulier pour les sociétés de gestion.
Or, ce serait faire peu de cas de la représentation nationale que d'affirmer que les sujets « complexes » doivent être traités par ordonnance et n'intéressent pas le Parlement, d'autant plus quand, comme c'est le cas ici, le champ de l'habilitation est extrêmement large et implique d'importantes modifications du cadre juridique. Le Gouvernement pourrait96(*) :
- harmoniser et simplifier les dispositions relatives à la vie sociale des OPC, ce qui pourrait inclure les règles et les formalités pour la tenue des assemblées (recours à la dématérialisation des réunions et de la documentation, simplification des règles de quorum et de vote), l'harmonisation des calendriers (publication et arrêté des comptes, distribution des dividendes), l'harmonisation des définitions applicables (capital, affectation du résultat), les règles de distribution et la simplification du régime de franchissement des seuils dans les fonds d'investissement cotés ;
- moderniser la gouvernance des OPC, ce qui pourrait inclure la modification de la composition des organes de gouvernance (encadrement du nombre de membres du conseil de surveillance dans une SCPI), des modalités de réunion (recours à la dématérialisation) et de la répartition des pouvoirs entre les organes sociaux des OPC et leurs sociétés de gestion ;
- réformer certaines opérations des OPC, ce qui pourrait inclure l'autorisation de procéder à des opérations au niveau des compartiments pour les Sicav, la révision du calcul du ratio d'endettement dans les OPCI ayant recours à des opérations de crédit-bail ou encore l'extension de la possibilité de fractionner les parts et les actions d'OPC.
Le rapporteur ne peut s'empêcher de relever que les termes utilisés pour l'habilitation - simplifier, moderniser, réformer - sont particulièrement imprécis, tandis que les champs visés - vie sociale, gouvernance et opérations des OPC - sont vastes.
Il lui a certes été indiqué que le contenu de l'ordonnance reprendrait en grande partie les préconisations du HCJP dans ses deux rapports portant sur l'application du droit des sociétés aux fonds d'investissement et sur la liquidation des OPC. Là-encore, c'est imprécis : aucune des administrations entendues par le rapporteur n'a pu lui préciser les préconisations qui seraient reprises, celles qui seraient écartées ou encore s'il y aurait des dispositions « inédites », dans le sens où elles n'auraient pas fait l'objet de travaux du HCJP. Comme à chaque fois qu'une habilitation est demandée, le Gouvernement plaide la complexité du sujet et la nécessité de conduire des « consultations » : rien n'interdit de mener ces consultations et de proposer ensuite au Parlement un projet de loi bien construit, appuyé sur une étude d'impact solide.
Il n'est par ailleurs pas dénué d'ironie qu'en réponse aux demandes de précision sur le champ de l'habilitation, le Gouvernement se tourne vers les deux rapports du HCJP. Le HCJP avait en effet proposé des modifications « en dur », dès le mois de décembre 2021 pour le premier rapport, qui porte sur les thèmes les plus larges (vie sociale, gouvernance et opérations des OPC). Les travaux sont donc achevés depuis deux ans et demi, et le Gouvernement n'a pas trouvé le moyen de conduire les consultations nécessaires sur un sujet aussi complexe et de proposer des évolutions législatives au Parlement.
À cet égard, le rapporteur relève que la durée de l'habilitation - un an - et le délai du dépôt du projet de loi de ratification - quatre mois - apparaissent particulièrement longs et peu justifiés. Le Gouvernement ne part en effet pas d'une « page blanche » et peut s'appuyer sur les travaux du HCJP et sur les modifications législatives proposées par ce dernier. Le Parlement, déjà contourné lorsqu'il est recouru aux ordonnances, ne doit pas souffrir davantage de l'impréparation du Gouvernement. Il aurait donc été préférable d'a minima prévoir les mêmes délais pour l'habilitation demandée au présent article et pour celle demandée à l'article 11 bis relative à la révision du régime des nullités, à savoir neuf mois, et un délai de dépôt du projet de loi de ratification de trois mois.
Pour l'ensemble de ces raisons, et pour éviter un énième contournement du Parlement, une habitude désormais pour ce Gouvernement - la commission a adopté l'amendement COM-32 du rapporteur afin de supprimer l'article.
Décision de la commission : la commission des finances a supprimé cet article.
ARTICLE 10 quinquies (nouveau)
Renforcement du devoir
de signalement des commissaires
aux comptes à l'Autorité des
marchés financiers
Le présent article, introduit par l'amendement COM-32 du rapporteur, vise à renforcer le devoir de signalement des commissaires aux comptes auprès de l'Autorité des marchés financiers (AMF). Ces signalements sont essentiels pour l'AMF, puisqu'ils lui permettent de mieux anticiper les difficultés financières des organismes de placement collectif, instruments d'intervention sur les marchés financiers et de financement en capital des entreprises.
Ce renforcement passe par deux évolutions. D'une part, en plus de devoir signaler l'émission de réserves ou le refus de certification des comptes, les commissaires aux comptes devront signaler leur impossibilité de certifier les comptes, lorsqu'ils n'ont pas pu mettre en oeuvre toutes les procédures d'audit nécessaires. D'autre part, ces obligations de signalement sont étendues aux commissaires aux comptes des fonds de placement immobilier.
Ce dispositif avait été adopté par le Sénat au mois de janvier 2023, dans le cadre de la proposition de loi tendant à renforcer la protection des épargnants. Il s'inscrit dans la recherche d'un équilibre entre, d'une part, l'attractivité de la place de Paris et, d'autre part, la préservation des intérêts des investisseurs et des acteurs qui y opèrent.
La commission a adopté cet article.
I. LE DROIT EXISTANT : UN DEVOIR DE SIGNALEMENT DES COMMISSAIRES AUX COMPTES AUPRÈS DE L'AUTORITÉ DES MARCHÉS FINANCIERS
L'AMF et la compagnie nationale des commissaires aux comptes (CNCC) ont publié pour la première fois en 2005 un guide des relations entre l'AMF et les commissaires aux comptes97(*). Mis à jour pour la dernière fois au mois d'avril 2022, il vise à définir de bonnes pratiques de coopération et à préciser les modalités d'échange entre les commissaires et l'AMF.
Aux termes de l'article L. 621-22 du code monétaire et financier (CMF), l'AMF peut demander aux commissaires aux comptes de personnes dont les titres financiers sont admis aux négociations sur un marché règlementé tous renseignements sur les personnes qu'ils contrôlent. Les commissaires peuvent à l'inverse interroger l'AMF sur toute question rencontrée dans l'exercice de leur mission et susceptible d'avoir un effet sur l'information financière de la personne.
L'article L. 621-23 du CMF précise que les commissaires aux comptes des sociétés de gestion de portefeuille et des prestataires de services de communication de données sont déliés du secret professionnel à l'égard de l'AMF. Ils sont également tenus de lui signaler dans les meilleurs délais tout fait ou décision de nature :
- à constituer une violation des dispositions législatives ou règlementaires applicables à la société et susceptible d'avoir des effets significatifs sur la situation financière, le résultat ou le patrimoine ;
- à porter atteinte à la continuité de l'exploitation de la société ;
- à entrainer l'émission de réserves ou le refus de la certification des comptes.
Réserves, refus et impossibilité de certification
La certification des comptes annuels ou consolidés d'une société par un commissaire aux comptes est l'opération par laquelle ce dernier certifie que les comptes sont réguliers et sincères et qu'ils donnent une image fidèle du résultat des opérations de l'exercice écoulé ainsi que de la situation financière et du patrimoine de l'entité concernée.
La certification peut être assortie de réserves, par exemple si le commissaire aux comptes a identifié lors de son audit des anomalies significatives et que celles-ci n'ont pas été corrigées, à condition que leur incidence soit limitée et que la formulation de la réserve soit suffisante pour permettre à l'utilisateur des comptes de fonder son jugement en connaissance de cause (« réserve pour désaccord »). Sous les mêmes conditions, le commissaire aux comptes peut également formuler une réserve s'il n'a pas pu mettre en oeuvre toutes les procédures d'audit nécessaires (« réserve pour limitation »).
Le commissaire aux comptes peut refuser de certifier lorsqu'il a détecté des anomalies significatives qui n'ont pas été corrigées. Dans ce cas, les anomalies ne peuvent pas être clairement circonscrites et la formulation d'une réserve ne serait pas suffisante pour permettre à l'utilisateur de fonder son jugement.
Enfin, le commissaire aux comptes formule une impossibilité de certifier lorsqu'il n'a pas pu mettre en oeuvre toutes les procédures d'audit nécessaires pour fonder son opinion sur les comptes. Les limitations à ses travaux ne peuvent pas être clairement circonscrites et la formulation d'une réserve ne serait pas suffisante.
Source : compagnie nationale des commissaires aux comptes, « NEP 700. Rapports du commissaire aux comptes sur les comptes annuels et consolidés », 11 octobre 2018
II. LE DISPOSITIF PROPOSÉ : RENFORCER LE DEVOIR DE SIGNALEMENT DES COMMISSAIRES AUX COMPTES POUR MIEUX ANTICIPER LES DIFFICULTÉS DE CERTAINS FONDS
À l'initiative du rapporteur, la commission a adopté l'amendement COM-32 afin de renforcer le devoir de signalement des commissaires aux comptes auprès de l'AMF, qui ne porte en l'état du droit que sur l'émission de réserves et le refus de certification.
Le 1° du présent article impose ainsi aux commissaires aux comptes des organismes de placement collectif (OPC) et des sociétés de gestion de portefeuille (SGP) de signaler s'ils se trouvent dans l'impossibilité de certifier les comptes. Si le guide professionnel des échanges entre l'AMF et la CNCC aborde ce sujet, il ne peut en constituer la base normative.
Le 2° du présent article étend les obligations de signalement des commissaires aux comptes aux fonds de placement immobilier. En effet, seuls les commissaires des OPC prenant la forme d'une société de placement à prépondérance immobilière à capital variable sont aujourd'hui concernés par cette obligation, sans justification particulière de cette différence de traitement.
Ce dispositif, déjà adopté par le Sénat le 31 janvier 2023 dans le cadre de l'examen de la proposition de loi tendant à renforcer la protection de l'épargnant, répond à la recherche d'un équilibre entre, d'une part, le renforcement de l'attractivité de la place de Paris et, d'autre part, la protection des acteurs financiers et des investisseurs qui y opèrent.
Le devoir de signalement des commissaires aux comptes est en effet primordial pour l'AMF afin d'assurer sa mission de protection de l'épargne investie dans les instruments financiers. Les informations remontées lui permettent d'exercer une vigilance particulière à l'égard de certains acteurs, y compris pour mieux anticiper les difficultés auxquelles ils pourraient faire face. Ces difficultés peuvent en effet avoir tant un impact sur les investisseurs que sur le financement des entreprises dont les titres sont à l'actif des fonds.
Dans un contexte où le Gouvernement a demandé, à l'article 10 quater de la présente proposition de loi98(*), une habilitation à légiférer par ordonnance pour réviser l'ensemble du cadre juridique applicable aux OPC, le présent article apporte, par la voie législative ordinaire, une première modification relative à leur contrôle par les commissaires aux comptes.
Décision de la commission : la commission des finances a adopté cet article.
ARTICLE 11
Spécialisation de la cour d'appel
de Paris
en matière d'arbitrage international
L'examen de cet article a été délégué au fond à la commission des lois99(*). Il désigne la chambre commerciale internationale de la cour d'appel de Paris comme seule compétente pour les recours en matière d'arbitrage international.
La commission des lois a adopté cet article sans modification.
Décision de la commission : la commission des finances a adopté cet article sans modification.
ARTICLE 11 bis (nouveau)
Habilitation à
légiférer par ordonnance
pour réformer le
régime des nullités en droit des sociétés
L'examen de cet article a été délégué au fond à la commission des lois100(*). Il habilite le Gouvernement à légiférer par ordonnance pour simplifier et pour clarifier le régime des nullités en droit des sociétés.
La commission des lois a adopté cet article sans modification.
Décision de la commission : la commission des finances a adopté cet article sans modification.
ARTICLE 12
Calcul des indemnités de
licenciement des preneurs de risques
Le présent article prévoit d'élargir la liste des preneurs de risques, ces personnels des établissements financiers soumis à des règles dérogatoires quant au calcul de leurs indemnités de licenciement. N'est en effet pas prise en compte dans ce calcul la partie de la part variable de leur rémunération qui peut être réduite ou donner lieu à une restitution.
En l'état actuel du droit, les preneurs de risques sont définis par référence aux articles 3 et 4 du règlement délégué 604/2014 du 4 mars 2014, qui n'est pourtant plus en vigueur depuis le 26 juin 2021. Il est donc proposé d'actualiser cette disposition dérogatoire pour renvoyer aux articles 5 et 6 du règlement délégué 2021/903 du 25 mars 2021. Concrètement, cela revient à inclure dans la liste des preneurs de risque les personnels exerçant des fonctions de direction dans le domaine des affaires publiques, de la solidité des politiques et des procédures comptables, de la prévention du blanchiment de capitaux et du financement du terrorisme ou des accords d'externalisation.
Si cette extension apparaît opportune, la commission relève que cet ajustement est modeste, et certainement pas de nature à apporter une réponse à ce qui constitue encore l'un des grands freins à la compétitivité de la place de Paris et à l'attractivité financière de la France : le coût du travail et, en particulier, le coût des licenciements pour les métiers cycliques aux rémunérations très élevées. La commission des finances avait alerté sur cette difficulté dès 2017 et regrette l'absence de réaction du Gouvernement sur ce sujet. L'examen de cette proposition de loi aurait pu conduire à une analyse plus approfondie des conditions de faisabilité d'un plafonnement global des indemnités de licenciement des preneurs de risques, en lien avec le Parlement.
La commission a adopté cet article sans modification.
I. LE DROIT EXISTANT : UNE LIMITATION SPÉCIFIQUE DES INDEMNITÉS DE LICENCIEMENT DES PRENEURS DE RISQUES
A. LE COÛT DU TRAVAIL, UN ENJEU MAJEUR POUR LES ACTEURS DE LA PLACE DE PARIS
Dès 2017, dans un rapport consacré aux places financières et à la stratégie française à adopter face au Brexit101(*), la commission des finances relevait que le droit et le coût du travail constituaient deux aspects majeurs de l'attractivité des places financières, aspects sur lesquels la place de Paris souffrait d'un « handicap concurrentiel », du fait notamment du niveau des prélèvements sur le travail payés par les employeurs du secteur financier pour les salariés qualifiés.
Le montant de ces prélèvements, pour un salaire annuel fixe de 250 000 euros dans le secteur financier, était en moyenne jusqu'à dix fois supérieur à celui acquitté par les employeurs dans les pays voisins de la France tels que l'Allemagne, les Pays-Bas ou encore le Luxembourg. La commission des finances avait alors décomposé l'écart entre l'Allemagne et la France : un tiers tenait à la taxe sur les salaires, un autre tiers à l'absence de contribution obligatoire aux régimes de retraite complémentaires en Allemagne et le dernier tiers à l'absence de plafonnement des cotisations sociales en France.
Sept ans après, le niveau des prélèvements sociaux demeure une préoccupation majeure des acteurs de la place de Paris. Lors d'une table ronde consacrée à l'attractivité financière de la France, organisée par la commission des finances le 3 avril 2024102(*), Jean-Charles Simon, délégué général d'Europlace, a souligné que la question du coût du travail demeurait une préoccupation de premier ordre pour les acteurs : « pour les métiers qualifiés, le coût du travail est considérable, mais il devient très problématique pour les métiers financiers, aux salaires relativement élevés ». Selon les données qu'il avait transmises à la commission, le taux moyen de cotisation patronale s'élevait à 40 % du salaire brut en France, tandis qu'il est plus proche des 15 % en Italie, en Allemagne et au Royaume-Uni.
Une seconde caractéristique défavorable à la place de Paris en matière de droit du travail avait été soulignée par la commission dès 2017 : la faible prévisibilité du coût d'un licenciement, dès lors, qu'au moment de la publication de ce rapport, aucun barème n'encadrait les indemnités susceptibles d'être prononcées par le juge. La commission avait ainsi appelé à la mise d'un barème afin de résoudre rapidement l'obstacle que représentait l'absence de visibilité sur le coût des licenciements économiques. Les entreprises du secteur financier y sont en effet particulièrement exposées compte tenu du caractère cyclique de leurs activités et de la structuration des rémunérations, avec une part fixe et une part variable.
Sur ce sujet également, le rapporteur ne peut que constater le peu d'évolutions intervenues entre 2017 et 2024. Pour citer le délégué général d'Europlace lors de la table ronde précitée, « concernant les licenciements ou les ruptures conventionnelles, les dispositions françaises sont très peu compétitives pour les hauts salaires. Les niveaux d'indemnités de départ sont très élevés ». Là-encore, la France souffre de la comparaison : pour les très hauts salaires du secteur financier, le coût d'un licenciement peut être dix fois plus élevé qu'au Royaume-Uni.
Les récents travaux menés par la commission des finances tendent donc à indiquer que le coût du travail en France demeure un obstacle dans les arbitrages internationaux sur la localisation des activités et un frein à la compétitivité de la place de Paris, s'agissant de surcroît, pour les métiers financiers à très hautes rémunérations, d'emplois très mobiles et facilement délocalisables.
B. L'EXCLUSION D'UNE PARTIE DE LA RÉMUNÉRATION VARIABLE DES PRENEURS DE RISQUES DU CALCUL DE LEURS INDÉMNITÉS DE LICENCIEMENT
Dans le cadre de la loi du 22 mai 2019 relative à la croissance et à la transformation des entreprises (loi Pacte)103(*), le législateur a apporté une première réponse à la question du coût du travail, et notamment des licenciements, dans le secteur financier, pour les métiers à très hautes rémunérations et très exposés aux fluctuations du cycle économique.
Ainsi, aux termes de l'article L. 511-84-1 du code monétaire et financier (CMF), une partie de la part variable de la rémunération n'est pas prise en compte dans le calcul des indemnités de licenciement des preneurs de risques. Il s'agit donc d'une modalité de calcul des indemnités de licenciement dérogatoire du droit commun, et strictement délimitée.
1. La rémunération et les indemnités de licenciement
La rémunération qui n'est pas prise en compte pour le calcul des indemnités de licenciement correspond à la partie de la part variable de la rémunération dont le versement peut être réduit ou donner lieu à restitution (« bonus récupérables »). En effet, et il s'agit là également d'une spécificité du secteur financier, « le montant total de la rémunération variable peut être légalement réduit ou donner lieu à restitution lorsque la personne concernée a méconnu les règles édictées par l'établissement en matière de prise de risque, notamment en raison de sa responsabilité dans des agissements ayant entraîné des pertes significatives pour l'établissement ou en cas de manquement aux obligations d'honorabilité et de compétence » (article L. 511-84 du CMF)104(*).
Cette partie de la rémunération est exclue du calcul des indemnités de licenciement suivantes :
- les indemnités prononcées par le juge lorsque le licenciement est prononcé en méconnaissance des dispositions relatives à la réintégration du salarié après un accident du travail autre que de trajet ou une maladie professionnelle, ou en méconnaissance des obligations liées à l'inaptitude (article L. 1226-15 du code du travail) ;
- les indemnités versées au salarié titulaire d'un contrat de travail à durée indéterminée et licencié alors qu'il compte huit mois d'ancienneté ininterrompus au service du même employeur (article L. 1234-9 du même code) ;
- les indemnités prononcées par le juge lorsque le licenciement est intervenu pour une cause qui n'est pas réelle et sérieuse (article L. 1235-5 dudit code) :
- les indemnités prononcées par le juge lorsqu'un licenciement est entaché de nullité105(*) (article L. 1235-3-1 dudit code) ;
- les indemnités prononcées par le juge lorsqu'il constate qu'un licenciement est intervenu alors que la procédure de licenciement est nulle (article L. 1235-11 dudit code) ;
- les indemnités versées en cas d'annulation de la décision de validation ou d'homologation d'un plan de sauvegarde de l'emploi (article L. 1235-16 dudit code).
2. Les personnes concernées
Aux termes de l'article L. 511-84-1 du CMF, les personnels visés par cette modalité dérogatoire de calcul des indemnités de licenciement sont les preneurs de risques au sens des articles 3 et 4 du règlement délégué n° 604/2014 du 4 mars 2014 de la Commission, relatif aux critères qualitatifs et quantitatifs appropriés permettant de recenser les catégories de personnel dont les activités professionnelles ont une incidence significative sur le profil de risque d'un établissement106(*).
Les preneurs de risques au sens du règlement délégué 604/2014
Les membres du personnel d'un établissement de crédit ou d'une entreprise d'investissement qui remplissent l'un des critères prévus à l'article 3 ou à l'article 4 sont considérés comme des preneurs de risques.
L'article 3 du règlement délégué liste les critères qualitatifs non cumulatifs qui permettent de considérer qu'un membre du personnel a une incidence significative sur le profil de risque d'un établissement. Ce membre du personnel peut :
- être un membre de l'organe de direction dans sa fonction exécutive ;
- être un membre de l'organe de direction dans sa fonction de surveillance ;
- être un membre de la direction générale ;
- être responsable des activités de la fonction indépendante de gestion du risque, de la fonction de conformité ou de la fonction d'audit interne à l'égard de l'organe de direction et rendre des comptes à celui-ci en ce qui concerne ces activités ou exercer des responsabilités managériales dans l'une de ces fonctions ;
- avoir la responsabilité globale de la gestion du risque au sein d'une unité opérationnelle ;
- diriger une unité opérationnelle importante ou exercer des responsabilités managériales dans une unité opérationnelle importante et faire rapport directement au membre du personnel qui dirige cette unité ;
- diriger une fonction chargée des affaires juridiques, des finances, y compris la fiscalité et l'établissement du budget, des ressources humaines, de la politique de rémunération, des technologies de l'information ou de l'analyse économique ;
- être responsable d'un comité chargé de la gestion d'un de ces risques : contrepartie, concentration, titrisation, taux d'intérêt, liquidité et levier excessif, risque résiduel et opérationnel ;
- être chargé de formuler des propositions de crédits, de structurer des produits de crédits, être en mesure de pouvoir prendre, approuver ou opposer son veto à une décision concernant les expositions au risque de crédit ou encore être membre d'un comité formé à cet effet. Idem pour ce qui concerne les décisions portant sur des transactions du portefeuille de négociation ;
- exercer des responsabilités managériales à l'égard d'un groupe de membres du personnel qui ont individuellement le pouvoir d'engager l'établissement pour des transactions ;
- prendre la décision d'approuver ou d'opposer un veto à l'introduction de nouveaux produits ou être membre d'un comité qui a le pouvoir de prendre de telles décisions ;
- exercer des responsabilités managériales à l'égard d'un membre du personnel respectant au moins l'un des critères précédemment énoncés.
L'article 4 du règlement délégué liste les critères quantitatifs non cumulatifs qui permettent de considérer qu'un membre du personnel a une incidence significative sur le profil de risque d'un établissement. Les critères sont les suivants :
- le membre du personnel s'est vu accorder une rémunération totale égale ou supérieure à 500 000 euros au cours de l'exercice précédent ;
- le membre du personnel fait partie des 0,3 % des membres du personnel auxquels la rémunération totale la plus élevée a été accordée au cours de l'exercice précédent ;
- le membre du personnel s'est vu accorder, au cours de l'exercice précédent, une rémunération totale égale ou supérieure à la plus faible rémunération totale accordée au cours du même exercice à un membre de la direction générale.
Source : règlement délégué (UE) n° 604/2014 du 4 mars 2014
Il convient toutefois de noter que le règlement délégué précité du 4 mars 2014 n'est plus en vigueur depuis le 26 juin 2021. Se sont substituées à ses dispositions celles du règlement délégué 2021/923 de la Commission du 25 mars 2021, relatif à la fixation des critères permettant de recenser les membres du personnel dont les activités professionnelles ont une incidence sur le profil de risque de l'établissement107(*). Les articles 5 et 6 listent les critères qualitatifs et quantitatifs retenus pour définir les preneurs de risques. Si les critères quantitatifs sont plus restrictifs, s'agissant notamment du niveau de rémunération, les critères qualitatifs sont plus larges et conduisent à inclure les personnels qui exercent des fonctions de direction dans le domaine des affaires publiques, de la solidité des politiques et des procédures comptables, de la prévention du blanchiment de capitaux et du financement du terrorisme ou des accords d'externalisation.
Les preneurs de risques au sens du règlement délégué 2021/923
Les membres du personnel d'un établissement de crédit ou d'une entreprise d'investissement qui remplissent l'un des critères prévus à l'article 5 ou à l'article 6 sont considérés comme des preneurs de risques.
L'article 5 du règlement délégué liste les critères qualitatifs non cumulatifs qui permettent de considérer qu'un membre du personnel a une incidence significative sur le profil de risque d'un établissement. Ce membre du personnel peut :
- exercer des responsabilités dirigeantes dans les domaines suivants : affaires juridiques, solidité des politiques et des procédures comptables, finances (y compris fiscalité et établissement du budget), analyse économique, prévention du blanchiment de capitaux et du financement du terrorisme, ressources humaines, mise en place ou mise en oeuvre de la politique de rémunération, technologies de l'information, sécurité de l'information, gestion des accords d'externalisation de fonctions essentielles ou importantes ;
- être responsable d'un comité chargé de la gestion d'un de ces risques : contrepartie, concentration, titrisation, taux d'intérêt, liquidité et levier excessif, risque résiduel et opérationnel ;
- être chargé de formuler des propositions de crédits, de structurer des produits de crédits, être en mesure de pouvoir prendre, approuver ou opposer son veto à une décision concernant les expositions au risque de crédit ou encore être membre d'un comité formé à cet effet. Idem pour ce qui concerne les décisions portant sur des transactions du portefeuille de négociation ;
- exercer des responsabilités managériales à l'égard d'un groupe de membres du personnel qui ont individuellement le pouvoir d'engager l'établissement pour des transactions ;
- prendre la décision d'approuver ou d'opposer un veto à l'introduction de nouveaux produits ou être membre d'un comité qui a le pouvoir de prendre de telles décisions.
L'article 6 du règlement délégué liste les critères quantitatifs non cumulatifs qui permettent de considérer qu'un membre du personnel a une incidence significative sur le profil de risque d'un établissement. Les critères sont les suivants :
- le membre du personnel s'est vu accorder une rémunération totale égale ou supérieure à 750 000 euros au cours de l'exercice précédent ;
- le membre du personnel fait partie des 0,3 % des membres du personnel auxquels la rémunération totale la plus élevée a été accordée au cours de l'exercice précédent ;
- par renvoi aux a) et b) du paragraphe 3 de l'article 92 de la directive 2013/36/UE du 26 juin 2013 concernant l'accès à l'activité des établissements de crédit et la surveillance prudentielle des établissements de crédit, le membre du personnel qui est membre de l'organe de direction ou de la direction générale ainsi que le membre du personnel qui a des responsabilités dirigeantes sur les fonctions de contrôle de l'établissement ou sur les unités opérationnelles importantes.
Source : règlement délégué (UE) 2021/923 du 25 mars 2021
II. LE DISPOSITIF PROPOSÉ : ÉTENDRE LE PÉRIMÈTRE DES PRENEURS DE RISQUES
Le présent article remplace, au sein de l'article L. 511-84-1 du code monétaire et financier, la référence aux articles 3 et 4 du règlement délégué 604/2014 du 4 mars 2014 par la référence aux articles 5 et 6 du règlement délégué 2021/923 du 25 mars 2021.
Concrètement, cela conduit à élargir les personnels inclus dans la catégorie des preneurs de risques, et donc à élargir la liste des salariés du secteur financier pour lesquels une partie de leur rémunération variable est exclue du calcul de leurs indemnités de licenciement. Sont désormais inclus, sous réserve de satisfaire aux critères quantitatifs de rémunération, les personnels qui exercent des fonctions dans le domaine des affaires publiques, de la solidité des politiques et des procédures comptables, de la prévention du blanchiment de capitaux et du financement du terrorisme ainsi que des accords d'externalisation.
III. LES MODIFICATIONS APPORTÉES PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE
Le présent article n'a pas été modifié par l'Assemblée nationale.
IV. LA POSITION DE LA COMMISSION DES FINANCES : UN ALIGNEMENT SUR LE DROIT EUROPÉEN QUI CONDUIT À UN ÉLARGISSEMENT DES PERSONNELS CONCERNÉS PAR LA LIMITATION DU MONTANT DE LEURS INDEMNITÉS DE LICENCIEMENT
Il convient tout d'abord de noter que le présent article procède d'une nécessaire coordination quant à la définition des preneurs de risques : la référence au règlement délégué 604/2014 du 4 mars 2014 est obsolète depuis le mois de juin 2021 et l'entrée en application des dispositions du règlement délégué 2021/913 du 25 mars 2021. Ce faisant, cette adaptation conduit mécaniquement à élargir les professions concernées par les modalités dérogatoires de calcul des indemnités de licenciement, avec l'exclusion d'une partie de leur rémunération variable.
Si elle peut sembler manquer d'ambition, la mesure portée par le présent article représente toutefois un pas dans la bonne direction. Ainsi que l'a rappelé le rapporteur, le droit et le coût du travail constituent depuis de nombreuses années un frein à la compétitivité et à l'attractivité de la place financière de Paris. Les établissements sont réticents à localiser en France les personnes dont le coût de licenciement ne sera pas compétitif par rapport aux pays voisins : en audition, les représentants d'Europlace ont indiqué au rapporteur que seulement un cinquième des rémunérations de plus d'un million d'euros offertes par une grande banque française était localisé en France. Avec un coût de séparation d'un à dix, les établissements préfèrent localiser ces personnes à Londres par exemple, ce qui veut aussi dire y localiser une partie de leurs activités et les collaborateurs qui y sont attachés, au détriment du développement de la place de Paris.
Il ne s'agit pas pour autant de remettre en cause les principes fondamentaux du cadre protecteur français, mais de prévoir des adaptations pour des professions particulières. En l'espèce, les preneurs de risques occupent des métiers très exposés aux fluctuations économiques, ce qui peut justifier une flexibilité supplémentaire pour les établissements qui les emploient. Au sens du règlement européen, ce sont aussi des personnels aux rémunérations très élevées - plus de 750 000 euros annuels selon l'un des critères quantitatifs - dont il est raisonnable de penser qu'ils peuvent accepter des indemnités de licenciement en-deçà de ce qu'elles auraient été selon les modalités de calcul de droit commun. Pour ces métiers très cycliques aux rémunérations exceptionnelles, avec une très grande mobilité des salariés, exclure une partie de la rémunération variable du calcul des indemnités de licenciement apparaît justifié, et pas uniquement dans un objectif de renforcer la compétitivité de la place de Paris.
Au regard des différentiels de coûts de licenciement très élevés entre Paris et les autres places financières européennes, le rapporteur estime qu'un dispositif plus ambitieux aurait pu être envisagé. La question du plafonnement des indemnités de licenciement des preneurs de risques, à hauteur de dix fois le plafond de la Sécurité sociale par exemple, soit plus de 463 000 euros au 1er janvier 2024108(*) et sous réserve d'une variation selon l'ancienneté du salarié, aurait mérité d'être posée. Avant d'être introduite par voie d'amendement, elle nécessite toutefois des travaux complémentaires : des éléments publiés dans la presse109(*) indiquent que le Gouvernement aurait informellement saisi le Conseil d'État de cette question. Ce dernier aurait estimé que les éléments transmis étaient insuffisants en l'état pour justifier ce plafonnement dérogatoire et que ce dernier risquait donc d'être considéré comme contraire au principe constitutionnel d'égalité devant la loi. Le sujet du coût du travail n'est pourtant pas nouveau, et l'absence d'anticipation du Gouvernement ne peut qu'être regrettée.
Décision de la commission : la commission des finances a adopté cet article sans modification.
ARTICLE 13
Application des dispositions de la
proposition de loi
dans les collectivités d'outre-mer
Le présent article prévoit l'application de certaines dispositions de la proposition de loi en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie française ainsi que dans les îles Wallis et Futuna.
À l'initiative du rapporteur, la commission a adopté l'amendement COM-33 de coordination puis a adopté cet article ainsi modifié.
En application du principe de spécialité législative, les lois et les règlements ne sont applicables en Polynésie française, dans les îles Wallis et Futuna ainsi qu'en Nouvelle-Calédonie que sur mention expresse, sous réserve d'adaptation.
Ainsi, s'agissant des dispositions de la présente proposition de loi110(*) :
- le I de l'article 13 rend applicables en Nouvelle-Calédonie et en Polynésie française les articles 6 à 8 relatifs aux titres transférables, sous réserve des adaptations rendues nécessaires par le fait que les dispositions relatives au droit civil, au droit commercial, au droit des assurances et au droit des transports n'y sont pas applicables, en raison de la compétence de ces deux territoires ultra-marins pour définir les règles dans ces domaines ;
- le II prévoit l'application dans les îles Wallis et Futuna des modifications apportées par la proposition de loi au code de commerce. Il s'agit notamment des modifications relatives aux actions à droits de vote multiples (article 1er), aux augmentations de capital sans droit préférentiel de souscription (article 3) et aux modalités de tenue dématérialisée des assemblées générales (article 10). L'application de ces dispositions en Nouvelle-Calédonie et en Polynésie française n'est pas prévue puisque ces collectivités sont compétentes pour définir les règles en matière de droit des sociétés ;
- le III rend applicables dans les trois territoires certaines des modifications apportées au code monétaire et financier, s'agissant notamment de la composition de l'actif des fonds communs de placement à risques (article 2) et de la transmission par les sociétés de gestion de portefeuille d'informations aux autorités de supervision étrangères (article 4) ;
- le IV rend applicables à Wallis-et-Futuna et dans les Terres australes et antarctiques françaises les dispositions de l'article 9 relatif au connaissement maritime.
*
L'Assemblée nationale a adopté cet article modifié par six amendements rédactionnels et de coordination du rapporteur Alexandre Holroyd en commission et par un amendement de coordination du rapporteur en séance publique.
*
À l'initiative du rapporteur, la commission a adopté l'amendement de coordination COM-33 afin de rendre applicables à Wallis-et-Futuna :
- les articles 6 à 8 relatifs aux titres transférables, sous réserve d'adaptation pour tenir compte de la compétence du territoire en matière de droit civil, de droit commercial, de droit des assurances et de droit des transports ;
- les dispositions de l'article 1er (actions à droits de vote multiples), de l'article 3 (augmentation de capital sans droit préférentiel de souscription) et de l'article 10 (modalités de tenue dématérialisée des assemblées générales) ;
- les articles du code de commerce modifiés par les dispositions de la proposition de loi ;
- l'article 11 relatif à la spécialisation de la cour d'appel de Paris en matière d'arbitrage international.
Décision de la commission : la commission des finances a adopté cet article ainsi modifié.
ARTICLE 14
Entrée en vigueur
Le présent article prévoit une entrée en vigueur différée pour plusieurs dispositions de la présente proposition de loi.
À l'initiative du rapporteur, la commission a adopté l'amendement COM-34 de précision puis a adopté cet article ainsi modifié.
Aux termes de l'article 1er du code civil, « les lois et, lorsqu'ils sont publiés au Journal officiel de la République française, les actes administratifs entrent en vigueur à la date qu'ils fixent ou, à défaut, le lendemain de leur publication. Toutefois, l'entrée en vigueur de celles de leurs dispositions dont l'exécution nécessite des mesures d'application est reportée à la date d'entrée en vigueur de ces mesures ».
Ainsi, s'agissant des dispositions de la présente proposition de loi :
- le I de l'article 14 prévoit que le 2° de l'article 3, à savoir la suppression de l'encadrement du prix d'émission des augmentations de capital sans droit préférentiel de souscription, entre en vigueur trois mois après la publication de la loi ;
- le II prévoit que le 3° de l'article 3, à savoir les modalités de désignation des personnes auxquelles peut être réservée une augmentation de capital, et l'article 10, relatif à la tenue dématérialisée des assemblées générales, entrent en vigueur à une date fixée par décret en Conseil d'État, et au plus tard trois mois après la publication de la loi ;
- le III prévoit que le titre II (articles 6 à 9), relatif aux titres transférables, entre en vigueur à une date fixée par décret en Conseil d'État, et au plus tard neuf mois après la publication de la loi ;
- le IV prévoit que l'article 11, relatif à la spécialisation de la cour d'appel de Paris en matière d'arbitrage international, entre en vigueur à une date fixée par décret en Conseil d'État, et au plus tard le premier jour du douzième mois suivant la publication de la loi. Il est également précisé que les dispositions de cet article ne sont applicables qu'aux recours formés après son entrée en vigueur.
*
L'Assemblée nationale a adopté cet article sans modification.
*
À l'initiative du rapporteur et en concertation avec le rapporteur pour avis de la commission des lois, M. Louis Vogel, la commission a adopté l'amendement COM-34 afin de préciser les modalités d'entrée en vigueur de l'article 3 de la présente proposition de loi, relatif aux augmentations de capital sans droit préférentiel de souscription et dont l'examen a été délégué au fond à la commission des lois.
Décision de la commission : la commission des finances a adopté cet article ainsi modifié.
* 10 Se reporter à l'avis n° 574 (2023-2024) fait par M. Louis Vogel au nom de la commission des lois, déposé le 7 mai 2024.
* 11 Rapport d'information n° 574 (2016-2017), fait par M. Albéric de Montgolfier au nom de la commission des finances, déposé le 7 juin 2017 - « Places financières : quelle stratégie française face au Brexit ? ».
* 12 Directive 2009/65/CE du Parlement européen et du Conseil du 13 juillet 2009 portant coordination des dispositions législatives, réglementaires et administratives concernant certains organismes de placement collectif en valeurs mobilières.
* 13 Directive 2011/61/UE du Parlement européen et du Conseil du 8 juin 2011 sur les gestionnaires de fonds d'investissement alternatifs et modifiant les directives 2003/41/CE et 2009/65/CE ainsi que les règlements (CE) n° 1060/2009 et (UE) n° 1095/2010.
* 14 Article 38 de la loi n° 2004-1484 du 30 décembre 2004 de finances pour 2005.
* 15 Des exceptions sont prévues en cas de première cotation.
* 16 Aux termes du 5 bis de l'article 157 du code général des impôts, les produits et les plus-values procurés par les placements effectués dans le cadre d'un plan d'épargne en actions sont exonérés d'impôt sur le revenu si aucun retrait ou rachat n'est intervenu sur le plan pendant cinq ans.
* 17 Article 5 bis de la proposition de loi n° 586 (2021-2022) tendant à renforcer la protection des épargnants, déposée par MM. Jean-François Husson et Albéric de Montgolfier le 28 mars 2022.
* 18 Voir le commentaire de l'article 18, Avis n° 727 (2022-2023) sur le projet de loi relatif à l'industrie verte, fait par Mme Christine Lavarde, au nom de la commission des finances, 13 juin 2023.
* 19 Article 39 de la loi n° 2023-973 du 23 octobre 2023 relative à l'industrie verte.
* 20 Aucun amendement n'a été adopté au stade de l'examen en commission.
* 21 Selon la capitalisation boursière des entreprises en 2022.
* 22 Banque de France, Statistiques sur le plan d'épargne en actions et les PEA-PME, 13 juin 2023.
* 23 À noter, l'exonération d'impôt sur le revenu au titre des produits et des plus-values procurés par des placements en titres non cotés n'est que partielle : elle est limitée à 10 % du montant de ces placements (5° bis de l'article 157 du code général des impôts).
* 24 Autorité des marchés financiers , Rapport du groupe de travail sur le plan d'épargne en actions, avril 2023.
* 25 Banque de France, Statistiques sur le plan d'épargne en actions et les PEA-PME, 13 juin 2023.
* 26 En réponse au questionnaire du rapporteur.
* 27 Données communiquées au rapporteur par l'Association française de la gestion financière.
* 28 Pour davantage de détails sur les catégories de fonds, le lecteur est invité à se reporter au commentaire de l'article 2.
* 29 Les sommes peuvent également être affectées à l'acquisition de titres de sociétés d'investissement à capital variable, à l'acquisition de parts d'un fonds communs de placement d'entreprise investi en titres de l'entreprise ou à la souscription de valeurs mobilières émises par des sociétés créées par les salariés pour racheter leur entreprise.
* 30 Association française de la gestion financière, Statistiques sur les actifs d'épargne salariale et d'épargne retraite au 30 juin 2023.
* 31 Loi n° 2014-856 du 31 juillet 2014 relative à l'économie sociale et solidaire.
* 32 Article 49 de la loi n° 2023-1322 du 29 décembre 2023 de finances pour 2024.
* 33 Toujours dans la limite de 50 000 euros pour une personne seule.
* 34 Se reporter à l'avis n° 574 (2023-2024) fait par M. Louis Vogel au nom de la commission des lois, déposé le 7 mai 2024.
* 35 Loi n° 68-678 du 26 juillet 1968 relative à la communication des documents et renseignements d'ordre économique, commercial, industriel, financier ou technique à des personnes physiques ou morales étrangères.
* 36 Pour les entreprises, elles doivent en référer au service de l'information stratégique et de la sécurité économique, le Sisse, interlocuteur unique des entreprises pour ce qui concerne l'application de la loi de blocage. Le Sisse dispose d'un délai d'un mois pour rendre un avis sur l'applicabilité de la loi de blocage aux informations sollicitées, avis traduit en anglais que l'entreprise peut ensuite envoyer à l'autorité étrangère.
* 37 Cette expression renvoie à l'ensemble des acteurs impliqués dans le traitement d'une transaction financière. Aux termes de l'article D. 632-5 du code monétaire et financier, sont visés par l'application des dispositions de l'article L. 632-17 du même code les entreprises de marché qui gèrent un marché règlementé ou un système multilatéral de négociation, les dépositaires centraux d'instruments financiers, les gestionnaires de systèmes de règlement interbancaires et les gestionnaires de systèmes de règlement et de livraison d'instruments financiers, les chambres de compensation et les entreprises ayant le statut de société commerciale qui assurent la centralisation et l'enregistrement électronique de données relatives aux opérations sur instruments financiers.
* 38 Loi n° 2019-486 du 22 mai 2019 relative à la croissance et la transformation des entreprises.
* 39 Modification de l'article L. 531-4 du code monétaire et financier par l'ordonnance n° 2017-1107 du 22 juin 2017 relative aux marchés d'instruments financiers et à la séparation du régime juridique des sociétés de gestion de portefeuille de celui des entreprises d'investissement.
* 40 D'après les informations transmises par l'Autorité des marchés financiers au rapporteur.
* 41 Contribution écrite de l'Association française de gestion financière.
* 42 Il s'agit des produits dont le risque maximal n'est pas connu au moment de la souscription, dont le risque de perte est supérieur au montant de l'apport financier initial ou encore dont le risque de perte rapporté aux avantages éventuels correspondants n'est pas raisonnablement compréhensible au regard de la nature particulière du contrat financier proposé.
* 43 Une mesure activée pour la commercialisation d'options binaires. Les éléments transmis au rapporteur par la direction générale du Trésor indiquent que cette interdiction s'étend aux produits de pays tiers, y compris lorsqu'ils sont commercialisés via une succursale européenne.
* 44 Loi n° 2019-486 du 22 mai 2019 relative à la croissance et la transformation des entreprises.
* 45 Mission coprésidée par Béatrice Collot et Philippe Henry, « Accélérer la digitalisation des activités de financement du commerce international » juillet 2023.
* 46 D'après des estimations de la direction générale du Trésor.
* 47 Les crédits documentaires ne constituent toutefois pas en tant que tels des documents représentant un bien ou un droit ( titres transférables). Il s'agit de conventions par lesquelles un acheteur prie sa banque de remettre à un tiers qu'elle désigne une somme d'un montant déterminé en échange d'un titre représentant un droit ou un bien.
* 48 Chambre de commerce internationale (ICC France), Défis et opportunités de la digitalisation du commerce international. Livre blanc 2022, 2022.
* 49 Loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l'économie numérique.
* 50 Directive 2000/31/CE du Parlement européen et du Conseil du 8 juin 2000 relative à certains aspects juridiques des services de la société de l'information, et notamment du commerce électronique, dans le marché intérieur.
* 51 Ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 portant réforme du droit des contrats, du régime général et de la preuve des obligations.
* 52 Décret n° 2017-1416 du 28 septembre 2017 relatif à la signature électronique.
* 53 Loi n° 2016-1321 du 7 octobre 2016 pour une République numérique.
* 54 D'après les éléments transmis par la direction des affaires civiles et du Sceau lors de son audition par le rapporteur.
* 55 Loi n° 81-1160 du 30 décembre 1981 de finances pour 1982.
* 56 Arrêté du 17 juin 2013 fixant la liste des titres spéciaux de paiement dématérialisés en application de l'article L. 525-4 du code monétaire et financier.
* 57 Loi n° 76-519 du 15 juin 1976 relative à certaines formes de transmission des créances.
* 58 D'après les chiffres transmis par la direction générale du Trésor en réponse au questionnaire du rapporteur. Il convient toutefois de noter que même si un État n'a pas modifié son droit pour prévoir la dématérialisation des titres transférables, il peut les accepter, sans que ce ne soit une obligation.
* 59 Le droit allemand reconnaît l'usage de certains documents électroniques du commerce international depuis 2013. Un groupe de travail, dirigé par ICC Germany, a remis au mois d'octobre 2022 un rapport au ministère fédéral de la justice comprenant un projet de cadre juridique unique pour tous les documents électroniques de fret, d'entreposage et d'assurance, afin d'assurer la pleine compatibilité du droit allemand avec les principes de la loi type de la CNUDCI.
* 60 D'après les éléments transmis par la direction générale du Trésor lors de son audition par le rapporteur.
* 61 D'après les éléments transmis par Europlace lors de son audition par le rapporteur.
* 62 Règlement (CE) n°593/2008 du Parlement européen et du Conseil du 17 juin 2008 sur la loi applicable aux obligations contractuelles, dit Rome I.
* 63 Règlement (UE) n° 910/2014 du Parlement européen et du Conseil du 23 juillet 2014 sur l'identification électronique et les services de confiance pour les transactions électroniques au sein du marché intérieur et abrogeant la directive 1999/93/CE.
* 64 Règlement (UE) 2020/1056 du Parlement européen et du Conseil du 15 juillet 2020 concernant les informations électroniques relatives au transport de marchandises.
* 65 Décret n° 2017-1416 du 28 septembre 2017 relatif à la signature électronique.
* 66 Règlement (UE) n° 910/2014 du Parlement européen et du Conseil du 23 juillet 2014 sur l'identification électronique et les services de confiance pour les transactions électroniques au sein du marché intérieur et abrogeant la directive 1999/93/CE.
* 67 Règlement (UE) 2020/1056 du Parlement européen et du Conseil du 15 juillet 2020 concernant les informations électroniques relatives au transport de marchandises.
* 68 Ordonnance n° 2017-1674 du 8 décembre 2017 relative à l'utilisation d'un dispositif d'enregistrement électronique partagé pour la représentation et la transmission de titres financiers.
* 69 Règlement (UE) 2022/858 du Parlement européen et du Conseil du 30 mai 2022 sur un régime pilote pour les infrastructures de marché reposant sur la technologie des registres distribués, et modifiant les règlements (UE) no 600/2014 et (UE) no 909/2014 et la directive 2014/65/UE.
* 70 Loi n° 2023-171 du 9 mars 2023 portant diverses dispositions d'adaptation au droit de l'Union européenne dans les domaines de l'économie, de la santé, du travail, des transports et de l'agriculture.
* 71 D'après les éléments transmis par Europlace lors de son audition par le rapporteur.
* 72 D'après les éléments transmis par la direction des affaires civiles et du Sceau lors de son audition par le rapporteur.
* 73 D'après les éléments transmis par la direction générale du Trésor lors de son audition par le rapporteur.
* 74 Ibid.
* 75 Ibid.
* 76 Pour davantage de détails sur les titres transférables électroniques, le lecteur est invité à se reporter aux commentaires des articles 6 à 8 de la présente proposition de loi.
* 77 Arrêté du 20 juillet 1960 portant création d'un connaissement fluvial négociable.
* 78 D'après les éléments transmis par la direction des affaires civiles et du Sceau en réponse au questionnaire du rapporteur.
* 79 Se reporter à l'avis n° 574 (2023-2024) fait par M. Louis Vogel au nom de la commission des lois, déposé le 7 mai 2024.
* 80 Se reporter à l'avis n° 574 (2023-2024) fait par M. Louis Vogel au nom de la commission des lois, déposé le 7 mai 2024.
* 81 Se reporter à l'avis n° 574 (2023-2024) fait par M. Louis Vogel au nom de la commission des lois, déposé le 7 mai 2024.
* 82 Se reporter à l'avis n° 574 (2023-2024) fait par M. Louis Vogel au nom de la commission des lois, déposé le 7 mai 2024.
* 83 Directive 2009/65/CE du Parlement européen et du Conseil du 13 juillet 2009 portant coordination des dispositions législatives, réglementaires et administratives concernant certains organismes de placement collectif en valeurs mobilières.
* 84 Directive 2011/61/UE du Parlement européen et du Conseil du 8 juin 2011 sur les gestionnaires de fonds d'investissement alternatifs et modifiant les directives 2003/41/CE et 2009/65/CE ainsi que les règlements (CE) n° 1060/2009 et (UE) n° 1095/2010.
* 85 Autorité des marchés financiers, « Chiffres clés 2022 de la gestion d'actifs », janvier 2024.
* 86 Fonds dont le contrat garantit la réalisation d'un objectif financier prédéfini.
* 87 S'il n'existe aucune définition uniforme, les hedge funds présentent des caractéristiques communément admises, telles que l'absence de diversification des actifs, l'utilisation potentiellement illimitée de produits dérivés et de techniques financières complexes, le recours intensif aux effets de levier ainsi qu'une certaine illiquidité.
* 88 Hors titrisation.
* 89 Autorité des marchés financiers, « Chiffres clés 2022 de la gestion d'actifs », janvier 2024.
* 90 Banque de France, « Épargne des ménages 2023T3 », 14 février 2024.
* 91 Haut comité juridique de la place financière de Paris, « Adéquation du droit des fonds d'investissement et du droit des sociétés », décembre 2021.
* 92 Les organismes de placement collectif immobilier peuvent prendre la forme soit d'une société d'investissement à capital variable (Sicav), soit d'un fonds commun de placement.
* 93 Autorité des marchés financiers, « Rapport sur les travaux du groupe de travail sur la fin de vie des fonds de capital investissement », 28 juillet 2022.
* 94 Haut comité juridique de la place financière de Paris, « Le régime de liquidation des fonds d'investissement en situations spéciales », octobre 2023.
* 95 En sachant que le Haut comité juridique de la place financière de Paris a exclu de sa réflexion les fonds d'investissement alternatifs « autres ».
* 96 Les éléments complémentaires par rapport à ceux cités par les dispositions de l'article 10 quater ont été transmis par la direction générale du Trésor en réponse au questionnaire du rapporteur.
* 97 Autorité des marchés financiers et Compagnie nationale des commissaires aux comptes, « Guide des relations entre l'Autorité des marchés et les commissaires aux comptes », mise à jour avril 2022.
* 98 Pour davantage de détails, le lecteur est invité à se reporter au commentaire de cet article.
* 99 Se reporter à l'avis n° 574 (2023-2024) fait par M. Louis Vogel au nom de la commission des lois, déposé le 7 mai 2024.
* 100 Se reporter à l'avis n° 574 (2023-2024) fait par M. Louis Vogel au nom de la commission des lois, déposé le 7 mai 2024.
* 101 Rapport d'information n° 574 (2016-2017) fait par M. Albéric de MONTGOLFIER au nom de la commission des finances, déposé le 7 juin 2017 - « Places financières : quelle stratégie française face au Brexit ? ».
* 102 Commission des finances, Audition de Mme Marie-Anne Barbat-Layani, présidente de l'Autorité des marchés financiers et de MM. Didier Martin, membre expert honoraire du Haut Comité Juridique de la Place Financière de Paris, et Jean-Charles Simon, délégué général d'Europlace, sur le thème de l'attractivité financière de la France, 3 avril 2024.
* 103 Article 77 de la loi n° 2019-486 du 22 mai 2019 relative à la croissance et la transformation des entreprises.
* 104 À noter qu'il s'agit d'une dérogation spécifique au secteur financier, le principe prévalant étant celui prévu à l'article L. 1331-2 du code du travail, à savoir qu'en matière disciplinaire, lorsqu'un agissement du salarié est tenu pour fautif par l'employeur, les amendes et les sanctions pécuniaires sont interdites, toute clause en ce sens étant frappée de nullité.
* 105 Les nullités visées sont la violation d'une liberté fondamentale, des faits de harcèlement moral ou sexuel, un licenciement discriminatoire, un licenciement consécutif à une action en justice en matière d'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes ou à une dénonciation de crimes et délits, un licenciement d'un salarié protégé en raison de son mandat ainsi qu'un licenciement d'un salarié en méconnaissance des protections de la grossesse ou du congé de paternité.
* 106 Règlement délégué (UE) n° 604/2014 de la Commission du 4 mars 2014 complétant la directive 2013/36/UE du Parlement européen et du Conseil par des normes techniques de réglementation en ce qui concerne les critères qualitatifs et quantitatifs appropriés permettant de recenser les catégories de personnel dont les activités professionnelles ont une incidence significative sur le profil de risque d'un établissement.
* 107 Règlement délégué (UE) 2021/923 de la Commission du 25 mars 2021 complétant la directive 2013/36/UE du Parlement européen et du Conseil par des normes techniques de réglementation fixant les critères permettant de définir les responsabilités dirigeantes, les fonctions de contrôle, l'unité opérationnelle importante et l'incidence significative sur le profil de risque de cette unité, et fixant les critères permettant de recenser les membres du personnel ou les catégories de personnel dont les activités professionnelles ont une incidence sur le profil de risque de l'établissement qui est comparativement aussi significative que celle des membres du personnel ou catégories de personnel visés à l'article 92, paragraphe 3, de ladite directive.
* 108 Plafond fixé à 46 368 euros au 1er janvier 2024.
* 109 Voir par exemple Les Échos, « Traders : le Conseil d'État contre un plafonnement des indemnités de licenciement », 23 avril 2024.
* 110 S'agissant du contenu de chacun des articles, le lecteur est invité à se reporter aux commentaires d'article.